Journée d’études sur l’actualité des écrits du Professeur André NICOLAÏ-KIEL
En janvier 2011 et dans le plus grand anonymat, est décédé André Nicolaï, professeur de
sciences économiques aux universités de Lille puis de Paris X-Nanterre. André Nicolaï a
produit en 1960 un ouvrage réputé « Comportements économiques et structures sociales »,
réédité en 1999. Il a publié de nombreux articles sur l’inflation, la désépargne, sur le thème de
la rationalité économique, en économie du développement et dans le domaine de
l’épistémologie des sciences économiques…
Le grand projet d’André Nicolaï aura été d’élaborer une anthropologie économique.
L’économie renvoie à l’activité des hommes qui vise à la production des biens nécessaires à
leur existence dès lors que cette activité est orientée par le désir d’argent. Le mot
d’anthropologie est pris dans le sens d’une science sociale totale avec pour objectif d’étudier
la société sous tous ses aspects. Il en résulte un corpus pluridisciplinaire poussant
l’économiste à emprunter des idées et des concepts aux autres sciences sociales : la
sociologie, la démographie, la psychologie, la psychanalyse…. L'anthropologie économique
résout ainsi à sa manière un certain nombre de conflits de méthode, constitutifs des sciences
sociales : holisme/ individualisme, équilibre statique / conjonctures, évolution
historique/récurrence ethno-centrique….
L’anthropologie économique cherche à combiner analyse des structure et mise en évidence de
schémas de comportement. Du coté des schémas de comportement, André Nicolaï considérait
la conception des économistes comme trop restreinte. Ils oublient les apports du psychologue
Jean Piaget qui retient comme schème caractéristique de l’intelligence outre le mécanisme de
sériation, les opérations de classification et le principe de conservation des quantités et
longueur.. De même, André Nicolaï aura été un des premiers économistes à parler de «
rationalité adaptative » et de « rationalité satisfaisante». Pour comprendre cette rationalité
adaptative, il introduira dans ses écrits l’analyse freudienne, notamment les pulsions
d’agressivité et le Surmoi. La psychanalyse et le marginalisme ont, selon André Nicolaï
(1974) des postulats communs : un principe de plaisir et un principe de réalité. Le principe de
plaisir se traduit en économie par la maximisation des satisfactions, en psychanalyse par le
maximum de réalisation des pulsions par le Ça. Le principe de réalité tient compte des
contraintes budgétaires d’un côté, des cultures intériorisées dans le Surmoi de l’autre. Il
existe deux types d’économicité, l’une au niveau de la personne, l’autre au niveau du marché.
Ces deux types n’ont jamais pu se rencontrer, or ils peuvent s’intégrer dans un schéma
commun.
André Nicolaï amenait ses interlocuteurs à se poser des questions et à s’ouvrir à la complexité
du monde. Avec lui, des générations d’étudiants des universités de Lille et de Paris X
Nanterre auront donc été incités à lire Karl Marx, Joseph Schumpeter mais aussi Sigmund
Freud, Pierre Clastre, Yves Barel ou encore Cornélius Castoriadis… (liste non-limitative). Il a
appris à de nombreux jeunes chercheurs à se faire plaisir tout en étant rigoureux, à chercher
l’idée originale, à savoir critiquer les maîtres, plutôt que de pratiquer les commentaires
scolastiques sinon le recopiage. Ainsi, André Nicolaï s’interrogea sur des objets peu abordés
par les économistes : le pouvoir avec une activité économique au travers de laquelle se
construisent et s’exercent des relations de domination entre les acteurs ; le ludique avec l’idée
que si le jeu des acteurs est bien motivé par des gratifications matérielles tel que l’argent, il
repose aussi sur un principe de plaisir. De même, André Nicolaï s’est aventuré dans les études
féministes à Nanterre et dans la direction scientifique à l’ORSTOM.