7. La société doit être organisée de telle sorte qu'elle soit toujours au service de l'homme, et non
l'inverse. L'homme est un être social par nature qui se réalise en premier lieu dans la famille. Nous
rejetons l'individualisme qui isole les personnes les unes par rapport aux autres. Toute personne est
une fin en elle-même, ouverte à l’amour infini de Dieu, et ne doit jamais être traitée comme un objet
manipulable au gré des intérêts des plus puissants. Les chrétiens pour leur part sont disposés à
collaborer avec tous les hommes de bonne volonté en vue d’une société plus juste et plus humaine.
8. Si les Européens veulent sortir de la crise – en solidarité avec le reste de l’humanité -, ils doivent
comprendre qu'il leur faut changer de style de vie. Pour le croyant il s’agit de renouer un rapport
personnel avec le Dieu trinitaire qui est communion d’amour, rapport qui va au-delà d’une simple
sagesse ou d’une conviction éthique. La crise peut être l’occasion d’une prise de conscience
salutaire. Les Européens doivent donner sens à l'activité économique à partir d'une vision intégrale,
non tronquée, de la personne humaine et de sa dignité. En remettant la personne à sa vraie place,
en subordonnant l'économique à des objectifs de développement intégral et solidaire, en ouvrant la
culture à la recherche du vrai, en donnant sa place à la société civile et à l'ingéniosité des citoyens
qui travaillent au mieux être de leurs contemporains, ils créeront les conditions pour qu'émerge un
nouveau type de rapport à l'argent, à la production et à la consommation. C’est d’ailleurs ce que
nous rappelle la tradition ascétique chrétienne du jeûne et du partage. Les Eglises appellent les
chrétiens à coordonner leur service diaconal au niveau local et global en vue d’aider les personnes
en situation de précarité et de contribuer au développement d’une société plus équitable.
9. Dans cette mutation indispensable, une priorité doit être accordée au travail. Il convient de
privilégier les activités créatrices d'emplois. Chaque personne doit pouvoir vivre dignement et
s’épanouir grâce à son travail et se rendre solidaire vis-à-vis des autres. Toutes formes de corruption
et d’exploitation doivent être bannies.
10. Le marché ne doit pas être une force anonyme et aveugle. Il est le lieu où s'échangent biens et
services utiles au développement matériel, social et spirituel des personnes. Le marché demande à
être régulé en fonction du développement intégral de la personne.
11. Il n'est plus possible de dilapider les ressources de la création, de polluer le milieu où nous
vivons, comme nous le faisons. La vocation de l’homme est d’être le gardien et non le prédateur de
la création. Aujourd’hui il faut prendre conscience de la dette que nous avons envers les générations
futures auxquelles nous ne devons pas transmettre un environnement dégradé et invivable.
Dans le monde globalisé qui est le nôtre, la main qui régente la vie des peuples ne doit pas être la
main invisible de l'égoïsme individuel ou collectif, mais une politique de contrôle et de transparence
des choix des acteurs sociaux et des Etats.
12. Nous désirons adresser une parole d’encouragement aux gouvernements nationaux et aux
responsables des institutions européennes dans leurs efforts en vue de concrétiser une voie juste et
équitable pour sortir de la crise économique et financière, avec une attention particulière pour les
pays les plus en difficulté.
13. Nous nous adressons surtout au seul agent du changement capable de faire évoluer nos
sociétés vers un nouveau style de vie: le citoyen de nos pays européens. S'il comprend la nécessité
vitale d'un changement par rapport à ses habitudes de consommation, ses représentants dans les
instances parlementaires le suivront, l'industrie s'adaptera à ses nouveaux choix, l'éducation
enseignera un nouveau modèle de citoyenneté, plus sobre et plus solidaire envers les pauvres.
Enfin, l'homme européen aura la joie de raviver ses racines chrétiennes et de cultiver la dimension
spirituelle de son être, la seule capable de combler sa recherche de bonheur et de sens.