La plupart des études sur les facteurs pronostiques
des cancers du pancréas exocrine concernent les
malades dont le cancer a étéréséqué, qui sont en
minorité[1-3]. En effet, près de 30 % des malades
ne sont pas opérés et parmi les opérés, 55 à70 %
n’ont pas de résection de leur tumeur [4-7].
En l’absence d’exérèse du cancer, la survie des
malades est trèsbrève, de l’ordre de huit mois après
chirurgie palliative [5, 8]. Dans ces cas, la connais-
sance des facteurs pronostiques chez des malades
qui n’ont pas de facteurs de risque opératoire mais
une probabilitéde survie particulièrement brève,
permettrait de ne pas obérer cette survie par une
intervention chirurgicale et l’hospitalisation qu’elle
nécessite. De plus, dans une préoccupation similaire,
l’indication ou le choix des traitements complémen-
taires, chimiothérapie, radiothérapie ou association
des deux, devrait tenir compte de la durée de survie
prévisible des malades.
Le but de cette étude était de chercher, chez des
malades qui avaient un cancer du pancréas exocrine
et qui n’ont pas eu d’exérèse àvisée curative, les
variables indépendamment liées àleur pronostic et
de proposer un score prédictif de survie.
PATIENTS ET MÉTHODE
Cette étude prospective, multicentrique a étéréali-
sée par 25 équipes hospitalières françaises. Elle a
reposésur les données recueillies chez 166 malades
qui avaient étéinclus de novembre 1987 àdécembre
1988 dans un essai randomisésur l’hormonothéra-
pie [9].
Tous les malades avaient un adénocarcinome du
pancréas confirmépar une biopsie chirurgicale ou
transcutanée de la tumeur (93 cas, soit 56 %) ou de
métastase hépatique (38 cas, soit 23 %) ou de nodu-
le(s) de carcinose péritonéale (35 cas, soit 21 %)
et/ou d’adénopathie (28 cas, soit 17 %). Les tumeurs
endocrines, les ampullomes et les cholangiocarcino-
mes ont étéexclus. Seuls ont étéinclus des malades
qui n’ont pas eu d’exérèse àvisée curative.
Il y avait 104 hommes (63 %) et 62 femmes
(37 %). Leur âge moyen était de 65 ans (extrêmes :
26–84 ans). La tumeur siégeait le plus souvent dans
la tête du pancréas (98 cas, soit 59 %), plus rarement
dans l’isthme ou le corps (25 cas, soit 15 %) ou dans
la queue du pancréas (9 cas, soit 5 %). Elle intéres-
sait deux segments du pancréas chez 31 malades
(19 %) et était diffuse chez trois malades (2 %). Elle
mesurait en moyenne 4,3 cm (extrêmes : 2–16 cm).
Il existait des métastases chez 89 malades (54 %), le
plus souvent hépatiques (58 cas, soit 35 %), plus
rarement péritonéales (15 cas, soit 9 %), ou les deux
(16 cas, soit 10 %).
Dix malades (6 %) n’ont pas étéopérés. Les autres
ont eu des dérivations biliaires et/ou digestives (115
cas, soit 69 %), une splanchnicectomie isolée (19
cas, soit 12 %), une laparotomie simple (13 cas, soit
8 %), ou une exérèse palliative (9 cas, soit 5 %).
Dix-sept covariables ont étéétudiées (tableau I).Il
s’agissait de huit covariables cliniques : le sexe,
l’âge, les antécédents de diabète (39 patients, soit
24 %), l’existence de douleurs (83 patients, soit
50 %), d’un ictère (82 patients, soit 51 %), d’une
ascite (17 patients, soit 10 %), d’un amaigrissement
inférieur ou supérieur à10 kg (amaigrissement
moyen de 12,5 kg ; extrêmes de 0 à46 kg), de
l’indice de Karnofsky (<1 chez 128 patients, soit
77 %, et de 1 à4 chez 38 patients, soit 23 %). Les
quatre covariables liées àl’extension du cancer étu-
diées ont étéla taille de la tumeur (≤4 cm chez 100
patients, soit 60 %), la localisation du cancer, l’exis-
tence de métastases (89 patients, soit 54 %), et
d’adénopathies (97 patients, soit 58 %). Les cinq
covariables biologiques étudiées ont étéla protéiné-
mie (supérieure ou non à64 g/L), la créatininémie
(supérieure ou non à76 mmol/L), la bilirubinémie
(supérieure ou non à83 mmol/L), le CA 19-9 (supé-
rieur ou non à442 UI/L), le Ca 125 (supérieur ou
non à120 UI/L). Les covariables quantitatives (âge,
taille de la tumeur, et covariables biologiques), ont
étédiscrétisées en retenant comme seuil les valeurs
médianes.
Les liens entre les covariables et la survie de
Kaplan-Meier ont étéétudiés par le test du Log rank.
Les covariables associées àla survie (p≤0,10) ont
ensuite étéincluses dans une analyse multivariée
pas-à-pas descendante en utilisant le modèle de Cox.
Les résultats ont étéexprimés en risques relatifs avec
leurs intervalles de confiance à95 %. Enfin, un score
pronostique a étéproposéen utilisant la valeur
arrondie la plus proche du rapport des coefficients
de la régression du modèle de Cox, divisépar leur
écart type.
RÉSULTATS
Le tableau I montre les résultats de l’étude univa-
riée. Sur les 17 covariables étudiées, sept étaient de
626 B. Trigui et al.