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La transmission de la politique monétaire dans les PECO : quel
est le rôle du pouvoir de marché et de l’efficience des banques ?
Jean-Marc FIGUET* et Ion LAPTEACRU§
Résumé :
Nous analysons l’influence du pouvoir de marché et de l’efficience des banques dans la transmission
de la politique monétaire dans les Pays d’Europe Centrale et Orientale. Si le rôle des déterminants
comme les niveaux de liquidité et de capitalisation, la taille de la banque a déjà été étudié, l’impact des
niveaux de pouvoir de marché et d’efficience n’a été, à notre connaissance, l’objet d’aucune étude.
Nous essayons d’apporter un éclaircissement sur le sujet. Nous mesurons le pouvoir de marché par
l’indice de Lerner. Les scores d’efficience sont déterminés par la méthode stochastique. Nos résultats
confirment les conclusions des études précédentes quant à l’implication des niveaux de liquidité et de
capitalisation, et de la taille de la banque sur la transmission de la politique monétaire par le canal du
crédit. En plus, nous montrons que plus la banque est efficiente, moins elle répercute la politique
monétaire sur son activité de crédit. Il est de même pour la banque qui dispose d’un pouvoir de marché
élevé.
Mots-clés : politique monétaire, banque, pouvoir de marché, efficience, PECO
Classification JEL : D40, E52, G21.
* LARE-efi, Université Montesquieu Bordeaux IV, Avenue Léon Duguit, 33608 Pessac Cedex ; courriel:
jean-marc.figuet@u-bordeaux4.fr.
§ LARE-efi, Universi Montesquieu Bordeaux IV, Avenue Léon Duguit, 33608 Pessac Cedex ; courriel:
ion.lapteacru@u-bordeaux4.fr.
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1. Introduction
La répercussion de la politique monétaire sur les taux d’intérêt est étroitement liée au
marché du crédit, en général, et en particulier, au canal du crédit. Ce dernier repose, d’une
part, sur l’imparfaite substituabilité entre les crédits et les autres formes d’investissement pour
les banques, et d’autre part, sur l’imparfaite substituabilité entre les crédits bancaires et les
autres formes de financement externe pour les entreprises. Les marchés des capitaux étant peu
développés dans les PECO, ce canal devrait être particulièrement important.
Dans les PECO, les déterminants de la politique monétaire par le canal du crédit sont :
la taille de la banque, les niveaux de capitalisation et de liquidiet le fait que la banque soit
domestique ou étrangère (voir, par exemple, Wróbel et Pawlowska, 2002 ; Juks, 2004 ;
Pruteanu, 2004 ; Schmitz, 2004 ; Havrylchyk et Jurzyk, 2005 ; Chmielewski, 2005 ; Matousek
et Sarantis, 2006). Mais l’impact du pouvoir de marché de la banque et son niveau
d’efficience n’a pas été, à notre connaissance, étudié. L’objectif de cette étude est donc de
montrer comment ces variables influencent la sensibilité de la banque aux changements des
taux de la banque centrale.
Cet aspect est très important car l’intensité du pouvoir de marché modifie le
comportement de la banque surtout en présence de l’assurance-dépôt. En se concurrençant sur
le marché des dépôts, les banques deviennent identiques pour les déposants. Elles mènent
alors une stratégie plus agressive afin d’attirer plus de déposants et ainsi gagner des parts de
marché (Matutes et Vives, 1996 et 2000). Cela implique qu’un niveau élevé de concurrence
devrait les rendre plus sensibles à la variation des taux.
Le pouvoir de marché de la banque modifie également son comportement sur le
marché du crédit. En effet, la banque ne connaît pas la rentabilité réelle des projets des
emprunteurs. Par conséquent, elle doit fournir un effort supplémentaire afin de la dévoiler.
Cordella et Levy Yeyati (2002) analysent l’impact de la concurrence bancaire sur la prise de
risque des banques en tenant compte de l’aléa moral tant sur le marché des dépôts que sur le
marché du crédit. Ils trouvent que le niveau d’effort déployé par la banque pour l’analyse et la
surveillance des projets diminue avec l’amplification de la concurrence. Or cette diminution
est moins importante si la prime d’assurance est sensible au risque. Il est donc évident que le
pouvoir de marché et l’efficience de la banque ne peuvent être ignorés dans l’étude de la
transmission de la politique monétaire.
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Afin de mieux cerner le sujet, nous allons d’abord passer en revue la littérature
existante. Ensuite, nous décrivons la méthodologie économétrique utilisée dans la description
du canal du crédit. Nous présentons également les méthodologies appliquées dans l’estimation
des niveaux de pouvoir de marché et d’efficience. Finalement, nous présentons les résultats et
concluons.
2. Revue de la littérature
La substitution imparfaite entre les actifs bancaires entraîne une contraction (une
expansion) de l’offre de crédit si la politique monétaire devient restrictive (expansionniste).
En manque de liquidité, les banques préféreront réduire leur offre de crédits au lieu de vendre
des obligations, afin de préserver le niveau visé de liquidité. D’une manière alternative, elles
peuvent aussi émettre des obligations ou collecter des dépôts au lieu de rationner les crédits.
Cependant, leur capacité à emprunter sur le marché financier peut être duite à cause des
imperfections existantes sur le marché. La politique monétaire affecte le secteur réel de
l’économie, lorsque certaines entreprises n’ont pas la possibilité de substituer le crédit
bancaire à d’autres formes de financement externe. Le rationnement des crédits réduit ainsi le
montant des investissements des entreprises.
Wróbel (2001) montre qu’en Pologne un choc monétaire implique, à court terme, un
rationnement des crédits et que le montant des crédits diminue également à long terme.
Toutefois, il peut revenir à son niveau initial (Creel et Levasseur, 2005). Pour la République
tchèque et la Hongrie, Creel et Levasseur (2005) trouvent que le choc monétaire implique à
court terme un accroissement au lieu d’une baisse du montant des crédits. Les effets établis
sur la production et l’inflation sont divergents.
Les données individuelles des banques permettent d’obtenir des résultats plus précis
sur leur comportement suite au choc monétaire. Un des travaux pionniers est celui de Kashyap
et Stein (1997). En catégorisant les banques américaines d’après leur niveau d’actifs, les
auteurs trouvent qu’en raison d’un accès limité au marché financier, les petites banques
diminuent le montant des crédits après un choc monétaire. En revanche, elles ne réduisent pas
le montant des obligations. Les auteurs expliquent que les petites banques offrent plus de
crédits aux petites entreprises dont la demande de crédits est procyclique. Kashyap et Stein
(2000) estiment l’impact de la politique monétaire sur le comportement des banques via le
canal du crédit par la prise en compte du niveau de liquidité. Ils concluent que les banques les
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moins liquides sont les plus réactives au choc monétaire. La liquidité des établissements de
crédit pendant généralement de leur taille, les auteurs confirment le résultat précédent.
Ehrmann et al. (2001) ont repris ce modèle pour déterminer le canal du crédit dans les pays de
la zone euro. Ils montrent que le niveau de liquidité joue un rôle très important dans
l’évolution du crédit suite au choc monétaire.
Le modèle de Kashyap et Stein a été appliqué aux PECO, les différentes
caractéristiques bancaires étant utilisées séparément. Les résultats montrent clairement que les
banques agissent au choc monétaire en fonction de leur taille, des niveaux de capitalisation
et de liquidité, et de la structure du capital bancaire (privé ou public, domestique ou étranger).
Mais les réactions se révèlent différentes. Pour l’Estonie, Juks (2004) trouve que l’offre de
crédits est très affectée pour les banques avec un faible niveau de liquidité. La taille et le
niveau de capitalisation n’ont pas d’importance dans la transmission du choc. Matousek et
Sarantis (2006) aboutissent à la même conclusion en agrégeant les données pour les trois pays
baltes. En revanche, les banques réagissent différemment en fonction de leur taille, les plus
grandes pouvant s’opposer à la transmission du choc monétaire.
Pour la République tchèque, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et la Slovénie,
Schmitz (2004) souligne non seulement les mêmes effets de la taille et du niveau de liquidité,
mais aussi le fait que les banques étrangères sont plus sensibles aux modifications de la
conjoncture monétaire par rapport aux banques domestiques. Ces réactions sont également
différentes selon le pays (Matousek et Sarantis, 2006). Pour la Pologne, Havrylchyk et Jurzyk
(2005) montrent que les banques avec un bon niveau de liquidité peuvent isoler l’offre de
crédits des effets de la politique monétaire. Toutefois, les résultats en fonction de la taille ne
sont pas concluants. Les coefficients estimés indiquent que les petites banques sont en
meilleure position pour se protéger contre les chocs monétaires. De même, la capitalisation
bancaire n’a aucune implication sur le comportement d’octroi de crédits. Ces conclusions sont
en contradiction avec celles de Wróbel et Pawlowska (2002), qui trouvent que les grandes
banques et les banques les plus capitalisées réagissent dans une moindre mesure, tandis que
les banques les plus liquides sont plus sensibles à l’augmentation du taux d’intérêt des
instruments monétaires. Havrylchyk et Jurzyk (2005) considèrent ce résultat contre-intuitif,
comme une conséquence de la surliquidité du marché bancaire polonais. La variable la plus
robuste dans les régressions effectuées par Chmielewski (2005) et par Matousek et Sarantis
(2006) est le niveau de capitalisation. Matousek et Sarantis (2006) retrouvent ce résultat pour
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les pays baltes, la Hongrie, la Slovaquie, la Slovénie et la République tchèque. Même si les
banques étrangères ont des niveaux de capitalisation plus élevés, elles sont, en général, plus
réactives à la politique monétaire. Ces auteurs démontrent également que les prêts en devises,
surtout ceux destinés aux ménages, sont très peu sensibles aux actions des autorités
monétaires.
Pour la République tchèque, les résultats divergent selon la période. Entre 1994 et
2003, Matousek et Sarinis (2006) établissent que la taille et les niveaux de capitalisation et de
liquidité sont importants dans la caractérisation du comportement des banques. Pruteanu
(2004) conclut que les banques les plus capitalisées et les plus liquides sont moins réactives à
la politique monétaire entre 1996 et 1998 et ne le sont plus entre 1999-2001. L’importance de
la taille se confirme pour les banques étrangères, pour lesquelles l’impact est différent entre
les deux sous-périodes. De 1996 à 1998, les grandes banques étrangères ont surtout été
affectées par les actions des autorités monétaires. De 1999 à 2001, les petites banques
étrangères ont fortement subi la politique monétaire. Le niveau de liquidité est important pour
les banques étrangères dans la première sous-période, et il est substantiel pour tout le système
bancaire dans la deuxième sous-période.
En résumé, les facteurs traditionnels susceptibles d’influencer la transmission de la
politique monétaire sur l’offre de crédit sont la taille de la banque, ses niveaux de
capitalisation et de liquidité.
3. Méthodologie économétrique
Afin de déterminer le canal du crédit dans la transmission de la politique monétaire
dans les PECO et mettre en évidence les facteurs qui l’influencent, les régressions seront
faites avec des séries individuelles des banques dans le cadre d’un modèle de panel avec dix
pays : la Bulgarie, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la
Slovaquie, la Slovénie et la République tchèque. L’équation que nous allons régresser prend
la forme suivante :
 
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