TROUBLES DE PERSONNALITE La notion de personnalité est complexe tant du fait des difficultés diagnostiques que de la limite, impossible à fixer précisément, entre la normalité et la pathologie. Les classifications des personnalités pathologiques sont nombreuses. En France, on décrit la personnalité pathologique en fonction de la maladie à laquelle elle s'apparente, qu'elle imite sur un mode mineur ou dont elle constitue implicitement le terrain favorisant. Les Anglo-saxons ont autonomisé de façon plus précise des troubles de personnalité, faisant même disparaître de la classification les maladies initiales (hystérie, paranoïa…) Ces classifications utilisent des ensembles de traits de caractère qui cherchent à définir un groupe particulier d'individus dont le profil de la personnalité est observé avec une fréquence élevée. Le trouble de personnalité se situe entre la personnalité « normale » composée d’un grand nombre de traits de personnalité et les névroses, décompensation égodystonique (c'està-dire en rupture avec les fonctionnement psychique habituel) de ces troubles. I - CRITERES GENERAUX DES TROUBLES DE LA PERSONNALITE. La personnalité s’organise autour des différentes composantes de l’individu (affective, comportementale, intellectuelle, physiologique, morphologique…), et est la résultante de facteurs innés et acquis. Les troubles de la personnalité désignent des modes prédominant de fonctionnement à l’origine de comportements inadaptés et rigides, au cours desquels l’individu répète les mêmes attitudes et les mêmes conflits. Ces troubles apparaissent au cours de l’adolescence et persistent pendant toute la vie. Ils entraînent une souffrance de l’individu et/ou de l’entourage et une plus grande vulnérabilité dans les relations sociales et face aux difficultés de l’existence. Ils peuvent être définis comme une déviation manifeste dans au moins un des quatre domaines suivants : cognitions, affectivité, contrôle des impulsions et satisfactions des besoins, et interaction avec autrui et façon de se conduire dans les relations interpersonnelles. Cette déviation est profonde, à l’origine d’un dysfonctionnement personnel ou d’un impact nuisible sur l’environnement, durable, et n’est pas la manifestation ou une conséquence d’autres troubles psychiques, d’une lésion ou d’un dysfonctionnement cérébral organique. Ces manifestations sont à différencier d’épisodes psychopathologiques. Le diagnostic de personnalité ne peut être porté qu’en dehors d’épisodes psychopathologiques ou alors de manière anamnestique. Certaines organisations de la personnalité, prédisposent à une pathologie psychiatrique (exemple : personnalité schizoïde -> schizophrénie), sans que cela soit systématique. Un individu peut présenter plusieurs types de troubles de la personnalité (exemple : personnalité paranoïaque et schizoïde). On parle alors de troubles mixtes de la personnalité. Docteur N.Monnier [email protected] Page 1 sur 6 II – Groupe A des troubles de la personnalité : personnalités bizarres et excentriques A) La personnalité paranoïaque La personnalité de type paranoïaque est marquée par : - la méfiance (souvent diffuse, même si elle est d’abord focale, mais toujours rapportée à une action et/ou une présence humaine). - la rigidité (« dogmatisme » des positions, incapacité à s’adapter, entêtement, difficulté à remettre en cause ses décisions et ses opinions propres, etc.). - l’orgueil (absence d’autocritique, égocentrisme, surestimation en tous ordres de ses capacités) ; on parle à cet endroit de d’hypertrophie du Moi. la « fausseté du jugement » (appréciations faussées de situations banales immédiatement reconnues comme porteuses d’un sens préjudiciel, etc.). La prévalence est de 1 à 2%, plus fréquente chez l’homme. L’évolution est variable, émaillée de difficultés relationnelles. A. Méfiance soupçonneuse envahissante envers les autres dont les intentions sont interprétées comme malveillantes, qui apparaît au début de l'âge adulte et est présente dans divers contextes, comme en témoignent au moins quatre des manifestations suivantes: 1. Le sujet s'attend sans raison suffisante à ce que les autres l'exploitent, lui nuisent ou le trompent. 2. Il est préoccupé par des doutes injustifiés concernant la loyauté ou la fidélité de ses amis ou associés. 3. Il est réticent à se confier à autrui en raison d'une crainte injustifiée que l'information soit utilisée de manière perfide contre lui. 4. Il discerne des significations cachées, humiliantes ou menaçantes dans des commentaires ou des événements anodins. 5. Il garde rancune, c'est-à-dire ne pardonne pas d'être blessé, insulté ou dédaigné. 6. Il perçoit des attaques contre sa personne ou sa réputation, alors que ce n'est pas apparent pour les autres, et est prompt à la contre-attaque ou réagit avec colère. 7. Il met en doute de manière répétée et sans justification la fidélité de son conjoint ou de son partenaire sexuel. B. Ne survient pas exclusivement pendant l'évolution d'une schizophrénie, d'un trouble de l'humeur avec caractéristiques psychotiques ou d'un autre trouble psychotique et n'est pas dû aux effets physiologiques directs d'une affection médicale générale. B) La personnalité schizoïde (pour mémoire) Cf la schizophrénie Pour beaucoup de psychiatres, la personnalité pathologique schizoïde prouve un terrain et une prédisposition à la psychose schizophrénique. Pour d'autres, il s'agit déjà d'une forme mineure de la psychose. Enfin, elle peut être vue comme une « psychiatrisation de la timidité ». La prévalence est discutée, beaucoup plus grande chez l’homme. Définit par un mot : inhibition. L’évolution vers la schizophrénie est possible, voire fréquente. Docteur N.Monnier [email protected] Page 2 sur 6 C) La personnalité schizotypique (pour mémoire) Cf la schizophrénie Même remarques que pour la personnalité schizoïde. La prévalence est autour de 3%, beaucoup plus fréquente chez l’homme. Définit par un mot : bizarrerie. L’évolution vers la schizophrénie est possible, voire fréquente. III - Groupe B des troubles de la personnalité caractérisé par la dramatisation, l’émotivité et le désordre A) Personnalité antisociale Appelé psychopathie en France, ce syndrome est le sujet de beaucoup de discussions. Le problème du syndrome psychopathique est complexe : certains auteurs dont Bergeret intègrent ce dernier au champ des états-limites, d’autres veulent garder la distinction. D’un point de vue psychiatrique, on remarquera toutefois que la dimension utilitaire du passage par l’agir est plus évidente dans la psychopathie, de même que la syntonie temporaire entre le moi et l’état psychologique au moment du passage à l’acte est plus franche dans ce même groupe. Sa prévalence est évaluée à 3% chez l’homme ; 1% chez la femme. A. Mode général de mépris et de transgression des droits d'autrui qui survient depuis l'âge de 15 ans, comme en témoignent au moins trois des manifestations suivantes: 1. incapacité de se conformer aux normes sociales qui déterminent les comportements légaux, comme l'indique la répétition de comportements passibles d'arrestation 2. tendance à tromper par profit ou par plaisir, indiquée par des mensonges répétés, l'utilisation de pseudonymes ou des escroqueries 3. impulsivité ou incapacité à planifier à l'avance 4. irritabilité ou agressivité, indiquées par la répétition de bagarres ou d'agressions 5. mépris inconsidéré pour sa sécurité ou celle d'autrui 6. irresponsabilité persistante, indiquée par l'incapacité répétée d'assumer un emploi stable ou d'honorer des obligations financières 7. absence de remords, indiquée par le fait d'être indifférent ou de se justifier après avoir blessé, maltraité ou volé autrui B. Âge au moins égal à 18 ans C. Manifestations d'un trouble des conduites débutant avant l'âge de 15 ans. D. Les comportements antisociaux ne surviennent pas exclusivement pendant l'évolution d'une schizophrénie ou d'un épisode maniaque. B) Personnalité border line Prévalence de l’ordre de 2%. Mode général d’instabilité des relations interpersonnelles, de l’image de soi et des affects avec une impulsivité marquée, qui apparaît au début de l’âge adulte et est présent dans des contextes divers, comme en témoignent au moins cinq des manifestations suivantes : Docteur N.Monnier [email protected] Page 3 sur 6 1) efforts effrénés pour éviter des abandons réels ou imaginés (NB : ne pas inclure les comportements suicidaires ou les automutilations énumérés dans le critère 5). 2) mode de relations interpersonnelles instables et intenses caractérisées par l’alternance entre des positions extrêmes d’idéalisation excessive et de dévalorisation 3) perturbation de l’identité : instabilité marquée et persistante de l’image ou de la notion de soi 4) impulsivité dans au moins deux domaines potentiellement dommageables pour le sujet (par ex. dépenses, sexualité, toxicomanie, conduite automobile dangereuse, crises de boulimie). NB : ne pas inclure les comportements suicidaires ou les automutilations énumérés dans le critère 5). 5) répétition de comportements, de gestes ou de menaces suicidaires, ou d’automutilations 6) instabilité affective due à une réactivité marquée de l’humeur (par ex. dysphorie épisodique intense, irritabilité ou anxiété durant habituellement quelques heures et rarement plus de quelques jours) 7) sentiments chroniques de vide 8) colères intenses et inappropriées ou difficulté à contrôler sa colère (par ex. fréquentes manifestations de mauvaise humeur, colère constante ou bagarres répétées) survenue transitoire dans des situations de stress d’une idéation persécutoire ou de symptômes dissociatifs sévères C) Personnalité histrionique La personnalité est fréquente même si sa plasticité et son aspect stigmatisant la rendent probablement sous-diagnostiquée, particulièrement chez l’homme. Elle se définit par un mode général de réponses émotionnelles excessives et de quête d'attention, qui apparaît au début de l'âge adulte et est présent dans des contextes divers, comme en témoignent au moins cinq des manifestations suivantes: 1. Le sujet est mal à l'aise dans les situations où il n'est pas au centre de l'attention d'autrui. 2. L'interaction avec autrui est souvent caractérisée par un comportement de séduction sexuelle inadaptée ou une attitude provocante. 3. L’expression émotionnelle est superficielle et rapidement changeante. 4. Il utilise régulièrement son aspect physique pour attirer l'attention sur soi. 5. La manière de parler est trop subjective mais pauvre en détails. 6. Il existe une dramatisation, un théâtralisme et une exagération de l'expression émotionnelle. 7. Il est suggestible et est facilement influencé par autrui ou par les circonstances. 8. Il considère que ses relations sont plus intimes qu'elles ne le sont en réalité. D) Personnalité narcissique La prévalence est inférieure à 1%. Son évolution est variable avec un pronostic réservé. Mode général de fantaisies ou de comportements grandioses, de besoin d'être admiré et de manque d'empathie qui apparaissent au début de l'âge adulte et sont présents dans des contextes divers, comme en témoignent au moins cinq des manifestations suivantes: Docteur N.Monnier [email protected] Page 4 sur 6 1. Le sujet a un sens grandiose de sa propre importance (p. ex., surestime ses réalisations et ses capacités, s'attend à être reconnu comme supérieur sans avoir accompli quelque chose en rapport). 2. Il est absorbé par des fantaisies de succès illimité, de pouvoir, de splendeur, de beauté ou d'amour idéal. 3. Il pense être "spécial" et unique et ne pouvoir être admis ou compris que par des institutions ou des gens spéciaux et de haut niveau. 4. Il a un besoin excessif d'être admiré. 5. Il pense que tout lui est dû : s'attend sans raison à bénéficier d'un traitement particulièrement favorable et à ce que ses désirs soient automatiquement satisfaits. 6. Il exploite l'autre dans les relations interpersonnelles, utilise autrui pour parvenir à ses propres fins. 7. Il manque d'empathie, n'est pas disposé à reconnaître ou à partager les sentiments et les besoins d'autrui. 8. Il envie souvent les autres, et croit que les autres l'envient. 9. Il fait preuve d'attitudes et de comportements arrogants et hautains. IV – Groupe C des troubles de la personnalité caractérisé par une apparence anxieuse et craintive. A) Personnalité évitante La prévalence est inférieure à 1%. Son évolution est nettement liée au milieu de vie. Mode général d'inhibition sociale, de sentiments de ne pas être à la hauteur et d'hypersensibilité au jugement négatif d'autrui qui apparaît au début de l'âge adulte et est présent dans des contextes divers, comme en témoignent au moins quatre des manifestations suivantes: 1. Le sujet évite les activités sociales professionnelles qui impliquent des contacts importants avec autrui par crainte d'être critiqué, désapprouvé ou rejeté. 2. Il est réticent à s'impliquer avec autrui à moins d'être certain d'être aimé. 3. Il est réservé dans les relations intimes par crainte d'être exposé à la honte et au ridicule. 4. Il craint d'être critiqué ou rejeté dans les situations sociales. 5. Il est inhibé dans les situations interpersonnelles nouvelles à cause d'un sentiment de ne pas être à la hauteur. 6. Il se perçoit comme socialement incompétent, sans attrait ou inférieur aux autres. 7. Il est particulièrement réticent à prendre des risques personnels ou à s'engager dans de nouvelles activités par crainte d'éprouver de l'embarras. B) Personnalité dépendante L’évolution est marquée par des épisodes dépressifs et des addictions, liée, comme la personnalité évitante, aux aléas de la vie. Besoin général et excessif d’être pris en charge qui conduit à un comportement soumis et « collant » et à une peur de la séparation, qui apparaît au début de l’âge adulte et est présent dans des contextes divers, comme en témoignent au moins cinq des manifestations suivantes : Docteur N.Monnier [email protected] Page 5 sur 6 1. Le sujet a du mal à prendre des décisions dans la vie courante sans être rassuré ou conseillé de manière excessive par autrui. 2. Il a besoin que d’autres assument les responsabilités dans la plupart des domaines importants de sa vie. 3. Il a du mal à exprimer un désaccord avec autrui de peur de perdre son soutien ou son approbation. 4 Il a du mal à initier des projets ou à faire des choses seul (par manque de confiance en son propre jugement ou en ses propres capacités plutôt que par manque de motivation ou d’énergie). 5. Il cherche à outrance à obtenir le soutien et l’appui d’autrui, au point de faire volontairement des choses désagréables. 6. Il se sent mal à l’aise ou impuissant quand il est seul par crainte exagérée d’être incapable de se débrouiller. 7. Lorsqu’une relation proche se termine, il cherche de manière urgente une autre relation proche qui puisse assurer les soins et le soutien dont il a besoin. 8 Il est préoccupé de manière irréaliste par la crainte d’être laissé à se débrouiller seul. C) la personnalité obsessionnelle-compulsive Cf névrose obsessionnelle. Plus fréquent chez l’homme. L’évolution est émaillée d’épisodes dépressifs et de somatisations. CE QU’IL FAUT RETENIR - La gradation mécanisme de défense, personnalité, troubles de personnalité et pathologie - Une idée générale de chaque personnalité de façon à pouvoir faire une hypothèse devant un tableau clinique - Le flou diagnostique entourant ces concepts - La personnalité perverse, pour un usage professionnel…et privé. BIBLIOGRAPHIE Manuel DSM IV R., Ed. Masson, 2001. Bergeret J ; La personnalité normale et pathologique, Paris ; Dunod ; 1974 Bouvard M ; Questionnaire et échelles d’évaluation de la personnalité, Paris ; Masson ;1999 Derksen J ;, Maffei C., Groen H. ; Tratment of personnality disorders; New York; Kluwer academic; plenum publisher; 1999 Docteur N.Monnier [email protected] Page 6 sur 6