
L’élection présidentielle française se déroule en deux scrutins. Le second tour oppose
les deux candidats arrivés en tête au premier. Entre les deux tours, depuis 1974, un débat
télévisé oppose les deux finalistes sur le modèle des débats traditionnels aux Etats-Unis
(Coullomb-Gully 2009)
. Notre communication utilisera les textes de ces 6 débats, soit
136 000 mots (annexe 1). Ce sera l’occasion d’analyser la "parole politique en confrontation"
(Burger, Jacquin & Micheli 2011).
Pour être évaluée toute communication doit être replacée dans son "contexte". Dans le
cas précis, la situation au sens strict est semblable depuis 1974 : deux personnes face-à-face
dans un studio avec deux journalistes chargés de veiller à l’égalité de traitement des candidats
spécialement de leur temps de parole. Le cadre institutionnel est aussi fondamentalement
identique, depuis 1974, même si les institutions ont un peu évolué : à partir de 2002, la durée
du mandat a été réduite de 7 à 5 ans et l’élection de la chambre des députés suit l’élection
présidentielle).
Troisièmement, la conjoncture politique est toujours différente. Le président sortant est-
il candidat (comme en 1981, 1988 ou 2012) ? Qui est arrivé en tête ? Quels seront les reports
de voix (les candidats s’adressant prioritairement à ces électeurs qu’ils doivent conquérir pour
arriver en tête) ?
Autrement dit, les différences constatées entre les différents locuteurs peuvent provenir
de leurs personnalités, de leur conception particulière de l’action politique, de leur
programme, etc. mais aussi de la conjoncture politique de l’entre-deux-tours.
Pour répondre objectivement à ces questions, nous étudierons un certain nombre
d’indices statistiques. Ces indices sont déduits de la théorie standard concernant la
présentation des actants (Amossy 2010, Charaudeau 1994), l’énonciation de la subjectivité du
locuteur dans son discours (Benveniste 1956 & 1958, Dubois 1969, Kerbrat-Orecchioni 1981)
et la modalisation du discours (Benveniste 1965, Gross 1999, Labbé & Labbé 2010). Il s’agit
de tester ces propositions théoriques sur des corpus de grandes dimensions afin de définir leur
portée, leurs limites et les améliorations possibles. Des étalons de comparaison seront fournis
par les autres sections de la bibliothèque (annexe 2), notamment plus de 6 000 textes
politiques, soit au total 12,5 millions de mots (en français). Nous utiliserons aussi quelques
données issues de la politique anglaise (Arnold 2005 & 2008).
La première partie étudie l’importance relative donnée à l’orateur, à l’autre et aux
véritables destinataires du message (les auditeurs, les électeurs à conquérir).
La seconde partie mesure l’orientation du discours vers l’accompli (densité des verbes,
de être et avoir), ou l’inaccompli (autres verbes, notamment faire) ou les modalités (possible,
souhaitable, volonté, obligation, connaissance). Enfin, la densité plus ou moins importante de
la négation donne un indice de la portée polémique du discours.
Cela permettra de présenter quelques conclusions sur la spécificité des discours
électoraux et l’évolution du discours politique français depuis 40 ans. On évoquera enfin
Les références bibliographiques sont placées à la fin de cette communication