Introduction générale

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APPARTENANCE ET ETHNICITE
SEMESTRE 4
IEP TOULOUSE
Isabelle LACOUE-LABARTHE
Introduction générale
On va essayer de définir les identités collectives, le sentiment d’appartenance et la
notion d’ethnie.
L’identité est le caractère de ce qui est identique ou confondu ; une idendité
psychologique qui la qualifie de constance de perception du moi ; l’ensemble des éléments
permettant d’établir sans confusion possible qu’un individu est bien celui qu’il dit être ou
qu’on perçoit être. L’identité collective n’est pas l’inverse de l’identité individuelle : la
similitude absolue n’existe pas, l’identité interpersonnelle n’existe pas non plus. L’identité
personnelle repose sur un sentiment d’identité. L’individu se perçoit le même dans le temps.
On pourrait presque dire que l’identité est un rapport au temps : on se perçoit toujours le
même. Dans un sens plus large, c’est un ensemble de sentiments, de représentations par
lesquelles un individu se singularise. C’est ce qui me rend semblable à moi-même dans le
temps mais en même temps différent des autres. C’est ce par quoi je me définis moi-même, et
par quoi je suis défini par les autres. L’identité individuelle est ainsi indissociable de l’identité
sociale : c’est par la différenciation que l’identité peut s’installer comme un système
relativement unifié. Il y a effort d’intégration qui peut être défini comme une recherche
d’intégration sociale, qui ne peut être absolue car il y a une recherche de différenciation
sociale. L’identification est donc à la fois personnelle et sociale.
Au niveau collectif, les membres d’un nous sont au mieux des semblables, mais il faut
qu’il y ait un invariant qui permet la comparaison, un lien à l’intérieur du groupe. L’altérité
dans la définition identitaire explique l’importance des conflits dans la définition de cette
identité. L’identité est donc hétérogène, définition ambivalente. On peut parler d’une
historicité de l’identité car il y a des rapports qui changent. C’est dans les crises, dans les
rapports avec l’extérieur que cette identité se définie, par la prise de parole, de position, de
rôle. L’esprit humain a tendance à classer par groupe : c’est dans ce classement que se
construit l’identité. Pour distinguer des individus, il faut distinguer les autres pour ce qu’ils ne
sont pas. Ce concept caractérise aussi bien des groupes sociaux que des groupes ethniques, et
qui va être le témoin de l’esprit particulariste de l’organisation sociale. Le concept d’identité a
été beaucoup utilisé en anthropologie, et en particulier dans les problématiques d’ethnicité. La
notion d’identité va être davantage un outil dans la connaissance des groupes humains. C’est
l’attachement affectif des individus qui va être vu comme une identité, un sentiment
d’appartenance.
Le sentiment d’appartenance au groupe est codée par un certain nombre de rituels, de
passage, d’initiation, qui marquent l’appartenance à un certain groupe : de sexe, d’âge, de
religion, rituels qui révèlent et définissent l’identité. Ces rituels relèvent de l’ordre du social.
Ils sont en partie définis par une identité sociale, avec un élément central, le nom, qui
participe à ce processus de construction de l’identité. Les individus font partie de la société
par cette nomination. Selon Lévi-Strauss, le nom propre est un opérateur de classe, un élément
provisoire avant la classification. Le nom a deux caractéristiques : la marque de
l’identification, il « confirme par la définition d’une règle la place de l’individu dans une
population donnée », avec l’étude des Senufos ; dans ce peuple, lorsqu’on a des jumeaux, ils
ont toujours des noms spécifiques, de même que l’enfant qui suit. La place de l’enfant est déjà
définie. L’individu apparaît dans un système social déjà organisé, le nom donnant une identité
individuelle et un sentiment d’appartenance. Lévi-Strauss y voit aussi la liberté de l’individu
qui nomme, qui exprime ainsi sa subjectivité. On a donc une centralité de ce nom dans
l’appartenance identitaire. La définition de l’identité se fait largement par la production
d’images de soi, des autres, qui vont donner naissance à des clichés, à des stéréotypes, ce qui
fait qu’il y a une possible dérive du travail de l’imaginaire, qui peut conduire à des attitudes
plus ou moins belliqueuses, par le dénigrement de l’identité d’autrui.
Le sentiment d’appartenance se fait par plusieurs critères possibles : langue, religion,
histoire, culture, sexe,… La langue est un élément important, car c’est grâce à la langue
commune qu’un groupe préexiste. Une langue a tendance à s’imposer dans un système où il y
en a plusieurs, dominant l’administration, l’éducation, les médias,… C’est le cas des EtatsUnis, où des groupes de pression militent pour la pratique de l’anglais : inscription dans la
constitution, examen de langue pour l’obtention de la nationalité, fin des traduction et du
bilinguisme à l’école, car il y a la peur d’une dilution de l’identité américaine. 27 Etats ont
déjà adopté l’anglais comme langue officielle, d’autres essayant de maintenir le bilinguisme.
L’objectif est de maintenir cette identité américaine : la langue est le moyen du maintient de
la création permanente de cette identité. Seule la Suisse est le territoire à avoir plusieurs
langues officielles. Se pose donc la question de l’enseignement de la langue, avec des
coutumes, des normes.
Anne Christine Taylor, dans son Dictionnaire d’ethnologie et d’anthropologie,
souligne qu’on a un passage de la centralité de la nation à une centralité de l’ethnicité, qui
devient une valeur positive. Il y a un clivage entre la centralité de la notion d’ethnie, et sa
déconstruction permanente. Le livre de Dieckhoff expose une recrudescence de l’identité
nationale, et que la mondialisation constitue un facteur positif dans la stratégie d’affirmation
nationaliste. Dans les deux cas on retrouve une tendance essentialiste, organiciste, objective,
où la nation et l’ethnie sont présentées comme existant en elles-mêmes ; une approche
volontariste, situationniste, où la nation et l’ethnie n’existent que parce qu’un ensemble
d’individus déclare en faire partie.
Pour aborder la notion d’ethnie il faut tenir compte de toutes les utilisations du
concept. La question relative à l’immigration pose des amalgames qui ne facilitent pas la
réflexion, avec un discours ethnicisant. C’est une notion qui pose problème car elle a fait
l’objet de définitions connotées. Cette difficulté est renforcée par les anthropologues qui la
voient comme une notion trop floue. On peut à la fois dire que l’ethnie n’existe pas si on la
définie comme un groupe pur, si certains groupes ont des éléments communs, il n’existe pas
de groupes pur, identiques. Ce qui prévaut toujours, ce sont des unités sociales à la fois
inégales et hétérogènes. Qu’elle se détermine elle-même, ou de l’extérieur, toutes les sociétés
se définissent dans le même temps une unité identitaire et une altérité culturelle. Tous les
individus qui se définissent d’une ethnie ont intériorisé cette appartenance. C’est le cas dans la
colonisation africaine, où l’utilisation d’ethnies par les colons a été intériorisée. Il faut donc
définir ce terme pour l’utiliser comme outil d’observation.
A l’origine, le terme est un terme grec « ethnos » : les sociétés qui relevaient de la
culture grecque mais dépourvues de la structuration en cité-Etat. C’est un groupement humain
avec une structure familiale, économique, culturelle particulière, mais qui ne correspond pas à
l’organisation d’Athènes, avec déjà une dimension péjorative. Cette dimension se perpétue
avec l’Eglise : les païens par opposition aux chrétiens, utilisation rapide. En Français c’est le
premier mot qui apparaît pour définir l’altérité, pour désigner le païen, l’idolâtre. L’utilisation
du terme va surtout se faire au XIXe siècle, avec une généralisation : un peuple, une peuplade.
Le terme s’applique toujours à celui qu’on ne reconnaît pas son semblable, et notamment pour
désigner ceux auxquels on ne pourrait attribuer la qualité de nation ; on l’utilise pour désigner
l’indigène colonisé. Ce sont des sociétés en retard. La notion prend aussi au XIXe une valeur
raciale, avec Gobineau, qui utilise l’adjectif d’ethnique comme substitue de race, de nation,
toujours utilisé pour présenter un processus de dégénérescence, idée de mélange des races.
Vacher de la Pouge utilise aussi le terme d’ethnie en tant que race. Le lien avec la dimension
raciale peut aussi prêter à confusion aux Etats-Unis, avec une certaine confusion entre ethnie
et race ; elles se distingue par la couleur de peau, leur confession, leur pays d’origine. Il y a
encore une dimension péjorative, qui induit une mise à distance : on ne parle pas de l’ethnie
WASP, sauf dans certains groupes qui considèrent qu’il y a un racisme anti-blancs. En
France, Jean-Marie Le Pen utilise la notion d’ethnie française pour procéder à une exclusion,
substitue au terme de race. Parfois aussi, le terme va être utilisé pour désigner des
communautés linguistiques au début du XXe siècle, en particulier chez Saussure : un groupe
qui se rapproche par la langue.
Face à ces différents usages, une réflexion philosophique va se porter sur cette
définition, et on va avoir une réflexion et des essais de définition. Celle de Weber dit que les
groupes ethniques sont des groupes humains qui croient avoir une ascendance commune car il
portent une ressemblance, ou en raison de souvenirs partagés de la migration, de la
colonisation. Ce qui est important alors est la notion de « croyance subjective ».
L’appartenance ethnique ne constitue pas un groupe, elle en donne l’illusion d’un caractère
commun, mais il parle d’appartenance à un groupe. Ces éléments communs font croire à une
identité commune. Paul Mercier propose une même définition : un groupe fermé descendant
d’un ancêtre commun, possédant une culture homogène, parlant une langue commune ; le
concept d’appartenance ethnique exprime en grande partie une théorie élaborée par une
population donnée. Ce qui va être aussi étudié, c’est dans une approche plus large du
« paysage régional », et d’une manière historique. On admet donc que l’ethnie ne peut être
étudiée que par rapport aux autres ethnies, et qu’il y a une historicité, et qu’on doit tenir
compte de ceux qui se définissent comme ethnies, et entre ces groupes. Ce qui nous amène à
une approche de relativisation absolue de Frederik Barth, dont les travaux sont considérés
comme un tournant dans la manière de considérer l’ethnie.
Pour Barth, les groupes ethniques sont des types d'organisation basés sur l'assignation
et l'auto-attribution des individus: au lieu de considérer l'ethnie comme un groupe humain, il
affirme que ce sont des groupes qui se créent, s'entretiennent par des mécanismes d'exclusion
et d'incorporation, définissant des frontières, des limites. Dans son approche, il inclut des
recherches psychologiques: l'enfant se construit à la fois sur son introjection de ce qui est bon,
et sa projection de ce qui est mauvais. La vie psychique se construit en incluant ces éléments
divers. L'ethnie ce construit de la même façon, uniquement par rapport à un extérieur.
L'identité ethnique apparaît donc comme processuelle, car il y a toujours une évolution
en fonction de l'extérieur; la culture n'est pas une caractéristique du groupe, mais un élément
au contenu variable. Le groupe ethnique n'est pas une entité en soi, mais une organisation, et
donc l'appartenance ethnique ne peut pas être ramené à un catalogue qui permettrait de ranger
les individus dans une ethnie donnée. C'est l'auto-attribution qui est importante: on revient à
l'idée que l'identité est avant tout un positionnement. On est complètement dans la
déconstuction, avec toujours un minimum de contenu fixe. Ce qui caractérise l'ethnie, c'est un
territoire, mais surtout la conscience que les acteurs sociaux ont d'appartenir à un même
groupe.
L'ethnie a toujours une dimension péjorative, proche de la notion de race, et a émergé
d'une manière ethnocentriste en Europe, sorte d'Etat nation au rabais. La notion émerge très
largement de la colonisation. L'ethnie est donc nécessairement en position d'infériorité par
rapport à l'Etat nation. Ancell et M'Bokolo montrent que le substantif de tribu est utilisé face
au terme de peuple. Ceux qui sont supposés différents, on les qualifie d'ethnie, alors qu'on
appelle peuple les groupes plus proches.
Ce terme est utilisé depuis l'antiquité grecque, et induit un rapport de domination.
Ancell et M'Bokolo montrent que par la colonisation, on construit des groupes spécifiques
pour mieux appréhender la population, et permet une classification. Au Rwanda, les Hutus et
les Tutsis sont crééent par la colonisation: avant la colonisation, on a une société en harmonie,
avec une spécialisations entre les deux catégories (gouvernance/rites). En 1894, la
colonisation conduit à diviser la population pour assoir la colonisation en déterminant des
interlocuteurs. Les colons vont inventer une dépendance noble aux Tutsis pour légitimer leur
prégnance; dans le même temps on retire aux Hutus leur rôle rituel, et se développe une
identité d'agriculteurs. On crée donc une différence sociale par la création d'une différence
identitaire. Cette différence figure sur les papier attriués par les colons. Cette détermination se
fait en fonction du nombre de têtes de bétail possédés. On a une sur-imposition d'un schéma
de classification, fracture définitive, sans position intermédiaire. En 1959, il y a un
revirement, avec les premiers massacres: on trouve les origines du conflit dans le processus
d'ethnicisation.
Il faut replacer en permanence l'étude des ethnies dans un contexte historique, montrer
les représentations face à des groupes plus importants. Ce qui change aussi, c'est que depuis
les années 60, l'objet d'étude des ethnologues a cessé d'être les sociétés exotiques éloignées,
pour étudier des groupes plus proches, d'où une interrogation sur le terme d'ethnie. L'ethnicité
désigne la manière dont les individus pensent les inégalités sociales et les différences en terme
d'ethnie. Le groupe ethnique va étudier le contexte dans lequel vivent les groupes, ce qui
participe à la déconstruction du groupe, qui n'est pas un groupe immuable. Le discours
ethnique est vu comme une stratégie, on étudie l'usage qui est fait de l'appartenance ethnique,
comment des identifications historiques ou culturelles sont utilisés pour obtenir des avantages.
Le discours ethnique devient une stratégie qui va remplacer les discours de classe. Ce
revirement participe à la déconstruction et à la réflexion sur cette notion d'ethnie. C'est une
idéologie qui s'appuit sur la revendication d'une appartenance commune, qui induit des
comportements. Il va donc il y avoir un rapprochement de plus en plus évident avec le
sentiment d'appartenance nationale.
Smith introduit la possibilité d'une continuité entre l'ethnie et la nation, une origine
ethnique de la nation.
L'ethnie est une méthode de catégorisation pour se définir soit même ainsi que les
autres. Il peut y avoir création à tout moment d'ethnicité. Il y a une valeur performative de la
notion d'ethnie.
CHAPITRE 1: Histoire et analyse du sentiment national
A Préhistoire du sentiment national, apparition de l'idée de
nation: le rôle du Moyen-Age
D'après Dieckhoff, le nationalisme est une configuration centrale de la modernité, un
principe d'affirmation de la spécificité historique, sociale d'un peuple. D'autres vont plus loin,
WievIorka affirme qu'il faut donner un contenu au national pour conjurer le mouvement de
mondialisation à outrance. Selon les deux auteurs, la notion de nation a un avenir.
Pour d'autre, le discours tenu est celui d'une disparition du sentiment national,
notamment avec Hobsbawn: on entre dans une phase qui sonne le glas de l'Etat nation et donc
du sentiment national. De même Bertrand Badie va dans le sens d'une délégitimation du
sentiment national: les nations sont en crise car les espaces ne correspondent plus à une
logique de territorialisation et à l'universalisme du phénomène national. De nouvelles formes
sont apparues mais à des échelles différentes.
1 Le réseau d'appartenances médiévales
Le mot nation a un sens précis en rapport avec l'éthimologie latine nacere, le verbe
naître, groupe d'Hommes défini par une origine commune. Les migrations du haut moyen-âge
vont errer longtemps avant de se fixer dans la partie occidentale de l'Empire romain. Ces
mouvement vont donner un métissage des populations. L'origine commune va rester comme
une croyance, mais ce qui l'emporte progressivement, c'est le lien entre les membres du
groupe, et l'existence sur un même territoire. Ce n'est plus un lien de sang, mais de sol.
Ce qui l'emporte en premier, c'est le fait d'être chrétien, puis à la ville de ses pères
(patria), et les habitants de la patria son soumis à la coutume du pays, et se définissent
négativement par rapport aux hommes étranges. La patria communis au moyen-âge, c'est la
chrétienté, notion plus large. La nation va désigner un groupement par pays ou par ville
d'origine de marchands étrangers qui résident dans les places de commerce. Cela désigne
aussi le groupement de maîtres et d'étudiants d'une même faculté suivant leur pays d'origine:
française, normande, picarde et anglaise. On parle de nation non plus pour désigner un groupe
mixte, mais pour souligner l'origine en partie étrangère du groupe. Progressivement, dans
l'espace restreint qui existe, une nouvelle appartenance va s'imposer, l'appartenance nationale,
entre la patria et la patria communis. Jusqu'à la guerre de cent ans, on peut dire que la nation
est en formation.
Les peuples barbares instituent en Europe des royaumes, institutions avec une
ammorce de centralisation. Autour de 800, on a la constitution de l'empire carolingien, fondé
sur une certaine unification. Après la mort de son fils Louis le pieux, on va avoir l'amorce de
la création des nations. En 840, le partage de Verdun entre les héritiers permet de distinguer
trois entités qui correspondent déjà à peu près à la France, l'Allemagne et l'Italie. Ce qui
change surtout, c'est la création d'un ennemi propre à chaque division: l'ennemi commun à la
chrétienté persiste, mais il apparaît des ennemis intérieurs.
On a une individualisation des langues: le latin évolue pour fonder des langues
romanes, avec une spécialisation territoriale. A partir du XIIe siècle, c'est langue vont devenir
des langues écrites, dans des espaces de plus en plus déterminés, et participent à une certaine
autonomisation des espaces.
En France, une partie du territoire est soumise au droit romain écrit, qui s'oppose aux
pays de coutume (oc/oïl).
Il y a donc une apparition précoce de l'idée de nation, avec des éléments de
changements de vocabulaire qui soulignent progressivement l'émergence d'une notion qui a
des intérêts communs. Au début du XIVe siècle, Guillaume de Nogaret, légiste, justifie sa
lutte contre le pape, par un devoir de défendre son roi, ainsi que sa « patrie du royaume de
France ». On a donc l'émergence d'une patrie identifiée au roi, qui devient plus forte que la
patria communis. Le changement se fait par le haut. C'est un attachement encore surtout à la
terre.
L'affirmation du pouvoir royal: il existe une religion royale, même si en fait la
monarchie reste féodale. Un roi va incarner ce renouveau du pouvoir central, Saint-Louis: il
affirme son pouvoir sur les féodaux, et surtout opère un transfert affectif de l'attachement à la
terre à l'attachement à sa personne. Les prières pour le roi se généralisent, et ce rôle sera
renforcé par sa canonisation. Après son règne, un certain nombre de textes font apparaître des
termes proches du sentiment national, avec le terme « rénicoles », naturels, en oppositions aux
étrangers. C'est l'Etat qui crée la nation au fur et à mesure qu'il se structure.
Au cours de la guerre de cent ans (1337-1453), apparaît des éléments de définition: la
nation française se définit en opposition à la nation anglaise. Les rénicoles ont le sentiment de
faire partie d'un groupe précis. L'expérience du combat et l'aggrandissement territorial joue un
rôle important, de même que Jeanne d'Arc qui se bat pour la reconquête du sentiment
national. C'est le début des symboles comme facteurs de cohésion sociale. On fustige les
ennemis de la nation: on se méfie et on fait taire tout élément de discidence nationale. Par
exemple on fustige les ennemis du royaume de France, comme les Bourguignons, qu'on
accuse de pactiser avec les Anglais. On accepte désormais de mourir au combat pour la
défense de la nation: la mort pour la patrie devient un sacrifice généralement accepté, avec
une dimension politique prédominante. Ce phénomène est précoce en France et reste
longtemps limité à l'Europe occidentale.
Pour certains historiens, le moyen-âge permet l'émergence d'un sentiment national,
mais pour la plupart d'entre eux, ce sentiment apparaît au XVIIIe siècle, en particulier avec la
Révolution de 1789. En 1694, l'Académie française donne une définition de la nation.
2 Le développement du sentiment
l'organisation de la nation depuis l'époque moderne
national
et
La création de l'Eglise anglicanne par Henry VIII rompt le lien avec la papauté en
1533. On a la constitution d'une Eglise nationale qui va renforcer le sentiment d'appartenance.
En France, d'autres éléments vont entrer en jeu: une lutte contre les féodaux au profit du roi,
avec l'établissement d'un lien direct, renforcé par la réunion des états généraux. Autres
éléments: la langue nationale renforcée sous le règne de François Ier (ordonnance de VillersCotterêts, qui impose le français comme langue administrative), même si la population parle
des langues régionales, et qu'il n'y a pas d'unification du droit. La langue va cependant se
diffuser lentement à travers les élites.
A partir de là va se construire une ammorce de sentiment national. Les princes
apparaissent soumis. Le rôle de l'Etat va changer, l'Etat devenant indissociable de la nation,
incarnée par le roi. La nation est toute entière dans la personne du roi. La cérémonie du sacre
établit un lien du monarque avec Dieu, mais peut aussi être perçu comme un mariage entre la
monarchie et son peuple. Le roi est sensé incarner la nation. L'unité physique du roi a une très
forte valeur symbolique: l'unité sociale est de ce fait sensée être instituée.
Cette fusion va évoluer assez rapidemment. A la fin du règne de Louis XIV, on voit
une évolution se dessiner. A la fin de son règne, il finit par reconnaître une existence de la
nation en-dehors de la personne du roi.
Il y a des signes avant-coureurs de cette évolution tout au long du XVIIIe siècle, avec
notamment une volonté de participation de la bourgeoisie à la vie de la nation, en revenant sur
l'organisation de l'unité nationale. Elle va ainsi être le noyau d'un sentiment national: elle va
faire évoluer la définition de la nation. On la retrouve chez l'abbé Sieyès, « un corps
d'associés vivant sous une loi commune et représentée par le même législateur ». C'est donc
l'ensemble de ceux qui sont soumis à une même loi, la nation étant la somme des volontés
individuelle, dissociable de la volonté du roi. Le roi va être contesté dans son rôle de
représentation de la nation, bien qu'il la réaffirme à la fin du siècle, signe de sa déliquescence.
A la veille de la révolution, la rupture de ce lien s'affirme avec la création d'un parti
des patriotes qui conteste l'autorité du roi, prônant une meilleure représentation du tiers-état.
Lorsque celui-ci se proclame Assemblée nationale en juin 1789, le roi n'est plus le seul à
incarner la nation. Cette évolution va être confirmée par la DDHC de 1789 et dans la
constitution de 1791: la souveraineté revient à la nation et non au roi. Ce n'est qu'un
représentant secondaire, ce que l'on voit bien dans le serment civique de la constitution de
1791. On est dans une laïcisation de la nation qui peut dès lors s'autonomiser du roi.
La nation est la raison immédiate du pouvoir politique: au-dessus de l'Homme il y a la
collectivité humaine assemblée politiquement. Va se mettre en place un véritable culte
national, début du passage du religieux à la sphère privée. Avec le développement de ce culte
va mener à une idéologie qui pousser à l'éclosion du nationalisme.
Napoléon est considéré comme le père des nations, car il prolonge l'oeuvre de la
Révolution, avec une organisation centralisée de l'administration française, en établissant les
préfets, maires, tous nommés par le gouvernement, et qui reçoivent le pouvoir d'administrer,
et surtout d'effacer les particularismes provinciaux. On met en place des arrondissements
(grandes régions). Napoléon explique que les préfets ont l'autorité et les ressources locales qui
leur permet de devenir des « empereurs aux petits pieds ». Il y a donc une volonté d'unifié le
territoire qui est indéniable.
Certains considèrent que Napoléon a plus encore servi l'Europe des nations, en
suscitant le sentiment national dans les pays conquis. En fait ce qui va compter, c'est la
revendication des pays traversés face à l'autorité de Napoléon, avec l'introduction du code
civil, et des règles françaises. Déferle donc une vague patriotique en Allemagne en 1806, avec
des pamphlets anti-français très violents (discours de Fichte sur la nation allemande). Il est
question de refuser la fusion avec l'étrangers. On voit comment l'émergence de la nation se
réalise dans un contexte particulier. Ce qui va permettre ce sentiment, c'est la reprise de ce
discours par d'autres intellectuels, avec l'idée d'un corps unique face à l'ennemi.
Les mesures prises par Napoléon vont faciliter cette évolution en réduisant le nombre
d'Etats allemands (360 à 39). Ces campagnes hostiles vont aussi émerger ailleurs, en
particulier en Italie, avec un refus des décisions de l'étrangers; avec les révoltes du 3 mai 1808
en Espagne.
Le grand empire a disparu, et les sentiments nationaux ont continué d'exister, et des
révolutions vont se faire en 1830 au cris de « vive Napoléon », du fait de son rôle dans
l'autonomisation nationale. Cette idée de nation va dépasser le cadre européen, et aux Etats-
Unis, ce concept va jouer beaucoup dans la lutte contre la puissance nationale, et la nation
apparaît comme un modèle d'émancipation au XIXe siècle. Les nations se généralisent, de
même que les revendications nationales. C'est le triomphe de l'idée nationale. Les intellectuels
ont la conviction que l'Etat-nation est l'avenir de l'Europe, dans la coïncidence entre l'Etat et le
peuple uni. D'où la constitution de différents Etats (Grèce, Italie, Allemagne, ...).
3 Le XIXe siècle ou le triomphe de l'idée nationale
La formation de nouveaux Etats-nations.
L'unité italienne est perçue comme inachevé, sentiment qui va être à la base de
l'irrédentisme, avec la revendication des terres irrédentes. On va voir des mouvements dans
ces territoires qui vont se développer pour réclamer le rattachement.
Les Etats-nations ne regroupent pas seulement ceux qui sont considérés comme
nationaux, mais aussi d'autres peuples. Il y a à la fois la volonté de regrouper les nationaux, et
des volontés qui dépassent cette nécessité d'unité.
L'éveil des nationalités.
C'est la volonté d'existence d'un groupe de personnes en tant que nation, unis par une
communauté de territoire, de langue et de valeurs. Cette conception est à la croisée de deux
conception de la nation. Ce principe est un héritage de la Révolution, et si la souveraineté
réside dans la nation et que la volonté générale trouve sa traduction dans la loi, cette volonté
générale est compétente pour exercer cette souveraineté.
Tout au long du XIXe siècle, des intellectuels vont développer cette conception.
L'Etat-nation est tenu pour un modèle: les empires nationaux apparaissent de plus en plus
comme condamnés, en dépit des pactes impériaux (Sainte-alliance).
Un des exemples les plus révélateurs est la révolte au sein de l'empire austro-hongrois:
en 1867, l'empire est divisé en deux parties pour éviter que les mouvements ne prennent de
l'ampleur. On va voir le nord dominé par les Autrichiens, le sud dominé par les Hongrois, et
dans les deux cas des rébelions. La maggyarisation des peuples du sud est mal perçue, et on
va avoir des mouvements de contestation. On a une exacerbation du mouvement des
nationalités. La Première Guerre mondiale va permettre une implosion de l'empire.
Dans les Balkans, on a un recul de l'empire ottoman: il ne va pas pouvoir empêcher ses
provinces chrétiennes d'accéder à l'indépendance: Grèce, Serbie, Monténégro, ... Il y a un
certain nombre de concessions qui sont faites, mais les différents groupes nationaux ne
regroupent pas l'ensemble de leur nationaux, ce qui va faire des Balkans une véritable
poudrière. En 1875-1876, on a une révole des Bosniaques appuyés par les Russes contre les
Ottomans, qui conduit au congrès de Berlin après la victoire russe, qui accorde l'indépendance
à la Serbie, au Monténégro, à la Bulgarie, à la Roumanie et à la Bosnie-Herzégovine qui passe
sous domination de l'Autriche-Hongrie. Mécontentement et jeu diplomatique européen:
émergent des entités nationales qui suscitent des problèmes, d'où une zone explosive. Les
guerres aboutissent à des partages, à la création de l'Albanie. Il y a un phénomène
d'imprégnation par le modèle de l'Etat-nation.
Les nationalités de l'empire russe s'estiment victimes d'une russification et d'une
diffusion forcée de la religion orthodoxe. En réponse à cette politique, on a des révoltes,
comme en Pologne en 1863, et régulièrement on va avoir des mouvements de protestation de
la politique du Tsar. En 1905 est lancé en Pologne un appel contre la politique linguistique
russe et l'exclusion du polonais, discrimination dans la langue mais aussi dans l'accès à
l'administration, puis contre la haine pénétrant par tous les bords le milieu social. C'est la
religion catholique qui va être entravée. La politique de répression stimule en réalité la
revandication nationaliste.
Le nationalisme.
C'est une forme de chauvinisme, mais aussi l'ensemble des revendications d'un peuple
assujetti qui aspire à l'indépendance, mais encore la profession de foi d'un mouvement qui
affirme la priorité des intérêts nationaux dans l'organisation politique.
Au XVIIIe siècle, c'est plus une remise en cause de l'ordre monarchique. Au XIXe, le
nationalisme va être plus lié à une lutte contre les idées anti-démocratiques, avec quatre
thèmes: la souveraineté, l'unité (lutte contre les particularismes), la mise en avant du passé
historique, la prétention à l'universalité (qui découle de l'eneignement de l'histoire).
A partir de la fin du XIXe siècle, dans un contexte de risque, va se développer un
nationalisme diffu, souvent militariste, et plus souvent encore xénophobe, et une grande partie
de la population peut être touchée par ce mouvement. En France, avec la perte de l'AlsaceLorraine se développe un culte de la nation, exaltation de l'unité de la France, et donc une
volonté de combattre tout ce qui y porte atteinte, et en particulier l'Allemagne. Se développe
aussi un culte de l'armée, exaltation des valeurs guerrières, de la défense de la nation, avec
une hostilité face au ennemis considérés comme héréditaires. Une dimension raciale viens s'y
greffer (Vacher de la Pouge). C'est nationalisme peuvent se diffuser car ils en trouvent les
moyens, en particulier par la presse, avec l'Action française, le Libre Parole d'Edouard
Drumont, ... On retrouve ce même mouvement dans les autres pays: pan-germanisme, panslavisme, futurisme,... En Russie, la Ligue du Peuple russe encourage le respect de l'autorité,
et une xénophobie aggressive. On retrouve ce mouvement aussi dans les petits Etats
balkaniques (Main noire). C'est le cas aussi en Angleterre, où la grandeur de l'empire et de la
race anglaise est exaltée notamment par Kipling, qui présente le colonialisme comme une
vertu.
En France, c'est Charles Peggy et Maurice Barrès (Les Déracinés) qui vont faire
l'éloge de la nation. Ce nationalisme se renforce avec l'affaire Dreyfus, qui se teinte
d'antisémithisme pour Barrès, fondateur de la Ligue de la patrie française, dans le but de
défendre une certaine identité menacée par les étrangers et en particuliers les juifs. Dans la
musique, c'est Claude de Bussy qui va manifester son attachement à la nation: il va le montrer
en signant par Claude de France. De même en Allemagne chez Wagner.
Même si on a cette imprégnation chez les artistes, les nationalistes constituent des
mouvements qui sont minoritaires, qui se diffuse par les élites.
4 Les attributs de la nation
Dans L'Invention d'une nation (1993), Dieckhoff montre que la nation s'invente à
partir de différents outils, qui pré-existent, ou qui vont être inventés pour l'occasion. Il se fait
par un stock d'images, « communauté imaginaire », qui va être le point de départ de plusieurs
réflexions.
La nation se constitue à partir du moment où s'affaiblissent voire disparaîssent des
liens communautaires réels. Elle se fait par entropie sociale pour Gellner, lors du passage à la
société industrielle, qui introduit l'exigence de rationalité, qui est le secret de l'esprit moderne.
Les grandes caractéristiques de cet esprit moderne, c'est la recherche de cohérence et de
continuité, notamment au service de l'efficacité. Cette modernité suppose une homogénéité de
l'espace, alors qu'auparavant subsistaient des sous-mondes juxtaposés. La nation va être la
caractéristique de ces homogénéités, car elle va réunir des individus qui sont séparés de leur
communauté d'appartenance, et c'est cette coupure qui va être le moyen d'homogénéisation.
Le projet d'union nationale pré-existe à la nation, comme conscience d'appartenir à un groupe,
qui va permettre la naissance de la nation. La langue est le véhicule de cette homogénéisation.
L'idée de langue nationale est récente: il n'y a avait pas de langue commune avant la
création de la nation, elle vient alors que la notion de nation est déjà élaborée. En France, à la
veille de la Révolution, le Français est loin d'être la langue de toute la population, alors même
que c'est la langue de l'administration, de l'élite sociale. C'est un plurilinguisme qui existe
dans toute la France, mais aussi dans les Etats voisins, qui correspond à des situations
différentes. On va avoir une codification de la langue savante, qui va permettre d'imposer une
même langue à l'ensemble de la population. En Europe de l'Est, on va voir les partisans d'un
nationalisme juif de diaspora (nationalisme culturel), qui vont se montrer favorable au yeddish
rénové; le nationalisme sionniste va préférer la modernisation de l'hébreux, pour rompre avec
la diaspora. La langue va donc servir le projet politique. La langue va devenir par sa diffusion
un instrument politique. On va avoir une codification qui va être réalisé, avec la rédaction
d'un dictionnaire, et un principe de création de néologisme: c'est Eliezer Ben Yehouda qui va
effectuer ce travail. Cette langue se généralise, devient la langue officielle, elle passe du
service de dieu au service de la nation.
En Irlande, le gaëlique renaît, avec en 1893 la fondation de la Ligue gaëlique, avec
pour but de préserver l'usage de la langue, les traditions, avec la création d'école nationalistes.
Après l'indépendance, le gaëlique devient obligatoire dans les écoles, mais il ne s'imprègne
pas. Il a tout de même constitué un instrument de différenciation, permettant une mobilisation,
une auto-identification du groupe. Dieckhoff ajoute que « le fonctionnement idéologique de la
langue est symptomatique d'un fonctionnement du nationalisme, qui prétenduement engagé au
nom d'attachements primordiaux largemenent mythifiés, constitue en réalité un mécanisme
d'accession à la réalité ». Pour Gellner, toutes les langues modernes sont artificielles,
instruments politiques.
Aux Etats-Unis, Webster va réaliser des dictionnaires afin de fixer l'usage de l'anglais.
La langue va être au centre du discours sur la nation, avec une généralisation de la
langue par les élites. La langue devient une incarnation de la nation. Pour Herder, la langue
est le symbole du génie d'un peuple, et le rôle des intellectuels va être de rassembler tous les
champs populaires, pour constituer un noyau qu'il va falloir valoriser, pour ensuite diffuser la
langue par le biais de l'enseignement.
Le drapeau est aussi un symbole fort. La naissance des drapeaux pourrait être datée de
la société féodale. Avant 1789, en France, l'usage du drapeau se fait dans l'armée et dans la
marine, mais rarement comme emblème de la nation. Il ne s'impose que lors du consulat et de
l'Empire, avec une codification des couleurs très précise. Dans le cas du drapeau sénégalais, le
choix des trois couleurs montre une influence française, et l'unité des trois partis au service de
la nation. Autres codifications, l'image de la trinité chrétienne, le vert de l'Islam, le jaune pour
la priorité accordée aux questions économiques au moment de l'indépendance, mais aussi des
question culturelle (couleur de la robe des professeurs de lettre), le rouge couleur du sacrifice,
du courage, de la vaillance militaire, symbole de la lutte pour le développement. L'Etoile
représente la perfection, la lumière, et les valeurs spirituelles, verte pour souligner l'espoir que
soulève l'indépendance.
Le drapeau porte les valeurs de la nation. On ancre la nation dans le passé, source de
légitimité nationale. On retrouve cet ancrage dans le choix du drapeau israëlien: l'étoile de
David sur fond blanc, les rayures bleues qui rapellent le châle de prière, le drapeau est un
signe de ralliement, et dans ce sens on comprend les usages codifiés du drapeau: interdiction
de les brûler, en France, on doit le plier en laissant le bleu apparent (symbole de la victoire de
la République sur la royauté).
Autre symbole, les hymnes. Comme pour les drapeaux, les hymnes nationaux vont
émerger avec les Etats-nations. Le premier est l'hymne anglais au début du XIXe siècle. On
peut avoir selon le régime un appel au sens de la patrie, plus ou moins offensif, avec la
Marseillaise établi en 1879, de même qu'en Pologne ou en Irlande, appel à la polulation en
arme pour la défense de la nation. C'est un élément d'intégration à la nation, élément de culte
national, unifiant la nation, et la transmettant, qui donne immédiatemment la nation à voir.
Par le nationalisme, il y a la généralisation d'une certaine haute-culture, qui veut avoir
valeur universelle. Hroch distingue différentes phases dans la construction de la nation: une
phase de découverte de la culture nationale par les lettrés, qui vont la réunir; une période
d'agitation patriotique; la phase d'émergence d'un mouvement de masse. Il met en avant le
rôle des élites dans la transmission du patrimoine national, et il reprend par ailleurs
l'expression de Renan, et ajoute que c'est aussi une mobilisation affective, qui produit
unification et identification. Cette mobilisation va s'effectuer autour de revendication
unificatrices, afin de produire un nous auto-fondé: on passe à la nation quand on crie vive la
France plutôt que vive le roi. La création de représentations sélectives communes est
important dans le sentiment national.
Le respect de la loi est le résultat assuré par l'apprentissage du politique, et les
caractéristiques de la nation ne suffisent pas pour fonder un processus d'intégration, si le
projet politique n'est pas renouvellé par des institutions communes. D'où le relais nécessaire
des institutions. L'action de l'Etat ne va avoir pour but que d'établir le fonctionnement
politique, et la légitimité qui fonde le respect des citoyens. Les élections vont traduire l'égalité
des citoyens, l'appartenance de chacun à la communauté nationale. Ce qui va permettre la
nationalisation des masses, c'est l'école, avec la diffusion de la langue, l'école ayant pour
fonction d'instituer la nation, d'où l'appelation d'instituteurs. Les cours d'histoire mais aussi de
morale se développent, avec le livre Le Tour de France par deux enfants, exaltation du
territoire national. L'Etat maîtrise les programmes.
En Israël, les religieux peuvent garder leur enseignement, mais l'Etat détermine les
grandes orientations des programmes, et les méthodes: loi de 1953 qui énonce des principes
sur lesquels l'éducation doit se faire, l'amour de la patrie,... Cette loi révèle le soucis de
maîtriser l'éducation de l'Etat. On renforce le sentiment d'appartenance, permettant une
mobilisation de la population pour la défense de la nation. En Grande-Bretagne, dès 1840, on
va avoir des lois qui introduisent les exigences du gouvernement dans les programmes
scolaires. En Allemagne, c'est le Kulturkampf, lutte de l'Etat contre l'influence catholique, qui
va progressivement pousser à établir l'autorité de l'Etat dans l'éducation. La laïcisation se
développe car vu comme seule garante de l'unité nationale. C'est dans le même sens que
s'institue la laïcité en France. A la place, l'école va développer une sorte de religion nationale,
qui va se développer dans les représentations, avec la personnification de la nation.
Depuis les années 1880, il semble y avoir une modification dans l'approche de
l'histoire nationale: l'école à un rôle d'unification au profit de la défense de la partie. On
présente la République comme triomphante. Dans les années 1880, l'unité nationale se fait par
les thèmes abordés, avec notamment une présentation de la colonisation comme une des
oeuvres maîtresses de la IIIe République, mais soulevant quelques problèmes d'injustices,
d'inégalité des droits, mais la colonisation n'est pas remise en question, et la mission
civilisatrice reste vue comme valorisante. Les critiques vont être portées sur des
disfonctionnements, et non pas sur un système. Cet européo-centrisme commence à être mis à
distance, avec l'utilisation de précautions dans le discours. Ces questions viennent sur le
devant de la scène: désormais on a plus d'acceptation du discours officiel, avec une critique
d'un point de vue historiographique. C'est une rupture d'avec l'historiographie traditionnelle:
certains pans de l'histoire viennent au premier plan, mais on a des étapes de consensus
spécifiques
On a aussi la création de romans, d'épopées, qui vont avoir pour fonction de construire
l'identité de la nation. En Finlande en 1884, on ressort le Kalevala, ensemble de vieux textes
populaires authentiques: il s'agit d'un immense poème composé à partir de champs populaires
de Finlande par un poète, Elias Lönnrot. Cette publication va avoir un impact énorme: il va
passionner les érudits, avec un engouement, car il répond à une demande depuis 1807 (traité
de Tilsit, la Finlande passant sous domination russe), développant une culture nationale, avec
le développement du finlandais, tentative de marginalisation de l'influence suèdoise. D'autres
textes vont prolonger ce phénomène, du fait de l'activité de recherche et de traduction qui va
être menée, devenant l'élément le plus prestigieux de la nation: sa publication (le 28 février)
devient jour de fête nationale en Finlande. L'Estonie va faire la même chose, avec le
Kalevipoeg, première oeuvre littéraire en estonien.
On a aussi une valorisation de la nation par les saints, par les héros. Cette héroisation
se fait par les hommes mais aussi par les femmes, en particulier dans le cadre de lutte pour
l'indépendance. Dans l'Espagne franquiste, la guerre civile va fournir un certain nombre
d'héroïnes dans les deux camps: Dolores Ibarruri, la « passionaria », qui dirige l'association
des femmes contre le fascisme, mais aussi des combattantes, qui deviennent les héroïnes du
camps républicain. Avec la victoire de Franco, d'autres figures vont apparaître: Pilar Primo de
Rivera (soeur du dictateur de 1923 à 1930) et Mercedes Sanz Bachiller, organisatrice de la
phalange féminine. Ces héroïnes font elles-même référence à d'autres figures: Sainte Thérèse
d'Avilla, ou encore Isabelle de Castille. Les femmes sont les gardiennes des valeurs de la
nation: maternité éducation, religion, ... Elles défendent ces valeurs de la nation. Ce sont des
modèles nationaux sur la manière d'être une femme.
De même en Grèce, les femmes participent activement à la lutte pour l'indépendance,
dont certaine sont héroisées: Lascarina Bouboulina, armatrice, ou encore Mado Mavroyenous
la « belle héroïne de Mycône ». Après l'indépendance, il n'y a pourtant pas d'initiative
émancipatrice. Cette héroisation participe de la valorisation d'une nation.
L'ensemble des représentations collectives ont toujours participé à la formation d'une
« communauté imaginée »: selon Anderson et Balibar, seules les communautés imaginaires
sont réelles. A travers les mythes vont se diffuser une norme dans la société, des éléments
d'identité collective, parce qu'ils diffusent une notion du passé commun de la nation,
parcequ'ils créent du consensus, effacent les dissidences, le staut quo. Cet entretient constitue
l'un des facteurs principaux de la cohésion nationale (Marcel Mauss: « la nation, ce sont les
citoyens animés d'un consensus »). Ce consensus permet de résoudre les conflits par la
discussion, le compromis, la référence à une valeur général, un investissement effectif. Il
s'agit de participation affective, déterminée par le mythe, qui devient le principal instrument
de la cohésion du groupe.
André Green définit ce qu'il appelle les objets collectifs transitionnels, champ
intermédiaire d'expérience, qui va permettre la structuration psychique que les individus ont
en commun. Green explique que les mythes seraient des productions de l'inconscient, dont il
exprimerait les conflits, en formulant des interdits, ce qui ne doit pas être mais qui existe à
l'état de fantasme. Le mythe agit comme norme sociale, en définissant le champ de l'interdit,
mais aussi comme symbole et donc comme système compensatoire, permettant d'évacuer
fantasmes et interdits, mais aussi de les évacuer en leur donnant un lieu pour les exécuter, par
la représentation imaginaire. Par leur biais, les membres d'une communauté peuvent prendre
conscience de ce qu'il ne faut pas, où s'exprime ce qu'ils voudraient faire mais ne peuvent
faire. Ce réalise les fantasmes interdits, et se définissent des normes par ces figures, et la
définition d'exemples. Ceci permet de comprendre le caractère normatif des mythes
nationaux, donnant l'exemple. Ces mythes vont donner une vision collective entrainante,
exemplarité qui ont souvent pour fonction de moraliser l'histoire. C'est une sorte d'instrument
pédagogique, une lecture sélective, qui détermine ce qui doit rester du passé dans le vécu des
groupes, c'est-à-dire dans la mémoire collective. Cette définition renvoi à l'analyse de Roland
Barthes. On ne peut pas opposer mythe et réalité, car le mythe fait partie de l'histoire, est une
vision du passé. Ces mythes sont spécifiques à chaque nation: ils ne sont pas figés, ils vont
suivre l'histoire nationale, certains vont disparaître, remplacés par d'autres. Ils vont même
précéder l'histoire dans la mémoire collective.
En faisant une comparaison entre les mythes américiains et israëliens, on peut
constater certaines similitudes, qui ramènent à une période de la jeunesse de l'Etat qui est vue
comme un âge d'or, qu'on ancre dans un passé plus lointain. Le mythe confère un passé plus
long qu'il ne l'est réellement, et permet l'assurance d'une cohérence nationale. Quand une
collectivité va se trouvé agressée par l'extérieur, un dispositif est mis en place pour renforcer
cette cohérence nationale, ce qui n'est pas nécessaire en période normale. C'est ainsi que les
pioniers sont vus comme des héros. Frederick Jackson Turner affirme que la guerre du VietNam va impliquer une rupture dans le modèle américain, et l'image de l'ouest va être remise
en question lorsque les nouveaux historiens vont remettre en cause cette image, et parler d'une
oppression des minorités dominées. Ce renouveau historiographique va interroger les mythes,
faire apparaître les Etats-Unis comme une mosaïque de communautés, la nation n'est plus un
modèle universel, mais elle en vient à être considérée comme une communauté de difficultés.
Cette évolution est très visible dans le cinéma, avec les westerns, à la gloire des colons, sans
présentation des massacres perpétrés. Dans les années 70, après le guerre du Viet-Nam, on a
une évolution certaine, avec des films qui prennent le contre-pied: récit du massacre de Sand
Creek. Ces nouveaux historiens vont être critiqués par des politiques, et dans la presse
populaire, et dans une exposition à Washington sur l'ouest américain, les critiques se
déchaînes. Ces réactions d'hostilité sont suscités par un attachement profond à ces mythes, ce
qui induit qu'ils soient remplacés par de nouvelles représentations, et c'est une peur du vide
qui produit des blocages vis-à-vis de cette remise en cause des représentations collectives.
En Europe, au début du XXe siècle, la colonisation entretient aussi ces représentations
collectives. Lors de la perte de cet empire, il est impossible de parler de guerre d'Algérie
(terme accepté en 1999). Marc Ferro souligne qu'un certain nombre de dérapages sous la
colonisation étaient connus, mais il était implicitement impossible d'en parler: dans certains
textes, on parlait de certaines exactions connues et publiques, mais les dénoncer était présenté
comme remettre en cause l'oeuvre de la France. Ce blocage a été particulièrement long, et fait
toujours débat. Ils contribuaient à l'image de grandeur nationale.
La nation n'est donc pas un tout donné, même si des mythes peuvent en véhiculer
l'idée: elle est construite par des représentations, les éléments objectifs ne suffisent pas, ce qui
est portant ce n'est pas ce qui existe en soit, mais la croyance en une même origine, une même
histoire, ce n'est pas parce qu'un peuple a des caractéristiques communes qu'il constitue une
nation, c'est parce qu'il constitue une nation qu'il a des caractéristiques communes. C'est en ce
sens qu'actuellement on parle de nation minée de l'intérieur ou de l'extérieur.
CHAPITRE 2: Questions d'actualité sur la nation, le
nationalisme et l'ethnicité
I Vers une remise en cause de l'Etat-nation et de l'idée
nationale?
On avance souvent le rôle des conflits mondiaux dans cette remise en cause, rôle de la
Première Guerre mondiale, après laquelle les nations doutent, puisque la guerre est imputée au
développement des nationalismes. Elle est perçue comme une remise en cause de
l'attachement national, avec l'idée de limiter l'expression du sentiment national, et de limiter la
porter des nations dans leurs relations.
Or l'appellation de nation est toujours présente, notamment avec la SDN, qui fait
toujours référence au cadre national. On désignait par nation des peuples, différents des Etats.
La stratégie était de contrôler cet attachement en donnant un cadre supérieur aux nations.
La notion de race-nation est disqualifiée par la Seconde Guerre mondiale: les régimes
totalitaires tombent, et l'Allemagne doit renoncer au nationalisme, ce qui va entraîner la
constitution précoce d'un courant néo-nazi, le NPD, qui émerge dans les années 60, et connaît
une résurgence depuis la réunification.
Dans la processus de la guerre froide, avec l'émergence de deux grandes puissances, le
monde se divise en deux blocs antagonistes, et donc les nations ne constituent plus que des
unités de ces blocs, renforcé par la mondialisation, la création d'organisations internationales,
ce qui représente un changement d'échelle au détriment de l'Etat-nation.
L'intégration européenne, avec l'OECE, puis l'OCDE, induit un rapprochement des
Etats-Unis; puis entre européens, la CECA implique la volonté d'aller au-delà des nations, et
même de créer une nation européenne. Ce processus d'occultation des nations se poursuit avec
la mondialisation.
La mondialisation induit l'interdépendance internationale, une certaine
homogénéïsation culturelle, qui semble effacer les spécificités nationales. Emergent de
nouvelles revendications, notamment avec la Ligue du Nord en Italie, mouvement populiste,
favorable à la création d'une fédération italienne, défendant les meilleurs, ceux du nord, contre
le fardeau du sud, avec une rupture de la solidarité nationale. On veut le développement
d'Etats-régions, qui peut faire éclater le territoire natonal. On a aussi l'émergence de
séparatismes, avec le FLNC en 1976. On a un processus de nationalisme régionaliste qui
émerge en Afrique, qui vont participer à ce changement d'échelle. C'est le cas du Biafra, partie
du Nigeria, qui prend le nom de République du Biafra, se déclarant indépendante, reconnue
par certains pays africains: c'est une région minière riche, qui tente de se distinguer de la
population musulmane, alors qu'eux sont animistes. Une guerre se déclenche, très dure: le
conflit va jouer un rôle important puisque c'est à cette occasion que va se créer MSF, qui va
avec d'autres ONG, dont la Croix Rouge, intervenir dans la région. Le même type de
séparatisme se réalise au Congo.
Cela montre qu'il n'y avait pas cette homogénéité qui permettait l'émergence d'une
identité homogène. On se rend compte que la nation reste cependant une entité relativement
présente.
II Une réalité encore très présente
A Les nationalismes de libération
L'Etat-nation semble encore largement étaloné le politique: dans le cadre des
nationalisme, on cherche à faire émerger un Etat par l'affirmation d'un esprit national, alors
que la nation ne va émerger qu'après coup.
C'est le cas lors de la décolonisation: on a une dénonciation de la nation impérialisme,
que l'on va rencontrer en Europe, dans les colonies, qui fait apparaître les colonies comme
injustifiées. La colonisation, la lutte armée au côté des métropoles, va faire murir l'idée d'une
identité nationale. La nation, les idées 1789, vont se retourner contre la nations colonisatrices.
Le refus du nationalisme dans les métropoles alimente ce refus dans les colonies. Ces pays se
sentent en décalage par rapport à l'Europe, qui doit être comblé par la création d'une nation.
C'est le cas de la Côte d'Ivoire, avec Félix Houphouët-Boigny, personne imprégnée
des valeurs françaises, député français, puis ministre, fondateur du Rassemblement
démocratique africain; élu sept fois Président de la République, et la dernière il a eu un
adversaire, Laurent Gbagbo. Il s'emploie à créer une nation ivoirienne, alors que coexistent
des tribus différentes, parmi lesquelles les Baoulés, les Sénoufos, Malinkés, Agnis,... Il essaye
de réaliser une unité, faire de la religion chrétienne une religion officielle, fait de
Yamoussoukro la capitale (son village natal). En réalité, c'est une idéologie qui est une façade
pour son pouvoir personnel: il incarnerait le pouvoir national. Cette idéologie est reprise après
sa mort, et avec le coup d'Etat Gbagbo en 2000: il affronte une rébellion, puisque le nord se
rebelle et affronte les forces gouvernementales aidées de mercenaires: les soldats du nord se
rebellent parce qu'ils sont exclus de l'armée pour défaut d'ivoirité, on les accuse de ne pas être
assez ivoirien. En effet le nord est plus multiculturel du fait de sa richesse qui attire
différentes populations. Gbagbo veut mettre en place cette notion d'ivoirité, notamment avec
la mise en place d'un code électoral, qui impose pour l'éligibilité une ascendance ivoirienne,
met en place des boucs-émissaires, ce qui entraîne cette rebellion du nord, véritable guerre
civile à partir de 2002-2003, l'arrivée de casques bleus: les accords de Marcousis ne résouent
rien, et les heurts reprennent. Très récemment un nouvel accord de paix est signé, le but étant
de réconcillier la population, pour sortir d'une approche qui a entraîné une sorte de
xénophobie, une méfiance identitaire, alors qu'on est face à une population très diverse,
multiculturelle.
Dans la décolonisation, on a l'émergence de modèles caricaturaux de nation. En Asie,
le modèle n'est pas le même, puisque le modèle étatique existait avant la colonisation, avec un
maillage administratif préalable chez les Khmers, qui ne nécessite pas une sur-imposition du
modèle national européen.
La conjugaison de la volonté d'émancipation, de l'assimilation du modèle européen, le
dessin de frontières par les colonisateurs conduisent à une volonté nationaliste. On reprend
ces cadres rigides, mais sans adaptation au contexte local.
B Des identités nationales encore bien affirmées
De Gaulle reproche à la IVe République de s'être trop attaché au bloc américain, ce qui
va entraîner une politique d'indépendance. Cette politique se traduit dans le développement de
la dissuasion nucléaire, dans le sport (en particulier dans les matchs de football entre
l'Allemagne et la France). Les commentaires sportifs se chargent de caractèrent identitaires,
avec l'exacerbation des symboles, et des caricatures sur les nations.
Dans les empires multinationaux, on va voir un attachement longtemps refoulé à la
nation, en particulier dans l'ex-URSS: avec l'éclatement du bloc ressurgissent des sentiments
nationaux, des discours qui justifient la nation.
C Le cas de l'URSS, des origines au démantellement
Staline s'est beaucoup intéressé aux questions nationales, et a écrit dessus. Il va s'en
charger une fois au pouvoir. Cette question apparaît comme majeure dès la prise de pouvoir,
puisque l'un des premier décrets concerne cette question: on déclare la souveraîneté et l'égalité
des anciennes provinces russes: ils peuvent s'émanciper. Plusieurs peuples proclament leur
indépendance: les Polonais, les Géorgiens, les Azéris,... Il existe un risque de désagrégation
totale du pouvoir, et Staline rappelle les limites de cette autonomie, et va restreindre dès 1921
l'autonomie des nations rattachées à la Russie, car il ne doit pas s'agir de l'autonomie de
« nations bourgeoises »: pendant la guerre civile, les territoires déclarés indépendants sont
reconquis. Lénine conçoit une union libre de nations, à l'inverse de Staline. Il y a une
reconnaissance de l'identité nationale des individus. Staline doit se plier, notamment à
l'occasion de la constitution de 1922. C'est Lénine qui l'emporte, avec le choix d'une
nationalité à l'âge de 16 ans, mais à sa mort, Staline impose le contrôle du pouvoir russe sur la
périphérie. Les républiques délèguent des fonctions essentielles au centre russe: représentation
internationale, défense, commerce extérieur, budget, monnaie,... Moscou procède à un certain
nombre de remaniements territoriaux, avec de nouvelles républiques fédérées, comme
l'Ouzbékstan, ou le Turkmenistan, et en intègrant certaines au pouvoir russe.
Les peuples ont le droit de disposer d'eux-même, mais à condition que le prolétariat
contrôle ce droit, qui est représenté par le PC: c'est donc lui qui contrôle ce droit. Staline
impose une culture soviétique, en réalité russe, aux cultures nationales, dont la spécificité doit
être dépassée: on assiste à une russification à haute dose de l'union, qui sera dénoncée par
Krouchtchev en 1956. Dès 1956, en Azerbaïdjan, le Soviet suprême proclame l'Azéris langue
officielle unique. La seule chose qui soit possible au début est l'émancipation par la langue,
qui est au premier plan des revendications de l'époque. Mais les Russes gardent le pouvoir, et
on assiste à une amorce limitée d'indépendance. En 1977, les 14 républiques fédérées nonrusses disposent de 480 députés sur 750 dans le Soviet suprême.
En 1978, Hélène Carrère d'Encausse annonce l'éclatement de l'URSS du fait de
l'importance de ces revendications identitaires, qui menacent l'unité de l'URSS. On a 4 types
de revendications qui émergent:

Les revendications politiques: en Géorgie, dans les pays baltes, en Arménie, des
manifestations se multiplient, pour acquérir l'indépendance, et recréer des Etats
souverains.

Les revendications liées à des problèmes socio-économiques, entre le centre russe
et la périphérie dominée et sous-développée.

Les revendications des groupes apatrides, en particuliers des Tatars de Crimée,
déportés par Staline, puis réabilités très tard, accusés de collaboration avec
l'Allemagne, de même pour les Tchétchènes, et autres peuples; on déporte aussi
les nationalistes, notamment en Ukraine, qui s'oppose à la soviétisation forcée; des
abus ont été reconnus, et les retours se sont multipliés, mais n'ont pas été facilités,
et ont conduit à des affrontement, et c'est à partir de 1972 que ces peuples ont le
droit individuellement de choisir leur lieu de résidence, 1979 pour les Tatars de
Crimée.

L'émergence de tensions ethniques marquées, où s'articulent les notions de nation
et d'ethnie: en Asie centrale, on a le problème du mélange des ethnies sur un
même territoire, phénomène renforcé par les migrations forcées; les républiques
connaissent une forte diversité au sein de leur population, en particulier en Asie
centrale, ce qui va conduire au démantellement de l'URSS; certains conflits
subsistent.
Dans le Caucase, on définit des nationalités par des langues et des droits: le Daghestan
connaît une dizaine de langues officielles, ce qui permet de limiter les regroupements contre
le pouvoir soviétiques. Certaines nationalités ont existé comme Etat comme la Géorgie et
l'Arménie. D'autres ne disposaient que d'un dialecte comme l'Abkhazie. Cette reconnaissance
ponctuelle a conduit à la formation d'un profond sentiment national, et à la création d'une élite
nouvelle qui va véhiculer ce sentiment, ce qui va nourrir ce sentiment et fera exploser l'URSS.
La Géorgie est peuplée d'une majorité d'Orthodoxes, et d'une minorité de musulmans.
En 1989, on a une manifestation de jeunes qui portent au pouvoir un anti-communiste qui
installe un régime autoritaire. Une dictature va être installée, mais le territoire est en proie à
l'expression de minorités: abkhaze, ossète. En ce qui concerne les Ossètes, c'est une
population transfrontalière entre Russie et Géorgie: en 1992, la minorité abkhaze tente
l'indépendance du fait de la domination de la Géorgie sur le territoire; après un an de conflit,
grâce au soutient des Russes, ils gagnent, chassent tous les Géorgiens d'Abkhazie, avec un
phénomène de réfugiés, qui vont être hébergés dans des centres d'accueil. Aucun règlement
du conflit n'a été adopté. La violence de ces conflist est une obsession qui hante les peuples de
revendiquer un passé prestigieux, qui doit expliquer l'éviction des minorités: c'est une
rigidification des identités, avec une véritable politique de purification ethnique, qui va
réduire la puissance abkhaze qui résulte d'une unification, encouragée par la Russie qui y a
investi pour préserver sa domination, avec une idée de purification de la nation, et une
exclusion de tout ce qui est différent. On voit se récréer un désir d'unification nationale, mais
sur des éléments ethniques, identité exclusive, absence d'une conception civique de la nation.
Seconde étude de cas, celle du Haut-Karabakh, région rattachée à la République
d'Azerbaïdjan en 1923, peuplée très majoritairement d'Arméniens, et à partir de 1988, le
territoire réclame son rattachement à l'Arménie. C'est la justification religieuse qui est mise en
avant: ils sont chrétiens, mais stigmatisés par les musulmans. D'où un conflit entre l'Arménie
et l'Azerbaïdjan. Les Arméniens du Haut-Karabakh proclament donc une république
indépendante. En 1987, son président est nommé premier ministre de l'Arménie, et on a une
relation très étroite entre les deux pays, reliés par un espèce de couloir, et on reste depuis dans
une situation de statut quo. Des négociations sont menées entre les deux pays, mais la
question n'est pas réglée.
L'élément mis en avant est la religion, qui justifie cette opposition, mais il y a aussi le
recours à la notion d'ethnie, pour faire apparaître des groupes homogènes. La nation se fonde
sur une homogénéité ethnique. En réalité la population est extrêment diverse dans ces espaces.
L'idéal de l'Etat-nation paraît donc difficile à apporter. D'où le besoin de déterminer un
caractère dominant.
Dans le même sens, on a la tchétchénie, où des nationalismes s'opposent avec plus ou
moins de violences, et on assiste à une radicalisation des positions, et le nationalisme russe se
renforce en diffusant une image caricaturale des Tchétchènes, avec une forme de
déshumanisation, qui n'a cessé de se renforcer, et cette transformation va en fait légitimer un
discours d'élimination. Cette hostilité a été encouragée par Poutine, parce qu'il y voit un
moyen de souder la population russe. La population tchétchène est elle-même fractionnée et
en proie à de graves problèmes, et cette opposition au pouvoir russe a pris la forme d'un
islamisme radical, extérieur au territoire, mais qui va légitimer le combat. C'est un appel à des
éléments identitaires au service d'un nationalisme actif.
Dans cette région la seule situation qui laisse un peu d'espoir, c'est celle du Kazakstan:
république fédérée depuis 1936, avec la mise en cause du pouvoir de la Russie en 1991, et la
prise de l'indépendance, dont la constitution fait une république laïque. Il y a la volonté de
laisser ouverte cette république, pour intégrer la diversité religieuse: le russe reste la langue de
communication pour ne pas laisser s'installer un fractionnement linguistique, ce qui permet de
ne pas construire une identité exclusive autour d'une seule langue, une seule religion. On
privilégie un consensus pluri-ethnique. C'est ainsi la seule zone calme de cet espace, car on a
pas ce cloisonement identitaire, le pouvoir appartenant à un Etat et non-pas à une nation.
La fin de l'URSS a donc entraîné la revendication de créations d'Etat-nations. Le
phénomène est moins brutal qu'il ne semble l'être, car il y a déjà eu une évolution sous
Brejnev: les institutions locales ont commencé à avoir un poids plus important, ouverture
cependant insuffisante, entrainant un mouvement de revendication à partir des élites. Dans le
même temps il y a eu un recentrage de la Russie sur l'héritage non-soviétique, avec le retour à
la religion orthodoxe; ce nationalisme russe va être repoussé localement, et être pris comme
modèle, entrainant une ethnicisation des groupes en présence, ce qui rend les affrontements
beaucoup plus durs.
Ces affrontements font apparaître deux choses: la persistance de la vivacité du modèle
national, et l'émergence et la violence des revendications ethniques, et en même temps une
prise de conscience des Etats dans lesquels s'effectuent ces revendications.
III Questions d'actualité sur la nation, le nationalisme et
l'ethnicité
A Vers une remise en cause de l'Etat-nation et de l'idée
nationale
Le débat sur l'identité nationale est remis sur la table par les revendications
nationalistes en France, en particulier avec la Nouvelle-Calédonie et la Corse.
Depuis 1988 se pose la question de l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie, dont le
statut particulier rend possible une autre vision du problème. Les problèmes sont plus
marqués dans le cas de l'Espagne, du Canada, de l'Italie, où le nationalisme de nature s'est
sociologiquement et politiquement ancré. Il s'agit de régionalisme qui se développe dans des
Etats de droit, en avance sur le plan technologique et économique, mais qui ne profite pas
assez de l'Etat providence. La notion de communauté nationale est au final mis à mal, au
départ pour des questions économiques, en particulier pour la Ligue du Nord en Italie, un des
ensembles économiques les plus puissants de l'UE. Cette prise de position s'appuit ensuite sur
le passé, et au parlement essaye de faire voter une loi pour étendre les prérogatives des
régions. En Belgique, les Flamands demandent une régionalisation fiscale pour ne pas avoir
de transfert vers la Walonie, solidarité de classe dans une région homogène qui nourrit un
mouvement identitaire. Dans ces régions, on a un parlement, un gouvernement, des partis à
vocation régionale. Ces régions disposent d'institutions économiques, et des strutures sociales,
un réseau associatif, qui font de ces régions des sortes de communautés pré-étatiques. Face à
ces différents mouvements, les réactions des anciens Etats-nations, ont été la décentralisation
ou la régionalisation. Le choix de la décentralisation s'est fait très tôt en particulier en Italie,
avec la constitution de régions, institutions régionales, qui ont joué rapidemment un rôle
marquant dans la politique du pays. Elles élaborent leur propre statut sous le contrôle du
parlement national et de la cour constitutionnelle, avec des compétences très larges. Au
Royaume-Uni, le politique adoptée a été celle de l'émancipation régionale, avec la création
d'assemblées régionales, pour moderniser l'Etat, améliorer son fonctionnement, et désamorcer
le nationalisme. Cette évolution a été admise dans ces cas.
En France une certaine évolution s'est dessinée, à un degré moindre.
L'Espagne a fait le choix de la fédéralisation: la constitution de 1978 affirme que l'Etat
s'organise en communes, provinces, communautés autonomes, qui vont s'organiser, avec la
notion d'identité et d'héritage historique qui va reconnaître un caractère autonome, qui va se
traduire par un statut d'autonomie, et par des compétences très étendues de ces communautés.
Ces compétences vont petit à petit s'élargir. La seule condition est de respecter les
prérogatives exclusives de l'Etat: égalité de droits et de devoir des citoyens, défense, justice,
affaires étrangères. Ces communautés sont dotées d'une assemblée législative et d'un
gouvernement, un président, dotées de fonctions administratives. On a donc une véritable
autonomie de ces régions. La langue officielle est le castillan, mais d'autres langues régionales
sont reconnues, et la Galice, la Catalogne est le Pays-basque ont des prérogatives plus
importantes. Au mois de février 2007, l'Andalousie a obtenu des compétences élargies, qui
vont surement être adoptées pour d'autre régions: le texte reconnaît une nationalité historique.
Pour la Catalogne, on va plus loin, puisque le terme de nation a été adoptée. On voit ainsi un
écart entre la Catalogne et les autres régions, et on s'attend à ce que cela nourrisse la
revendication d'autres nations. La reconnaissance de l'attachement identitaire renforce cet
attachement. On se demande alors si on peut encore parler d'une nation espagnole.
En Belgique, l'appellation de fédération est adoptée. Les revendications régionales
sont fondées sur des critères précis. La bourgeoisie qui parle français dommine l'Etat: c'est la
langue de l'élite, et qui va voter au suffrage censitaire. La Walonie domine la Flandre dans le
développement industriel jusqu'aux années 50, et on assiste à une francisation de la fonction
publique. Le clivage linguistique recouvre le clivage sociologique depuis l'indépendance. Va
donc émerger un sentiment de frustration dans la population flamande, avec la création d'un
mouvement identitaire à la fin du XIXe siècle, contestation des relations de domination
imposées par la bourgeoisie de langue française. Ce mouvement veut arrêter le francisation de
la société flamande par deux moyens: développer et renforcer son impact sur plusieurs
députés, action assez efficace puisqu'elle va permettre l'autorisation de l'utilisation du
néerlandais dans l'espace public flamand, qui devient seconde langue officielle en 1898; une
néerlandisation de l'enseignement en Flandre pour édifier de nouvelles élites sociales face aux
élites francophones. On a donc en 1988 la formation de trois régions, avec des compétences
de plus en plus élargies entre les deux communautés: Bruxelles, Flandre et Walonie. A ces
trois régions correspondent trois communautés qui sont des communautés de langue, qui font
de la Belgique un Etat fédéral. On a un niveau fédéral avec un parlement, et au niveau des
communautés un parlement, un gouvernement, et des compétences en matières culturelles,
pour l'enseignement et une partie de l'action sociale. Troisième niveau, le niveau régional. En
Flandre, la communauté et la région ont fusionné.
On peut parler d'une gestion de la pluriculturalité, mais qui entraîne une modification
de l'organisation du territoire. C'est donc un modèle qui va être contesté par certain. Dans le
cas espagnole, l'évolution peut être dangereuse, dans celui de la Belgique, il peut amener trop
de complexité.
En France, il y a deux outils de la construction nationales, apparaissant comme ne
jouant plus ce rôle: l'armée et l'école. Ce qui va être mis en avant, c'est de redonner plus de
rôle à l'école, et un retour au service militaire, avec la volonté de faire disparaître les
préférences individuelles, en particulier au-delà des religions. Cette approche induit des
obstacles. D'autres veulent donner un contenu complémentaire à cette construction, que l'on
retrouve dans des mouvements nationalistes de type FN, qui réclame un retour à des éléments
organiques de la nation, avec comme idéal la fin de la diversité sociale.
Dans ces deux approches, il n'y a pas de prise en considération des mouvements
identitaires, ce qui fait qu'il y a un risque de heurt à la réalité. On l'a vu, d'autres vont mettre
en avant la prise en considération de ces mouvements, avec la notion de gestion de la
pluralité, de la différence, avec une réflexion sur le multiculturalisme, pour qui c'est l'Etat qui
doit faire coexister des minorité plurielles.
Comment appréhender la différence ou les débuts de la réflexion sur le
multiculturalisme: le différencialisme signifierait accepter par delà les différences
individuelles, de reconnaître l'autre comme un égal à soit même, un être de même nature, et
cela suppose d'accepter l'irréductibilité de certains universaux. Ces la question qui se posait à
l'époque des grandes découvertes, notamment avec la controverse de Valladolid en 15501551, qui oppose deux théologiens: pour Sepulveda, la guerre coloniale est juste car les
autochtones sont des barbares, et c'est une mission que de diffuser la religion chrétienne; pour
Las Casas, il y a un désir de comprendre le indiens, et demande la fin de l'esclavage en
échange de l'enseignement de l'évangile. Cette controverse trouve sa clé dans les deux
approches de l'autre: pour Las Casas, les indiens sont communs aux européens, alors que pour
Sepulveda, ce sont des animaux. Ces deux attitudes vont distinguer les différencialistes, ceux
qui vont partager l'approche de Sepulveda mettant en avant l'impossibilité de coexister entre
différents groupes en raison de différences de nature, et les universaliste, qui font apparaître
que les différences sont liées au contexte, et mettent en avant l'universalité de la condition
humaine, qui fait que les hommes peuvent vivre ensemble, les attachements historiques
relevant du domaine privé, et celui de la citoyenneté relevant de l'égalité. On peut définir des
éléments communs qui vont être aux fondements de la nation.
Le melting pot est un idéal qui est apparu à la fin du XIXe siècle à partir d'un texte
anglais paru en 1908 de Israel Zangwill, traduit sous le nom de creusé. Hector Saint-John de
Crevecoeur, avait déjà au XVIIIe définit la « race américaine » comme un mélange de
plusieurs peuples: on peut faire de l'un à partir de la multiplicité. D'où la devise des EtatsUnis, Et pluribus unum. Le melting pot est une négation de l'hérédité biologique: les
différences peuvent être dépassées pour créer une unité, à partir du moment où ce ne sont pas
des différences de culture. C'est autour de cette notion de melting pot que s'est créé ce rêve
américain. Au moment même où il est défini il rencontre des difficultés, du fait de certaines
mesures du gouvernement, en particulier les quotas d'immigrants en fonction de l'origine des
immigrants: les caractères ethniques sont considérés comme indélébiles car on a une
différenciation des immigrants. Ce fait remet donc en cause le concept de melting pot.
De même cette contradiction continue avec la ségrégation raciale, avec les noirs, et
encore aujourd'hui les indiens. Ce qui va à l'appuit de ces approches, c'est la persistance des
ghettos. La Première Guerre mondiale est le révélateur de cette contradiction, avec des
immigrants qui sont repartis se battre avec leur pays d'origine, notamment les immigrés
allemands. La thématique du melting pot est donc remis en cause, en particulier par un texte
de 1963 de Nathan Glazer et Daniel Moynihan (Beyond the melting pot), qui affirme que le
melting pot n'existe pas. Se développe alors une réflexion sur la notion d'assimilation, avec
une conception de la pluralité.
La sociologie de l'Etat inter-ethnique se met en place autour de l'école de Chicago,
groupe s'intéressant notamment aux groupes ethniques dans la ville, avec William Thomas et
Robert Ezra Park. Pour les étudier, il faut d'abord connaître leur situation d'origine, d'où des
études sur les peuples d'origines (notamment les paysans polonais). Avant la migration, le
migrant vis dans une société de règles et de coutumes. Lors de la migration, on a une
désorganisation, et la formation de nouvelles règles en fonction de leur nouvel
environnement, imprégnation du mode de vie américain. La troisième étape est une
assimilation, mais sans rejet des origines. C'est une vision relativement optimiste au départ. Ils
vont par la suite montrer que des phénomènes se constituent, notamment celui de castes. Dans
les années 20-30, l'idée qui est centrale, c'est celle qui consiste à penser que l'assimilation n'est
pas handicapée par le respect des origines. Dans les années 50, les sociologues commencent à
penser à une dissolution progressive des cultures d'origines. Les conclusions de l'école de
Chicago sont remises en cause, présentant la société américaine comme complètement
ouverte, sans tenir compte de la stratification sociales. L'accent va alors être mis sur
l'appartenance sociale à l'intérieur de ces groupes. On n'étudie plus les relations interethniques, mais les groupes sociaux. On supperpose les deux analyses, stratification sociale, et
hiérarchie des statuts des groupes ethniques et raciaux. Les trois catégories ethniques sont les
WASPS, classe supérieure et moyenne, et les noirs, qui restent en bas de la hiérarchie sociale.
Ce qui apparaît, ce sont de véritables castes, des différences entre les groupes, et une méfiance
vis-à-vis de l'assimilationisme, qui n'est vu que comme un moyen du maintient de la
hiérarchie sociale. On voit apparaître un discours qui se prononce pour un plus grand respect
de la diversité culturelle, d'où émerge la question de l'affirmative action.
Va émerger un discours de ce type. En 1915, Horace Kallen s'oppose au melting pot,
de même en 1924, où il prononce un discours pour le multiculuralisme. Dans un ouvrage de
Royot et Whitfield, émerge l'idée que la représentativité des groupes ethniques doit être
affirmée pour respecter la diversité culturelle. On a l'idée que ces différences sont en réalité
irréductibles. On a tendance à ne plus voir les aspects communs. La mise en place de la
politique d'affirmative action, inscrite en 1964 dans la loi sur les droits civiques est le résultat
de cette volonté de mettre en valeur le multiculuralisme. Cette politique est perçue comme
mauvaise par certain: ce serait un moyen d'assoir la domination WASPS, la politique visant à
égaliser par l'assimilation les différentes communauté, elle ne met pas en valeur la diversité
culturelle, mais tend à l'uniformité, avec la domination du système WASP, mesure
d'hégémonisme, avec l'apparition d'un néologisme, « Amerikkk », qui fait référence au Ku
Klux Klan, manière de critiquer l'ethnocentrisme américain, en particulier du sud. On
remplace le concept de melting pot par celui de salad bowl, qui tient plus compte de la réalité.
Pour certains, cette politique menée va conduire à la reconnaissance d'une diversité
linguistique, qui va finalement menacer l'identité américaine. On voit apparaître des groupes
contre l'espagnol, pour l'universalisation de la langue anglaise aux Etats-Unis: l'affirmative
action est un obstacle au melting pot. Dans le prolongement, on va avoir la critique selon
laquelle l'affirmative action est un obstacle à la suprématie blanche: on voit apparaître des
études sur l'intelligence en fonction des races, les noirs n'ayant pas la capacité physique pour
utiliser la langue anglaise, en prenant l'aspect de la scientificité. Lors du procès O.J.Simpson,
avec l'aquitement suite au meurtre de sa femme et de son amant, une enquête est menée: la
majorité des blancs est convaincue de sa culpabilité, la majorité des noirs est convaincue de
son innocence. La presse se sert de ses études: la femme blanche a trahi sa race et devait être
punie (de plus son amant était juif). On ne peut vivre ensemble sans que cela mène à la
violence: l'affirmative action ne peut donc que mener à la violence.
Autre argument contre l'affirmative action, c'est d'y voir un phénomène de
ghettoïsation. On risque de renforcer les discours raciste par un renforcement du discours
simpliste. Ceux qui veulent lutter contre ce risque craignent le monopole des noirs,
notamment des études afro-américaines. Pour d'autres, le problème est celui de la limitation
qu'impose la politique de quotas: on doit expliquer la place des noirs américains pas
seulement par des théories faisant appel à la race. Ce qui détermine la place d'un groupe
ethnique, ce sont des mêmes comportements, des mêmes habitudes, et des mêmes attitudes
dans le domaine du travail. C'est cet héritage qui doit déterminer la place dans la société: la
discrimination positive est un moyen de sur-imposer des normes sociales, en dissuadant les
individus d'exploiter le capital humain qui leur est propre. Ce sont ce type de discours qui se
sont développés dans les années 80, avec une part d'explication biologique. Certains réfutent
cette approche, car on revient à un lien de sang dans le discours sociologique.
Ce débat se déplace vers l'Europe, et suscite des oppositions tranchées, certains
envisageant le multiculturalisme de manière tranchée. Il faut distinguer intégration et
assimilation. Pour certain, la priorité sera l'intégration, entrer dans la société en gardant ses
valeurs d'origine, paur d'autres l'assimilation est synonyme d'intégration: il faut adopter les
valeurs du pays pour pouvoir s'intégrer. Dans le premier cas, on va trouver des défenseurs de
l'intégration non-assimilationistes, montrant que les liens communautaires rendent plus faciles
l'intégration. On va voir dans cette importation du débat une incitation à la réflexion et à la
vigilance.
Le cas américain, contre-exemple? Denis Lacorne, dans La Crise de l'identité
américaine, rapproche la discrimination des juifs d'Europe et la politique d'affirmative action:
dans les deux cas il s'agit d'une discrimination, manière de mettre à part. Il faut que cette
politique soit circonscrite dans le temps, limitée à certains groupes, et limitée socialement.
Cette politique ne peut s'exporter car elle répond à une culture spécifique, à une histoire
particulière, marquée par le leg de l'esclavage, les massacres d'indiens, ... Ce qu'il soulève
comme problème, c'est que cette politique conduit à la création de groupes victimisés. Aux
Etats-Unis, cette politique a été mise de côté, notamment en Californie, et ce qui est mis en
avant est un droit à l'indifférence, ce que réclame depuis longtemps d'autres groupes,
notamment les homosexuels, dont c'est la revendication principale depuis 1969, mais aussi par
les groupes de défénse des femmes. Les activistes multiculturalistes luttent ainsi contre toutes
les discriminations. On a donc un refus de l'importation du modèle, que l'on va retrouver dans
d'autres textes. Pour certains, la France est une nation non-ethnique, mais une nation civique.
Il n'y a pas de place pour autre chose que la conception volontariste de la nation, et il n'y a pas
de place pour une différenciation. Nier le caractère ethnique de la nation permet de la
préserver de toute expression des particularismes et donc de guerres civiles. Les immigrés
sont les principales victimes du rejet de l'assimilation. Ce refus du modèle américain, c'est un
moyen de favoriser l'integration des immigrés à la nation. Les minorités seraient maintenues
dans leur statut de populations différentes, et donc ghettoïsées; ce serait un outil de
différenciation, et non pas un outil d'intégration, qui s'inscrirait en faux avec les principes de
l'école républicaine, outil de l'intégration et de l'assimilation.
Tout ce débat se retrouve aujourd'hui autour de la question des statistiques ethniques.
Certains pensent que ce serait un facteur de différenciation, élément de marginalisation et
obstacle à l'intégration. Ce qui apparaît pour que le multiculturalisme soit acceptable, c'est le
fait de permettre une égalité de droit entre des groupes différents. C'est le débat qui doit
fonder une société multiculturelle, promouvoir l'idée d'une même valeur de culture
différenciée, dont le principe fondamental est défini par Charles Taylor est le respect qui
repose sur la possibilité de débattre en fixant au départ un certain nombre de valeurs
communes. Cette approche est reprise par Michel Wievorka, qui propose une troisième voie,
entre intégrationisme et assimilationisme à la française: une valorisation de la différence
ethnique dans les limites des principes universalistes, dont le but est d'accéder à l'égalité
sociale, avec toujours l'existence d'un pôle communautaire.
Comment mettre en pratique ce multiculturalisme? Ce qu'il faut souligner, c'est que la
structure politique peut se présenter sous différentes formes, une multinationalité dans le
droit, et qui se décline sous la forme privilégiée du fédéralisme, et par ailleurs, d'un autre
modèle, celui de la con-sociation, qui correspond au cas de la Suisse. Le fédéralisme
n'apparaît pas comme une formule miracle, car elle ne parvient pas à limiter les considérations
nationalistes, notamment dans les cas espagnol et belge, avec la victoire permanente du
Vlaams Blok au parlement belge. Certain politistes proposent de réformer le fédéralisme, et
de donnner aux entités fédérées un projet de société spécifique à défendre, des droits et des
pouvoirs dont ne bénéficieraient pas des entités uniquement administratives, transférer des
pouvoirs fédéraux aux entités à fondement identitaire. Mais cette solution peut empêcher une
réelle stabilisation politique à terme. C'est une mise en place très difficile, et la réussite se
produit lorsque les divisions ne sont pas trop profondes.
Dans le cas suisse, le principe qui l'emporte est celui d'un cloisonnement
institutionnalisé, en particulier en matière linguistique, avec la constitution des cantons. On a
donc cette reconnaissance officielle, et dans les textes des cantons, la reconnaissances des
langues propres à ces cantons. On a une fixation par les textes des frontières linguistiques.
Mais il n'y a pas de mélange religieux, et la réglementation entre Eglises et Etat relève des
cantons. On a donc pas de diversité à l'intérieur des espaces. D'une part les étrangers ne sont
pas bien vus, et d'autres parts il n'y a pas de reconnaissance de droits collectifs et culturels.
L'interdiction du port du voile par les enseignantes peut être vue comme un surcroit
d'hétérogénéïté, qui attempterait à l'équilibre de la société. On reconnaît donc une autonomie
aux différents groupes, mais aussi une coopération entre ces groupes.
Le gouvernement fédéral suisse est composé selon ce que l'on appelle « la formule
magique », avec traditionnellement 2 radicaux, 2 socialistes, 2 démocrates chrétiens et 1 de
l'union démocratique du centre. Il y a donc la volonté de tenir compte de la diversité au niveau
gouvernemental. On a donc un système qui repose sur un équilibre entre les niveaux national
et cantonal. Le système fonctionne d'autant mieux que le gouvernement n'est pas responsable
devant le parlement, ce qui permet une stabilité gouvernementale. Il y a ainsi une prise en
compte de la diversité linguistique au sein du gouvernement, de même qu'un équilibre
religieux. On retrouve ce système d'équilibre dans toutes les instances, et même au sein de la
justice. Cela rend donc difficile de trouver sa place quand on ne correspond pas à une des
catégories. Il existe un droit d'initiative qui permet à une partie de la population, avec la
signature de 100 mille citoyens, la possibilité de proposer une nouvelle règle de droit.
Ce que montre cet exemple, c'est d'abord l'affirmation de la nationalité, et deux modes
de fonctionnement sont envisagés: le premier consiste à distinguer appartenance nationale et
appartenance étatique ou civique, en promouvant une identité civique commune au sein de
l'Etat et parralèllement d'assurer la reconnaissance de nations constitutives; cela suppose qu'il
n'y ait pas la volonté d'imposer une seule culture, une seule histoire, une seul langue à
l'ensemble de la population; cela permet aussi de corriger une politique de la nation
suffisament dense avec la reconnaissance de particularités, la supranation prend le pas
uniquement au niveau civique, avec la supposition de l'accord autour d'un même ordre
constitutionnel. C'est ce que Habermas nomme le « patriotisme constitutionnel », qui désigne
cet attachement à l'Etat de droit supranational. En 1907, Otto Bauer rêve d'une organisation
politique, dans laquelle les différentes nations se chargerait de s'occuper des affaires
nationales, alors qu'un Etat s'occuperait de leur intérêt à toutes. La nationalité relèverait d'un
choix personnel. On tend donc à discocier nationalité et citoyenneté. L'idéal serait d'avoir tout
de même un Etat avec certains traits spécifiques. On pourait évoquer ainsi le cas de la GrandeBretagne, rassemblement de peuples divers, qui se retrouvent dans des règles communes.
Certains distingues les communautariens que sont les penseurs qui s'intéressent à l'émergence
de revendications de groupes particuliers, et ces analyses se font souvent dans le cadre d'une
critique du libéralisme, et dans la volonté de fonder la société sur autre-chose que les normes
du juste, et entendent redonner du sens à la notion de bien commun. Il y a ainsi une sorte de
contre-sens entre l'émergence de communautés nationales, et les communautaristes qui
tendent à effacer les valeurs communes.
En France cette tentative de prise en compte de la diversité est vue comme une remise
en cause de la nation.
L'ethinicité est une notion assez neuve en Europe (années 70), mouvement qui
s'impose dans le prolongement des droits civiques. Le concept apparaît dans les études, en
France à la fin des années 80, dans le champ d'étude des relations inter-ethniques. Cela induit
un sentiment d'appartenance, qui suppose l'appartenance à un groupe, mais se raprochant du
sentiment d'appartenance nationale, avec la différence du fait que l'ethnicicté ne revendique
pas d'Etat. Cette ethnicité suscite de la méfiance de la part des Etats, perçue comme une
menace. Elle est donc plus ou moins bien tolérée. Michel Wievorka distingue deux approches:
un multiculturalisme intégré, et un multiculturalisme éclaté. L'intégré se rencontre au Canada,
par rapport au Québec, mais aussi d'autres groupes, adopté par le Canada en 1971, avec une
Charte des droits et des liberté, qui l'intègre à la constitution en 1982. Il touche les domaines
de la langue, la culture, l'éducation, mais aussi s'affirme pour la lutte contre les
disciminations, pour l'égal accès à l'emploi et à l'avancement. Il ne s'agit pas de penser le
Canada comme un Etat multipolaire. Globalement, il a été un outil dans la construction d'un
Etat national. On a l'association d'éléments de reconnaissance culturelle, et une volonté
sociale. A partir de 1978, l'Australie adopte un ensemble de dispositions par des agents, afin
de corriger les désavantages des immigrés sur le plan social, et si on voulait résumer, ce serait
un moyen de conserver leur culture dans le cadre d'un respect de la culture domminante. Cette
approche induit un attachement à la constitution et aux valeurs communes. On a donc la
reconnaissance civique et le respect des particularités culturelles. Les différences culturelles et
sociales viendraient d'un même processus. Il se met en place à des échelles plus petites,
notamment de la ville en Europe (Francfort). A l'opposé, on a le multiculturalisme éclaté, à
l'oeuvre aux Etats-Unis, avec une prise en charge différenciée des problèmes culturels et
sociaux. Les mesures mises en place sont des mesures sociales: le principal est de s'intégrer
socialement, ce qui a cependant un impact sur les pratiques culturelles. Les mesures
culturelles existent, mais sont dissociées dans mesures sociales, et résultent souvent de
démarches de groupes, d'associations, comme c'est le cas pour les femmes. Ces nouvelles
visibilités aboutissent à des rapports de pouvoir plus aigus. Par ailleurs, la nouvelle visibilité
de ces groupes aboutit à une forme de reltivisation, avec l'idée que toutes les voix peuvent
avoir une valeur, ce qui va participer à la remise en cause d'un discours scientifique.
En Turquie, la question kurde est la cause permanente d'un conflit civil. L'ethnicité
peut donc se présenter comme un groupe concurrent de la nation. La volonté de réaliser une
unité de la population peut pousser à certaines actions que l'on peut qualifier d'ethnocides. Les
populations kurdes représentent de 20 à 25 millions de personnes, dont la moitié vit en
Turquie. La langue est le Turkmanji, et religieusement, en majorité sunnites. Atatürk refuse
d'appliquer le traité de respect des libertés des Kurdes. En 1923, un nouveau traité engage à
faire respecter ces libertés, mais dès 1923, le gouvernement interdit la langue kurde. En 1925,
on a un soulèvement kurde réprimé durement. Cette population est désigné comme « Turcs
montagnards ». On a aussi une politique d'assimilation qui est menée, avec des déportations
pour faire éclater tous liens, les diviser et les rendres minoritaires. Les révoltes continuent,
toujours écrasées. Parallèlement se met en place une forme de coopération régionale. Des
liens vont se nouer entre les différents pays pour limiter la subversion kurde. Après la
Seconde guerre mondiale, les conflits se multiplient. L'étau se resser un peu du fait de la
libéralisation du pays. L'armée prend le pouvoir en 1980, avec une forte répression,
interdiction des libertés fondamentales, et interdiction de la langue même dans la sphère
privée (constitution de 1982). On parle de « Turcs orientaux ». Cette politique favorise en
1978 l'émergence d'un parti marxiste au kurdistan, qui lutte pour l'obtention de droits, avec
une politique de guérilla contre les Turcs, véritable guerre civile. Le gouvernement refuse
toujours la nationalité kurde, bien que le parlement ait reconnu le droit d'enseignement et de
publication de la langue. On décide d'instaurer un Etat d'exception dans les provinces kurdes,
avec un gouverneur d'exception pour lutter contre le parti kurde. La justice a interdit depuis
2003 deux partis kurdes estimants qu'ils portaient atteinte à l'unité du pays.
Ce problème est transfrontalier, et en fait, dans tous les cas, le processus est le même:
répression et négation identitaire. Par exemple, dans le régime irakien, les kurdes se
manifestent dès le début du régime, et vont être vite réprimés, le régime s'en prenant aux
populations et aux partis kurdes, et cette politique amène à la destruction de nombreux
villages, alors qu'ils constitutent plus de 20% de la population irakienne. On a une phase de
trève à partir de 1970, et la conclusion d'un accord basé sur le principe de l'existence d'une
nationalité, et d'une autonomie partielle, qui n'est pas reconnue par le parti kurde, qui se
rebelle avec l'aide de l'Iran (alors qu'ils sont réprimés en Iran). L'autonomie n'est pas
appliquée, et les Kurdes vont être d'autant plus mal traités qu'ils sont divisés face à cette
autonomie. Certains l'accepte, d'autres se rebellent. En fait le parti démocratique du Kurdistan
va être l'allié de l'Iran contre l'Iraq, donc ennemi des Kurdes iraniens, au contraire de l'autre
parti qui s'oppose à l'Iran. A la fin du conflit, l'Iraq va vouloir se venger de ceux qui ont
soutenu l'Iran, et on a une campagne de nettoyage ethnique qui fait 180 000 morts, avec
l'utilisation du napalm.
Cet exemple montre que la revendication ethnique ne va pas de soit car on a pas
d'homogénéïté de la population. Le seul élément qui peut être unificateur, c'est la religion,
d'autant plus que les populations d'acceuil ont intérêt à cette division. On a donc l'utilisation
de la notion d'ethnie par le groupe pour se définir alors qu'il n'est pas homogène, et de même
pour l'extérieur. L'ethnie est donc un objet de classification, et il n'y a pas d'ethnie sans
relations ethniques. Les Kurdes vont profiter de la situation du régime en 1991 pour élire une
assemblée kurde, qui proclame un Etat fédéré d'Iraq du Nord. Finalement, l'Iraq reconnaît
deux nationalités principales, l'une arabe et l'autre kurde, et dans le même temps, il va être
obligé de reconnaître d'autres nationalités. On a donc un effet de contagion, conséquence qui
est redoutée par les groupes centraux dominants.
Il existe aussi des minorités non-reconnues autres que les Kurdes. Ces groupes sont
parfois beaucoup plus réduits que les Kurdes. Le pouvoir turc était convaincu que les
Arméniens avaient participé à la résistance kurde, méfiance qui nourrit la répression, avec la
volonté de créer une nation unique en Turquie. Mais c'est au nom de la lutte contre la
dimension ehtnique qu'on renforce la dimension ethnique de la nation. En même temps, les
partis kurdes se déchirent: en 1996, le PDK et l'UPK signent un accord de partage des
ressources financières, et enterrinent le partage du territoire kurde en Iraq. Cette
représentation unifiée se construit par la volonté de rapprochement des deux partis. En réalité
on a dans la notion de nation une dimension de volonté très forte.
Progressivement la turquie s’est rappprochée d’une définition identitaire ethnique de la
nation, il niait l’existence d’une certaine pluralité. Dans cette question kurde, il y a un autre
point. Les parties kurdes sont censés représenter une même ethnie. Mais ils se déchirent. En
irak, affrontements qui ont ressurgi entre 1994 et 1998. Le parti démocratique kurde a même
fait appel aux forces militaires de Saddam. Finalement accord en 1998 sous pression de
Washington. Accès au ressource égalitaire et séparation du kurdistan en 2. Construction d’une
ethnie sur de la diversité. Elle se construit sur la revendication, en dépit des tensions. Fin du
processus en Iran. Après le changement très important entrainé par le renversement du régime
du Shah d’Iran, le mouvement autonomiste kurde a été écrasé. Pendant le régime du Shah
d’Iran, il y a vait eu des tentatives pour renforcer le pouvoir central, donc répression sur les
périphéries. Mouvement de répression des minorité mais pas de persécussion car les perses
kurdes n’étaient pas considérés comme kurdes. Fin 1945 se forme un parti démocratique du
Kurdistan irannien, qui proclame en 1946, la première république autonome kurde. Ca ne dure
pas longtemps. Un peu plus d’un an puis sombre dans la répression. Tentative de révolte
matée par le pouvoir iranien. République islamique: régime ou pouvoir politique et pouvoir
religieux fusionnent avec Koménie. Il déclare la guerre sainte aux kurdes « athés hypocrite,
agent d’Israel et impérialiste ». Justifie la répression contre les kurde. Ils ne sont pas athés
mais en Iran la religion majoritaire est le chiisme, alors que majorité sunnites pour les kurdes.
L’élément religieux vient au centre du conflit. Amorce de libéralisation du régime avec
Kadami, quelques députés kurdes sous l’appelation d’indépendants. La langue kurde est alors
devenue langue d’enseignement. A Théhéran, manifestation culturelle autour de cette langue.
La situation s’est dégradée depuis 2004. Les candidatures de kurdes aux élections législatives
étant invalidées.
Depuis l’arrivé de Ahrmadinejad, en 2005, cette situation s’est complètement
renversée par rapport à la situation sous Kadami. En Iran, les kurde représentent 10 millions
de personnes sur 60 millions. Donc c’est une question centrale. Partout où se pose la question
kurde, on trouve toujours d’autres dénominations. Ce qui l’emporte c’est une extrême
méfiance. Ce n'est pas une question mais un problème. Cela est révélateur de la méfiance de
toute question relevant de l’ethnie comme responsable d’instabilité régionale de conflit et
finalement comme un frein au développement de ces pays. La turquie voit dans la question
kurde un frein à son entrée dans l’UE. Le risque dénoncé par ceux qui refusent l’expression
d’une diversité est celui d’une sécession. Perçu comme remise en cause de l’intégrité
nationale et perçu comme passant forcement par la douleur. A travers l’histoire les sécessions
se sont passés dans la difficulté sauf cas de de la Norvège et Suède en 1905 (unis depuis
1814). Conflit en 1892 lorsque le parlement norvégien a décidé que la Norvège voulait avoir
un pavillon propre, des diplomates propres. La Suède est d’accord si plébiscite qui est
favorable donc s’impose. On est plus dans une question de nationalité, d’une référence à
l’histoire. Elle va se rattacher à ce passé en donnant la courronne au petit-fils du roi. Autre
exemple, la révoltuion de velour de la Tchécoslovaquie. Accord politique, loi, réalisation de
cette partition en janvier 1993. Il y a eu une préparation, on est encore dans une approche
historique qui revient sur la formation de l’Etat arbitraire. Globalement ailleurs plus violente
est la sécession. D’autre part, dans la méfiance qui existe vis-à-vis de la notion d’ethinicité,
perçue comme rejet des valeur universelles, elle s’inscrit dans une approche qui en particulier
dans la deuxième partie du Xxe siècle, va dans le sens d’un attachement à un référent
identitaire. Surgissent en même temps des mouvements d’appartenance de différentes formes.
Développement du féminisme, d’un mouvement homosexuel. On a aussi le modèle de
développement du mouvement noir aux Etats-Unis dans les années 60.
Tous ces mouvements sont perçus comme nouveaux positionnement identitaire. Ce
mouvement est perçu comme le prolongement d’une vague de relativisation qui se développe
au lendemain de la seconde guerre mondiale par rapport à la légitimité du discours
scientifique qui induit un repositionnement. Critique du pouvoir beaucoup plus large. Pouvoir
recherché dans l’ensemble des relations humaines (homme/femme, homo/hétéro…) Remise
en question du système de valeur, du système occidental. Ce mouvement va s’accompagner
d’une découverte d’autres espaces du monde, remise en cause de l’eurpéo-centrisme pour se
tourner vers d’autres valeurs possibles comme par exemple les valeurs asiatiques. Face à
cette évolution, les réactions qui émergent sont celles d’une méfiance par rapport à tous ces
mouvements, comme c’est le cas avec l’ethnicité comme étant à l’origine de conflits souvent
durables (question du Soudan actuellement, Cachemir en Inde). Ethnicisation qui fait que ces
conflits durent, trainent, qu’ils s’enlisent mais permet aussi à des acteurs d’avoir une lisibilité.
Conflits violents meurtriers sur la durée, et qui sont aussi meurtriers ponctuelllement avec
massacres et pratiques génocidaires. L’ethnicité est perçue comme responsable de crimes
contre l’humanité. La volonté de purification ethnique c'est-à-dire d’élimination de
populations qui pourtant sont installés de longue date apparaît comme résultat d’une
impossible coexistense avec l’autre. Thématique du rapport à l’autre centrale dans ce cours.
Donc élimination, soit physiquement (génocide au cambodge, pour des raisons
idéologico-raciales) mais aussi en terme de déportation (cas des Balkans). On peut vivre avec
la diffrénce de l’autre sauf si c’est une diffrénce de nature. Cloisonnement total, loi du plus
fort. Changement d’échelle des conflits. Ils devienent des conflits locaux, régionaux mais
avec répercussions internationales. Il faut évidemment associer à cet élément qu'est
l’emergence de l’ethnicité, l’impression d’un éclateemnt des identités de la fragmentation, car
plus au centre est la notion d’universelle mais beaucoup plus l'est celle de différence. De la
progession des mouvements à caractère identidaitre de différentes formes. Désire de se
rattacher à un référent identitaire qui établit du prévisible car cette émergence résulte d’un
retour de rapports de domination parfois qui ont duré très longtemps. Ce désir va avoir
tendance a entretenir le conflit plutôt que la paix. Pas de volonté de domination d’un groupe
sur un aute. Tous ce qui ressurgi, c'est la question avec la controverse de Valladolid entre
différencialisme et universalisme.
La Yougoslavie apparaissait comme un modèle, avec une population majoritaire mais
jamais excessive, une grande diversité. C'est un élément religieux qui va être mis en avant par
soucis de préserver son identité: en 1054, le grand schisme entre Bizance et Rome, entre
Eglise catholique et Eglise orthodoxe. D'où une division entre Croates, catholiques romains,
et Slovènes. Seconde ligne de fracture, qui vient de la conquête ottomane qui porte l'Islam
dans cet espace, une population musulmane importante en Bosnie, avec des musulmans plus
tournés vers l'Europe que vers la Mecque, en plus du Kosovo et de l'Albanie. Cela
complexifie la composition de la population, ce qui conduit à des manipulations de l'histoire.
Les Serbes de Belgrades estiment qu'ils doivent contrôler le Kosovo pour des raisons
historiques qu'ils vont chercher au XIVe siècle, victoire ottomane et début de la domination
de la Turquie. Les Serbes orthodoxes présentent ce lieu comme le berceau de leur histoire
(champ de bataille). Ils ont donc la volonté de récupérer cette zone et supprimer toute volonté
séparatiste du Kosovo. Pour la population du Kosovo, soutenue par les Albanais, il s'agit de
conserver cet espace pour faire reconnaître qu'ils sont les vrais autochtones, qu'ils dominent
historiquement, géographiquement, depuis plus longtemps que les Serbes. Millosevic va en
réponse encourager le nationalisme serbe.
Le schéma de morcellement est très ancien. Le congrès de Berlin redessine la carte des
Balkans, principe des nationalités, pour doter chaque nationalité de son territoire et de son
Etat. C'est ce que Gossiot appelle l'« ethno-nationalisme ». La nationalité est conçue comme
une projection politique de l'ethnie, et comme une entité collective conçue comme naturelle,
et se posant en tant qu'acteur politique. On a une tendance des Serbes au centralisme qui va
irriter leurs concitoyens et donner naissance à un mouvement terroriste fasciste (Oustachi),
qui va faire assassiner en 1934 le roi de Serbie (à Marseille), ce qui aura un rôle accélérateur
de la Seconde Guerre mondiale.
Puisque les institutions ne reflètent pas la réalité des nations alors même que la
constitution reconnaît l'égalité de toutes les nationalités, principe de représentation adéquate.
Dans chaque organe fédéral, les nationalités doivent être représentées comme il convient,
avec la mise en place de quotas. Gossiot parle de prime à la situation minoritaire qui conduit à
une structure ethnique. On a donc une ethnicisation de la Yougoslavie qui se traduit de
manière très lisible dans les résultats des enquêtes.
C'est un schéma qui va vers le renforcement de la revendication identitaire.
Progressivement, la nationalité ne va plus relever d'un choix personnel, mais du fait de résider
dans tel ou tel espace, à la fin de la période Tito. Ces attachements sont de plus en plus forts
mais toujours réprimés. Quand Tito meurt en 1980, ces nationalismes sont prêts à exploser et
vont progressivement créer des conflis divers. Il y a des gestes symboliques: à la fin des
années 80, Millosevic supprime le statut du Kosovo et de la Vojvodine; en 1991,
indépendance de la Slovénie, Croatie et Macédoine; en 1992, indépendance de la Bosnie; en
1991 au Kosovo, les Albanais se délarent indépendants. En Bosnie, le conflit dure de 1992 à
1995: tueries, viols, épurations ethniques, massacres civils.
Quelles sont les raisons d'un tel acharnement ethnique par les Serbes mais aussi des
autres offensives? Pour marquer la domination du territoire, et par volonté de concurrence
démographique. Ces pratiques sont possibles dans la mesures où il y a eu avant un
renforcemenent de l'ethnicisation et une situation de guerre, qui ont entraîné une rigidification
de la structure ethnique et de l'identité nationale et ethnique qui sont apparus comme étant
indispensables. Il n'y a aucune place pour la mixité, et les critères de différenciation ont été
remobilisés (différences religieuses), avec l'idée qu'il faut se marier dans la même
appartenance (endogamie).
Avec ces différents processus, on est près de la définition de la pureté ethnique, pas de
place pour le métissage. Par ailleurs on se retrouve dans une situation proche de celle de la
veille de la Première Guerre mondiale, avec un pullulement des nationalités et un maximum
de diversité. La séparation avec l'autre est impossible mais toujours souhaitée. En 1995, un
accord de paix est signé qui prévoit la restauration de la souveraineté croate sur tout son
territoire, et le maintien d'un Etat bosniaque unitaire. Les musulmans sont les vaincus de cette
paix. On peut prévoir une certaine instabilité dans cet espace, avec la nécessité de vivre
ensemble de groupes qui se radicalisent.
Au Kosovo, à la fin des années 90, les forces serbes de Millosevic ont lancé un
mouvement de répression contre les Kosovars. Après l'intervention de l'OTAN, on a une
négociation internationale sur le Kosovo, avec un plan qui prévoit une forme d'indépendance
du Kosovo (solution qui n'est pas acceptée par les Serbes). La politique qui a été menée
jusqu'alors a renforcé l'ethnicisation, les clivages et la solution possible apparaît la séparation,
d'association, problèmes qui restent en suspend.
Le sentiment d'appartenance devient la source de conflits et marque la difficulté à
accepter l'autre qui est une menace. On a une tendance à la simplification identitaire qui
permet de se sentir plus fort.
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