l`affaire sixte - Rotary Club : Saint Florentin

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L’AFFAIRE SIXTE
Emporté par son élan, notre bulletinier a parlé de conférence sur les HABSBOURG pour présenter ce
qui se veut plus une causerie qu’une conférence.
Parler des HABSBOURG en 45 mn serait un exploit car en comparaison ce serait tenter parler dans la
même durée de sept siècles l’histoire de FRANCE de 1273 à 1918 ; je doute qu’un historien puisse
relever le défi ; un metteur en scène américain peut-être ?
Chacun d’entre vous connaît au moins un membre de la famille Habsbourg.
(Marie-antoinette 14ème enfant de Marie-Thérèse et de François Etienne III de Lorraine)
Je me bornerai pour ce soir à vous parler d’un épisode dans la vie de l’empereur CHARLES 1er, qui
fut le dernier d’entre eux et qui vit son empire mis en pièces par le traité de Versailles.
Pourquoi les HABSBOURG plutôt que les Hohenzollern ? Tout simplement parce qu’en sept siècles
d’histoire cette dynastie comptait avec les Bourbons, les ROMANOF, parmi les trois plus importantes
d’Europe continentale. Elle fut même à l’époque de CHARLES QUINT la plus importante du monde
la devise de l’archimaison était alors A.E.I.O.U Austria est imperatori orbi urbi.
L’origine de la famille
HABSBOURG (HABITCHBOURG) 12 km d’Aarau dans le canton d’ARGOVIE en Suisse
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La situation géographique de l’ AUTRICHE-HONGRIE en 1914
625 000km²
45 400 000 habitants
La situation géographique de l’ AUTRICHE-HONGRIE en 2000
84 000 km²
7 700 000 habitants
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DATES ET EVENEMENTS
28 juin 1914
Sarajevo- Capitale de la Bosnie : assassinat de l’Archiduc François Ferdinand D’AUTRICHE-ESTE et
de son épouse la comtesse Sophie CHOTEK (mariage morganatique) par GAVRILO PRINCIP.
François Ferdinand était le fils de CHARLES Louis et de Marguerite de Saxe (marie –Annuniciata de
BOURBON DEUX SICILES
FRANÇOIS JOSEPH 1ER empereur d’AUTRICHE (1830-1916) qui a succédé à FERDINAND LE
DEBONNAIRE avait épousé Elisabeth duchesse en Bavière (1837-1898) 3ème des huit enfants du
duc MAX EN BAVIERE et de LUDOVICA de BAVIERE (fille du Roi Marx 1er)
RODOLPHE prince impérial 1858-1889 marié à Stéphanie princesse de Belgique (Elisabeth-Marie –
Otto prince de Windischgrätz (1893 1952) est mort à Mayerling avec sa maîtresse Marie VETSERA
(1871 1889)
A la mort de François Ferdinand, CHARLES fils de l’archiduc Otto et de Maria Josefa de Saxe né le
17août 1887 qui était jusqu’alors l’héritier présomptif devient archiduc héritier. Il avait épousé Zita de
Bourbon Parme (1882-1989)
L’AFFAIRE SIXTE
La situation militaire en novembre1916
Le massacre durait depuis 19 mois. Sur le front clé de l’ouest, les hostilités s’enlisaient dans la boue
des Flandres, l’offensive allemande contre Verdun qui avait fait 300 000 morts et la contre-attaque
alliée sur la Somme venait de se dérouler au prix d’énormes pertes, mais sans grand avantage sur le
terrain.
Les vastes espaces du front oriental offraient une plus grande liberté et des percées plus spectaculaires.
Ainsi en juin 1917 la grande offensive de BROUSSILOV lui avait permis de capturer une armée
autrichienne de 250 000 hommes avec tout son équipement et d’enfoncer le front oriental de 60 km ce
qui, avec les moyens de l’époque était considérable.
Du coté de l’entente les états majors calculaient qu’à la fin de 1916 ils bénéficiaient encore d’une
supériorité en potentiel humain dans une proportion de cinq pour trois et que leurs réserves pour 1917
leur permettrait d’atteindre un effectif de neuf millions d’hommes.
L’humeur confiante et joyeuse d’août 1914 « on passera noël à la maison » avec laquelle les troupes
de toutes les nations étaient parties au combat s’était depuis longtemps évanouie. Maintenant le
troisième noël s’annonçait et les soldats ne souhaitaient plus que retrouver leurs foyers à l’exclusion
de toute autre considération.
L’accession au trône
Dès son accession au trône, dans sa première déclaration publique, CHRLES 1er s’était formellement
engagé à rendre à ses peuples les bienfaits de la paix.
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L’un de ses premiers actes secrets consista à tenter une ouverture personnelle auprès de l’ennemi dans
l’espoir de remplir sa promesse. Cette démarche indépendante, menée par CHARLES allait s’inscrire
dans l’histoire comme la célèbre affaire SIXTE, nom de l’intermédiaire principal, son beau frère
SIXTE DE BOURBON-PARME. (1er août 1886 à RORSCHACH –CH- -14 mars 1934 PARIS)
Il s’agit d’un récit dont les péripéties sont difficiles à suivre. Tout d’abord si nous tenons à illustrer la
vie de l’homme qui nous intéresse, celle de CHARLES 1er, aucun exemple, ne saurait être plus
typique, plus essentiel que celui constitué par ses incessants efforts en vue de mettre fin à la guerre.
Dans son cas ceux-ci provenaient d’une combinaison de passions fervente et de froides raisons : la
haine de la guerre en tant que telle et la nette perception de ce qu’elle impliquait pour son empire.
Friedenskaiser, l’empereur de la paix fut le seul titre que ses successeurs républicains de 1918 ne
purent lui contester.
Aucun ne saurait mieux lui convenir, une démarche de canonisation a été engagée sous Jean Paul II.
Qu’en adviendra t-il sous le pontificat d’un pape allemand ?
Anatole FRANCE devait dire de lui : « le seul honnête homme qui émergea de cette guerre fut
CHARLES d’AUTRICHE ; mais c’était un saint et personne ne l’écouta »
Le prince SIXTE de BOURBON-PARME, frère aîné de Zita était l’ami de CHARLES depuis son
enfance.
Comme CHARLES le jeune prince de Bourbon redoutait l’hégémonie allemande qui menaçait
l’Europe occidentale. Comme CHARLES, il considérait que la meilleure parade consistait à
renouveler la politique de KAUNITZ qui au XVIII ème siècle durant le règne de MARIE-THERESE
avait lié l’AUTRICHE à la FRANCE.
Bien entendu SIXTE n’est pas politiquement neutre, il n’était ni suisse, ni suédois mais français.
SIXTE et son frère Xavier résidaient à SCHWARZAU quand la guerre éclata. FRANÇOIS-JOSEPH
intervint pour qu’ils puissent partir par la Suisse le 20 août 1914 ; ils vécurent donc deux semaines en
territoire ennemi au tout début de la guerre.
La loi de 1889 interdisant l’armée aux princes des maisons régnantes, ils effectuèrent en vain des
démarches pour incorporer l’armée britannique comme interprètes. Le roi des belges, avec lequel ils
étaient parents, accepta de les nommer officier dans son armée en 1915.
Il est typique d’une telle famille internationale que deux autres frères se soient engagés dans l’armée
austro-hongroise après avoir obtenu l’assurance qu’ils ne se battraient jamais sur le front français.
Les premières initiatives en vues de contacts entre PARIS et VIENNE
Furent prise sous le règne de FRANÇOIS JOSEPH. Il ne s’agissait pas de propositions formelles mais
d’une recherche très nette de conversation. A la fin de 1915, SIXTE écrivit un certain nombre
d’articles pour le revue Le Correspondant. Articles dans lesquels il tentait d’expliquer pour quelles
raisons l’AUTRICHE Hongrie constituait un élément d’équilibre pour l’Europe et en conséquence
combien était déplacée la campagne de haine déclenchée contre ce pays par la presse française ? Celleci affirmait-il aurait du être concentrée sur le véritable ennemi l’ALLEMAGNE.
M. de FREYCINET ministre d’état, personnalité en vue, lui demanda de ne pas manquer de lui rendre
visite. SIXTE se rendit à l’invitation, ce qui lui permit de rencontrer, outre Jules (secrétaire au
ministère des affaires étrangères) et Paul CAMBON (ambassadeur à LONDRES), le président
POINCARE. Toutes ces personnalités insistèrent auprès de SIXTE pour que celui-ci entrât en contact
avec son beau-frère à VIENNE qui, à l’époque, n’était encore que l’héritier présomptif.
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Mais SIXTE se récusa en arguant que cette démarche serait inutile tant que CHARLES n’aurait pas
accédé au trône.
Dès son accession au trône, le 22 novembre 1916, CHARLES demanda à l’impératrice ZITA d’écrire
à son frère afin de savoir s’il pourrait entrer en contact avec les français et organiser une première
rencontre en famille.
A noël, le roi des belge avait accepté que les deux princes qui servaient dans son armée, entreprissent
cette mission secrète souhaitée à la fois par VIENNE et par PARIS.
Le 29 janvier 1917, ils établirent un contact préliminaire avec leur mère la duchesse de PARME qui
leur avait aussi écrit à la demande de CHARLES. Elle devait simplement remettre à ses fils une lettre
de leur sœur les implorant d’aider à l’œuvre de paix, lettre que l’empereur avait approuvé par quelques
lignes.
La duchesse dut être dépassée quand SIXTE- qui lui, était doué d’un véritable sens politique- profita
de l’occasion pour consigner et faire transmettre par l’intermédiaire de sa mère ses idées personnelles
sur les termes fondamentaux et préalables de l’Entente.
Ceux-ci comprenaient les points suivants :
1. La restitution de l’Alsace-Lorraine à la FRANCE
2. Le rétablissement de la souveraineté du la Belgique et de ses possessions du Congo
3. La reconstitution de la Serbie augmentée de l’Albanie
4. La cession de Constantinople aux Russes.
CHARLES reçut ces propositions au début de février.
Le 13 février, le comte Thomas ERDÖDY était de retour en Suisse pour remettre la réponse de
l’empereur aux deux princes.
CHARLES acceptait sans discussion les points 1,2 et 4. Pour le point 3, il préconisait la création d’une
monarchie slave moderne qui comprendrait la Bosnie Herzégovine, le Monténégro ; la Serbie et
l’Albanie.
La restitution de l’Alsace-lorraine intéressait évidemment les français, mais elle concernait aussi
l’empereur CHARLES en tant que chef de la maison de Lorraine. Ce lien ancestral explique en partie
l’estime personnelle que POINCARE, originaire de cette province, portait à l’empereur ;
A ce stade, le comte Ottokar CZERNIN, nouveau ministre des affaires étrangères de CHARLES fut
mis dans le secret. Il s’enthousiasma pour ce projet allant jusqu’à rédiger une note à l’intention de
l’impératrice dans laquelle il demandait au couple impérial de poursuivre sans désemparer ses
démarches familiale.
Après avoir reçu la réponse encourageante transmise par ERDÖDY, les français commencèrent à
insister auprès de VIENNE pour obtenir une déclaration formelle et si possible publique de l'empereur
relative à une initiative de paix séparée de la part de l’AUTRICHE.
La réponse que CZERNIN remit au comte ERDÖDY débutait par une déclaration sans équivoque
« ‘l ‘alliance entre l’AUTRICHE-Hongrie, l’ALLEMAGNE, la Turquie et la Bulgarie est absolument
indissoluble et la conclusion d’une paix séparée par l’un quelconque de ces états est définitivement
exclue »
Mémorandum non signé.
Mémorandum que CHARLES après maintes hésitations décida d’envoyer tel quel mais il y rajouta
quelques lignes à la main. La phrase clé du commentaire de CHARLES était l’engagement suivant :
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« Nous soutiendrons la FRANCE et userons de tous les moyens en notre pouvoir pour faire
pression sur l’ALLEMAGNE ».
Pourquoi CHARLES autorisa t-il cette intervention inopportune de son ministre des affaires
étrangères ? L’empereur éprouvait de la fierté à être un monarque constitutionnel et il entendait le
demeurer même en temps de guerre. Il se trouvait donc dans l’obligation de soumettre ses projets à son
ministre des affaires étrangères.
Les notes manuscrites prouvaient que la couronne et lui-même soutenaient l’initiative et il voulait
s’assurer d’un contact direct avec POINCARE.
5 et 18 mars 1917
SIXTE revit POINCARE ; le Président de la République jugea la note de CZERNIN comme
« totalement inadéquate et dont on ne saurait tenir compte » mais il en allait autrement en ce qui
concernait les quelques lignes de l’empereur.
POINCARE écrit à son sujet au tsar de Russie, au roi Georges V et à Lloyd George le nouveau
premier ministre anglais.
Par ailleurs à la demande pressante de CHARLES et avec l’approbation du gouvernement français
SIXTE se prépare à un voyage à VIENNE.
L’affaire SIXTE quitte la chronique familiale pour entrer dans l’histoire.
23 mars 1917.
7h du matin, les éléments sont déchaînés, il neige depuis deux jours au château de LAXENBURG
dans la plaine au sud-est de VIENNE. A la grille du château quatre hommes descendent de voiture,
emmitouflés, ils donnent le mot de passe au capitaine de la garde qui les conduit vers une petite porte
dérobée pratiquée dans l’enceinte du château. Cette porte conduit directement aux appartements privés
du souverain. Les quatre passagers sont le comte ERDÖDY, le colonel commandant la police
autrichienne sur la frontière suisse et évidemment les princes SIXTE et XAVIER, au cœur de l’hiver et
de la guerre ils foulent un sol ennemi et pourtant amical.
L’impératrice ‘n’assista à l’entretien que pendant une quinzaine de minutes. Le comte CZERNIN
arriva au château les véritables conversations allaient commencer.
L’empereur souligna la nécessité de la paix avant que l’ensemble du continent se fut détruit dans une
vaine quête de victoire totale.
Il répéta que chef de la maison de Lorraine et descendant des comtes d’ALSACE, il appuierait la
restitution de ces provinces à la FRANCE comme préalable essentiel au retour à la paix.
Le rétablissement de la souveraineté de la BELGIQUE et la reconstitution d’un royaume serbe pourvu
d’une façade maritime furent admis sans autres réserves par le ministre des affaires étrangères.
L’empereur souligna que momentanément, il n’était pas question d’accorder des concessions
territoriales à l’ITALIE.
Quant à la revendication tsariste de CONSTANTINOPLE, il fut admis qu’elle pouvait attendre,
d’autant que la révolution venait d’éclater en Russie.
24 mars 1917, A la demande de ses beaux-frères CHARLES rédigea une longue lettre qui répondait
aux exigences fondamentales de tous les ennemis de l’empereur à l’exception de la RUSSIE dont la
phrase la plus importante était représentée par le passage où CHARLES s’engageait à œuvrer pour la
restitution de L’ALSACE-LORRAINE.
Comprenant qu’il n’avait pas de temps à perdre pour tenter d’attendrir ses alliés allemands qui en fin
de compte faisaient les frais de ses libéralités envers la FRANCE, il télégraphie le 28 mars à
GUILLAUME II pour proposer une rencontre au Grand Quartier Général à BAD HOMBURG VOR
HÖHE le 3 avril.
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Le but de ce voyage n’était pas d’annoncer à GUILLAUME qu’une démarche avait été entreprise
auprès du camp adverse il en avait été informé en février 1917.
CHARLES lui avait confié qu’il venait de profiter d’une occasion pour entrer en contact avec
l’Entente
afin
de
trouver
une
solution
possible
à
la
guerre ;
GUILLAUME avait demandé le nom de l’interlocuteur ce à quoi CHARLES lui avait répondu « je ne
puis vous dévoiler son identité mais je puis vous garantir sa discrétion »
Guillaume accepta cette explication et répondit « entendu ! continuez, je suis d’accord ».
CHARLES s’efforça de convaincre ses interlocuteurs que s’ils n’abandonnaient pas l’Alsace-Lorraine
aucun espoir de paix ne pouvait subsister.
En contrepartie, , il s’engagea d’œuvrer pour le rattachement à l’ALLEMAGNE du royaume polonais
et proposait de créer et d’ajouter à ce nouvel état la province autrichienne de Galicie.
Sans être déclinée, l’offre ne fut pas acceptée.
CHARLES quitta ses alliés allemands en sachant qu’il lui faudrait agir seul. Pourtant l’idée de félonie
ou de trahison ne l’effleura pas, l’objectif qu’il continuait à viser demeurait celui d’un règlement de
paix général. Ce ne serait qu’en dernier ressort, que CHARLES serait prêt à envisager de dénoncer
purement et simplement son alliance avec BERLIN et de retirer la seule AUTRICHE de la guerre. Et il
ne se résolut à cette triste extrémité que lorsque la Maison des HABSBOURG s’effondra.
Le 6 avril 1917, les Etats-Unis à la suite des attaques sous-marines que BERLIN avait lancées finirent
par déclarer la guerre à l’ALLEMAGNE mais non à l’AUTRICHE-Hongrie.
Début avril 1917, CHARLES envoie un long mémorandum, exceptionnellement signé par CZERNIN,
exposant les vues de l’AUTRICHE sur la guerre, à Guillaume au GQG. Ce mémorandum était assez
inquiétant, mais le passage le plus alarmant était ainsi libellé
« il est absolument évident que notre force militaire arrive à épuisement. Je tiens à éviter une perte
de temps à votre majesté en m’abstenant de lui exposer tous les détails. Je me contenterai de lui
rappeler la pénurie de matières premières pour la production de munitions ; l’extrême fatigue de
notre potentiel humain et par dessus tout, le morne abattement et le désespoir engendrés par la
sous-alimentation dans toutes les couches de la population et qui nous rendent incapables de
supporter plus longtemps le fardeau de la guerre. Il nous faut en finir à n’importe quel prix avant
l’automne 1917. »
Ce texte se terminait se terminait par ce conseil brutal et prophétique
«si les souverains des empires centraux se révèlent incapables de conclure la paix au cours des
prochains mois leurs peuples s’en chargeront en leur lieu et place »
Cette note qui devait restée ultra confidentielle avait été remise par le comte LEDOCHOWSKI à
GUILLAUME. Le soir même le comte entendait sa teneur discutée à table par l’état-major.
La réaction allemande se manifesta deux jours plus tard par la réponse de GUILLAUME qui se bornait
« à exprimer sa foi en la victoire finale ».
CHARLES avait envoyé un SOS, on lui répondait par une fanfaronnade.
31 mars 1917
SIXTE remet là POINCARE la lettre de CHARLES. Le président écrit personnellement au roi
GEORGES V afin de lui communiquer le résumé de le lettre de CHARLES. On convint de visites
ministérielles en ANGLETERRE pour des entretiens ultérieurs approfondis.
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Le gouvernement était tombé et le cabinet de BRIAND qui pendant toute la guerre se montra un ardent
défenseur de l’AUTRICHE et de la Maison impériale avait été remplacé le 19 mars par celui de M.
Alexandre RIBOT. Ce dernier personnage falot et dénué d’imagination ne partageait guère
l’enthousiasme déployé par son prédécesseur qui courtisait VIENNE afin d’affaiblir BERLIN. Dès
l’instant où RIBOT prend les commandes, on sent qu’un coup de frein est donné aux ouvertures de
paix autrichiennes et ce coup de frein devait s’accentuer au fil des semaines.
RIBOT se rendit en ANGLETERRE et salua le premier ministre en ces termes
Savez-vous pourquoi je suis venu ? J’apporte une lettre de l’empereur d’AUTRICHE ;
Alors c’est la paix s’écria LOYD GEORGES
Pas si vite répondit RIBOT ; le ton était donné. En effet pas si vite car l’ITALIE que leurs deux pays
avaient soudoyé deux ans auparavant devait être consultée.
Arrivé à ce moment de l’exposé il faut faire un retour en 1915 sur les conditions du revirement et du
changement d’alliance de l’ITALIE. qui au début de la guerre faisait partie de la triple alliance. Par le
Traité de LONDRES d’Avril 1915, l’ITALIE s’était vue promettre, pour prix de sa défection, (à part
les îles du Dodécanèse -Rhodes- prises à la TURQUIE et quelques miettes en Afrique) le TRENTIN
jusqu’au col du BRENNER (BOZEN) et ses 250 000 habitants allemands et autrichiens, le grand port
austro-hongrois de TRIESTE –le poumon de l’empire-, l’ISTRIE jusqu’au KVARNER (RIJEKA) et
une poignée d’îles proches des côtes.
Pour une ITALIE victorieuse, ayant écrasé l’Empire, une telle exigence eût paru impitoyable ; mais en
avril 1917, alors qu’aucun soldat italien n’avait posé le pied sur un de ces territoires, elle frisait le
ridicule. Ridicule ou non, la FRANCE et la Grande Bretagne étaient tenues de respecter cet
engagement.
L’obstacle devait être franchi et on organisa donc une rencontre entre les deux premiers ministres et le
baron SONNINO, ministre italien des affaires étrangères, elle se tint dans un wagon de chemin de fer
en gare de ST JEAN DE MAURIENNE le 19 avril.
RIBOT et LLYOD GEORGE se trouvaient dans une position gênante car ils avaient fait le serment à
SIXTE de ne pas révéler l’existence de la lettre de CHARLES.. Les possibilités de paix avec
l’AUTRICHE furent donc évoquées d’une façon très générale ; on utilisa des rumeurs d’ouverture
russe auprès de VIENNE pour aborder la question.
Mais l’ITALIE avait infiniment plus à gagner en se tenant aux termes des accords secrets de 1915 que
par tout compromis avec l’AUTRICHE qui à l’époque bénéficiait d’une position militaire solide tout
le long de son front méridional
Dès que la question fut abordée, SONNINO opposa son veto en arguant qu’une paix séparée avec
l’AUTRICHE « l’ennemi héréditaire » ; rendrait difficile d’obtenir du peuple italien qu’il continuât la
guerre contre l’ALLEMAGNE.
A l’instigation de RIBOT qui commençait à adopter la position italienne la formule négative suivante
fut adoptée pour résumer les entretiens
« Mr LLOYD GEORGE, M. RIBOTet le baron SONNINO ont discuté d’éventuelles démarches que
l’AUTRICHE pourrait être amenée à faire auprès d’une ou plusieurs des puissances alliées en vue
d’obtenir une paix séparée.
D’un commun accord, ils ont conclu, qu’il ne serait pas opportun de participer à des conversations
qui, dans les circonstances actuelles, seraient particulièrement dangereuses et risqueraient d’affaiblir
l’étroite unité des alliés, unité plus que jamais indispensable. »
Indiscutablement les perspectives de paix s’assombrissaient.
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Mais un élément d’espoir pour VIENNE vint d’ITALIE. Cette tentative ne venait ni du baron
SONNINO, ni de son cabinet. Elle trouvait son origine chez le commandant en chef de l’armée
italienne, le général CADORNA, dont les motifs étaient simplement ceux d’un soldat ; le moral de ses
troupes était au plus bas ; il risquait de s’effondrer sous la pression de l’importante offensive
autrichienne prévue pour le printemps. Le général n’agissait pas seul, certains des rivaux politiques de
SONNINO semblent avoir encouragé cette démarche et l’on croit savoir que le roi VICTOR
EMMANUEL lui avait accordé son appui.
Un officier de l’état-major du GQG italien est envoyé à BERN où il rend visite à l’attaché militaire de
l’ambassade d’ALLEMAGNE. Il était autorisé à déclarer que l’ITALIE désirait conclure une paix
immédiate avec l’AUTRICHE et ne demandait aucune compensation autre que la cession du
TRENTIN et d’AQUILEE –ville sur le golfe Adriatique-. Les allemands auraient-ils la bonté
d’intervenir pour engager leurs alliés autrichiens à accepter ?
CHARLES qui ne voulait pas compromettre ses ouvertures de paix avec l’Entente dont il préférait
attendre la réponse, tenait à jouer franc-jeu et ne voulait pas éveiller les soupçons de la FRANCE et
de l’ANGLETERRE en entamant des tractations avec l’ITALIE derrière leur dos. Il ne savait pas qu’à
PARIS, RIBOT était déjà résolu à bloquer les pourparlers.
L’offre de CADORNA ne fut pas prise au sérieux et elle fut rejetée purement et simplement.
A la demande de l’empereur, le 4 mai, le comte ERDÖDY était de retour en Suisse. Il était porteur de
deux plis adressés à SIXTE. Le premier rédigé en allemand par l’empereur lui disant qu’il était
absolument essentiel qu’il revînt à VIENNE, le second rédigé par l’impératrice dont ce fut la seule
collaboration politique. Il était ainsi libellé :
« Il y a de nouveaux développements qui ne sont pas clairs. l’ITALIE essaie d’obtenir davantage
par votre intermédiaire que ce qu’elle nous a demandé directement ».
SIXTE revint à LAXENBURG et les discussions portèrent sur les revendications italiennes telles
qu’elles étaient formulées par la FRANCE et l’ANGLETERRE.
CHARLES déclara « qu’il était prêt à consentir les sacrifices nécessaires à l’ITALIE mais que ceuxci devaient s’en tenir rigoureusement à une juste répartition et en conséquence se limiter aux
territoires italiens de cœur et de langue. Le sentiment populaire devait être pris en considération et
il ne conviendrait pas de tracer des frontières arbitraires sur la carte pour délimiter des pays »
Il souhaitait une compensation : la Silésie ou une possession allemande d’outre-mer. Le prince suggéra
que l’une des colonies de l’ITALIE pourrait convenir, telle que la Somalie, et il ajouta avec une belle
méconnaissance des problèmes ultérieurs du xxème siècle
«un noir est une valeur plus sûre qu’un irrédentiste»
Le souverain autrichien qui ignorait le traité de LONDRES et auquel l’offre de CADORNA tintait
toujours aux oreilles, croyait par ce geste ouvrir la voie à la paix.
CZERNIN qui assista à la fin de l’entretien souhaita que la prochaine et ultime entrevue eût lieu entre
diplomates professionnels. Tous avaient l’impression que la colombe de la paix avait enfin été
capturée.
L’empereur rédigea une lettre dans laquelle faisant référence à la proposition de CADORNA, il
acceptait de céder la partie du Tyrol de langue italienne.
CZERNIN rajouta une note non signée pour demander quelles seraient les garanties quant à l’intégrité
de la monarchie. Il refusait par ailleurs toute concession unilatérale.
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A partir de ce moment, l’affaire SIXTE, lancée par CHARLES auprès de PARIS par l’intermédiaire
d’un français et adressée à des dirigeants français est virtuellement reprise par le premier ministre de
Grande Bretagne. RIBOT, croyant que la FRANCE était attirée dans un dangereux cul de sac s’efface
délibérément. Il remit même en question les trois résultats de base déjà obtenus au cours des contacts
secrets (L’Alsace-Lorraine, la Belgique, et la Serbie). Il ne voulait rien accorder qui s’opposât à la
prise de position intransigeante de SONNINO. Sa seule proposition positive fut que le roi d’ITALIE
pourrait être consulté.
Cette suggestion devait apporter un retard supplémentaire, peut-être voulu.
A partir de ce moment, du côté de l’Alliance, LLYOD GEORGE tenta seul d’aboutir à une paix
séparée avec l’AUTRICHE.
Une conférence internationale se tint à PARIS.
« Si un coup suffisamment sévère était porté à l’AUTRICHE, elle se trouverait dans une position qui
obligerait son gouvernement à accéder à la majeure partie des revendications italiennes. »
Les généraux français FOCH et PETAIN qui assistaient à cette conférence s’alignèrent sur les
positions de l’état-major britannique qui venait d’obtenir l’autorisation de lancer la grande offensive
dans les Flandres.
1er septembre : 100 pièces d’artillerie sont envoyées sur le front italien ;
Le 21 septembre le général CADORNA cesse brutalement l’offensive et prépare ses quartiers d’hiver
devant Trieste.
L’artillerie lourde française est ramenée d’ITALIE.
La réaction ennemie se termina par la stupéfiante défaite de CAPORETTO.
Le 10 juin 1918 dernier coup de dés d’HINDENBURG (troupes allemandes à 60 km de PARIS)
JOFFRE dit avec désespoir « Nous aurions du traiter avec l’AUTRICHE, l’année dernière. Après
quoi l’ALLEMAGNE aurait été obligé de céder »
Ultime recours « poursuivre seul » fut tenté à nouveau en septembre 1918 quand il était trop tard pour
arrêter ou sauver quoi que ce soit.
En 1917, il aurait pu faire sienne la pensée de Pindare « Le moment favorable est le maître de
toute chose » mais même un moment favorable exige des hommes favorables.
Sources bibliographiques :
Histoire de l’empire des Habsbourg
Les Habsbourg
Le dernier Habsbourg « L’impératrice Zita parle »
Zita Impératrice courage
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Jean Bérenger
Michel Géoris
Gordon Brook-Shepherd
Jean Sévilla
CHARLES 1er de HABSBOURG
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