4.8. Le système nerveux
4.8.1. Des méninges
Une méningite diffuse est décrite dans de nombreuses affections. Les germes qui
en sont responsables sont le plus souvent également impliqués dans un syndrome plus
large: septicémie, troubles respiratoires, polysérosites. Des méningites ne sont, par
exemple, pas rares dans les septicémies du nouveau-né (voir chapitre 1).
Citons, pêle-mêle, comme cause de méningite, pour exemple et avec renvoi aux
chapitres appropriés: Listeria monocytogenes (voir 4.8.2.1.), Histophilus somnus et ovis
(voir 3.1.3.1.), Leptospira interrogans (voir 4.3.1.3.1.), Mycobacterium bovis (voir
chapitre 4.9.) chez le bovin et l'ovin, en partie; Pasteurella multocida, haemolytica et
trehalosi (voir chapitres 2.0 et 3.0) chez le mouton, l'agneau et le veau; Haemophilus
parasuis (voir 3.3.3.4.), Streptococcus suis (voir 2.3.2.3. et 3.3.4.1.) et Erysipelothrix
rhusiopathiae (voir 3.3.5.1.) chez le porc; Pasteurella multocida, Staphylococcus
intermedius, Actinomyces viscosus, Nocardia asteroides (voir 4.2.4.2.) chez le chien et
le chat; Streptococcus equi chez le cheval; Staphylococcus spp, Streptococcus spp,
Enterococcus spp, E.coli et coliformes, Pseudomonas aeruginosa et spp, Salmonella
enterica, Bacteroides spp, Fusobacterium spp, Eubacterium spp, Peptococcus spp plus
ou moins fréquemment, seuls ou en association chez les diverses epsèces animales
domestiques.
Des abcès peuvent aussi se développer suite à une pyémie ou à une bactériémie.
4.8.2. De l'encéphale
Les causes d'encéphalite diffuse sont comparables, sinon identiques, à celles de
méningites. Des abcès peuvent aussi se développer suite à une pyémie ou à une
bactériémie. Les causes principales d'abcès de l'encéphale (parfois accompagnés d'abcès
méningés) sont les bactéries pyogènes en général: Staphylococcus spp (aureus chez
l'agneau voir?????), Streptococcus spp (equi chez le cheval, voir 3.4.1.1.), Actinomyces
bovis (voir 4.6.1.1.) et Mycobacterium bovis (voir chapitre 4.9.) chez le bovin,
Actinomyces pyogenes chez le veau et le porcelet, Listeria monocytogenes (voir
4.8.2.1.) chez les ruminants, Fusobacterium necrophorum chez le veau, Pseudomonas
pseudomallei chez les ruminants (voir 4.9.4.) et Pseudomonas mallei (voir chapitre
4.10.) chez le cheval.
4.8.2.1. La listériose
Il s'agit d'une maladie infectieuses de nombreuses espèces de mammifères,
d'oiseaux et même de poissons et de crustacés, caractérisée par une méningo-
encéphalite, des avortements et/ou une septicémie.
A - Agent étiologique
Listeria monocytogenes est une bâtonnet Gram positif subdivsé en 6 sérotypes et
16 sous-sérotypes: 1/2 (a,b,c), 3 (a,b,c), 4 (a,ab,b,c,d,e), 5, 6 (a,b) et 7. Les souches du
sérovars 5 ont été rebaptisées Listeria ivanovii. Elles sont de faible pathogénicité.
Les souches de Listeria monocytogenes mais pas celles de List ivanovii sont ß-
hémolytiques sur gélose au sang. L'hémolysine est un facteur de virulence.
Il n'y a pas de relation entre espèce animale-hôte et sérotype. Cependant, tous les
sérotypes n'ont pas la même fréquence, ni la même distribution géographique. Les
sérotypes 1/2 a, 1/2 b et 4 b paraissent être les plus fréquents.
B - Incidence
La maladie a une distribution mondiale, mais est cependant de loin plus
fréquemment présente en régions tempérées qu'en régions tropicales. Economiquement,
elle est d'importance chez les ruminants (jusqu'à 10% de morbidité et 100% de taux de
mortalité).
De plus, l'infection chez les ruminants peut se transmettre à l'homme via le lait
infecté (List monocytogenes peut résister à la pasteurisation classique), et les produits
d'avortements.
C - Pathogénie
La bactérie vit normalement en ubiquiste dans le milieu extérieur et est un
pathogène opportuniste: soils, ensilages, égouts, rivières, tubes digestifs de nombreuses
espèces animales, sécrétions génitales et mucus nasal (porteurs sains). Listeria
monocytogenes est relativement résistante pour une bactérie sporulée. En plus de
résistance à des métaux lourds, à d'autres antiseptiques et à la bile (ce qui permet de
fabriquer des milieux sélectifs), elle est tolérante à des variations de pH assez
importantes (entre 5,5 et 9,6) et peut résister à la pasteurisation classique (58°C, 10
minutes). Elle est tuée à une pasteurisation à haute température (70°C à 80°C pendant
moins d'une minute, par exemple). Sur le terrain, la bactérie peut survivre pendant
plusieurs mois dans les matières fécales humides et sèches, la paille sèche ou les sols.
De plus elle pousse encore à de basses températures, y compris dans les frigos.
Les sources d'infection varient donc en fonction de l'espèce animale et de ses
habitudes alimentaires mais sont essentiellement représentées par la nourriture:
ensilages, dont le pH est supérieur à 5,5 chez les ruminants, produits laitiers et viande
contaminée pour les humains et les carnivores.
Dans certains cas, la nourriture ou l'environnement ont été contaminés par les
matières fécales d'un porteur sain asymptomatique ou les produits d'avortements.
Le contact direct avec les produits d'avortement est aussi une source de
contamination pour l'homme. La transmission peut aussi se faire via des intermédiaires
inanimés. Enfin, il est possible que la transmission suive la voie vénérienne dans des
cas d'avortements.
La porte d'entrée principale de la bactérie est donc le tube digestif. Après le
franchissement de la muqueuse intestinale, la bactérie se répand dans l'organisme en
suivant la voie hématogène. Listeria monocytogenes est une bactérie intracellulaire
(mononucléaires) et la distribution se fait par emboles septiques. Les différentes formes
cliniques (nerveuses, viscérales, septicémiques et abortives) résultent de ce mode de
transmission et de dissémination.
Une autre porte d'entrée est représentée par les muqueuses conjonctivales,
buccales et nasales. L'infection procèderait dans ces conditions par voie neurale
rétrograde via le nerf trijumeau jusqu'au système nerveux central. La forme clinique
résultante est, bien sûr, la méningo-encéphalite.
Dans les organes, Listeria monocytogenes induit la formation de microabcès.
D - Signes cliniques
Comme il a été dit, trois formes cliniques sont observées:
- forme nerveuse: chez les ruminants (plus rare chez l'homme et les monogastriques)
- forme systémique ou septicémique: chez les monogastriques, le veau, l'agneau et les
oiseaux
- forme abortive: chez les ruminants et les rongeurs surtout, mais est possible chez tous
les animaux
La forme nerveuse
Ce syndrome donne un tableau clinique différent selon les espèces, aigu et
mortel chez le mouton, chronique et moins grave chez le bétail.
Ce syndrome est qualifié de "dummy syndrom" avec des signes de poussée
contre des objets, et de "circling disease" chez le mouton car l'animal est affecté
unilatéralement et décrit des cercles.
Les signes généraux sont de la fièvre au début seulement, de la dépression, de
l'anorexie, de la faiblesse jusqu'à la somnolence et de l'apathie. La préhension et la
mastication des aliments sont lentes.
Les signes nerveux comprennent la poussée de la tête contre des objets, la
déviation de la tête d'un côté (le plus fréquent), vers le haut ou le bas, une paralysie
faciale unilatérale (parfois le seul signe chez le bétail), de l'oreille, de l'oeil, des lèvres.
Chez les animaux gravement atteints (surtout les petits ruminants), la démarche est en
cercle (atonie latérale) et fréquemment l'animal chute et reste en décubitus car incapable
de se relever.
De la panophtalmie, de la conjonctivite et de la kératite uni- ou bilatérales sont
aussi présentes.
La mort est due à l'atteinte respiratoire. ELle survient en quelques jours chez le
mouton ou le jeune bétail mais peut prendre quelques semaines chez le bétail adulte.
La forme septicémique
La forme septicémique apparaît surtout chez les jeunes animaux (voir chapitre
1.0). Il n'y a pas de signes nerveux et les signes généraux d'une état septicémique sont
suivis de la mort rapide de l'animal (quelques heures à quelques jours). Des signes
particuliers peuvent être décrits chez les animaux adultes (et l'homme) selon le système
dont le fonctionnement est altéré: endocardite, problèmes oculaires, dermatite...
La forme abortive
Il semble que la forme abortive représente une localisation particulière de la
forme septicémique chez des femelles gestantes.
L'avortement à List monocytogenes est qualifié de sporadique chez le bétail et
les moutons mais le taux d'avortements peut atteindre 10% dans le troupeau.
L'avortement est décrit mais rare chez les monogastriques sauf les rongeurs.
L'avortement survient après 7 mois chez la vache et 4 mois chez la brebis.
Le veau peut aussi être délivré vivant mais faible et infecté.
Chez la mère, des signes généraux sont présents et de la fièvre. Les brebis
peuvent mourir de septicémie lors de rétentions foetales.
Les avortements chez la brebis dus à Listeria ivanovii (ex-sérotype 5 de Listeria
monocytogenes) ne sont eux accompagnés d'aucun signe général.
E - Lésions.
Les lésions macroscopiques ne sont pas très marquées dans la forme nerveuse:
liquide céphalorachidien trouble, congestion des méninges, panophtalmie.
Les lésions microscopiques consistent en des microabcès dans le cerveau.
Dans la forme septicémique et chez l'avorton, des foyers de nécrose sont
présents sur l'ensemble des organes, spécialement le foie, la rate, l'endocarde, le
myocarde.
La mononucléose n'est pas constante.
L'avorton présente souvent des foyers nécrotiques jaunâtres sur le foie, des
érosions de la caillette et un méconium jaune-orangé. Les enveloppes montrent une
placentite et la mère une endométrite.
F - Diagnostic
Cliniquement, l'ensemble des infections, infestations, affections et intoxications
à tropisme nerveux doit être envisagé (rage, histophilose, entérotoxémie, abcès
cérébraux, encéphalites virales, polioencéphalomalacie, toxémie de gestation,
acétonémie, intoxication au cuivre, coenurose????).
La paralysie unilatérale restreint le nombre de syndromes à envisager. La
présence de microabcès dans le cerveau est aussi indicatrice.
Cependant, le diagnostic étiologique ne sera apporté que par le laboratoire qui
isolera et identifiera Listeria monocytogenes à partir du cerveau. Il faut cependant
impérativement éviter toute contamination de l'organe car les bactéries sont en très petit
nombre. La néo??? de placer l'organe à 4°C pendant plusieurs semaines en cas de
résultat négatif retarde, bien sûr, d'autant le diagnostic étiologique.
Dans les formes septicémiques et abortives, seul le laboratoire permettra
d'apporter le diagnostic. Dans ces cas-ci, la réponse est souvent plus rapide car les
prélèvements sont riches en organismes infectieux. Les listérias sont présentes dans les
lochies jusqu'à deux semaines après l'avortement.
Le sérodiagnostic n'est pas utile car de nombreux animaux sains possèdent des
anticorps (même des titres élevés d'anticorps) contre Listeria monocytogenes.
G - Traitement
Le traitement n'est efficace que s'il est précoce, surtout chez le mouton. Des
pénicillines, le chloramphénicol, les tétracyclines (surtout la chlortétracycline) sont
recommandées en intraveineuse.
H - Prophylaxie
Les mesures de contrôle sont la réduction voire l'élimination des sources de
contamination: ensilages de piètre qualité, produits d'avortements, lait contaminé. De
plus, les stress doivent être minimisés.
Vu la nature sporadique de la listériose clinique, les vaccins ne se sont pas
avérés efficaces.
4.8.3. De l'oreille moyenne
Des infections de l'oreille moyenne sont décrites chez toutes les espèces
animales mais sont loin de représenter un problème clinique fréquent.
Les plus fréquentes sont celles qui proviennent de l'extension d'une otite externe
chez le chien.
Mais d'autres auront une origine hématogène et sont consécutives à une
septicémie ou à une bactériémie.
En dehors des germes de septicémie, les bactéries les plus fréquemment
impliquées sont des staphylocoques, des streptocoques, Actinomyces pyogenes,
Pasteurella haemolytica et Branhamella catarrhalis.
Les signes cliniques sont similaires à ceux de la forme nerveuse de la listériose
mais en plus il y a une rotation de la tête.
4.8.4. Du rachis
Des abcès d'origine hématogène peuvent se développer dans le rachis et
comprimer la moëlle épinière. Les signes cliniques de parésie et paralysie varient selon
la localisation de ces abcès.
Les bactéries les plus fréquemment impliquées sont des staphylocoques,
streptocoques, corynébactéries, actinomycètes et mycobactéries, bien sûr.
Ce problème d'abcès du rachis est bien connu chez le porc comme une
conséquence, avec éventuellement une endocardite, de morsures de membres, d'oreilles
ou de queue.
4.8.5. Le tétanos
Le tétanos est une maladie infectieuse, hautement mortelle caractérisée par des
signes nerveux causés par une toxine.
A - Etiologie
Clostridium tetani est un bâtonnet Gram positif sporulé. La spore persiste dans
les sols pendant des années. Elle résiste aux procédés standards de désinfection y
compris la vapeur à 100°C pendant une heure mais est détruite par autoclavage à 121°C
pendant 15 à 20 minutes. Certains antiseptiques sont actifs à haute concentration en
plusieurs heures de contact (chloramine, iodophores, aldéhydes).
Trois substances toxiques sont produites: la tétanolysine à activité hémolytique
in vitro sensible à l'oxygène, la tétanospasmine à activité neurotoxique et létale in vivo
et une toxine non spasmogénique à rôle inconnu. La tétanospasmine est codée par des
gènes localisés sur des plasmides. Il n'y a pas de variant antigénique de cette toxine.
B - Incidence
Le tétanos est une affection qui se retrouve dans le monde entier. Elle est le plus
souvent consécutive à une blessure. Les espèces les plus susceptibles à la neurotoxine
sont le cheval et l'homme. Suivent, dans l'ordre, les rongeurs, le porc et les ruminants.
La liste se termine par le chien et, loin derrière, le chat. La volaille est très résistante à la
toxine tétanique.
Cl. tetani vit dans les sols et le tube digestif des animaux. La tradition populaire
veut que la bactérie (et sa spore) soit plus fréquente dans les crottins de chevaux, mais
cette tradition n'est pas vérifiée sur le terrain.
Les cas sont sporadiques mais dans certains cas des épisodes impliquant une
nombre élevé d'individus apparaissent chez le bétail, peut-être suite à la production de
toxines dans l'intestin. Le stress et des changements alimentaires pourraient être à
l'origine de ces épisodes.
C - Pathogénie
La voie d'entrée est habituellement une blessure étroite et profonde mais les
spores contaminant cette blessure peuvent rester en dormance dans les tissus pendant un
certain temps dans l'attente de conditions favorables pour leur germination.
Des blessures dans la région du sabot sont une voie d'entrée fréquente chez le
cheval, la mise-bas chez la vache, les plaies de castration chez le porcelet et l'agneau,
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