Le prestige éminent de la position de l'évêque de Rome dans la chrétienté depuis l'antiquité
paléochrétienne réside avant tout en la présence supposée des tombeaux de Pierre et Paul de Tarse
dans cette ville, l'un au Vatican, près de l'ancien cirque de Néron, et l'autre sur la via Ostiense, aux
portes de Rome. Dans les premiers siècles de notre ère, Rome devient ainsi ville de pèlerinages « ad
limina apostolorum ». L'Église romaine a toujours revendiqué une fondation apostolique qui sera
utilisée pour revendiquer l'autorité magistérielle dont elle se prévaut et que les titulaires du siège de
Rome affirment à la suite de l'évêque Libère (352-366), le premier à utiliser l'expression de « Siège
apostolique » (Sedes apostolica). Cependant, dans l'Église catholique, si le pape a une quelconque
autorité, c'est uniquement parce qu'il est l'évêque de Rome. Ainsi, la seule titulature officielle du
pape dans l'antiquité est le mot « Évêque », (sous-entendu : de la ville). Aujourd'hui encore, dans
ses bulles les plus solennelles, le pape signe de ce seul titre d'« Évêque », accompagné de la formule
grégorienne: « Ego, N., episcopus, servus servorum Dei ».
4. Premiers siècles
Saint Pierre avec les clefs du salut des âmes et du Paradis (Saint-Pétersbourg).
L'origine de la fonction papale est avant tout d'ordre spirituel, ou mystique, bien avant d'être
politique (elle ne l'est que secondairement). Ainsi, la théologie catholique fait remonter la lignée des
papes à l'apôtre Pierre. Elle affirme que le rôle de l'apôtre de présider à l'unité de l'Église a été
énoncé par le Christ, ce qui s'exprime dans l'évangile de Matthieu : « Tu es Pierre, et sur cette
pierre je bâtirai mon Église... je te donnerai les clefs du Royaume des cieux » (Mt 16,18-19) et dans
l'évangile de Jean, par les paroles : « Simon [Pierre], (...) Pais mes agneaux... Pais mes brebis »
(Jn 21,15,16,17).
Au IIe siècle de notre ère, il existe des manifestations du prestige de la communauté chrétienne de
Rome, ainsi qu'en atteste une lettre d'Ignace d'Antioche adressée à cette communauté, évoquant la
mémoire des enseignements apostoliques dont elle est détentrice. À la fin du siècle, Irénée de Lyon
souligne lui aussi l'importance de cette tradition romaine dans son Contre les hérésies (III, 3, 2).
Irénée - dans un texte qui entend combattre les gnostiques - présente le canal de la succession
épiscopale comme le garant de la vérité apostolique pour chaque Église et pointe pour son
exemplarité Rome, « Cette Église très grande, très ancienne et connue de tous, que les deux très
glorieux apôtres Pierre et Paul [y] fondèrent et [y] établirent (...) [car] en raison de son origine
plus excellente doit nécessairement s'accorder [avec elle] toute Église, c'est-à-dire les fidèles de
partout, elle en qui toujours, au bénéfice de ces gens de partout, a été conservée la tradition qui
vient des apôtres ».
La revendication d'apostolicité de Rome, qui est la seule ville occidentale de l'Empire à le faire,
n'est pas contestée, pas plus que ne l'est celle d'autres villes orientales comme Corinthe ou
Antioche ; ce n'est pas le cas de la revendication d'autorité et de primauté auxquelles elle prétend
qui occasionnera nombre de débats, voire de schismes.
En 195, sollicité par des adversaires de l'évêque Polycrate d'Éphèse, l'évêque de Rome Victor, dans
ce qui peut être lu comme un exercice de l'autorité romaine sur les autres Églises, rompt la
communion avec les quartodécimans parce que ces derniers fêtent Pâques le 14 Nisan, même jour
que la Pâque juive - une tradition transmise par Jean l'Évangéliste - tandis que les chrétiens de
Rome la fêtent un dimanche. Si cette première tentative est sans portée réelle, des documents
attestent de la continuité dans cette souveraine prétention de l'Église de l'Urbs dans les décennies
qui suivent. Jean Guyon définit Victor Ier comme le premier évêque monarchique de Rome.