Innovation et progrès technique
Progrès technique : ensemble des innovations qui entraînent une transformation ou un
bouleversement des moyens et méthodes de production, de l’organisation du travail, des
produits et des marchés, des structures de l ‘économie.
On distingue 3 stades dans le processus de changement technique : invention (=
production de connaissances nouvelles) > innovation (= application industrielle et
commerciale d’une invention) > diffusion (= adoption de ce dispositif nouveau à grande
échelle).
Toute la réflexion sur la croissance tourne autour de 2 questions : quelles sont les
sources de la croissance ?comment comprendre la convergence (divergence) des taux de
croissance à l’échelle mondiale ? Le Progrès Technique occupe une place centrale dans les
ponses proposées à ces 2 questions.
L’innovation technologique occupe au tournant du XXI° siècle une place essentielle
dans les préoccupations des gouvernements et des entreprises. Elle apparaît comme une
condition majeure de la compétitivité, de la croissance et des créations d’emplois. Les
techniques nouvelles, notamment celles de l’information et de la communication, contribuent
à transformer les modes de vie. Les inégalités d’accès aux nouvelles technologies recouvrent
en grande partie les inégalités de croissance et de développement. L’étude de l’innovation
technologique est donc une tâche importante pour l’économie, comme pour les autres sciences
humaines.
Peut-on et comment favoriser la croissance grâce à l’innovation et au PT?
1. D’où vient le PT ?
La loi de Kaldor-Vernoorn :
Cette première approche se situe dans une perspective keynésienne. La loi de Kaldor
Vernoorn établit un lien de causalité entre le taux de croissance du produit et le taux de
croissance de la productivité. Cette relation tirée de l’observation statistique est bien à
entendre ainsi : c’est la croissance économique qui est à l’origine des gains de productivité et
non l’inverse. Kaldor, refusant l’incorporation du PT à une fonction de production (le PT est
donc exogène), construit une « fonction de PT » reliant le taux de croissance du produit par
travailleur (indicateur de productivité du travail) au taux de croissance du capital par
travailleur. La croissance de la productivité, pour un niveau de PT donné, non incorporé,
s’explique par les rendements d’échelle croissants (économie d’échelle) qui réduisent les
coûts unitaires. D’autres facteurs expliquent la relation : un fort taux de croissance permet une
incorporation plus rapide du PT aux équipements, plus vite déclassés et renouvelés ; les
anticipations sont favorables aux investissements de recherche-développement, eux-mêmes
plus facilement financés.
La loi de Kaldor-Vernoorn est au cœur de la controverse sur l’interprétation de la crise
de 1974-1975 : elle conduirait à considérer le ralentissement de la productivité non comme la
conséquence d’un hypothétique ralentissement du PT antérieur au 1er choc pétrolier mais
comme la conséquence de l’effet récessif de ce choc (baisse de la demande=>ralentissement
de la croissance=>baisse de la productivité=>baisse de compétitivité=>baisse de la
demande…)
Pour les néo-classiques, le PT est exogène :
Robert Solow observe que les économistes keynésiens développent une vision trop
étroite de la croissance économique, ne prenant en compte que le rôle de l’investissement.
Pour lui, il faut prendre en compte toute la combinaison productive.
En s’appuyant sur une fonction de production, c’est-à-dire sur l’étude de l’efficacité de
la combinaison productive, Solow conclut :
- Qu’il existe un état stationnaire lié aux rendements d’échelle constants. La reprise de la
croissance à long terme dépend donc d’un PT « tombé du ciel », c’est-à-dire exogène. Le PT
regroupe l’ensemble des éléments qui permettent d’augmenter la productivité des facteurs de
production. Il s’effectue à un taux donné, fixé en dehors du modèle, et constant.
Facultatif (c’est simplement pour expliquer)3 explications : les grandes découvertes sont le fait de la
recherche fondamentale, qui vise à produire des connaissances et n’a pas nécessairement de visée commerciale ;
une grande partie de la recherche est le fait des gouvernements, qui obéissent à des objectifs non économiques
(défense, prestige), et l’économie néficie essentiellement des retombées de cet effort qu’elle ne détermine pas
(ex : découverte de l’atome>usage militaire (bombe)> usage civil(production d’électricité)) ; certaines
découvertes ont des retombées beaucoup plus larges que leur domaine d’application initial (ex : en diminuant le
coût du transport, les chemins de fer ont rendu possible un accroissement de la DDT)
-l’étude empirique du résidu de Solow (la part de la croissance qui ne s’explique pas par
l’augmentation des facteurs K et W, et qui contribue pour au moins 50 % à la croissance) rend
compte des différences de croissance entre les pays, des conditions de convergence (effet de
rattrapage et effet de dispersion) et des chocs technologiques (les fluctuations de la croissance
sont fortement corrélées avec celles du résidu de Solow).
3°L’endogénéisation du PT
À l’opposé de la théorie néo-classique, les théories de la croissance endogène,
apparues dans les années 80, cherchent à expliquer le rythme et l’orientation du PT. Dans ces
théories, le changement technique résulte d’investissements réalisés par les agents
économiques motivés par le gain. La quantité d’investissement réalisé détermine le rythme du
PT. Ce qui différencie le PT des autres facteurs de production et qui en fait le moteur de la
croissance, c’est l’existence de rendements d’échelle croissants dans la production de
connaissances (non seulement une connaissance peut être utilisée par un nombre quelconque
d’agents simultanément, mais chaque nouvelle connaissance ouvre la voie à des découvertes
ultérieures). Un processus persistant d’accumulation de la connaissance est donc possible, qui
entraîne l’accumulation des autres facteurs de la croissance.
L’accumulation des connaissances peut provenir de sources variées :la recherche-
développement, le capital humain (Becker, Arrow et l’apprentissage par la pratique), la DDT
(Smith) et le capital physique (en posant des problèmes nouveaux aux ingénieurs et
techniciens, ils sont vecteurs de changement technique).
2. Pourquoi la volonté d’innover ?
Briser le cadre de la concurrence :
Selon la théorie microéconomique, en situation de concurrence parfaite, le prix est
égal au coût marginal des facteurs, le profit est nul. L’innovation, parce qu’elle brise le cadre
de la concurrence parfaite, est source de rente. L’innovateur en produit, se trouvant seul à
fournir ce bien (situation de monopole), peut le faire payer à un prix supérieur au coût
marginal. L’innovateur en procédé fabrique le bien à un coût inférieur à celui de ses
concurrents : il peut soit le vendre à son coût réel pour éliminer les concurrents et se retrouver
en situation de monopole, soit le vendre au même prix que ses concurrents et empocher la
différence entre ce prix et ses coûts plus bas.
( voir également Schumpeter)
Un investissement risqué :
L’investissement en innovation est particulièrement risqué. Le coût est incertain car on
ne sait jamais quand la recherche va aboutir, ni même si elle va aboutir. Les débouchés
commerciaux sont difficiles à anticiper, compte tenu des goûts changeants des
consommateurs. Les concurrents pourront agir à l’innovation en proposant de nouveaux
produits qui pourront être préférés par les consommateurs. L’horizon temporel des projets de
recherche est souvent long, donc beaucoup de choses peuvent changer entre temps.
Ex : dans les industries électrique, pharmaceutique et chimique, le taux de succès
technique est de 52 à 68 %, mais seuls 8 à 29 % des projets obtiennent un succès commercial.
Le processus d’imitation :
Lorsque le processus d’imitation se met en place, lorsque les concurrents sont à même
d’offrir des biens substituables à l’innovation initiale, ou ont suffisamment réduit leur coût de
production, la concurrence par les prix reprend ses droits et la rente de l’innovateur disparaît.
Le processus de rattrapage (ou de convergence) prévoit que les pays croissent d’autant plus
vite que leur niveau de développement initial est faible. Les pays les moins avancés vont
s’approprier progressivement les connaissances technologiques mises au point dans les pays
les plus avancés et les pays tendent donc à converger vers des niveaux similaires de capital
par tête et de productivité, qui sont les niveaux d’équilibre compte tenu de la technologie
existante. Ce processus est à la source des performances extraordinaires des pays européens
pendant les 30 Glorieuses (ils rattrapaient les USA) ou celle des pays asiatiques depuis les
années 60 (ils rattrapent les occidentaux). Ce processus n’est pas universel, car les
technologies ne se diffusent pas parfaitement et que certaines conditions doivent être remplies
pour qu’il se déclenche : conditions institutionnelles favorables à l’investissement (stabilité
politique, confiance, sécurité, droits de propriété) et disponibilité d’un stock suffisant de K
humain (main d’œuvre bien formée) sans lequel l’absorption des technologies avancées n’est
pas possible.
Par quels mécanismes l’innovateur peut-il prolonger sa situation de monopole ? Le
monopole peut avoir une source juridique : brevet, titre de propriété, qui soumet son usage par
d’autre au contrôle de l’inventeur. Il peut aussi provenir du secret gardé sur l’invention, en
particulier dans le cas d’une innovation de procédé, pour rendre sa reproduction impossible.
3. PT et externalités
La connaissance : un bien public :
L’innovation technologique est associée à des externalités (interactions entre les
agents qui ont lieu en dehors des marchés). Le savoir produit par l’innovateur bénéficie à
d’autres agents sans compensation, monétaire ou autre, de leur part. En effet, la connaissance
est un bien public caractérisé d’un point de vue économique par 2 traits : une même
connaissance peut être utilisée un nombre quelconque de fois, par un nombre quelconque
d’agents, et cela simultanément et sans le détériorer ; la circulation de l’information se fait à
un coût direct (coût de la transmission) nul ou presque donc le coût marginal de l’utilisation
d’une connaissance est nulle. Cela constitue une forte incitation à l’imitation. En effet,
l’imitateur, contrairement à l’innovateur initial, n’encourt que le coût de production du bien,
et non le coût de l’invention.
De plus, le propriétaire d’une information ne peut que partiellement en contrôler
l’usage par d’autres agents. En conséquence, l’inventeur ne peut, en général, s’assurer le
monopole de l’usage d’une connaissance, et donc s’approprier toute sa valeur. En
conséquence, dans une économie de marché, le rendement privé de l’investissement est plus
faible que son rendement social, de sorte que les agents investissent moins qu’il ne serait
souhaitable pour la collectivité.
Nécessité des politiques technologiques :
Dans une économie de marché, le rendement privé de la recherche pouvant être
inférieur à son rendement social, les entreprises vont sous-investir en recherche, se cantonnant
aux projets qui ont un rendement privé suffisant alors que d’autres projets auraient un
rendement social élevé mais ont un rendement privé trop faible et ne sont donc pas entrepris.
La mission de l’Etat dans un tel cadre est de faire en sorte que l’investissement en recherche
soit à la mesure du rendement social de cette activité.
C’est sans doute dans la recherche fondamentale que le rendement privé serait le plus
faible (appropriation privée et application commerciales très limitées) alors que le rendement
social est élevé (les connaissances de base se diffusent dans des applications lointaines mais
nombreuses). D’où l’importance des politiques scientifiques, sans lesquelles la recherche
fondamentale serait sans doute très faible, avec des conséquences dommageables sur le PT
dans le long terme. L’Etat finance donc les institutions publiques de recherche comme le
CNRS.
L’Etat peut aussi créer des gles institutionnelles qui assurent un niveau plus élevé au
rendement privé de la recherche. Ainsi du brevet, titre de propriété accordé à l’inventeur à
titre temporaire (20 ans) et qui lui assure le monopole de son invention sur la période.
L’Etat peut financer directement (subventions distribuées selon certains critères
concernant soit le projet soit le bénéficiaire) ou indirectement (crédit d’impôt
recherche=réduction d’impôt proportionnelle à l’accroissement des dépenses de recherche-
développement) l’effort de recherche des entreprises.
L’investissement public en infrastructures contribue également à l’efficacité de
l’investissement privé. Ex : réseau de transports en commun efficaces.
L’intervention de l’Etat ne se limite pas à pallier les défaillances du marché : il est
aussi un consommateur de technologies en matière de défense, de santé, d’environnement…
Ainsi, les politiques d’achat public sont un moyen d’intervention sur le marché. C’est un objet
de litiges internationaux fréquents de savoir dans quelle mesure les gouvernements utilisent
les commandes publiques comme biais de subvention de la recherche privée (ex :
aéronautique : Boeing contre Airbus).
Conclusion :
Souligner l’importance de l’enjeu que représente le PT.
Idées d’ouverture ou d’actualisation :
-Le gap technologique entre l’Europe et les USA a tendance à s’accentuer, et
pourtant, la France sacrifie la recherche (cf. la pétition lancée récemment par des
chercheurs qui menacent de démissionner et partir à l’étranger).
-La fuite des cerveaux pénalise encore plus les pays en voie de développement
qui manquent déjà de moyens pour favoriser la recherche et l’éducation formation.
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