La dégradation morale médicale ambiante
Parallèlement à cela des mauvaises habitudes s'étaient installées, témoignant de la dégradation morale
ambiante, d'aucuns au sein de la profession assumant des responsabilités dans la direction d'établissements
privés, bien que dénués des compétences nécessaires, avaient pris l'habitude de contresigner en leurs propres
noms les rapports de procédures réalisés par leurs collègues issus de l'hôpital public, en dehors de leurs
horaires d'activités réglementaires; des histoires de matériel détourné en même temps que les patients, à partir
des hôpitaux, et même de matériel périmé implanté dans des centres privés, n'avaient pas eu la conclusion que
la gravité des faits eût dû imposer.
Quant à l'organisation de l'activité au sein du milieu hospitalier, la longueur des délais d'attentes (plusieurs
mois) imposés aux patients des hôpitaux pour des rendez-vous de consultation, des explorations ou des actes
curatifs se sont traduits pour beaucoup de malades par l'obligation de s'adresser aux institutions privées
fréquentées par les cadres hospitaliers des services où ils devaient être opérés. Naturellement cela a grevé les
budgets des établissements publics qui à l'origine se trouvaient dans l'obligation de s'autofinancer (régime des
EPS) et qui finirent par constituer pour l'Etat une charge financière de plus en plus lourde.
Afin de fournir un exemple du manque à gagner hospitalier, et dans le cas de la cardiologie interventionnelle,
en admettant, sous estimation très réaliste que j'évalue à 2,5 fois par rapport au plausible, qu'un chef de service
eût réalisé à partir des patients recrutés dans son service, 2 séances hebdomadaires d'activité privée
complémentaire dans un établissement privé, à raison de 5 angioplasties coronaires par séance, cela ferait 10
patients par semaine, soit 500 patients par an, soit 5.000 patients sur 10 ans. Etant donné que les honoraires de
l'opérateur sont établis à 850 dinars tunisiens (DT) par angioplastie, ce chef de service aurait réalisé, en 10
années d'activités, un chiffre d'affaires global de près de 4.500.000 DT, soit un bénéfice net, après déduction
d'impôts, de près de 2.000.000 DT, et ce abstraction faite des nombreux malades issus des cliniques privées. Or
des chefs de service bien connus gagnent beaucoup plus que cela et les caisses d'assurance maladie le savent
parfaitement.
Dans le même temps, en supposant et selon les tarifs de remboursement en cours dans les caisses de
prestations sociales, que la part de la clinique dans laquelle les actes ont lieu soit de 3000 DT en moyenne, par
acte, cela reviendrait à un chiffre d'affaires sur 10 ans de 14.400.000 DT. Dont les caisses de couverture sociale
ont été les débitrices. Ainsi pour un hôpital comme celui de la Rabta, dont le déficit en 2012 , après 17 années
d'activités privées des professeurs, avait été évalué dans la presse à 20.000.000 DT, la pratique de l'activité
privée, durant la même période en intra muros, lui eût fait économiser près de 25.000.000 DT et il aurait donc
dû être excédentaire de 5.000.000 DT en 2012 , du fait de l'activité privée issue de la cardiologie seule.
Jackpots et dindons de la farce
Que l'activité privée complémentaire des professeurs en médecine n'eût pas tenu compte des intérêts des
hôpitaux, c'est donc l'évidence même. Mais des bénéfices aussi considérables soulèvent un autre problème
relativement au statut des fonctionnaires publics : pendant les 17 ans, le chef de service eut tiré de son activité
de fonctionnaire un revenu estimé à prés de 714.000 dinars, ce qui comparativement au 6.500.000 de dinars de
chiffres d'affaires réalisés grâce à l'activité privée complémentaire, durant la même période, situerait nettement
ses intérêts prioritaires.
Ces 5.000 patients auraient engendré des chiffres d'affaire pour les revendeurs de stents estimés à 5.000.000
DT durant 10 années pour les bare metal stents (BMS) seuls, dont le coût à l'unité avait été fixé à 1000 DT, et
ce dans le cas où chaque patient aurait bénéficié de l'implantation d'un BMS unique; si l'on considère que les
drug eluting stents (DES) sont pris en charge par la Cnam depuis 2006 et que 75% des stents implantés sont
des DES, pour un coût à l'unité de 3.000 DT, les revenus des sociétés de stents sur 3 années se situeraient
autour de 3.375.000 DT et 4.075.000 DT et 4.050.000 DT et 750.000 DT selon les cas où 1 , 2 ou 3 DES ou 1