En France en 1828-1829. L’ANNÉE 1828 ne se présentait pas sous d’heureux auspices; les affaires d’Orient avaient absorbé’ toute l’attention du gouvernement, et à peine s’occupait-on du blocus d’Alger, où nos marins supportaient avec courage les souffrances d’une croisière très pénible. L’escadre algérienne était désarmée, il est vrai; mais on avait toujours à craindre les récifs de la côte, les tempêtes et les maladies, qui causaient de grands ravages à bord de nos bâtiments croiseurs. Cette aunée ne lut pas, du reste, féconde en événements. Voici le seul fait qui mérite d’être cité M. Ropert, commandant le brick l’Adonis et la subdivision chargée du blocus d’Oran, résolut d’enlever le navire l’Arlequin, que les pirates avaient capturé et amarré sous le fort Mers El-Kébir. Ce coup de main hardi réussit à merveille. Le temps étant Favorable, M. Ropert fit armer en guerre, le 28 mai au soir, les chaloupes de l’Adonis et de l’Alerte. A une heure après minuit, elles abordèrent le brick, sans répondre au feu de l’ennemi, et le traînèrent à la remorque vers l’Adonis et l’Alerte qui se tenaient sous petites voiles près des fortifications, disposés à entrer dans le port, au besoin, et à s’y embosser. En ouvrant la session de 1828, Chartes X rappela les griefs de la France contre la régence d’Alger, et menaça le dey d’une punition éclatante. L’opinion publique n’était pas encore préparée à un grand événement militaire; l’économie était alors le seul but auquel tendît la chambre élective pour se populariser, elle fit donc peu d’attention aux paroles de la couronne. Cependant, le projet de l’expédition contre Alger, conçu en 1827, n’était pas entièrement abandonné par le gouvernement; une commission, présidée par le général Loverdo, préparait, au ministère de la guerre, un plan d’attaque et les moyens d’exécution. A la fin de 1828, on donna même des ordres pour opérer une réunion de troupes dans le midi de la France; mais le système des hésitations prévalut de nouveau, on continua le blocus par mer, et de nouvelles négociations furent entamées. En 1829, la question d’Afrique était encore sans importance dans les débats parlementaires; la politique intérieure du cabinet préoccupait seule les esprits. En lin, à l’ouverture de la session, elle commença à être prise en plus sérieuse considération. Le 5 février, le roi disait aux pairs et aux députés : « Un blocus rigoureux, dont le ternie est fixé au jour où j’aurai reçu la satisfaction qui m’est due, contient et punit Alger, et protège le commerce français. » De son côté, le ministre de la marine s’exprimait ainsi dans les bureaux de la chambre des députés : « A l’égard des Barbaresques, nous sommes informés que la régence et la population d’Alger sont fatiguées d’un blocus rigoureux, que notre marine a su tenir étroitement serré, malgré l’hiver. Dix bâtiments, dont un vaisseau et cinq frégates, y sont consacrés, tandis que vingt-cinq autres sont destinés à escorter les expéditions du commerce. Nous avons lieu de croire, jusqu’à présent, que le blocus suffira pour obtenir les satisfactions exigées, sans qu’on ait besoin de recourir à d’autres moyens, qui, dans tous les cas, devraient être mûrement discutés. » La chambre des députés, se tenant dans une timide réserve, répondit ainsi à cette communication « Des sujets de plainte légitimes ont armé contre Alger les forces de Votre Majesté. Nous nous reposons sur la vigueur des mesures qu’elle a prescrites pour protéger efficacement notre commerce et venger le pavillon français, toujours uni dans son honneur avec la fortune de nos rois. » Ainsi donc, la question d’Alger n’entrait encore dans les discussions politiques que d’une manière incidente. On prévoyait, comme par instinct, que nous pourrions bien avoir un jour des établissements importants sur les côtes septentrionales de l’Afrique; mais personne n’était en mesure de traiter à fond ce grave sujet. A propos d’un projet d’emprunt, M. de Roux parla de l’Algérie. Il invitait le gouvernement à prendre un parti, parce que le blocus ne portait aucun préjudice aux Algériens, et ne donnait pas assez de sécurité aux armateurs; il demandait qu’on ne laissât pas échapper cette occasion de défendre la cause de l’Europe entière, de purger la Méditerranée des pirates, et d’affranchir à jamais la chrétienté des tributs qu’elle leur payait. « La cession sur ces côtes de quelques ports fortifiés, ajoutait-il en terminant, nous offrirait des garanties, en même temps qu’elle nous mettrait en relation avec les Bédouins, à qui nous pouvons être utiles avec avantage pour nous. Ne nous livrons pas au désir de nous approprier les plus belles terres qui bordent la Méditerranée; mais ne négligeons pas les avantages que présente un sol superbe, que nous voyons presque de nos demeures, avec lequel nous pouvons communiquer en quatre jours, et qui est propre à produire les précieuses denrées que nous allons chercher dans les contrées les plus lointaines. Au lieu de tenter de les asservir, traitons en amis les naturels du pays; apprenons-leur à se gouverner par des lois qui leur conviendront ; ne les contrarions pas dans l’exercice de leur religion; reportons dans ces contrées la civilisation qui les avait autrefois si éminemment distinguées, et nous verrons les Africains, quittant leurs habitudes nomades, se réunir successivement dans des demeures stables. Donnons-leur des instruments d’agriculture, ils ne tarderont pas d’être étonnés eux-mêmes de nous offrir en échange les productions des deux mondes. N’en doutons pas, ils deviendraient bientôt nos amis, s’ils ne nous connaissaient que par nos bienfaits. » N’oublions pas que ces opinions remontent à 1829; à cette époque on n’avait pas appris à connaître le caractère arabe: l’illusion était permise. Ce discours fut écouté avec indifférence; la chambre voulait renverser le ministère, et tout ce qui ne tendait pas vers ce but passait inaperçu. Depuis le retour de M. Deval en France, quelques conférences avaient eu lieu entre le dey et des négociateurs français, dans le but de faire cesser un état de choses si préjudiciable aux deux parties. Ces négociations n’amenèrent aucune solution. On était ainsi arrivé au milieu de l’année 1829. M. Collet avait été promu au grade de contre-amiral; mais sa santé, épuisée par vingt mois d’une croisière très pénible, le força à rentrer, il revint à Toulon, où il mourut un mois après son retour. M. le capitaine de vaisseau de La Bretonnière l’avait remplacé dans le commandement de la station. Jusqu’à cette époque, notre marine n’avait éprouvé aucun de ces sinistres, si fréquents sur la côte d'Afrique, et qui, plus tard, causèrent à la France des pertes bien sensibles.