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Dr L. BRUN-BARASSI
Cours IUFM
Présentation des troubles en pédopsychiatrie, développement
psychoaffectif, nosographie, modalités diagnostiques et
thérapeutiques.
I. Historique.
C’est une discipline récente qui n’a pris sa véritable autonomie que depuis peu.
La place des enfants, au sein de la société, s’est faite lentement. Pendant longtemps, l’enfant
n’a pas été reconnu dans sa spécificité. À la fin du XVIIe siècle, on commence toutefois à s’intéresser
à l’enfant et à ses potentialités. J.J. ROUSSEAU s’inspirant des thèses de Locke (philosophe anglais
du XVIIème) et de Condillac (philosophe du XVIIIéme) pose, dans son Traité intitulé Emile ou De
l’éducation de 1762, des questions sur l’éducation (Philosophe des lumières (XVIIIéme), a collaboré à
l’Encyclopédie). Il prône l’allaitement maternel et pressent ce qu’on dira des carences des soins
maternels.
Au XIXéme siècle, la prise en charge des « enfants idiots » et des « marginaux » illustre les
premiers pas en matière de dopsychiatrie. C’est à cette période qu’un médecin, Itard, tente la
rééducation du « fameux sauvage de l’Aveyron ». Il est considéré comme le premier pédopsychiatre
et décrit un tableau d’autisme. Bourneville, en 1880, crée le premier service accueillant des enfants. J
Ferry, en 1881, rend l’école laïque obligatoire et gratuite. À la fin du XIXéme siècle, Binet, qui est
considéré comme le véritable fondateur de la psychologie expérimentale, étudie le comportement des
enfants normaux à l’école et celui des « arriérés » dans un asile. Sous son influence, le gouvernement
crée des classes spéciales pour les enfants ne pouvant suivre l’enseignement habituel. Piaget
(Psychologue suisse : 1896-1980) s’intéressera à la psychologie normative et particulièrement à celle
de l’enfant (il crit 3 étapes dans la structuration de la pensée de l’enfant : phase sensori-motrice,
phase pré-opératoire et phase opératoire concrète). Wallon (psychologue français : 1897-1962)
précise dans deux de ces livres, les étapes essentielles du développement de l’enfant. Binet et Simon
élaborent le test du QI en 1905.
L’œuvre freudienne vient bouleverser complètement l’approche des troubles mentaux chez
l’enfant. Grâce à l’étude des cures psychanalytiques de ses patients, il reconstitue la vie instinctuelle
des enfants. Il décrit alors le complexe d’œdipe, l’angoisse de castration, de la scène primitive et
reconnaît une sexualité infantile. Freud (Neurologue et psychiatre autrichien : 1856-1939) montre
l’importance de l’environnent et tout particulièrement du milieu familial. Il insiste sur le fait que les
troubles psychiques retrouvés chez l’adulte se constituent pendant l’enfance. Les travaux d’Anna
Freud (psychanalyste britannique : 1895-1982) ont permis de développer par la suite la psychanalyse
d’enfants. En parallèle les travaux d’A. Freud se développent ceux de M. Klein (psychanalyste
britannique : 1882-1960).
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Les deux femmes sont en opposition et diffèrent dans leur perception du psychisme de
l’enfant. A. Freud insiste sur la prise en charge éducative des enfants, Klein décrit, elle, une précocité
de l’élaboration du surmoi et du conflit oedipien et décrit deux phases caractéristiques chez l’enfant de
moins de trois ans : une phase schizo-paranoïde et une phase dépressive. Pour M. Klein, le jeu est un
élément fondamental de la psychanalyse d’enfants puisqu’il est la voie royale de l’expression de
l’inconscient.
En 1943, Kanner décrit l’autisme précoce avec ses caractéristiques cliniques spécifiques. En
1949, Lacan décrit le stade du miroir. Bien d’autres ensuite ont affiné les connaissances en psychiatrie
infantile, que se soit Winnicott (pédiatre et psychanalyste britannique : 1896-1971), Bettelheim
(psychiatre et psychanalyste américain : 1903-1990. Etude des psychoses chez l’enfant) ou encore
Spitz (psychanalyste américain : 1887-1974. Description de « l’hospitalisme ») chez les Anglo-saxons,
ou Lebovici (médecin et psychanalyste français : 1915-2000), Dolto (psychanalyste française 1908-
1988) et bien d’autres en France.
II. Principales théories du développement de l’enfant : le développement
affectif.
Il est important de connaître la place capitale des premiers échanges mère-enfant
(interactions précoces). Ils conditionnent la confiance que l’enfant va avoir en lui et en l’autre. Le
développement affectif permet de différencier le monde psychique propre à l’enfant distinct de celui de
la mère et du monde extérieur. Il conduit à l’autonomisation.
Il faut rappeler que les futurs parents au cours de la grossesse pensent à l’enfant. On
distingue ainsi 3 types d ‘enfant :
- L’enfant imaginaire est celui imaginé par les parents, il est le fruit du désir de grossesse. Il
est issu du préconscient et du conscient. « Il est celui que chaque femme, même la plus
sincère dans son refus de maternité, vient un jour à désirer. Il est l’enfant manquant à
l’appel de celles qui par plusieurs naissances, ont comblé leur désir de procréation mais
non leur désir d’enfant (…). Il est l’enfant supposé tout accomplir, tout réparer, tout
combler : deuils, solitude, destin, sentiment de perte ; ». (M. Bydloswski).
- L’enfant fantasmatique est celui de l’inconscient. Il naît de la réactivation des conflits
infantiles de la mère avant tout mais aussi ceux du père.
- L’enfant réel qui est celui de la confrontation entre le bébé imaginaire et le bébé découvert
au moment de la naissance. Si la distance est trop grande entre le bébé imaginaire et le
bébé découvert dans les suites de couches, cela conduit généralement à des troubles des
interactions précoces.
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1. Notion d’affectivité.
Le développement psycho-affectif de l ‘enfant suit une ligne évolutive qui a ses
caractéristiques propres mais qui se fait en interférence constante et étroite avec les autres domaines
du développement (croissance physique, les acquisitions motrices et verbales ainsi que le
développement cognitif). L’affectivité est une notion difficile à définir, cependant on peut dire
globalement qu’elle renvoie aux expériences subjectives, aux domaines des émotions et des
sentiments ou aux affects, terme employé en psychanalyse pour caractériser « les états affectifs
pénibles ou agréables, vagues ou qualifiés, qu ‘ils se présentent sous la forme d’une décharge
massive ou comme tonalité générale » (Laplanche et Pontalis). Ainsi, il est question, selon les cas, de
bien-être et de malaise, de plaisir et de déplaisir, de détente et de tension, d’angoisse ou d’affect
dépressif, de peur, de colère…. L’étude du développement affectif est indissociable de celle des
relations sociales et notamment des relations avec les parents et la famille, elle est également
intriquée avec le développement de la personnalité dans la mesure la découverte de soi est
corrélative à la connaissance d’autrui et que c’est au travers des rapports avec l’autre, ses
parents, sa fratrie… que la personne se construit peu à peu.
La compréhension du développement affectif comme la vie psychique en générale a été
fortement enrichie par les apports de la psychanalyse. Au cours de ce cette étude du développement
psycho-affectif, nous allons donc être amenés dans un premier temps à préciser et expliciter
quelques-uns uns de ces apports psychanalytiques.
2. Quelques notions psychanalytiques de base.
A. S. Freud
Il est difficile d’aborder ce domaine sans commencer par S. Freud dont les apports théoriques
ont été considérables et restent une référence dans la compréhension du fonctionnement psychique.
Freud décrit 3 éléments fondamentaux dans la description des faits psychiques :
- Point de vue dynamique : Freud met l’accent sur la notion de conflit. Pour lui, toute
conduite est le résultat d’un conflit, d’une opposition ou d’une interaction de forces en
présence ; conflit entre l’individu et le milieu extérieur mais aussi conflit à l’intérieur du
sujet lui-même (conflit intra-psychique) (ex : grandir).
- Point de vue topique : permet de repérer dans l’appareil psychique des zones
différentes caractérisées par un fonctionnement propre. La description d’une vie
inconsciente, intervenant dans la détermination des conduites, est une des données
fondamentales de la psychanalyse. Freud a évolué et a substitué l’opposition initiale
syst. Inconscient- syst. Préconscient-conscient à la distinction de 3 systèmes (1920) :
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Importance de 3 instances : le Ça (réservoir des pulsions, syst. inconscient, instance
qui prédomine au début de la vie et qui obéit au principe de plaisir), , le Moi (pilier de
la personnalité, instance dérivé du ça confronté aux principes de réalité, partie
consciente du psychisme, lieu de compromis entre le ça et le Surmoi, qui lutte contre
l’angoisse liée aux conflits par certaines opérations psychiques inconscientes,
défensives appelées mécanisme de défense contre l’angoisse) et le Surmoi (instance
interdictrice interne inconsciente, qui correspond à l’intériorisation des interdits
parentaux).
- Le point de vue économique permet d’évaluer le devenir de l’énergie
psychique qui se répartit entre la réalisation des pulsions « processus
dynamiques consistant en une poussée qui fait tendre l’organisme vers un
but » (Laplanche et Pontalis) et les opérations défensives s’opposant à
la réalisation d’une satisfaction pulsionnelle trop directe car alors
source d’angoisse. Elle permet d’évaluer la part de plaisir authentique et
de déplaisir ou d’angoisse.
Il est important d’évoquer de façon plus détaillée le développement pulsionnelcrit par Freud
qui, selon lui, oriente toutes nos conduites, y compris les plus précoces. Les pulsions sont l’expression
concrète et psychologique des intérêts profonds du sujet. Chaque pulsion a sa source dans une
excitation corporelle créant un état de tension, elle tend à la alisation d’un but qui lui est spécifique
et qui supprime l’état de tension, elle cherche sa satisfaction dans un type particulier d ‘objet. Ainsi on
peut identifier la pulsion par son objet (ce par quoi est satisfaite la pulsion) et par son but (la libido
représente l’E de la pulsion sexuelle par ex.). La théorie freudienne des pulsions a connu plusieurs
remaniements. Il a d’abord opposé les pulsions sexuelles aux pulsions d’auto-conservation ou
pulsions du Moi puis dans un second temps, il oppose pulsions de vie comprenant les pulsions
sexuelles et les pulsions du moi aux pulsions de mort dont l’agressivité est une manifestation.
Les pulsions sexuelles représentent, pour Freud, le moteur de bien des conduites de l’adulte
mais aussi de l’enfant. En effet, « la sexualité ne désigne pas seulement les activités et le plaisir qui
dépendent du fonctionnement de l’appareil génital, mais toute une série d’excitations et d’activités
présentes dès l’enfance, qui procurent un plaisir irréductible à l’assouvissement d’un besoin
physiologique fondamental (respiration, faim, fonction d’excrétion, etc.) et qui se retrouvent à titre de
composantes dans la forme dite normale de l’amour sexuel » (Laplanche et Pontalis). Ainsi la libido se
manifeste différemment tout au long du développement et investit dans l’enfance des zones du corps
privilégié dites érogènes (orales, anales, phalliques) avant de se centrer sur le domaine de la sexualité
génitale adulte.
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La notion de refoulement
C’est un concept fondamental à la conception freudienne de la vie psychique. Il s’agit d’une
« opération par laquelle le sujet cherche à repousser ou à maintenir dans l’inconscient des
représentations (images, pensées, souvenirs) liées à une pulsion ». Le refoulement apparaît
donc comme un mécanisme de défense contre l’angoisse tout à fait essentiel. D’un point de vue
général, le refoulement peut être considéré comme « un processus psychique universel en tant qu’il
serait à l’origine de la constitution de l’inconscient comme domaine séparé du reste du psychisme. »
(Laplanche et Pontalis).
Sexualité infantile
Freud a mis en avant que la sexualité ne se réduit pas à la sexualité génitale adulte mais se
développe en deux temps : infantile et post-pubertaire, séparés par une phase de latence. La
sexualité infantile se veloppe en plusieurs phases, d’abord caractérisée par des pulsions partielles,
composantes de la pulsion sexuelle, rattachées à des sources d’excitations corporelles déterminées
les zones érogènes et se manifestent à travers des conduites isolées entraînant un plaisir
spécifique. Fonctionnant de façon plus ou moins indépendante au départ, les pulsions partielles
s’unifient et s’organisent sous le primat de la zone génitale entre 3 et 6 ans et définitivement lors de la
puberté. Les stades de l’évolution libidinale sont caractérisés par une zone érogène prévalente (orale,
anale, phallique) et par un mode de relation d’objet calqué sur l’activité de la zone érogène. Les
différentes périodes du veloppement affectif sont caractérisées par un investissement de l’énergie
pulsionnelle (libido).
Notion des stades :
L’enfant les franchit progressivement. La personnalité adulte va dépendre de l’histoire
de ces intégrations successives ainsi que des procédés mis en place pour résoudre les
conflits en présence et surmonter les frustrations. On parle de pathologie quand il existe une
évolution anormale ou en cas de régression.
Les différents stades évolutifs :
° Stade oral : (0-12 mois)
Le stade oral s’étend sur la première année, les pulsions partielles s’organisent sous le primat
de la sensibilité de la zone bucco-labiale. Le mode de relation d’objet est l’incorporation
équivalent psychique de l’activité alimentaire qui confère aux échanges avec la mère des
significations orales telles que : manger, être mangé, détruire l’objet en le dévorant, etc. Selon
Freud, au départ l’activité sexuelle n’est pas séparée de l’activité de nutrition, d’où la notion
d’étayage de la pulsion : celle-ci se satisfait en s’appuyant sur l’accomplissement d’une
fonction physiologique vitale (ici l’alimentation), pour s’en dissocier progressivement par la
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