Les items de la COP13® qui explorent la relation à l`autre La COP

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Le cerveau social
et
la séméiologie de la schizophrénie
Théorie de l’esprit
• En 1978, Premack et Woodruff, primatologues
renommés, emploient pour la première fois le
terme de théorie de l'esprit (en anglais
Théorie of Mind ou ToM) pour expliquer
comment un chimpanzé semble se
représenter les intentions d'un partenaire
humain pour prédire son comportement.
• En 1985, Simon Baron-Cohen, Alan Leslie et Uta Frith
montrent que des enfants autistes échouent
massivement à un test de ToM, à la différence
d'enfants du même âge, normaux ou atteints
du syndrome de Down (trisomie 21).
• En 1990, l'équipe de Giacomo Rizzolatti rapporte la
première observation de neurones miroirs
dans le cortex prémoteur de singe macaque.
• En 1992, Christopher Frith publie « La
neuropsychologie cognitive des troubles
schizophréniques »;
il propose un modèle explicatif cohérent
de l'ensemble des symptômes de la
schizophrénie.
• Ainsi, en moins de quinze ans étaient apportés
les principaux éléments d'un changement
majeur de paradigme pour expliquer
l'intersubjectivité et revisiter radicalement la
question de la relation à autrui
• Les neurosciences cognitives se sont attachées
à décrire les compétences impliquées dans la
relation à autrui - regroupées sous le terme de
cognition sociale - et leur inscription
cérébrale.
• Ces compétences sont le fruit d'une longue
histoire de notre espèce qui a façonné un
certain nombre de systèmes cognitifs
spécifiquement dévolus à ces tâches.
• L’homo sapiens n'a pas le monopole de
I ‘usage des facultés cognitives sociales mais il les
a développées de manière impressionnante, dès
lors que les événements sociaux (entrée dans un
groupe, réussite sociale…) dans la vie d'un
individu sont devenues fréquents, et plus
importants que la confrontation aux contingences
matérielles (se nourrir- le régime de plus en plus
carné et hypercalorique laissait plus de temps aux
échanges sociaux - se protéger des accidents...).
• Ces capacités de se comprendre les uns les
autres organisent le groupe en interne,
synchronise
l’individu
dans
ses
comportements de groupe. Cette adaptation,
chez l’homme, a abouti au langage et à l’écrit,
formes de communication par symboles.
• C'est ainsi que le « cerveau social » s'est
développé pour affronter des situations
d'autant plus complexes que le nombre des
individus du groupe social était plus
important:
• Interagir avec autrui
• comprendre ses attitudes, ses postures et ses
expressions émotionnelles,
• deviner ses intentions implicites, en prévoir les
conséquences et savoir s'y adapter,
• autant de tâches d’une extrême complexité dans
lesquelles nous sommes si experts que nous les
effectuons sans le moindre effort, à la différence
du moindre calcul mental pourtant tellement plus
simple en termes de processus cognitif.
• Il s'agit également de mobiliser une capacité à
s'appuyer sur les concepts d'états mentaux
(désirs, intentions, croyances, savoirs...) pour
comprendre,
prédire
et
s'ajuster
au
comportement d'autrui.
• Cette facilité naturelle est d'ailleurs le principal
argument en faveur d'une très forte optimisation
de nos systèmes cognitifs sociaux et de leur
spécialisation.
• Plus spécifiquement, le terme de cerveau social
recouvre un ensemble de processus intégratifs et
déductifs ayant en commun de faire appel à la
représentation d'un état mental pour mettre en
cohérence les multiples indices sociaux (postures,
gestes, émotions, paroles...) perçus par l'individu
et qui sont majoritairement ambigus et
polysémiques.
• La mise en œuvre de ces processus donne
sens aux actions d'autrui et à ses
comportements.
• Que nous apportent ces nouvelles descriptions du
fonctionnement de l'esprit dans la compréhension des
personnes atteintes de troubles schizophréniques?
• Tout d'abord, il est aujourd'hui établi que la
schizophrénie s'accompagne de l'altération de
l'ensemble des compétences de cognition sociale, à
des degrés variables selon les personnes et les phases
de la maladie. Ces altérations sont constantes,
proportionnellement plus sévères que les troubles
cognitifs « classiques » (mémoire, attention, capacités
d'organisation) et préexistent à l'apparition des
symptômes psychotiques.
Elles concernent l'ensemble des compétences
relationnelles :
• la reconnaissance des émotions (quelle que
soit la manière dont elles sont exprimées :
visage, attitude, prosodie),
• la capacité à distinguer soi et autrui,
• les compétences en théorie de l'esprit.
Elles s'accompagnent de biais de raisonnement
(tendance à conclure trop vite et sur trop peu
d'indices, erreurs d'attribution) qui en
augmentent les effets dans les relations
interpersonnelles. Globalement, les troubles de la
cognition sociale se traduisent par un degré
d'incapacité plus ou moins important et constant
à se « mettre à la place de l'autre » et à le
comprendre, y compris dans des situations a
priori très simples.
À défaut d'un ajustement mutuel aux besoins de
l'autre, la conversation avec une personne
schizophrène est émaillée de malentendus, voire
d'incohérences. Leur difficulté à se représenter le
point de vue d'autrui induit dans la relation une
position autocentrée : l'autre est opaque, ce qui
l'anime aussi. De ces difficultés interpersonnelles
découle une tendance au retrait et à un vécu
globalement persécutif.
Le déficit empathique ne se limite pas aux
cognitions mais concerne également les
émotions. Sans capacité à se montrer sensible
aux émotions d'autrui, à les percevoir et à en
tenir compte, la personne schizophrène peut se
montrer peu chaleureuse ou indifférente.
Tolérance, tact, compréhension d'autrui impose de
pouvoir ressentir intuitivement ce que l'autre
ressent pour le prendre en considération et en
tenir compte.
Un autre point essentiel relatif à ces difficultés
relationnelles est leur relative permanence alors
même que délires ou hallucinations ne sont plus
au-devant de la scène.
Non accessibles aux traitements médicamenteux
(antipsychotiques ou autres) et relativement
indépendantes des symptômes, ces difficultés
sont parmi les premières causes de handicap
psychique.
Les items de la COP13® qui
explorent la relation à l'autre
La COP 13 est une classification « fonctionnelle »
qui fait correspondre clinique et postures soignantes
Tableau 1 : attaque de l'objet d'étayage
Absent = 0
Présent = 1
Intense = 2
-Menace : fait peur.
-Violence contre l'objet
étayant ou son substitut
-Attitude méprisante.
(parent battu, soignant
-Exigences excessives.
battu).
-Pas d'attaque manifeste , -Fait le mort (pas signe de -Tendance au passage à
ou ajustement de
vie à la famille).
l'acte sexuel.
l'entourage.
-Tyrannie.
-Démission ou rejet de
-Hostilité.
l'entourage, nécessité
-Souffrance de l'entourage. absolue d'une protection par
l'éloignement .
-Impose l'intervention
d'instances extérieures.
Tableau 2 : attaque du lieu de vie
Absent = 0
Présent = 1
Intense = 2
-Silencieuse ou restant
dans la sphère privée.
-Incapacité à habiter
paisiblement.
-Activité nocturne gênante.
-Entassement d'objets et
-Lieu de vie désaminé.
de détritus.
-Nécessitant une action
-Saccage de l'habitation.
régulatrice de l'entourage -Se fait parasiter de façon
ou des soignants.
dangereuse.
-Tendance à la
clochardisation.
-Plaintes ou réactions du
voisinage.
Tableau 3 : attaque des conditions matérielles de l'existence
Absent = 0
Présent = 1
Intense = 2
-Pas d'altération
apparente des conditions
matérielles d'existence.
-Pas de nécessité d'une
mesure de protection.
-Si besoin d'une aide à
gérer, elle est bien
acceptée.
-Manque de prévoyance.
-Gaspillage.
-Abandon de ressources.
-Nécessité d'une mesure
légale de protection.
-Démunition active.
-Inefficacité des mesures
légales de protection.
Tableau 4 : retrait du monde extérieur
Absent = 0
Présent = 1
Intense = 2
-Baisse d'efficience.
-Léger retrait.
-Troubles de l'attention.
-Contact lointain.
-Détachement.
-Perte de contact.
-Disparition de pans
-Manque de consistance et
entiers d'activité ou
de continuité des
d'investissement
investissements
relationnel ou intellectuel.
sublimatoires.
-Rupture dans la sphère
-Désinvestissement récent
des personnes proches.
d'une activité.
-Apragmatisme.
-Désintérêt dans la sphère
-Dévitalisation du monde
sociale.
extérieur.
-Appauvrissement social et
-Autisme.
relationnel.
-Inversion du nycthémère.
Tableau 5 : trouble majeur de l'interaction avec le milieu familial
Absent = 0
-Niveau apparemment
faible d'interaction
perturbatrice.
Présent = 1
Intense = 2
-Ne se déplace qu'avec un
parent.
-Situation incestueuse (ex :
dort avec un parent).
-Interactions
-Dépendance matérialisée
confusionnantes.
et non déniée.
-Lien symbiotique occulte
-Persistance de liens autour
et/ou symbiose bruyante.
de la nourriture, de
-Paradoxalité des échanges.
l'argent et du linge.
-Zizanie systématique.
-Symbiose apparemment
-Nécessité absolue de
calme.
protection par
-Conflit contenu.
l'éloignement.
-Déni partagé des troubles.
-Pathologie induite ou
délire à deux.
Tableau 6 : capacités d'autonomisation du milieu familial et/ou soignant
Absent = 0
Présent = 1
Intense = 2
-Séparation aménagée
durable.
-Possibilité d'une relation
extérieure à la famille.
-Milieu soignant en
position de tiers.
-Pas de séparation
possible.
-Puérilisme affectif.
-Réaction
-Velléités de séparation.
psychopathologique
- Milieu soignant vécu
à la séparation (dépression
comme double ou rival des
grave, marasme, bouffées
parents.
délirantes aiguës, tentative
-Accepte ou supporte une
de suicide, crises
diffraction/répartition/
clastiques, accident
partage/décondensation
psychosomatique).
de ses besoins de
-Déni de la dépendance et
dépendance.
tendance à la totalisation
-Efficacité de la tutelle.
de la dépendance.
-Milieu soignant disqualifié
ou « au service » de la
symbiose.
Tableau 7 : investissement du monde extérieur
Absent = 0
Présent = 1
Intense = 2
-Séparation aménagée
durable.
-Possibilité d'une relation
extérieure à la famille.
-Milieu soignant en
position de tiers.
-Investissement par
l'intermédiaire d'un
groupe dans un milieu
aménagé.
-Contact peu différencié.
-Présence impersonnelle,
anonymat.
-Contacts en pointillés.
-Relation fétichisée.
-Collage à un objet.
-Objet ustensile
investissement d'un
double, discontinu ou
furtif.
-Relation sadomasochiste.
-Emprise sur autrui.
-Tendance érotomaniaque.
-Restriction du paramètre
de vie.
-Besoin d'immuabilité.
-Restriction extrême ou
absence de vie sociale.
-Besoin de repousser autrui
: négativisme.
-Refus de l'investissement
par autrui.
-Activités autistiques.
-Agitation motrice et
verbale subintrante
éprouvante.
-Harcèlement
érotomaniaque.
Tableau 8 : troubles de l'investissement de soi
Absent = 0
Présent = 1
Intense = 2
-Position d'autosuffisance
(déni de la dépendance).
-Traits caractériels.
-Sensibilité à l'intérêt de
-Temps figé.
-Orgueil, égocentrisme, soi
l'interlocuteur.
-Omnipotence.
grandiose.
-Suscite un plaisir dans
-Délire de grandeur.
-Sensitivité.
l'échange.
-Mégalomanie ou
-Ruminations permanentes
-Peut communiquer ou
micromanie.
sur soi-même.
faire partager ses centres
-Identité délirante.
-Hypocondrie.
d'intérêts.
-Transitivisme.
-Dysmorphophobie isolée.
-Se reconnaît malade.
-Cénesthopathies
-Doute identitaire
-Inscription dans la
délirantes.
(sexualité, origine) .
temporalité.
-Hyperinvestissement du
-Personnage singulier.
-Investissement tempéré
discours, de la pensée, des
-Confabulation,
de soi-même.
rêves qui paraissent sans
mythomanie.
valeur communicative
(hermétisme).
Tableau 9 : rapport aux troubles ou à la maladie
Absent = 0
Présent = 1
-Vécu de perplexité, de
-Reconnaissance de modes marasme, de détresse,
de pensées pathologiques. impression clinique
-Reconnaissance de la
d'effondrement.
difficulté des projets de
-Entretien de projets
vie.
déréels.
-Reconnaissance des
-Besoin de soutien
difficultés d'autres
seulement implicite.
patients.
-Conscience égale des
-Relation positive au soin. troubles.
-Accès à la position
-Relation + ou - bonne au
dépressive.
soin.
-Abord individuel possible, -Fréquente l’abord
voire
institutionnel :
psychothérapeutique.
équipe de secteur, HDJ,
hospitalisation libre.
Intense = 2
-Du déni massif des
troubles à la
reconnaissance des actes.
-Incapacité à s'identifier à
autrui.
-De la relation hostile aux
soins au refus des soins.
-Traitement en hôpital
psychiatrique,
éventuellement sous
contrainte ou en sortie
d'essai.
Bibliographie : Schizophrénie et relation à l’autre; schizophrénie, neuro-imagerie et cognition
sociale, p. 28-33 Vincent Marzloff, Sonia Dollfus in Santé mentale n°183 octobre 2013
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