4ème Journée Européenne de la Dépression 14h30 : Comment passer des recommandations aux pratiques ? Intervenante : Emmanuelle CORRUBLE, professeur de psychiatrie. Première partie : La question du diagnostic de dépression - Il y a de réelles avancées dans la définition des dépressions. Trouble dépressif unipolaire Ce trouble corresponde à la survenue d’un ou plusieurs épisodes dépressifs majeurs, c’est-à-dire caractérisées. En prenant en compte les critères du DSM IV, nous pouvons dire qu’il ne suffit pas des symptômes pour parler de trouble dépressif, il convient également de prendre en compte la souffrance clinique et l’altération socioprofessionnelle. Une distinction est à faire entre deuil et dépression. Trouble mental le plus fréquent C’est un trouble qui n’a pas une cause très bien identifiée. La prévalence à un an est de 3 % à 5 % de la population générale ; la prévalence sur la vie entière est de 20% de la population générale. On retrouve une augmentation de la morbidité psychiatrique Pronostic sévère Nous constatons une altération du fonctionnement quotidien et de la qualité de vie, une augmentation de la morbidité somatique et psychiatrique et aussi une péjoration du pronostic. En 2020, la dépression sera au deuxième rang en termes de coût global et en 2030, celle-ci occupera le premier rang. Toutefois, les taux de ces diagnostics sont encore insuffisants dans la pratique. - Il s’agit d’un trouble toujours sous-diagnostiquée. Pourquoi ? La stigmatisation persistante des troubles psychiatriques. La complexité clinique du quotidien : de part les comorbidités somatiques et les comorbidités psychiatriques (conduites addictives). La disponibilité des médecins : il y a de moins en moins de médecins généralistes et psychiatres et également un temps insuffisant pour les consultations de médecins généralistes. Une formation insuffisante des médecins qui recourent à des apriori, des jugements de valeur,… - Les symptômes dépressifs ou troubles dépressifs : une distinction insuffisamment connue. Définition des troubles dépressifs. Deuxième partie : Le traitement de la dépression. - Les traitements recommandés sont une réelle avancée des connaissances. Il s’agit des antidépresseurs, des psychothérapies et des autres thérapeutiques telles que l’électroconvulsothérapie (ECT), rTMS, ou encore la luminothérapie. - Les critères de choix vont être les antécédents, l’histoire du trouble dépressif ainsi que la sévérité actuelle du trouble. - Des progrès sont à réaliser dans la pratique quotidienne de part l’inadéquation relative des prescriptions d’antidépresseurs, la posologie d’antidépresseurs souvent insuffisantes et aussi de part le flou autour des psychothérapies. Faut-il préconiser un soutien ou une psychothérapie structurée ? Pendant longtemps, les sujets déprimés étaient traités avec des tranquilisants (benzodiazépines). Dans un cas sur deux, le pronostic est adapté. Cela signifie que dans 50% des cas, il n’est pas adapté. Certains, même, n’ont aucun accès aux soins. Or, quelqu’un qui souffer d’un trouble dépressif doit consulter un psychiatre. Les troubles dépressifs sont amenés à augmenter dans l’avenir. Quels sont les progrès à réaliser ? C’est un enjeu de santé publique, cette estimation est à prendre pour ce qu’elle est. L’avancée des troubles dépressifs est plus rapide que l’avancée des maladies cardiovasculaires. Un autre facteur doit être pris en compte c’est l’interaction des molécules des cocktails traitant les troubles dépressifs. L’évaluation du traitement de base avant d’ajouter un traitement doit être un souci de chaque consultation. Quelquefois, le constat est fait d’une infantilisation du patient psychiatrique car étant objet de soin plutôt que sujet de soin. Quelle est la part donnée à la pharmacologie dans la formation médicale ? La formation médicale est générale et c’est en sixième année, qu’intervient la spécialisation avec huit heures de cours sur le maniement des psychotropes. 15h : Les différentes formes d’expression des troubles bipolaires. Intervenants : Dr GIACOMUZZI. Christian GAY, psychiatre. Témoignage d’un patient : Madame Sophia Sophia a fait sa première crise dépressive à 15 ans, celle-ci se caractérisait par de la tristesse et le repli sur soi pendant plusieurs mois. Son entourage ne posait pas trop de questions. Elle dit même : « Quand on se sent mieux en étant bipolaire, c’est comme une renaissance ». Le Dr GAY commente ces troubles : leur fréquence est élevée. La souffrance est extrême pour le patient et pour l’entourage durant les phases mixtes et maniaques. La mortalité en est élevée. Le suicide est surreprésenté car étant trois fois plus élevé par rapport à la population générale. On retrouve aussi beaucoup de comorbidités telles que les dépendances alcooliques et tabagiques, et les conduites à risques. C’est aussi un trouble périodique considéré comme la sixième cause de handicap. Ce qu’évoque Sophia correspond à la période de lune de miel au début de la manie. Sous traitement, le taux de mortalité devient inférieur à la population générale. Lorsque le traitement est efficace, il y a atténuation. C’est une maladie grave et invalidante. Le diagnostic de Sophia a été posée 10 ans après, elle est âgée alors de 25 ans. Le père de Sophia ainsi que sa grand-mère et sa tante sont maniaco-dépressifs et s’est interrogé sur l’idée de vulnérabilité familiale. Il y a une évolution fréquente vers la chronicité et au niveau de la durée, une mauvaise observance thérapeutique. La maladie génère un surcoût et de ses conséquences. Quelques propos de Sophia sont retranscris ci-après pour une approche de la dimension humaine de cette maladie: « je n’étais pas maître de ma tête, je me souvenais celle que j’aurais pu être », « j’étais bourré d’antidépresseurs et d’anxiolytiques », « j’étais usée, je n’avais plus d’espoir », « je ne croyais plus en rien ». La maladie est déterminée par un ensemble de facteurs tels que les évènements de vie précoces, le déterminisme génétique et l’environnement. On peut très bien être porteur de la vulnérabilité génétique et ne pas déclencher la maladie. Les premières manifestations vont être une cassure dans la vie du sujet, un changement du caractère, des excès de toutes sortes (sexualité, sport,…), un excès d’optimisme, des conflits multiples, une bouffée délirante et une dépression. Dans la moitié des cas, le trouble bipolaire est inauguré par un état dépressif. Le tempérament (différent de la personnalité) est déterminé génétiquement. Les différentes catégories de troubles bipolaires sont les suivantes : - BP I : incluant ceux qui font des épisodes de manies aigües - BP II : comprenant les individus qui ne font pas des épisodes très élevés et où la dépression est au centre. - BP III : incluant ceux qui ne font que des dépressions et ceux qui ne font que des épisodes dépressifs. - Cyclothymie : pour ceux présentant des épisodes dépressifs et maniaques atténués, non identifiés comme tels. - Troubles schizo-affectifs. Les troubles maniaco-dépressifs sont mieux identifiés que les troubles bipolaires. Les troubles bipolaires peuvent évoluer vers une MDI (Manie, Dépression, Inter), DMI ou des évolutions circulaires. L’état mixte est un mode d’expression particulier car les symptômes ne sont pas identifiés ou sont attribués à d’autres troubles 16h : Travail en réseau autour du patient dépressif : les effets de potentialisation et de synergie induits par le programme EAAD ( European Alliance Against Depression) Intervenants : Dr Jean-Hervé BOULEAU, Centre Hospitalier de Pontoise ; Dr Daniel FERREIRA, AMETIF (Association Interentreprises de Médecine du Travail). Le recours aux soins est très limité. Quels sont les enjeux de la prise en charge de la dépression ? Ce sont l’intrication entre dépression et insertion sociale et professionnelle et aussi la mise en œuvre simultanée selon quatre axes d’interventions qui sont : 1. Le renforcement de la coopération entre médecins généralistes et psychiatre. 2. L’implication des professionnels relais dans le repérage, l’information et l’orientation. 3. L’information du grand public. 4. La prise en charge spécifique des groupes à risques. L’association interentreprises de médecine du travail (AMETIF) est une organisation de droit privé sous le contrôle du Ministère du travail. Elle a pour objet d’éviter toute altération de la snaté par le travail. Les constats sont les suivants : 10% des salariés sont touchés par la dépression, la santé mentale est la deuxième cause d’inaptitude au travail, la dépression a des conséquences sur le travail et inversement, la situation de travail a un impact sur la dépression. Une visite de pré-reprise avec le médecin du travail est à envisager deux à trois semaines avant la reprise afin d’anticiper les démarches d’aménagement nécessaires. En 2005, lors de l’enquête de l’EAAD, les médecins du travail s’estimaient insuffisamment formés à la dépression. Pour pallier à cette carence, des formations ont été mises en place en 2006 par cette organisation : 36 médecins sur 40 en ont bénéficié. Dans le cadre de ces formations animées par des psychiatres, l’objectif est de former ces professionnels au repérage et au diagnostic de la dépression. Suite aux formations, les médecins du travail se disaient très satisfaits. Un homme, anciennement responsable d’un restaurant et présentant des troubles bipolaires témoignait après une affection longue durée (ALD) de sa situation. Des responsables de l’entreprise RENAULT était attendus pour présenter leur programme de prévention de la dépression, mais ne sont pas présents. L’évolution des pratiques, la convention AERAS Intervenant : Dr Martine REVERBERI, médecin conseil en chef de la Caisse Nationale de Prévention (CNP). La saga des conventions d’assurabilité Assurance et Sida : une ancienne convention organisait les conditions d’assurance des emprunteurs en garantie et au décès seulement des personnes séropositives. La nouvelle convention Belorgey, signée le 19 septembre 2001, assure toutes les personnes présentant un risque de santé aggravée. Elle comprend trois volets. En cas de dépression nerveuse, les risques assurés sont l’Incapacité Temporaire de Travail (ITT), l’invalidité définitive, etc… L’évaluation de ces risques s’appuie sur un questionnaire de santé ou une déclaration d’état de santé. La durée de l’arrêt de travail constitue ainsi un indicateur de la dépression. La dépression nerveuse : particularités en assurance Lors de l’entrée dans l’assurance et lors de l’incapacité de travail, une asymétrie des informations ainsi qu’une rareté des documents sont observés. En effet, la dépression qui est une maladie non objectivable et qui peut aussi être masquée, permet difficilement d’apprécier le risque.