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Traitement de l'asthme
par Laurence Desplanques*, Isabelle Titti-Dingong**
* Médecin-généraliste, Médicus Mundi, Paris.
** Pédiatre, Médicus Mundi, Paris.
La prise en charge de la maladie asthmatique repose sur l'utilisation d'un certain
nombre de médicaments. La participation active de l'asthmatique et de sa famille à
la gestion de la maladie et du traitement est une part essentielle de cette prise en
charge. L'éducation de l'asthmatique est donc la première étape de la démarche
thérapeutique. Elle seule permet d'utiliser de façon efficace les médicaments qui
vont supprimer ou prévenir la survenue des crises.
Le traitement de l'asthme comprend deux éléments :
- le traitement de la manifestation aiguë qu'est la crise d'asthme ;
- le traitement préventif de la survenue des crises : il s'agit alors de la prise en charge
d'une maladie chronique pour laquelle la stratégie thérapeutique est élaborée en
fonction de la sévérité de la maladie.
I. Les médicaments de l'asthme
Les médicaments de la crise d'asthme doivent être actifs sur :
- l'obstruction bronchique : ce sont les bronchodilatateurs,
- l'inflammation des voies aériennes: ce sont les anti-inflammatoires.
1. Les bronchodilatateurs
a. Les bêta 2 mimétiques
(salbutamol - terbutaline ... ).
Ils permettent le relâchement du muscle lisse bronchique (par stimulation des
récepteurs bêta 2). Ils n'ont pas d'effet anti-inflammatoire, mais ils augmentent la
clairance mucociliaire.
Les bêta 2 mimétiques sont les plus utilisés dans le traitement de la crise d'asthme.
Ils existent sous diverses formes permettant l'administration :
par voie locale.
- aérosol doseur pressurisé (spray)
- solutions pour nébulisation
- poudre pour inhalation.
 par voie orale:
- comprimés à libération normale ou retardée
- sirop à usage pédiatrique.

-
par voie injectable
pour injection sous-cutanée
pour injection intraveineuse.
L'effet par inhalation ou par injection est très rapide (quelques minutes), il reste
maximal pendant environ une heure. La durée d'action est de l'ordre de quatre à six
heures. Les formes orales présentent moins d'intérêt dans la crise, car l'effet est trop
tardif et les effets secondaires plus importants qu'avec les formes inhalées. La forme
intraveineuse est exclusivement réservée aux formes sévères, prises en charge en
milieu hospitalier, avec surveillance cardio-vasculaire. Les bêta 2 mimétiques
s'administrent alors en injection intraveineuse à débit continu.
Les contre-indications absolues des bêta 2 mimétiques sont rares: troubles du
rythme cardiaque non contrôlés, insuffisance cardiaque décompensée.
b. La théophylline
C'est le plus ancien médicament de l'asthme. Bronchodilatateur, moins efficace que
les bêta 2 mimétiques, il agit également en augmentant la clairance mucociliaire et
en améliorant la contraction des muscles striés (diaphragme).
L'utilisation de la théophylline est limitée par le risque de toxicité: en effet, les
concentrations toxiques sont proches des concentrations thérapeutiques.
Le
métabolisme de la théophylline varie selon les sujets, leur âge (plus rapide chez les
enfants), certains médicaments associés (macrolides en particulier). Le traitement
est difficile à ajuster si on ne peut réaliser des dosages de la concentration
plasmatique. On sera alerté par la survenue d'effets secondaires, dépendants de la
dose: nausées, vomissements, tremblements, tachycardie. Un surdosage peut
aboutir à des convulsions et des troubles du rythme cardiaque.
La voie d'administration est essentiellement orale :
- sous forme de sirop, d'utilisation simple chez le petit enfant ;
- de comprimés, en particulier les formes à libération prolongée intéressantes dans le
traitement de long cours.
L'utilisation de la forme injectable est devenue rare et reste réservée à l'usage
hospitalier.
2. Les anti-inflammatoires
Ils limitent l'inflammation bronchique et ont une action préventive.
a. Les corticoïdes
Ils sont un des traitements majeurs de l'asthme. La voie d'administration peut être:
- locale: corticothérapie inhalée, dont l'efficacité peut être améliorée par l'utilisation
d'une «chambre d'inhalation » ;
- orale: en cure courte en traitement d'attaque (moins de 15jours), ou en traitement
de long cours (prise matinale de préférence) ;
- intraveineuse: réservée au traitement d'urgence.
Les effets secondaires sont nombreux, dépendant de la posologie et de la durée du
traitement. Aussi, leur utilisation par voie intraveineuse ou orale ne doit s'envisager
qu'après échec des traitements par bêta 2 mimétiques bien conduits.
b. Les antiallergiques
Ils ne sont actifs que dans le cadre d'un traitement préventif.

Le kétotifène (Zaditen®)
Il a une action antihistaminique et antidégranulante. Actif essentiellement chez
l'enfant, il s'administre par voie orale (2 prises par jour). Il n'a pas d'effet secondaire.

Le cromoglycate de sodium (Lomudal®)
Antidégranulant, c'est un anti-inflammatoire (inhibition de la libération de médiateurs
à l'origine de la réaction inflammatoire). La voie d'administration est locale, en spray
(2 bouffées 2 à 4 fois par jour). Il n'a pas d'effet secondaire.
3. La technique de l'inhalation
1 - inspiration profonde
=> déclenchement du spray
2 - apnée de quelques secondes
a. La chambre d'inhalation
L'enfant ne sait pas coordonner le déclenchement de l'aérosol et l'inspiration
profonde suivie d'une apnée. On interpose entre la bouche de l'enfant et l'aérosol
une chambre d'inhalation commercialisée (Nébuhaler®) ou fabriquée simplement.
b. Fabrication de la chambre d'inhalation
Il faut :
- deux bouteilles d'eau en plastique
couper le tiers inférieur des bouteilles
- les emboîter l'une dans l'autre
- arrimer avec du sparadrap.
c. Utilisation de la chambre d'inhalation
L'enfant place sa bouche à une extrémité de la chambre, on ajuste l'aérosol doseur à
l'autre extrémité. Après avoir pulvérisé trois doses de l'aérosol dans la chambre, on
laisse l'enfant respirer une dizaine de fois, dans la chambre, le nez pincé. Cette
technique peut être utilisée chez l'enfant à partir de deux ans.
On peut l'utiliser pour l'administration des bêta 2 mimétiques, des corticoïdes inhalés.
II. Le traitement de la crise d'asthme
1. Chez l'adulte
2. Chez l'enfant
3. Chez le nourrisson
Le jeune enfant est peu coopérant: l'administration des thérapeutiques inhalées est
peu efficace, voire impossible. Les schémas thérapeutiques sont différents et
utilisent plus volontiers les formes orales.
4. La crise d'asthme grave
Le traitement correctement administré est inefficace. Le malade présente des signes
de gravité. Il est hypoxémique. Il doit être référé dans une structure hospitalière.
La prise en charge en milieu hospitalier repose sur les mêmes médicaments, avec
des posologies et des modes d'administration différents.
a. Les bêta 2 mimétiques sont administrés
- en aérosol doseur (spray) sur chambre d'inhalation, d'efficacité équivalente aux
- nébulisations avec de l'oxygène ou de l'air d'une solution de salbutamol à 0,5%;
- répétées toutes les vingt minutes pendant une heure puis une fois par heure, puis
toutes les quatre heures quand l'état du patient s'améliore ;
- en cas d'échec, on utilise la voie souscutanée ;
- en dernier recours, on utilise la voie intraveineuse à débit continu dont les risques
cardio-vasculaires imposent une surveillance stricte.
b. Les corticoïdes sont administrés
- par voie intraveineuse à forte dose pendant vingt-quatre heures (par exemple
méthylprednisolone 60 mg en bolus toutes les six heures chez l'adulte, 2 mg/kg
toutes les six heures chez l'enfant);
- puis le relais est pris par la forme orale: 0,5 à 1 mg/kg/jour, les doses sont
progressivement diminuées en une semaine.
c. La théophylline orale est poursuivie chez les patients qui étaient traités avant la
crise par théophylline. L'utilisation de la forme injectable est devenue exceptionnelle,
les risques de toxicité sont importants.
d. Une antibiothérapie est prescrite s'il existe des signes d'infection des voies
respiratoires. Les antibiotiques sont plus facilement prescrits chez les enfants
(attention au risque d'allergie).
III.Le traitement de fond
Le traitement de fond est un traitement préventif de la survenue des crises. Des
mesures générales s'appliquent à toutes les formes de la maladie. L'éducation du
malade est essentielle :
- pour qu'il connaisse les facteurs déclenchants et les mesures préventives à adopter
;
- pour qu'il reconnaisse le début d'une crise et qu'il sache la traiter vite, avant que
cette crise ne devienne sévère ;
- pour qu'il sache utiliser correctement les traitements dont il dispose : utilisation des
sprays à bon escient et de façon efficace.
Le traitement de fond dépend de la sévérité de l'asthme. La stratégie thérapeutique
est résumée dans les tableaux 5 et 6 chez l'adulte et chez l'enfant.
L'asthme à dyspnée continue (forme modérément sévère ou sévère) est difficile à
traiter. Le traitement de fond repose sur les corticoïdes inhalés et la théophylline
retard, mais bien souvent, des cures de corticoïdes par voie orale sont nécessaires:
la posologie minimale efficace doit être administrée, ce qui peut imposer de fréquents
changements thérapeutiques. Les effets secondaires de cette corticothérapie
doivent être prévenus et surveillés. Des cures courtes à posologie renforcée (0,5 à 1
mg/kg/j) sont prescrites quand l'asthme devient instable. La posologie totale des
corticoïdes oraux ne doit pas dépasser trois grammes par an.
Conclusion
Le traitement bronchodilatateur par bêta 2 mimétiques inhalés est le traitement de
première intention de la crise d'asthme: son but est de lever l'obstruction bronchique.
L'association de corticoïdes n'est systématique qu'en l'absence d'amélioration rapide
et durable.
L'absence de réponse au traitement conduit à l'utilisation de posologies plus élevées
et de formes d'administration différentes (formes orales ou injectables). Malgré le
traitement précoce et bien conduit d'une crise d'asthme, il existe des formes graves.
Leur prise en charge nécessite une structure hospitalière où les soins seront
poursuivis sous surveillance cardio-respiratoire.
Le traitement de fond doit être expliqué au malade: indications des traitements,
manipulation des sprays, importance de la poursuite du traitement. Le patient sera
ainsi capable de prévenir ou de limiter la survenue des crises sévères.
La surveillance de long cours est essentielle, en particulier chez les enfants, afin
d'évaluer le profil évolutif de la maladie, d'adapter la prise en charge thérapeutique et
de préserver le devenir respiratoire.
Développement et Santé, n°114, décembre 1994
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