REPUBLIQUE FRANÇAISE
MINISTERE DE L'EMPLOI
ET DE LA SOLIDARITE
DIRECTION DE LA RECHERCHE, DES ETUDES,
DE L'EVALUATION ET DES STATISTIQUES
MISSION RECHERCHE (MiRe)
www.sante.gouv.fr
« SANTE MENTALE »
APPEL A PROPOSITIONS DE RECHERCHE
Ce nouveau programme de recherche sur la santé mentale fait suite aux actions antérieures de la
MiRe dans le domaine -« pratiques en santé mentale » (1985), « santé mentale et travail » (1987),
« médicaments et santé mentale » (1994). Il a pour objectif de mieux comprendre les orientations récentes
en matière de santé mentale, dans leurs relations avec les pratiques professionnelles et les institutions
sanitaires et sociales -elles-mêmes confrontées aux évolutions de la demande et des normes sociales-, afin
de mettre en lumière les enjeux et tensions qui habitent actuellement ces politiques et ces pratiques. A ce
titre il est destiné à accompagner et à compléter d’autres initiatives visant à évaluer les pratiques de soins
et l’activité des différents professionnels intervenant dans le champ de la santé mentale.
Cinq thèmes sont proposés aux chercheurs :
I- Les infléchissements récents des politiques de santé mentale
II- Nouvelles figures pathologiques ou nouvelles catégories d’analyse et d’enregistrement ?
III- Quelle définition de « la santé mentale » ? Diversité des enjeux et des pratiques sociales
et professionnelles
IV- La sectorisation en voie d’achèvement ? Disparité des histoires, des pratiques et des
réalisations de secteurs
V- Deux objectifs en retrait : la prévention et la réhabilitation sociale et professionnelle
Conformément aux missions de la MIRE, ce programme fait appel à la recherche en sciences
sociales, et n’a pas vocation à soutenir des travaux de recherche clinique, d’épidémiologie ou de
recherche bio-médicale. Par contre, il encourage vivement les collaborations entre chercheurs en sciences
sociales et praticiens, ou autres professionnels du champ sanitaire et social.
Le point VI précise les « modalités de réponse » à cet appel à propositions de recherche et les
critères de sélection des projets.
DATE LIMITE DE DEPOT : 25 SEPTEMBRE 2000
Les envois devront être adressés à : Hèlène LESUEUR, MiRe/DRESS, pièce 2073
Ministère de l’Emploi et de la Solidarité, 11, place des 5 Martyrs du Lycée Buffon
750696 Paris Cedex 14 - Tél : 01 40 56 82 18
Pour toute information complémentaire : Hélène LESUEUR ou Isabelle BILLIARD
Tél : 01 40 56 82 22 Email isabelle.billiard@sante.gouv.fr
2
APPEL A PROPOSITIONS DE RECHERCHE
« SANTE MENTALE »
I Les infléchissements récents des politiques en santé mentale
L’histoire des politiques d’hygiène mentale depuis l’entre-deux guerres semble osciller
entre les politiques générales de santé publique plus ou moins articulées à des préoccupations
sociales, et les approches soulignant la spécificité des troubles mentaux et de la psychiatrie en
tant que discipline médicale.
Les premières formulations d’une politique d’hygiène mentale dans les années 20-40
correspondent à l’apogée de la médecine sociale et des politiques de santé publique (création
de dispensaires, dépistage, information, infirmières visiteuses) mobilisées pour lutter contre
les « fléaux sociaux ».
Après la guerre et jusqu’aux années 80, les politiques de santé publique marquent le pas
en même temps que l’accès aux soins se démocratise et que la médecine se spécialise et
s’individualise. C’est également dans les années 45-60 que le mouvement pour la réforme des
hôpitaux psychiatriques et le Syndicat des médecins des hôpitaux psychiatriques reprennent le
flambeau au nom d’une visée unitaire des pratiques psychiatriques étayée sur une conception
dynamique et relationnelle de la maladie mentale. Il s’agit à la fois de transformer l’hôpital et
les soins psychiatriques (psychothérapie institutionnelle) afin de « sortir » les malades des
hôpitaux psychiatriques et de les suivre au plus près des milieux de vie ; en même temps, de
prévenir les maladies mentales en développant une « psychiatrie sociale », certains
psychiatres intervenant alors auprès des collectivités (PMI, école, travail, armées, prisons...)
au nom de la santé mentale.
Le projet de « sectorisation », élaboet revendiqué par les psychiatres au nom de la
continuité des soins à partir de l’hôpital psychiatrique, est officialisé par la circulaire de 1960,
lentement mis en œuvre à partir de 1972, et finalement intégré aux catégories de gestion de
l’administration sanitaire et sociale par la loi de 1985.
A partir des années 80, puis au cours des années 90, on a affaire à une configuration
nouvelle qui contribue à une redéfinition des enjeux et des orientations concernant à la fois la
prise en charge des troubles mentaux et la santé mentale.
- sur le plan scientifique et doctrinal, on assiste à une montée en force des conceptions neuro-
biologiques et cognitives des troubles mentaux, comme des comportements humains, tendant
à reléguer au second plan les approches dynamiques et la psychopathologie clinique, en
particulier les apports de la psychanalyse.
- sur le plan des politiques de santé, on assiste à un redéploiement des politiques de santé
publique, lié à l’épidémie de sida et aux nouveaux risques qu’elle met en lumière ( transfusion
sanguine, toxicomanies…).
3
- durant la même période, l’augmentation du « coût de la santé » conduit les gestionnaires à
tenter de maîtriser les dépenses de santé, et à rationaliser les dépenses hospitalières (budget
global, évaluation des activités et des dépenses) et les actes médicaux.. Cette conjoncture
favorise également un mouvement de responsabilisation des individus en matière de santé
(réactivation de la lutte contre l’alcoolisme, campagnes anti-tabac, contre l’abus des
psychotropes, contre les toxicomanies…) .
- Enfin, ces années correspondent également à une dégradation de la situation socio-
économique. Les effets du chômage, les formes de déliaison sociale se traduisent par des
manifestations particulières de mal-être et de souffrance psychique. Une partie de cette
souffrance est portée sur le devant de la scène à travers la prise en charge de « populations à
risques », la lutte contre « l’exclusion sociale» (RMIstes, SDF, familles monoparentales,
jeunes en errance), ou du fait de symptômes particulièrement criants (suicides, toxicomanies,
alcoolisme, délinquance, violence...). Par ailleurs, la pression des exigences d’autonomie et de
responsabilité individuelle rend les individus plus vulnérables et les motifs de consultation
portent de plus en plus sur les difficultés personnelles ancrées dans le social.
C’est dans ce contexte qu’il convient de resituer et d’examiner la relance des
recommandations et orientations publiques en matière de santé mentale au cours des dix
dernières années.
Parmi celles-ci, il faut en particulier mentionner :
la loi du 27 juin 90 (hospitalisation libre, hospitalisation à la demande d’un tiers,
hospitalisation d’office, injonction thérapeutique) qui se substitue à la loi d’internement de
1838 ; la circulaire du 14 mars 1990 « relative aux orientations de la politique de santé
mentale ». Elle confirme le principe de la sectorisation psychiatrique, encourage la diversité
des dispositifs (sectoriels et intersectoriels) de soins, d’accueil et d’écoute des troubles
mentaux au plus près des milieux de vie, et met l’accent sur la double vocation d’une politique
de santé mentale : lutter contre les maladies mentales, et, d’une façon plus large, « promouvoir
la santé mentale au niveau de l’individu, de la famille et du groupe social, ou de la
communauté ». Une politique de santé mentale ainsi conçue suppose donc d’associer aux
professionnels de santé d’autres acteurs, et d’envisager des formes de partenariat avec les
collectivités territoriales et les associations.
la politique affirmée d’intégration de la psychiatrie publique dans le système général
de Santé (rapport Massé, 1992 : « Psychiatrie ouverte »). Selon l’esprit de ce rapport, les
établissements spécialisés (hôpitaux psychiatriques) seraient conduits, à terme, à disparaître, et
avec eux, les effets de segrégation et de stigmatisation attachés aux troubles mentaux. Le
secteur serait rattaché à des services de psychiatrie au sein des hôpitaux généraux ou des CHR,
ces services prenant en charge les états de crise et la symptomatologie aiguë, comme c’est le
cas pour les pathologies organiques ; parallèlement, les soins au long cours de malades
chroniques vieillissants, ou de patients dépendants de l’aide de tiers, seraient assurés par des
dispositifs médico-sociaux relevant de la gestion extra-hospitalière (maisons d’accueil, foyers).
Le schéma préconisé est celui d’un large éventail de structures alternatives d’accueil et de suivi
des personnes souffrant de troubles psychiques faisant appel aux ressources du « secteur »
psychiatrique, du secteur médico-social, des réseaux ville-hôpital et des associations inscrivant
leur action au sein de la cité.
Durant la me période, on note d’autres indices de changement dans l’appréhension
et la gestion des troubles mentaux et de la santé mentale :
- réduction progressive de la part de la psychiatrie dans le budget global des hôpitaux
généraux.
- rationalisation, évaluation des soins, mise en place d’un PMSI en psychiatrie ;
4
- limitation prochaine du nombre de psychiatres de service public (certains postes sont déjà
vacants et le nombre d’internes en psychiatrie diminue depuis plusieurs années) .
- création du Haut Comité à la santé publique ; disparition pour un temps de la Commission des
maladies mentales et du Bureau de la Psychiatrie qui réapparaît sous l’intitulé Bureau de la
Santé mentale.
Face à ces évolutions centes des politiques de santé conjuguant des
objectifs d’économie de la santé, de gestion des comportements individuels et de
réponse aux effets de problèmes sociaux, il semble donc nécessaire en premier lieu
de retracer et d’analyser de façon approfondie l’histoire récente du champ, afin
d’éclairer ce qu’il faut entendre aujourd’hui par « politique de santé mentale ».
Dans quelle mesure le champ de la santé mentale tend-il à être considé
comme un domaine d’extension de la santé publique, soumis aux mêmes objectifs,
résultats et méthodes d’évaluation, la maladie mentale devenant de son côté « une
maladie comme les autres » ?
Les orientations récentes en matière de santé mentale reflètent-elles des formes
de prise en compte de nouvelles questions sociales dans les termes et selon les
dispositifs de la « santé publique » ?
Dans quelle mesure le modèle français de sectorisation évolue-t-il vers d’autres
modèles, en particulier le modèle communautaire, le psychiatre s’effaçant relativement
devant d’autres acteurs (généralistes, psychologues, structures associatives) ? Au
contraire, la psychiatrie n’est-elle pas plutôt écartelée entre deux fronts : une psychiatrie
à dominante thérapeutique polarisée par le soin, le suivi et la réadaptation des personnes
souffrant de troubles mentaux, et une mission de santé mentale à dominante socio-
sanitaire, voire sociale ?
II - Nouvelles figures pathologiques ou nouvelles catégories d’analyse et
d’enregistrement ?
Ajuster le système de soins, d’écoute et d’accueil à la demande et aux
attentes des individus suppose de se faire une idée du poids et de la nature des
grandes figures de troubles, ainsi que de l’incidence de manifestations qui, sans
relever à proprement parler du registre des maladies mentales, n’en signalent pas
moins une souffrance psychique, voire les signes avant-coureurs d’un état de crise
ou de décompensation qui prennent tout leur sens dans le cadre de politiques de
prévention. Or, on ne dispose pas encore de données permettant d’appréhender la santé
mentale en population générale.
5
Face à cette question, les professionnels sont en effet confrontés à une grande
hétérogénéité de sources et de définitions.
Les données de l’épidémiologie des maladies et troubles mentaux représentent une de ces sources,
encore modestement développées en France. Généralement inspirées des classifications
standardisées américaines, elles font une large place aux troubles du comportement. Enfin, si elles
permettent d'enregistrer des mouvements de baisse (débilité mentale, manifestations
hystériques…) ou d’augmentation (anorexie, boulimie, toxicomanies, symptomatologie de
l’agir…) de certains types de troubles, elles ne peuvent prétendre en fournir l’explication.
D’un autre côté, si l’on se tourne vers la clinique, on voit que se combinent actuellement
différents modèles -psychogénétique, bio-médical, voire génétique- de la maladie mentale donnant
lieu à des classifications nosographiques qui mettent tantôt l’accent sur la structure de la
personnalité et du fonctionnement de l’appareil psychique, tantôt sur des ensembles de
symptômes.
En outre, les progrès de la psychopharmacologie semblent jouer un rôle décisif dans la définition
de classifications standardisées. De fait, ils ont permis d’isoler différentes classes de molécules
permettant d’atténuer les symptômes les plus pénibles. Mais ces molécules ont été découvertes par
des chercheurs, et diffusées par des laboratoires pharmaceutiques, qui n’avaient pas à connaître les
pratiques psychiatriques, ni à s’interroger sur le sens des symptômes pour les patients. Ces
découvertes n’en ont pas moins permis un élargissement des outils thérapeutiques à la disposition
des praticiens. Du me coup, la psychopathologie clinique, qui part du symptôme pour connaître
le sujet, semble concurrencée par une démarche diagnostique, inspirée des diagnostics standardisés
comme le DSM III ou la CIM10, et du modèle biologique qui les sous-tend : les symptômes et
troubles du comportement sont codés en fonction des médicaments qui permettent de les réduire
(psychoses/ neuroleptiques ; troubles anxieux/anxiolitiques ; dépressions/anti-dépresseurs).
Par ailleurs, en matière de santé mentale les travaux épidémiologiques existants ne concernent
généralement que les patients répertoriés, c’est-à-dire faisant, ou ayant fait l’objet de soins
psychiatriques. Or, une grande part des symptômes à expression psychologique ou
psychosomatique, est directement prise en charge par les généralistes. Ce volant de troubles, est
alors répertorié de façon très lâche, en particulier à travers les classifications proposées par la
documentation que fournissent les laboratoires pharmaceutiques. Faute de diagnostics approfondis,
l’augmentation des troubles anxieux et dépressifs ne serait alors qu’un effet en trompe-l’oeil induit
par la prescription accrue de psychotropes de la part des généralistes, et de plus en plus à la
demande des patients eux-mêmes.
Reste enfin toute une part de troubles et souffrances d’ordre psychique qui ne font pas l’objet de
prises en charge mais sont néanmoins signalés par des tiers (médecins du travail, travailleurs
sociaux, éducateurs…).
Ainsi, la question se pose de savoir si l’augmentation de la demande en santé
mentale traduit un mal-être croissant dans la population, ou si cette augmentation
est surtout induite par l’offre de soins et de molécules permettant de domestiquer
une gamme extrêmement large de troubles pathologiques et de préoccupations
personnelles ?
Au-delà de cette première question, une autre interrogation devrait mobiliser
l’attention des chercheurs en sciences humaines et sociales : la symptomatologie
des troubles se transforme en effet au fil des époques. En quoi les manifestations
psychopathologiques que l’on rencontre aujourd’hui font-elles écho à certaines
caractéristiques de la société actuelle, à la façon dont se construisent et se
1 / 18 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !