Trace d`apprentissage N° 5 : travailler en équipe au sein du système

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Trace d’apprentissage N° 5 : travailler en équipe au sein du système de santé
Remplacement en ville pendant les vacances de Noël
Narration
Une patiente de 53 ans consulte pour douleurs basi-thoraciques évoluant depuis 3 jours.
A l’interrogatoire, elle présente une douleur du grill costal/hypochondre droit avec parfois une
irradiation dans le dos. Cette douleur est permanente, un peu calmée par le Doliprane, mais
assez intense (4-5/10) sans vraiment de position antalgique. Elle décrit un point douloureux
sans précision quant au type de la douleur. Son apparition semble progressive. Elle pense
avoir fait un faux-mouvement. Elle ne présente pas de nausées ni de vomissements, son transit
est normal mais elle se plaint de ballonnements abdominaux elle n’a pas de fièvre. Elle est un
peu gênée pour respirer du fait de la douleur, ce qui l’a conduite à consulter.
Elle a peu d’antécédent : une hypertension artérielle traitée par bêtabloquant. Elle n’a jamais
été opérée. Elle présente un léger surpoids.
A l’examen : La température axillaire est à 37°et la tension artérielle à 13/8. L’abdomen est
effectivement un peu ballonné. Il est souple et dépressible sans défense ni contracture, en
particulier dans l’hypochondre droit. Il n’y pas d’hépatosplénomégalie. Il n’y pas d’ictère.
La pression du grill costal droit est un peu douloureuse. L’auscultation cardio-pulmonaire est
normale sans crépitants mais avec une douleur à l’inspiration profonde. Le tympanisme
thoracique semble normal bilatéral.
Je pense alors à une possible contracture musculaire ou syndrome de Tietze mais par
précaution, je lui fais faire une radio thorax pour éliminer un pneumothorax ou une
pneumopathie (auxquels je ne crois pas). J’appelle le laboratoire de radiologie à côté du
cabinet qui accepte de la recevoir dans la 1/2h. La radio thorax est effectivement normale. Je
propose alors à la patiente un traitement antalgique plus fort par tramadol. Je reste cependant
peu satisfait de mon diagnostic. Je propose à la patiente de la rappeler dans deux jours pour
prendre de ses nouvelles.
Je la rappelle donc deux jours plus tard. Elle va mieux, le traitement a bien diminué ses
douleurs qui restent latentes et tout à fait supportable. Elle présente maintenant des nausées.
Elle voudrait savoir si elle peut partir en Bretagne pour passer les fêtes de Noël dès ce soir. Je
lui propose de la réexaminer au cabinet. L’examen est peu informatif mais la douleur du grill
costal droit est toujours présente et maintenant étendue à l’hypochondre droit aussi. Elle
présente toujours un ballonnement abdominal modéré et une constipation. Elle n’a pas de
fièvre.
J’évoque alors plutôt une colique hépatique et je lui propose de faire une échographie.
J’appelle de nouveau le centre de radiologie pour réaliser l’échographie en urgence. La
patiente sera reçue mais seulement en milieu d’après-midi. La patiente accepte.
Je revois la patiente en fin de journée avec les résultats de l’examen : le radiologue conclut à
une cholécystite alithiasique. Il n’y a pas de lithiase visible, la paroi vésiculaire est un peu
épaissie (mais <5mm), le foie et le reste des voies biliaires et pancréatiques sont normales.
Ne connaissant pas grand-chose à la cholécystite alithiasique, je fais une recherche rapide sur
internet via Google. Le peu de sites en apparence sérieux qui en parle semblent faire référence
à une pathologie entrainant une ischémie de la paroi vésiculaire touchant plutôt les patients de
réanimation ou en post-opératoire (colique alithiasique de stress), post-infectieuses mais sur
terrain immunodéprimé, ou idiopathique mais sur terrain particulier (âgé, HTA, diabétique,
alcoolique, angor). Bref, ça ne correspond pas vraiment au profil de la patiente. Plus
inquiétant est la prise en charge de cette pathologie dont le mauvais pronostic exige une prise
en charge rapide.
Je décide d’appeler un gastro-entérologue pour plus d’information. J’essaye de joindre un
spécialiste en milieu hospitalier (j’appelle l’HEGP) mais après plusieurs minutes passées au
téléphone à être renvoyé d’un poste à l’autre, on finit par me dire, qu’il n’y a plus de médecin
dans le service.
J’essaye de joindre un gastro-entérologue exerçant en ville. Je passe en revue tous les
spécialistes exerçant à Issy-les-Moulineaux mais ils sont soit en vacance, soit encore en
clinique. Je finis par me rabattre sur ceux qui exercent dans une ville voisine et je parviens à
en joindre un. A l’annonce du diagnostic, il est plutôt septique quant à la réponse du
radiologue, me demande le nom de ce dernier pour savoir si ce ne serait pas un remplaçant (le
nom ne lui évoque rien). Il se demande si l’échographie a vraiment été bien réalisée. Etant
donné que la patiente était ballonnée, les gaz pouvaient fausser la qualité de l’examen. Bref il
me conseille de joindre le radiologue et d’en parler avec lui puis de me rappeler ensuite.
Je joins alors le radiologue en question qui tempère aussitôt son diagnostic : « c’est
possiblement une cholécystite alithiasique mais l’examen était difficile compte-tenu des gaz.
En tous cas il n’y avait pas de calculs visibles ».
J’essaye de joindre de nouveau le gastro-entérologue par téléphone afin de savoir quelle serait
la conduite à tenir la plus raisonnable mais son téléphone sonne occupé en permanence.
Il est tard (plus de 18h) et je reste avec mes incertitudes. Je dois prendre une décision
rapidement : compte-tenu de l’excellente tolérance des symptômes et de la probable erreur
d’appréciation du radiologue due aux mauvaises conditions d’examen, le diagnostic de
cholécystite alithiasique est probablement faux et une simple surveillance pourrait suffire.
Mais le fait d’avoir évoqué ce diagnostic et la gravité de son évolution justifie, à mon sens, un
examen complémentaire (TDM) et un avis chirurgical avant de laisser la patiente partir en
Bretagne. J’adresse donc la patiente aux urgences de l’hôpital. Par la suite, le médecin que je
remplace, me dira que la patiente y est allée mais n’est pas restée à cause de l’attente. Elle est
partie en Bretagne et les symptômes se sont largement améliorés. Elle l’a revu son retour de
vacances et il l’a adressée à un chirurgien pour une éventuelle cholécystectomie ultérieure.
Problématisation et analyse critique
Dans le cas présent, j’ai à plusieurs reprises eu à prendre contact avec d’autres spécialistes
pour prendre en charge cette patiente : le radiologue afin de faire réaliser la radio thorax puis
l’échographie. On obtient ainsi assez facilement la réalisation de l’examen le jour même si un
créneau est libre.
La suite des évènements a montré certains critères à prendre ne compte avant d’adresser un
patient : A quel spécialiste vais-je adresser mon patient pour que mon examen soit réalisé
dans les meilleurs conditions. Lorsque l’on constitue son carnet d’adresse, il est important de
connaître les compétences particulières et faiblesse de ceux-ci dans certains domaines ou sur
supports (ici l’échographie) afin d’adresser les patients au mieux et obtenir un examen de
bonne qualité qui permettra une prise en charge adaptée du patient. Par ailleurs en période
scolaire, il faut savoir si c’est le médecin titulaire ou un de ses remplaçants qui fera l’examen.
Dans le cas présent, le radiologue a été maladroit : il a posé un diagnostic radiologique peu
fréquent et plutôt grave, finalement sans certitude. Sinon n’aurait il pas du faire réaliser luimême le scanner immédiatement pour confirmer son diagnostic ou même envoyer la patiente
aux urgences ? Il aurait été préférable qu’il pose le diagnostic de cholécystite sans calcul
visible. Et d’insister sur les mauvaises conditions de réalisation de l’examen (gaz), en
préconisant un éventuel scanner si besoin. Dans ce cas j’aurais probablement permis à la
patiente de partir en vacances à proximité d’un centre hospitalier, sous traitement antalgique
et avec des consignes de surveillance strictes (fièvre, intensité des douleurs,…).
La recherche infructueuse d’un gastro-entérologue m’a montré la difficulté d’obtenir un avis
auprès d’un praticien hospitalier (sauf si l’on possède un numéro direct) mais aussi
l’importance d’avoir plusieurs correspondants pour espérer en joindre un en période de
vacances. Il ne faut pas hésiter à se renseigner dans les villes voisines si besoin afin d’avoir un
réseau fourni et disponible à tout moment. Le gastro-entérologue que j’ai joint ne m’a pas été
d’un grand secours, il ne m’a pas proposé de lui adresser la patiente mais en conseillant de
rappeler le radiologue, il m’a permis de mettre en doute le diagnostic de ce dernier et
également de me rassurer sur la gravité de la situation. Par la suite, je n’ai pas pu le joindre de
nouveau au téléphone pour avancer, pourtant il m’avait invité à la rappeler. La disponibilité
au cours de la journée est donc à prendre en compte.
Ce cas m’a montré qu’il faut privilégier les correspondants qui ne se contentent pas d’être de
simples prestataires de service mais de vrais médecins qui s’investissent dans le patient et
assurent eux-mêmes la continuité des soins si besoin, sans réadresser au médecin traitant
automatiquement.
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