13 Les Actifs Toxiques

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KERKAR Hakima
Master 2 Entrepreneuriat Internationale et PME
Mention Gestion des risques
Promotion 2009/2010
Sommaire
Introduction
1. L’Obligation
1.1 Définition
1.2 Caractéristiques principales
1.3 Emetteurs .
1.5 Cas général
1.6 Cours et Coupon Couru
1.7 Techniques usuelles de cotation des obligations
2. Qu’est-ce qu’un actif « toxique » :
3-La Titrisation :
4. Les différents types d’actifs titrisés
4.1 Les « subprimes »
4.2. La formation de produits titrisés à risque
4.2.1. La construction d’ABS (« Asset-backed security »)
4.2.2. La titrisation, vecteur de propagation du risque
4.2.2.1. Technique de base
4.2.2.2. Premier avantage de la titrisation multiplier les sources de financement
4.2.2.3. Second avantage : le transfert de risques
4.2.2.4. La structuration financière des opérations
4.2.2.5. Notation des produits titrisés
5. Le cas particulier des CDS
5.1. Caractéristiques du CDS
5.2. Toxicité des CDS
5.3. Evaluation du risque à l’échelle mondiale
6. La gestion des actifs toxiques
6.1 Augmentation de Capital
6.2 La garantie
6.3 La Nationalisation
6.4 La Bad Bank :
7. Exemple MO GAPC : Midlle Office Gestion Active des portefeuilles
Cantonnés
7.1 La Garantie apportée par la BPCE.
7.1 Exemple d’un portefeuille toxiques : L’Opération Mistral CMBS
Conclusion
1. L’Obligation
1.1 Définition
Une obligation (en anglais : bond) est un titre de créance qui fait partie des valeurs mobilières.
En tant que tel, il est cessible et peut donc faire l’objet d’une cotation sur une bourse.
1.2 Caractéristiques principales
Ce titre est, au même titre qu’un emprunt, un contrat entre l’émetteur et les détenteurs
successifs du titre, dont les deux éléments principaux sont l’échéancier des flux financiers et
leur mode de calcul. Les émetteurs (emprunteurs) sont aussi bien des organismes privés que
des collectivités publiques (en particulier les trésors publics). Une obligation est émise
originellement à court, moyen ou long terme, voire sans date d’échéance (obligations
perpétuelles). Toutefois on réserve souvent l’appellation d’obligation aux titres de durée
supérieure à 5 ou 7 ans. Pour les durées inférieures, les termes “bons” (du Trésor...) ou
“billets” (de trésorerie...) sont généralement préférés.
1.3 Emetteurs
Un Etat dans sa propre devise : on parle alors d’emprunt d’Etat ;
Un Etat dans une autre devise que la sienne : on parle alors d’obligation souveraine;
Une entreprise du secteur public, un organisme public, une collectivité locale : on parle alors
d’obligation du “secteur public” ;
Une entreprise privée, une association, ou tout autre personne morale, dont les Fonds
communs de créances, et on parle alors d’obligation “Corporate”.
1.4 Principaux paramètres
Les flux d’une obligation sont généralement définis par :
La devise dans laquelle elle est émise ;
La valeur nominale de l’obligation, appelée le pair ;
Sa date d’échéance (aussi appelée maturité) ;
Le mode de remboursement (on dit aussi d’amortissement”) :
En une seule fois à l’échéance (in fine) ⇒ ou par tranches, ⇒ ou encore jamais (obligations
perpétuelles) ;
Le prix de remboursement, c’est -à‐ dire le montant, en pourcentage du pair, qui sera
remboursé `a l’échéance ;
Le taux d’intérêt de l’obligation et le mode de calcul de celui‐ci ; la périodicité (souvent
annuelle) des versements d’intérêt, appelés coupons.
1.5 Cas général
La plupart des obligations sont des obligations annuelles classiques (en anglais : plain vanilla
bonds, soit “obligations à la vanille”), c’est‐à‐dire :

remboursées

in fine (en anglais, on parle de bullet bonds)

au pair

payant un taux fixe, dit “taux nominal”

via un coupon annuel.
Exemple l’Obligation assimilable du Trésor 4.75 25/4/2035 est une obligation classique à taux
fixe d’échéance 25/4/2035 et de taux nominal 4.75.
1.6 Cours et Coupon Couru
Il est d’usage de séparer arbitrairement la valeur actuelle d’une obligation en :

cours, dit également cours pied de coupon, exprimé en % du nominal ;

coupon couru, exprimé également en % du nominal, généralement avec trois
décimales.
En effet, plus une date de versement de coupon est proche, et plus le prix de l’obligation,
mécaniquement, intègre le montant dudit coupon. Il le reperd, tout‐aussi mécaniquement,
mais brusquement, une fois ledit coupon versé. En soustrayant, prorata temporis, du prix
d’une obligation l’effet du prochain coupon, le “coupon couru”, une courbe beaucoup plus
régulière est obtenue et facile à interpoler dans le temps : le “cours”.
Deux termes anglais sont régulièrement utilisés pour évaluer une obligation :
1. Clean Price : le cours de l’obligation est mentionné sans tenir compte des intérêts
courus non échus
2. Dirty Price : le cours comprend les intérêts courus non échus
1.7 Techniques usuelles de cotation des obligations
Les trois principales techniques de cotation des obligations sont :
• En yield spread (taux de rendement actuariel) : l’écart entre le taux de rendement actuariel
de l’obligation et un taux de référence.
Si ce taux de référence est le taux de rendement d’une obligation d’état, on parle de spread
over benchmark
S’il s’agit d’un taux de Swap (milieu de fourchette), on parle de spread over mid‐swap.
•
En Z‐spread : le Z‐spread est semblable au spread over mid‐swap, sauf que
c’est toute la courbe des taux de Swap qui est utilisée en référence.
Techniquement, le calcul consiste à décaler parallèlement une courbe de
zéro‐coupon, de manière à évaluer l’obligation à son prix de marché.
•
En Asset Swap : techniquement, pour calculer une marge d’Asset Swap, il
faut d’abord actualiser les flux de l’obligation sur la courbe Swap (c’est l’implied
value). L’´ecart entre cette implied value et le vrai prix de marché de l’obligation
est une évaluation du risque de crédit. La marge d’Asset Swap est tout simplement
l’étalement au cours du temps de cet écart de prix.
Remarques
Les taux de rendement acturiel et le Z‐spread présentent de la convexité : ils s’élargissent
d’autant plus vite que les prix des obligations baissent et peuvent atteindre des niveaux très
élevés. Ce n’est pas le cas de la marge d’Asset Swap.
Le Z‐spread est parfois utilisé pour comparer rapidement les obligations aux CDS. Très
proche du yield spread, il présente en effet l’avantage d’être convexe, tout comme le CDS.
Pour des spreads élevés, l’erreur de cotation reste raisonnable face aux fourchettes de
transaction. Cependant le Z‐spread reste un mauvais outil de comparaison pour des spreads
faibles : il est donc préférable d’avoir recours `à d’autres techniques pour analyser le basis.
2. Qu’est-ce qu’un actif « toxique » :
Les actifs toxiques sont des actifs financiers que l'on ne peut plus vendre. En effet,
ce sont des produits que personnes ne veut, du fait qu'ils n'ont plus aucune valeur
sur le marché. Ce sont des produits qui sont devenus non liquides. Pour les
détenteurs de ce type d'actif, cela à un coût important. C'est une perte sèche pour un
montant égale au coût d'achat des actifs, la vente étant impossible. Ce type de
produits était réservé aux institutionnels de part les montants importants à investir.
Ces institutionnels étaient notamment des banques et des fonds de placement. Le
terme actif toxique a été essentiellement utilisé pour les subprimes, des crédits
hypothécaires. Avant que la crise des subprimes n'éclate, ces produits étaient très
appréciés du fait de la rentabilité élevée qu'ils donnaient. Le risque était très fort mais
l'appât du gain était trop important. Les institutionnels se sont donc précipités sur ce
type de produits mais, lorsque la crise à éclatée, leurs bilans ont été plombés. Ces
institutions ont du procéder à des dépréciations massives, les mettant dans des
situations financières souvent difficiles. De nombreuses banques ont fait faillite, la
plus connue étant Lehman Brothers. Cela a entraîné une crise systémique, les
acteurs défaillants dans leurs engagements mettant en difficulté financière d'autres
acteurs déjà fragile. C'est pour limiter cela que le plan Paulson a été voté. Ce plan
concerne directement les actifs toxiques détenus par les institutionnels. En effet, il
permet à ses détenteurs de pouvoir vendre ces actifs, l'Etat se portant acheteur en
dernier recours. Les pertes sont cependant bien présentes, l'Etat rachetant ces actifs
à un prix bien inférieur au prix auquel les banques les ont acquis. Pour cette raison,
de nombreuses banques doivent se recapitaliser en procédant à des augmentations
de capital.
Cette définition peut se résumer ainsi : un actif « toxique » est un instrument de
placement (i.e. un actif financier) basé sur les « subprimes » et entraînant une forte
dépréciation des bilans, voire la faillite, des institutions financières qui les détiennent
en portefeuille et appliquent la méthode comptable de la juste valeur.
Cette définition apparaît à la fois restrictive et incomplète. Restrictive car les toxiques
sont adossés à des actifs très diversifiés qui dépassent largement le cadre des
fameux crédits hypothécaires américains. Incomplète car leur toxicité provient non
seulement de leur potentiel en matière de destruction bilancielle, mais, et surtout, de
leur caractère viral i.e. du risque d’effet domino qu’ils font peser sur l’ensemble de la
sphère financière. Ce potentiel de propagation qu’ils recèlent paraît du reste plus
problématique que les dégradations de bilan qu’ils sont susceptibles d’occasionner et
c’est sans doute cette seconde caractéristique qui est implicite lorsqu’on parle de
toxicité. En d’autres termes, c’est bien l’effet de « résonance » qui est crucial et
déstabilisateur, au-delà des pertes occasionnées à tel ou tel établissement.
Il est donc important de retenir les critères suivants :


un actif toxique est un produit dérivé (donc un actif financier) plus ou moins
sophistiqué, dont le sous-jacent est un actif potentiellement générateur de cash flows
et porteur d’un risque variable ;
il est soit titrisé, donc échangeable sur un marché, soit matérialisé par un
contrat de gré à gré, ce qui implique qu’il n’apparaît pas sur les marchés classiques,
qu’il se situe hors bilan des institutions concernées et échappe le plus souvent aux
normes de ratio bilancielles (cas des CDS).
3-La Titrisation :
La Titrisation est une technique financière qui permet de transformer des actifs non
liquides, comme des créances, en titres négociables, via une méthode de tranching.
Il existe deux formes de titrisation, la première est appelée « on balance sheet ».
Cette technique, comme son nom l’indique, permet à l’entreprise originatrice de la
créance de garder les actifs sur son bilan. Contrairement à la technique « Off
balance sheet », qui permet à l’entreprise émettrice de se refinancer, en mettant ses
actifs « hors bilan », c'est-à-dire qu’elle les prête à l’institution chargée de la
titrisation, une banque d’investissement par exemple.
Il s’agit d’une transformation faite au sein même de la banque d’investissement. Elle
va prendre les actifs sous son propre bilan, et créer en parallèle les actifs qui leur
seront associés.
Pour transférer les actifs entre les deux entités, un SPV (Special Purpose Vehicule)
ou un SIV (Structured Investment Vehicle) va être utilisé. C’est celui-ci qui va prendre
à son actif les créances, et émettre en face des titres, qui seront vendu à des
investisseurs. Les titres sont ainsi garantis par les actifs non liquides. Une étude des
risques de ces actifs va être faite afin de les classer et de les découper de façon
homogène et ainsi permettre une notation future des titres.
La titrisation s’est développé dans les années 70, dans un premier temps, elle avait
pour but de favoriser le nombre de crédits consentis par les banques. Les banques
ne pouvaient en effet consentir des crédits qu’en fonction de leurs ressources : c'està-dire que le montant prêté ne devait pas dépasser un certain pourcentage du passif.
En sortant de leur bilan certaines créances (souvent les créances de moins bonne
qualité), elles réduisaient l’actif et cela leur permettait donc de consentir de nouveaux
crédits. La titrisation s’est ensuite complexifiée :
Une société ad hoc s’est immiscée entre la banque et l’investisseur : le SPV
développé ci-dessus.
C’est alors que la titrisation a été utilisée pour se défaire partiellement ou totalement
de certains risques. En effet : les actifs n’étant plus sur le bilan, le SPV ou le SIV
prend en charge le risque de contrepartie des créances anciennement portées sur
l’actif. Enfin il arrive qu’il soit difficile de trouver des acquéreurs pour certaines
valeurs mobilières, au prix souhaité par les entreprises propriétaires. La titrisation est
alors la solution, sur ces titres qui ne peuvent être revendus, puisqu’il n’existe pas de
marché secondaire de crédit. La titrisation permet de les transformer, pour ainsi les
vendre plus facilement.
Notons que les produits issus de la titrisation ne semblent pas risqués, mais ils
connaissent une volatilité plus importante, que sur une simple action. L’effet de levier
est donc important, et c’est cela qui les rend attractifs auprès des investisseurs.
4. Les différents types d’actifs titrisés
La plupart des actifs toxiques recensés aujourd’hui sont des titres échangeables sur
divers marchés. Il convient de les inventorier en détaillant les mécanismes à l’œuvre.
4.1 Les « subprimes »
Ce terme ne désigne pas un actif toxique per se, mais il caractérise une certaine
forme de crédit hypothécaire (mortgage), apparue aux Etats-Unis. Ce crédit
immobilier est toujours gagé sur le logement de l’emprunteur (hypothèque), avec un
taux d’emprunt variable au cours du temps.
Au sens plus large, un « subprime » est un crédit à risque, à taux plus élevé pour
l’emprunteur, et donc avec un rendement plus important pour le prêteur afin de
rémunérer le risque de non remboursement, lui-même limité par la garantie
hypothécaire prise sur le logement. Afin que ce crédit reste attractif pour
l’emprunteur, des montages sophistiqués avec des taux variables pouvaient
permettre de maintenir des taux bas en début de prêt .
Ce mécanisme ne peut fonctionner favorablement que si deux hypothèses conjointes
sont avérées : d’une part, les taux de référence restent stables (car s’ils augmentent,
les mensualités exigées au-delà des périodes « promotionnelles » à taux fixes
deviennent insupportables, provoquant la faillite personnelle des emprunteurs) ;
d’autre part, le marché immobilier est orienté à la hausse. Cette seconde condition
était vérifiée mécaniquement tant que le nombre de défauts de paiement restait
limité. En effet, plusieurs mesures en faveur de l’accès à la propriété des ménages
modestes (déduction des intérêts hypothécaires de l’impôt, imposition de cibles aux
institutions financières par le Department of Housing and Urban Development , de
façon à ce que la clientèle moins fortunée puisse devenir propriétaire, possibilité pour
les institutions financières de prêter jusqu’à 110% de la valeur du bien…) ont eu pour
effet de gonfler la demande pour les propriétés, la proportion de propriétaires
atteignant 70% des ménages américains en 2004. Il en est résulté une bulle
immobilière qui elle-même nourrissait la bulle de crédits : tant que l’immobilier
augmente, la maison acquise et mise en hypothèque assure que l’opération n’est
pas risquée puisqu’en cas de défaillance, la banque pourra rembourser le crédit en
saisissant puis en vendant le bien.
Or, les prix de l’immobilier ont commencé à chuter dans plusieurs régions à partir de
2006. Le marché américain a perdu aux alentours de 20% durant les 18 derniers
mois précédant l’éclatement de la première crise, à l’été 2007. Avec la baisse du
marché immobilier américain, la valeur des habitations est devenue inférieure à celle
du crédit qu’elles devaient garantir. Ainsi, les établissements de crédit, censés
pouvoir récupérer leurs mises en vendant les habitations hypothéquées, se
retrouvèrent sans moyen rapide de redresser leur bilan, puisque vendre ces biens ne
suffisait plus à couvrir leurs pertes. L’afflux de mises en vente des biens saisis a de
surcroît aggravé le déséquilibre du marché immobilier où les prix se sont effondrés.
Les crédits « subprime » constituent l’aliment de base (mais, on l’a signalé, non
exclusif) des produits dérivés que l’on peut qualifier de toxiques. Il importe à présent
d’analyser le processus de transformation qui conduit à l’assemblage des dits
produits.
4.2. La formation de produits titrisés à risque
Pour qu’un produit devienne toxique, il faut cumuler deux conditions : qu’il soit
construit sur un sous-jacent à risque ; et qu’il fasse l’objet d’une titrisation. Nous
verrons que la seconde condition peut en fait être contournée (cas des CDS).
4.2.1. La construction d’ABS (« Asset-backed security »)
Un asset-backed security (ABS) ou « valeur mobilière adossée à des actifs », est une
valeur mobilière dont les flux sont basés sur ceux d’un actif ou d’un portefeuille
d’actifs (typiquement : les créances hypothécaires « subprime », des paiements de
cartes bancaires, ou des créances commerciales…).
En pratique, un ABS est généralement constitué d’un paquet de 3 000 à 6 000
crédits d’un montant unitaire de 100 000 à 500 000 dollars américains.
Les ABS représentent la granularité de base du système. Ici interviennent des
acteurs financiers essentiels : les « rehausseurs de crédit » , qui ont créé une
demande inespérée pour les créances hypothécaires risquées ABS, issues
notamment des subprimes. L’alchimie qu’ils mettent en œuvre est très simple : ils
mélangent ces ABS avec d’autres créances moins risquées, pour créer des CDOs («
collaterised debt obligation »), placements présentés aux investisseurs sous la
notation financière la plus sûre, le AAA . Un CDO regroupe en général des titres
issus de 150 à 250 actifs (ABS, CDO , ou tout simplement des obligations
classiques) différents pour un montant compris entre 1 et 2 milliards de dollars. Les
CDOs font ensuite l’objet d’une titrisation, qui permet d’en évacuer le risque vers
d’autres investisseurs suivant un mécanisme décrit ci-après.
Le succès des CDOs, très bien notés et présentés comme des placements de père
de famille, jugés à la fois sûrs et rentables , a conduit les rehausseurs de crédit à
multiplier ces produits ; la croissance de la demande a tiré à son tour celle des
créances immobilières risquées (subprime), qui se voyaient offrir ainsi un débouché
inespéré. Du fait de leur croissance, les rehausseurs de crédit sont devenus des
clients importants pour les agences de notation immobilière, celles-ci se montrant de
moins en moins regardantes sur le type de CDOs qu’elles étaient supposées
étalonner. De surcroît, ces CDOs ont trouvé un débouché important dans les réseaux
commerciaux des banques, elles aussi clientes stratégiques des agences de
notation. In fine, l’analyste financier d’une agence de notation avait commercialement
intérêt à ne pas poser trop de questions.
Dans ce contexte, la titrisation des CDOs est l’opération qui a rendu l’ensemble de
ces produits à risque particulièrement viraux.
4.2.2. La titrisation, vecteur de propagation du risque
A la base, la titrisation est une technique financière qui consiste à transférer à des
investisseurs des actifs financiers tels que des créances en transformant celles-ci,
par le passage à travers une société ad hoc, en titres financiers émis sur le marché
des capitaux.
Une telle titrisation s’opère en regroupant un portefeuille (c’est-à-dire un lot) de
créances de nature similaire (prêts immobiliers, prêts à la consommation, factures
monothématiques…) que l’on cède alors à une structure (société, fonds, trust) qui en
finance le prix d’achat en plaçant des titres auprès des investisseurs . Les titres
représentent chacun une fraction du portefeuille de créances titrisées et donnent le
droit aux investisseurs de recevoir les paiements des créances (par exemple, quand
les factures sont payées ou quand les prêts immobiliers versent des mensualités)
sous forme d’intérêts et de remboursement de principal. Dans la période récente, les
CDOs sont devenus le véhicule par excellence de la titrisation.
4.2.2.1. Technique de base
Le portefeuille (un CDO) est divisé en titres acquis par des investisseurs, qui
participent à l’opération exclusivement sur base de la garantie sur les actifs dont les
flux financiers futurs serviront au paiement des intérêts sur les titres et à leur
remboursement. Les titres acquis par les investisseurs sont dits « adossés » au
portefeuille d’actifs.
Pour les investisseurs, la particularité de la titrisation est qu’ils sont rémunérés par le
portefeuille cédé et en assument donc les risques, risques qui sont partiellement
couverts ou structurés (cf. ci-après) et, on l’a vu, généralement évalués par des
agences de notation financière qui publient une note qualitative du risque sur les
titres émis. Afin de faciliter l’analyse du risque lié au portefeuille, c’est-à-dire de
prévoir les flux financiers, les actifs ou droits cédés seront, de préférence, de même
nature comme par exemple :




un portefeuille de crédits hypothécaires résidentiels (typiquement : des «
subprimes » groupés en ABS et titrisés en CDO) ;
un portefeuille de crédits hypothécaires commerciaux ;
un ensemble de droits liés à des opérations de crédit-bail sur machines ;
les loyers futurs d’un ou plusieurs immeubles résidentiels ou commerciaux…
4.2.2.2. Premier avantage de la titrisation : multiplier les sources de
financement
La titrisation autorise l’écoulement rapide de portefeuilles de taille importante (500
millions d’euros est un montant ordinaire sur ce type de marchés) i.e. de transformer
un portefeuille illiquide en des titres liquides, ce qui permet de vendre le produit
structuré sur les marchés de capitaux.
4.2.2.3. Second avantage : le transfert de risques
Le principal intérêt de l’opération, outre qu’elle permet d’obtenir un refinancement
rapide, procède du fait qu’elle permet de divertir le risque de perte sur le portefeuille
vers les investisseurs. Il est certes rare que la totalité du risque soit transmise aux
investisseurs. En général, certains mécanismes sont mis en place de sorte que le
cédant conserve ce qu’on dénomme le « premier risque » sur le portefeuille .
Cependant, le mécanisme permet au cédant de limiter son risque (de le « capper »)
à un certain montant, le risque excédentaire étant supporté par les investisseurs.
Ce mécanisme d’éclatement du risque est ambivalent. Pour certains (ce fut, un
temps, le jugement émis par Henri de Castries, PDG d’AXA), la titrisation permet, par
la dissémination du risque, d’en amortir les conséquences en cas de défaillances
avérées. Pour d’autres, cette technique virale aboutit à l’injection massive d’actifs
douteux dans les bilans des différentes institutions financières, ce qui engendre
d’une part une destruction de valeur massive (les actifs devenant illiquide) et une
suspicion généralisée paralysant l’ensemble du crédit interbancaire… c’est le
scénario que semble dessiner la crise actuelle.
4.2.2.4. La structuration financière des opérations
En pratique, la titrisation aboutit à créer plusieurs classes d’obligations, avec des
classes supérieures et des classes subordonnées. A titre d’exemple, on peut émettre
trois classes d’obligations : A, B et C, étant entendu que si le portefeuille subit une
perte, c’est la classe « C » qui subira celle-ci en premier lieu. Lorsque la classe « C »
est épuisée (c’est-à-dire que l’investisseur dans cette classe a tout perdu), la classe
« B » commencera à perdre de l’argent, et ainsi de suite. Dans ce cas, on considère
que la classe « C » est subordonnée aux classes « A » et « B », et que la classe « B
» est subordonnée à la classe « A », cette dernière étant la classe supérieure
(sénior).
Ce mécanisme de superposition emporte que les rémunérations diffèrent suivant les
tranches considérées : pour l’investisseur de classe « C », le taux d’intérêt devra
rémunérer le risque relativement élevé qu’il court.
L’argument premier de création de ces classes est très simple : en créant des
classes subordonnées, on améliore théoriquement (en pratique, c’est faux pour
beaucoup de CDOs) la qualité de la classe « A » jusqu’à réduire la probabilité
apparente de perte sur cette classe à un niveau extrêmement bas, ce qui va réduire
le coût de financement de cette classe .
4.2.2.5. Notation des produits titrisés
Le mécanisme de superposition qui vient, sommairement, d’être décrit a permis
d’une part de lever massivement des capitaux, en rassurant les investisseurs, d’autre
part, de convaincre les agences de notation d’accorder des notes élevées à des
produits en réalité douteux. Voici la pratique qui a permis d’obtenir ce résultat.
Les agences examinent un portefeuille (par exemple, un CDO) en fonction des
risques de perte pour les investisseurs. Dans le cas d’un portefeuille de crédits
hypothécaires (par exemple, des subprimes), elles examineront la qualité du
portefeuille (type de client, revenus, situation géographique, ratio prêt/montant
emprunté etc.) et attribueront à chaque prêt un « risque de perte ». Ensuite, selon la
manière dont l’opération est structurée, elles attribueront au portefeuille une notation
qui ira par exemple de « AAA » (la meilleure qualité) à « BBB » (la plus basse qualité
des investissements « raisonnables », aussi appelée « investment grade » ).
Soit un portefeuille CDO constitué d’ABS « subprimes ». Il est vraisemblable que les
agences de notation arrivent à la conclusion que le portefeuille n’a pas, en soi, une
qualité suffisante pour atteindre la qualité « BBB ». Pour contourner cette difficulté, la
SPV va constituer un « tampon » i.e. une réserve destinée à absorber les premières
pertes, qui va être perçu comme un élément de protection des investisseurs. Cette
opération équivaut à « structurer » l’opération. En l’occurrence, on vient d’introduire
un facteur (la réserve) qui rehausse la qualité de l’opération du point de vue du
risque de crédit supporté par l’investisseur. On parle d’une technique de « credit
enhancement » (d’où l’expression : « rehausseurs de crédit » qui s’applique aux
institutions pratiquant la titrisation).
La réserve qui absorbera les pertes pourra être constituée de diverses façons :


il peut s’agir d’une réserve d’argent à disposition de la SPC ; cette réserve
sera constituée, par exemple, d’un prêt subordonné accordé par le cédant : ainsi,
celui-ci prend en charge le premier risque de l’opération ; on peut noter qu’au regard
des capitaux que l’opération permet de lever, l’octroi par le cédant d’un prêt au
véhicule de titrisation revient à faire jouer, en sa faveur, un important effet de levier ;
plus simplement, il peut s’agir d’une classe d’obligations subordonnées à
toutes les autres obligations.
En pratique, c’est le montant de la réserve rapporté au volume global du portefeuille
qui va conditionner l’appréciation des agences de notation. Par exemple, si la
réserve équivaut à 0,75% du montant du portefeuille, la qualité sera « BBB ». Si la
réserve est de 3%, on passera en qualité « A ». A 5%, c’est la note « AA » qui sera
décernée, et la meilleure note, « AAA » sera obtenue pour une réserve de 8% ou
plus .
En réalité, ce dispositif est à la fois biaisé et très peu contraignant pour celui qui
structure le produit. Peu contraignant car la réserve peut être, par exemple,
alimentée par la différence entre le rendement du portefeuille et la rémunération des
investisseurs . Dans ce cas de figure, aucune mise de fonds exogène n’est requise :
la création même du portefeuille suffit à autofinancer la réserve. Biaisée car, au vu de
la complexité des produits structurés qui leur étaient soumis (mélange entre types de
créances, types de risques etc.), les agences ont progressivement utilisé la réserve
comme critère central de notation. Or, la réserve n’est qu’une forme « d’airbag »
financier : elle peut amortir un accident léger (quelques défaillances de crédit), mais
ne peut absorber à elle seule un choc majeur (toutes les classes obligataires sont
touchées). En d’autres termes, en s’affranchissant de l’analyse individualisée de
chaque type d’actifs sous-jacents et en ne considérant qu’un seul critère, global et à
la pertinence douteuse, les agences ont progressivement appliqué des notations
sans rapport avec la qualité des portefeuilles proposés. De surcroît, les produits sont
devenus de plus en plus complexes, voire illisibles, plusieurs niveaux de réserves
étant créés, elles-mêmes dédiées à une multitude de classes.
5. Le cas particulier des CDS
Tous les produits potentiellement toxiques qui viennent d’être décrits conjuguent
deux caractéristiques :


ils traduisent un transfert de propriété du sous-jacent (avec le risque afférent)
vers des tiers ;
ils s’échangent sur un marché.
Leur viralité paraît liée à ces deux propriétés puisqu’ils sont, par construction,
reproductibles à l’infini.
Or, paradoxalement, il existe également une catégorie d’actifs financiers toxiques qui
ne répondent à aucun de ces critères : il n’y a pas transfert de propriété (ou pas
systématiquement), et l’échange est asymétrique (il ne passe pas par le marché). Ils
correspondent en fait à une opération de titrisation sans qu’il y ait vente de l’actif ; on
parle alors de titrisation synthétique, par opposition à la « true sale » (ou cession
parfaite). Une opération synthétique est une opération où seul le risque est transféré,
grâce à un instrument financier développé depuis une dizaine d’années : le dérivé de
crédit (ou CDS : « Credit Default Swap »). C’est un contrat synallagmatique où une
entité (le vendeur de protection) s’engage à verser un certain montant à l’acheteur de
protection (qui paiera une prime pendant la durée du contrat), au cas où une
entreprise à qui l’acheteur a octroyé un prêt tomberait en défaut (on parle d’ «
évènement de crédit ») pendant la durée du dérivé de crédit.
5.1. Caractéristiques du CDS
Les « credit default swaps » sont des contrats financiers bilatéraux, de protection,
entre acheteurs et vendeurs. L’acheteur de protection verse une prime ex ante,
exprimée en points de base par an en fonction du montant notionnel de l’actif, au
vendeur de protection qui promet de compenser ex post les pertes de l’actif de
référence en cas d’évènement de crédit.
Il s’agit d’une transaction non financée : sans obligation de mettre de côté des fonds
pour garantir la transaction, le vendeur de protection reçoit des primes périodiques et
augmente ses avoirs sans nul investissement si aucun évènement de crédit ne se
produit jusqu’à maturité du contrat. Dans le cas contraire, évènement plus ou moins
probable mais très coûteux, il est contraint de faire un paiement contingent, donc de
fournir des fonds ex post .
5.2. Toxicité des CDS
Deux remarques s’imposent d’emblée :


la possibilité de nouer (comme assureur) de tels contrats sans aucune mise
de fonds préalable confère à ces opérations un effet de levier considérable ;
les CDS correspondent à des expositions hors-bilan, et permettent donc de
contourner tous les ratios prudentiels classiques.
Remarque subsidiaire : la structure même du contrat (absence de mise de fonds
préalable) pousse les institutions proposant ce type de produits à les multiplier pour
que les quelques défaillances susceptibles de se produire soient financées par les
primes collectées sur les autres contrats (de sorte qu’aucune sortie de fonds ne soit
jamais nécessaire). C’est sans doute l’un des arguments majeurs expliquant la
prolifération des CDS au cours des dix dernières années.
Notons également que les CDS peuvent faire en aval l’objet d’une titrisation (ils
fonctionnent sur le principe d’une obligation dépourvue de principal) et donc
revendus à l’infini. On retrouve alors l’un des principes de base des actifs toxiques,
mais avec une nocivité renforcée du fait de leur caractère « hors bilan » (alors que
les ABS sont valorisés dans les comptes en valeur d’achat, par exemple) et « hors
bourse », qui leur permet de contourner toutes les règles prudentielles.
5.3. Evaluation du risque à l’échelle mondiale
Les CDS sont considérés comme une des causes de la chute, le 15 septembre 2008,
de American International Group (AIG), et une des sources de la diffusion incontrôlée
des risques de crédit.
Le marché des CDS est passé de 6 396 milliards de dollars à fin 2004 à 57 894
milliards fin 2007, prenant le caractère d’une bulle financière (l’estimation actuelle
(début 2009) avoisine les 60 000 milliards de dollars). La banque Lehman Brothers
était le premier acteur sur ce marché jusqu’à sa faillite. Certains experts, tel Warren
Buffet, considèrent que les risques de pertes attachées à ce marché avoisinent les
10 000 milliards de dollars au niveau mondial. Les CDS constituent probablement
aujourd’hui l’instrument financier le plus toxique qui soit.
6. La gestion des actifs toxiques
6.1 Augmentation de Capital
Le gouvernement injecte du capital sous forme de dettes ou de capitaux propres
(<50%) sous certaines conditions. Dans certains pays, la crise correspondait à un
problème de sous-capitalisation du système bancaire. Tel était en particulier le cas
des Etats-Unis et du Royaume-Uni. Ces deux pays ont réagi de façon différente
Le « plan Paulson »
Le « plan Paulson », inclus dans l'Emergency Economic Stabilization Act, et parfois
surnommé TARP (Troubled Assets Relief Program, « programme d'assistance aux
actifs en détresse »), fut adopté par la Chambre des Représentants le 3 octobre
2008, après un rejet initial, découlant de l'opposition de la majorité des représentants
républicains, pour des raisons électorales. Il permet au gouvernement fédéral des
Etats-Unis d'acheter des actifs illiquides, jusqu'à 700 milliards de dollars. La mise à
disposition de cette somme sera faite par étapes : une première tranche de 250
milliards de dollars sera débloquée immédiatement, puis 100 milliards, puis 350
ensuite, ce déblocage requérant alors l'assentiment du Congrès.
Ces 700 milliards de dollars correspondent à 5 % du PIB des Etats-Unis.
Par ailleurs, le plafond d'indemnisation accordé aux déposants américains a été
porté de 100.000 dollars à 250.000 dollars. Pour financer cette augmentation, la
capacité d'emprunt de la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) auprès du
Trésor a été déplafonnée.
Ce plan a été critiqué par de nombreux économistes, parce qu'il ne prévoit pas de
recapitalisation directe des banques en difficulté. Il prévoit cependant que les
institutions financières qui vendront des actifs illiquides au Trésor devront en
contrepartie émettre en sa faveur des warrants (c'est-à-dire des titres lui donnant le
droit d'acheter des titres pour un prix fixé à l'avance), ce qui permettrait au Trésor de
devenir actionnaire des banques secourues.
6.2 La garantie
Le gouvernement garantit les émissions des banques et les dettes interbancaires.
Le Conseil ECOFIN de Luxembourg du 7 octobre 2008 a toutefois apporté
davantage de coordination en convenant que tous les Etats membres de l'Union
européennes « fourniraient, pour une période initiale d'un an au moins, une garantie
pour les dépôts des particuliers d'un montant minimal de 50.000 euros, en prenant
acte de ce que de nombreux Etats membres ont décidé de porter ce minimum à
100.000 euros ». Plusieurs Etats européens ont adapté la garantie de dépôt en
vigueur dans leur pays à la suite de ce Conseil, ce qu'illustre le tableau ci-après.
Garantie des dépôts dans plusieurs pays européens avant et après le Conseil
ECOFIN du 7 octobre 2008 ( en euro) :
(*) Irlande : garantie illimitée pendant 2 ans non seulement des dépôts bancaires,
comme les autres pays, mais aussi des dettes dans les 6 grandes banques du pays.
Source : Crédit agricole
6.3 La Nationalisation
La propriété de l'entreprise transférée au gouvernement (temporaire ou permanente).
Si la nationalisation n’est que temporaire, les dirigeants de la banque concernée
n’auront qu’un seul objectif : rembourser au plus tôt l’Etat pour que leur
établissement retourne entièrement aux mains des capitaux privés et continuer
tranquillement ses habituelles spéculations. De ce point de vue, la conduite de la
Nothern Bank au Royaume Uni est édifiante. Après moins de huit mois de sa
nationalisation, cette banque a déjà remboursé 11,4 milliards de livres sur le total
des 26 versés par l’Etat britannique.
6.4 La Bad Bank :
Une bad bank ou "banque poubelle", appelée encore "banque hôpital", est une
structure créée pour héberger des actifs illiquides de banques, qu’il s’agisse de
créances douteuses ou autres actifs toxiques.
On peut distinguer deux types de bad bank s : dans le premier cas, la bad bank est
mise en place pour assurer la viabilité d’une institution financière (exemple français
du Consortium de réalisation) ; dans le second, elle entretient le système bancaire
d’un pays (bad bank systémique).
Ce type de montage est revenu sur le devant de la scène en raison de la crise
financière, au cours de laquelle les actifs liés à la titrisation des crédits subprime
étaient devenus complètement illiquides. Les pertes latentes sont colossales pour
l’ensemble des banques et menacent leur solvabilité en amputant d’autant leurs
fonds propres.
L’avantage de la bad bank: la sortie des actifs à risque des bilans des banques réduit
leurs besoins en fonds propres et leur permet de continuer à financer l’économie
dans des conditions assainies. Il faut bien comprendre que la valeur des actifs placés
au sein de la structure de défaisance n’est pas nulle. En fait, à un moment donné,
ces actifs ne trouvent plus preneur sur le marché : ils sont illiquides. La bad bank
permet de les remettre sur le marché à une période où la demande est de retour. .
Quels actifs transférer dans la " bad bank " ?
Un temps envisagé aux Etats-Unis, le montage était extrêmement complexe : la bad
bank américaine devait inclure les actifs toxiques liés à la titrisation, d’un montant
compris entre 500 et 1 000 milliards de dollars. L’entité outre-Atlantique ne devait pas
inclure la totalité de ces actifs.
La mise en place d’une bad bank suppose de recenser l’ensemble des actifs douteux
de l’institution financière concernée et de les regrouper par classes, afin d’assurer
leur transfert vers l’entité ad hoc. Pour que le système fonctionne, il faut que les
actifs transférés soient valorisés au-dessus des prix du marché, afin d’assurer leur
liquidité. Ce dispositif aboutit ainsi à survaloriser des actifs toxiques par rapport à des
actifs sains.
Qui finance l’opération ?
En général, l’Etat rachète les créances qui posent problème. Parfois, ce rachat
s’opère par une nationalisation intégrale de l’établissement financier, qui permet à
l’Etat d’acquérir l’ensemble des actifs et d’en assurer le tri, puis la gestion et la
revente sur une longue période.
Aux Etats-Unis, le gonflement de la dette souveraine ne permettait pas à l’Etat de
racheter l’intégralité des créances douteuses. Dans son plan initial, le Trésor
souhaitait faire appel au secteur privé, avec le soutien financier de l’Etat, dans le
cadre d’un montage public-privé – peu répandu toutefois aux Etats- Unis –, grâce à
la création du Public-Private Investment Fund (PPIF).
Quels que soient les cas de figure, c’est, in fine, le contribuable qui acquitte la facture
totale. Cela explique l’immédiate montée au créneau de l’opinion publique
américaine, farouchement opposée au soutien de banques qu’elle juge fautives et
seules responsables de l’hécatombe.
En Europe, pas question de créer une bad bank à l’échelon du continent : cela
n’aurait pas de sens, compte tenu de la diversité des situations des systèmes
bancaires nationaux.
7. Exemple MO GAPC : Midlle Office Gestion Active des
Portefeuilles Cantonnés :
Le département GAPC a été mis en place par Natixis en décembre 2008. Il est
composé de 4 pôles : Trading, Risque et Stratégie, Pricing et Structuration. Il a pour
principale vocation la gestion en mode extinctif des activités non cibles de la BFI. Le
plan stratégique le Natixis stipule la création dʹune ligne de métier spécifique dont
l’objectif est d’isoler et de débarrasser la banque des actifs dits «toxiques».
La structure GAPC possède ainsi un double objectif :
Externaliser progressivement les actifs cantonnés à travers une gestion active
arbitrant au mieux entre accélération du retour du capital et prix de réalisation des
actifs.
Mettre en évidence la performance récurrente des activités de la BFI pérenne.
Fin 2008, GAPC regroupait 50 Md€ en actions et crédit, et de 5,5 milliards d’euros de
«cash at risk» sur les structurés de fonds.
Si initialement la structure de cantonnement comprenait 12,3 milliards d’euros
pondérés de crédits structurés, la GAPC s’est ensuite «enrichie» de portefeuilles de
dérivés «complexes» taux et actions, ainsi que des structurés de fonds, pour compte
de tiers.
Les chiffres rendus publiques à ce jour mettent en évidence un portefeuille d’actifs
toxiques, illiquides pour un encours total de 31 Md€ d’actifs pondérés au 31
décembre.
7.1 La Garantie apportée par la BPCE.
Le principal événement du deuxième trimestre 2009 concerne le rapprochement des
groupes Banque Populaire et Caisse d’Epargne, qui s’est traduit par la naissance le
3 août du nouveau groupe BPCE. Dans le cadre de ce rapprochement, le mode de
gouvernance de Natixis a été simplifié vers une société à conseil d’administration
avec dissociation des fonctions de Président et de Directeur général
Lors de l’annonce des résultats du 2e trimestre 2009, a été rendu publique la mise
en place d’une garantie des actifs de GAPC par le groupe BPCE.
Celle‐ci porte sur 85% du portefeuille de crédit de la GAPC ainsi que sur des
expositions résiduelles du portefeuille de dérivés complexes crédit, garanties par
certaines contreparties. Cette garantie vise avant tout à réduire la volatilité des
résultats de Natixis et à en garantir la solvabilité.
BPCE garantit les actifs de la GAPC sur environ 35 milliards d’euros. La mise en
place de cette garantie qui a pour conséquence la suppression de la volatilité sur les
résultats de ces actifs, permet à Natixis de mettre en œuvre les nouvelles
orientations stratégiques.
7.1 Exemple d’un portefeuille toxiques : L’Opération Mistral CMBS
Description
Black Grouse est un SPV créé, en Irlande, pour les besoins de l’opération Mistral
CMBS. Le groupe Natixis vend au SPV Black Grouse un portefeuille de CMBS
européens qu’elle a pré sélectionné.
Les CMBS du portefeuille sont libellés en Euros (88%) et en GBP (12%). Ils
correspondent pour l’essentiel (75%) à des tranches senior de titrisation. 98,4%
d’entre eux sont « Investment Grade » et 67% d’entre eux sont notés AAA à ce jour.
Le SPV donne son portefeuille en pension auprès de Natixis (1 contrat de repo pour
chaque actif du portefeuille). Ces actifs ne peuvent être « repotés » auprès de Natixis
car il s’agit de ses propres instruments de dette.
En cours de vie de l’opération, les flux perçus sur les actifs en portefeuille sont
affectés dans deux comptes bancaires distincts ouverts au nom du SPV, à savoir :
i) compte d’intérêts encaissant tous les coupons des actifs,
Le solde de ce compte permet de payer de manière prioritaire les intérêts sur
l’ensemble des passifs seniors puis les éléments suivants par ordre de priorité
décroissant :
- taxes et dépenses,
- commissions d’engagement sur les lignes de liquidité,
- flux (principal + intérêts) dus sur la ligne de liquidité technique.
ii) compte de principal encaissant toutes les tombées de principal des actifs sains
ainsi que les flux de recouvrement perçus sur les actifs en défaut ainsi que ceux
relatifs aux actifs cédés sur le marché sur décision du porteur de la part Equity.
Black Grouse est une entité créée pour réaliser un objectif limité et bien défini :
- acheter auprès de Natixis et détenir à moyen terme un portefeuille de CMBS (WAL
de 4 ans),
- trancher les risques des actifs considérés et bénéficier de protections de crédit via
un mécanisme de surdimensionnement et l’émission d’une part Equity représentant
au total X % du nominal net du portefeuille,
- se financer via des repos et des lignes de liquidité.
Collateral Assets
Loan / Repo
for Asset
[40%] Repo or Contingent
Funding Facility Each Repo
Advance matches an asset.
Natixis
Seller
bn€
[20%] Loan (advances under
the Haircut Funding Facility).
Each loan matches an asset.
CMBS
Portfolio
held
on
[40%] Equity
Tranche sold at [] cts
Sale at
[] cts
MISTRAL II
SPV Assets
MISTRAL II
SPV Liabilities
Schéma simplifié de l’opération MISTRAL CMBS
Natixis en tant que « cash manager » du SPV a un rôle opérationnel :
-
suivi des besoins de liquidité du SPV nécessitant :
o la mise en place de repos et/ou le tirage des lignes de liquidité en cas
d’insuffisance de trésorerie,
o le remboursement des repos et des lignes de liquidité.
-
calcul de la rémunération revenant au porteur de la part Equity et transmission de
l’information au Trustee pour contrôle et pour paiement.
Conclusion
Les actifs "toxiques" sont souvent des dérivés d'emprunts immobiliers dits
"subprime", mais pas seulement. Les actifs toxiques ont concernés bien d'autres
classes d'actifs : dettes d'entreprises, notamment pour des rachats à effet de levier
(LBO), crédit aux particuliers... A cela, il faut ajouter les actifs devenus "toxiques" du
fait de la dégradation brutale de la conjoncture depuis la fin 2008.
Les actifs toxiques souvent qualifiés d’illiquides se négocient à nouveau grace aux
plans de sauvetage des banques. Sauf que pour une hausse durable de ces papiers,
une reprise du marché immobilier américain est indispensable.
Sites internet consultés
www.natixis.com
www.markit.com
www.wikipedia.com
www.moneyweek.fr
www.senat.fr
www.commentcamarche.net
www.lesechos.fr
www.actufinance.fr
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