Comment mesurer les “performances” des universités ? Frédéric Lebaron
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domination de critères de type “économique” aux établissements, au
détriment d’autres mesures et, partant, d’autres catégories d’évaluation de
l’activité universitaire.
Encadré 1. — Des politiques publiques tournées vers
l’objectivation systématique des performances
Largement inspirée par la montée du « new public management » (NPM) dans la
réforme de l’État 1, et par l’impulsion de la nouvelle méthode de gouvernance
européenne, notamment après le sommet européen de Lisbonne de mars 2000,
l’objectivation quantitative des performances est incontestablement aujourd’hui
l’une des principales dimensions des politiques publiques en matière de recher-
che et d’enseignement supérieur. C’est, en particulier, dans le cadre communau-
taire que la mise en indicateurs s’est imposée comme modalité essentielle de
l’action publique. La “stratégie de Lisbonne” repose ainsi sur la pratique du
benchmarking, qui s’appuie sur les vertus intrinsèques de la comparaison et de la
quête indéfinie des « meilleures pratiques » dans le but de transformer de façon
incitative l’action publique 2. Le domaine de l’enseignement supérieur et, sur-
tout, de la recherche est au cœur de cette stratégie, avec la volonté de construire
une « économie de la connaissance » hautement compétitive, rendant possible la
croissance, l’investissement, la création d’emplois, etc. Les indicateurs associés
sont de natures très diverses, mais convergent vers la nécessité d’une rentabilisa-
tion économique et plus précisément marchande de la recherche. Mesurés au
niveau des différents pays, ces indicateurs peuvent au moins en théorie se décli-
ner au niveau régional, voire à un niveau encore plus restreint. Ils constituent un
cadre politique et cognitif prégnant, au sein duquel s’élaborent les stratégies
nationales et, de plus en plus, régionales.
Le cadre général des politiques publiques a été, parallèlement, profondément
transformé, en France, par la promulgation de la LOLF (2001), qui promeut une
nouvelle culture administrative, la « culture de l’objectif », reposant sur elle aussi
l’objectivation systématique des « performances » à travers le recours à des indica-
teurs. Fondé sur la valorisation, directement issue du NPM, de la « transparence »
et de l’« évaluation » comme instrument de changement des comportements 3,
1 Sur l’introduction du NPM et du management quantitatif dans le secteur
éducatif, on se reportera à A. Vinokur (dir.), Pouvoirs et mesure en éducation.
Numéro spécial hors-série nº 1, Cahiers de la recherche sur l’éducation et les
savoirs, juin 2005 (textes téléchargeables sur le site de FOREDUC :
http://netx.u-paris10.fr/foreduc).
2 I. Bruno, À vos marques, prêts… cherchez ! La stratégie européenne de Lisbonne
vers un marché de la recherche, Bellecombe-en-Bauges, Croquant, 2008.
3 E. Arkwright, C. de Boissieu, J.-H. Lorenzi, J. Samson, « Modifier les
comportements par la transparence et l’évaluation », chap. 4, in Économie
politique de la LOLF, Rapport pour le Conseil d’analyse économique, Paris,
Documentation française, 2007.