La première est de Yves Congar
: “L’œcuménisme commence quand on admet que les
autres - et non seulement les individus, mais aussi les groupes ecclésiastiques comme
tels - ont aussi raison, même s’ils affirment des choses différentes des nôtres: qu’ils
possèdent aussi la vérité, la sainteté, les dons de Dieu, même s’ils n’appartiennent pas à
notre chrétienté. Il y a œcuménisme […] quand on admet qu’un autre est chrétien non
malgré sa confession, mais en elle et par elle”.
La seconde appartient au décret d’œcuménisme du Concile Vatican II
, qui dit que “par
mouvement œcuménique on entend l’ensemble d’activités et d’entreprises qui, conforme
à différents besoins de l’Eglise et aux circonstances dans le temps, sont suscitées et
ordonnées à favoriser l’unité des chrétiens” (UR, 4).
4. De l’intolérance au dialogue entre les Eglises chrétiennes
Il n’est possible de trouver une base pour l’entente entre les Eglises, que s’il y a un contexte
de dépassement de l’intolérance religieuse et un ferme pari pour le dialogue. Le dialogue
est une partie essentielle de l’œcuménisme.
Il est nécessaire d’insister sur le fait que le dialogue est la meilleure expression des relations
humaines. Sans dialogue il n’y a pas d’humanisation ni de socialisation. A travers le
dialogue, les individus que nous sommes deviennent des personnes, nous découvrant nous
mêmes et découvrant les autres, pour finalement découvrir la vie elle-même. Sont donc en
jeu, le je et le tu. Dans le monologue, seulement participe le je, dans le dialogue participent:
le je et le tu. Et ainsi ils s’enrichissent.
Il est possible, donc, d’appliquer ce schéma au monde des Eglises. Pendant que les Eglises
divisées entre elles se sont maintenues dans le monologue ou se sont bornées à vivre dos
à dos, en réalité elles vivaient appauvries, enfermées en elles-mêmes, sans possibilité
d’entrer en contact avec tous les aspects positifs que pourraient offrir les autres Eglises. Au
contraire, quand les Eglises ont commencé à s’ouvrir les unes aux autres, à se rapprocher,
à initier des dialogues timides, elles ont commencé à voir des richesses insoupçonnées, des
patrimoines communs et des vérités partagées. Et dans le dialogue œcuménique elles ont
découvert non seulement les autres Eglises, mais elles se sont découvertes elles-mêmes.
Elles ont découvert, entre autres choses, la difficulté d’exprimer et de dire aux autres qui
elles sont exactement. Elles ont dû réaliser l’effort de se reconnaître elles-mêmes, de
découvrir de plus en plus leur propre identité, leurs propres faiblesses et misères, leur
besoin de se reformer continuellement pour accomplir le désir d’unité du Christ.
Dans cette découverte d’elles-mêmes les Eglises ont appris à ne pas pouvoir se passer de
la fraternité ecclésiale. Se sentir Eglises sœurs, est, certainement, le meilleur apport qu’a
promu le mouvement œcuménique. Mais dialoguer requiert un long apprentissage. Le
dialogue a sa dynamique et ses conditions dont il ne peut pas faire abstraction. Il faut partir
d’une conviction basique: le dialogue ne peut pas être imposé de force. Une chose
seulement est permanente et nécessaire: la volonté réelle de dialoguer. Quand la volonté de
dialoguer existe, des chemins s’ouvrent.
Les Eglises qui entrent en dialogue œcuménique en réalité se mettent en attitude d’écoute.
Prendre cette attitude signifie prendre au sérieux l’autre Eglise. Ceci est l’épreuve du feu du
dialogue vraiment œcuménique.
Sans l’humilité que l’on demande à tout chrétien et que l’on demande, bien-sûr, aux Eglises,
il n’est pas possible d’entrer en attitude de vrai dialogue. Car les conditions requises par le
dialogue impliquent une inéluctable charge d’humilité que toutes doivent être disposées à
Yves Congar (1904-1995) est considéré comme l’un des grands théologiens du XXe siècle. Dominicain,
professeur de théologie, historien de l’église, expert au concile Vatican II instigateur de l’œcuménisme, il
vécut sa vocation intellectuelle dans l’engagement, fut une référence pour la majorité des théologiens de
l’après concile.
Concile Vatican II, Decret Unitatis Redintegratio sur l’œcuménisme, n° 14 (UR)