L'introduction de la pénicilline G en clinique au milieu des années 1940 a été très rapidement suivie par
l'émergence de souches pathogènes résistant à cet antibiotique. Les souches résistaient par production d'une
enzyme, la pénicillinase, qui hydrolysait* l'antibiotique. Deux pistes ont été suivies par les chimistes de
l'industrie pharmaceutique pour contourner ce mécanisme. Tout d'abord, la synthèse de molécules dérivées de la
pénicilline G et réfractaires à l'action de l'enzyme. Ensuite, la synthèse d'inhibiteurs de l'enzyme qui restaurent la
sensibilité aux pénicillines des souches productrices de pénicillinase et sont donc utilisés en association avec ces
antibiotiques.
Le gène nommé blatem-1 très utilisé dans la modification génétique des plantes comme le maïs de Novartis
récemment autorisé, et en biologie moléculaire en général. Il commande la production d'une pénicillinase
capable de dégrader très efficacement les pénicillines (pénicilline G, ampicilline, amoxycilline, etc.). Il confère
donc la résistance à l'une des classes d'antibiotiques les plus utilisées en thérapeutique humaine. On sait que des
altérations de ce gène peuvent élargir considérablement le spectre de résistance que confère l'enzyme dont il
dirige la synthèse, et allonger ainsi la liste des antibiotiques rendus inefficaces. En effet, des mutations
ponctuelles (c'est-à-dire le changement d'une paire de bases) en de nombreux sites de ce gène peuvent conférer à
l'enzyme la propriété soit d'inactiver les céphalosporines* les plus récentes(5), soit d'être réfractaire à l'action des
inhibiteurs de pénicillinases(6). Ainsi, le plus simple événement génétique que l'on puisse concevoir dans ce
gène, et dont la survenue est inéluctable à une fréquence relativement élevée*, est capable de ruiner des dizaines
d'années d'effort de l'industrie pharmaceutique et de conférer une résistance efficace à des antibiotiques
particulièrement utilisés en clinique, notamment lors d'infections graves, et de loin les plus prescrits dans le
monde.
Le gène blatem-1 est répandu chez les entérobactéries* responsables notamment d'infections acquises à l'hôpital,
dites nosocomiales. Il est également présent chez environ la moitié des Escherichia coli , bactéries commensales
du tube digestif qui, dans certaines conditions, peuvent provoquer des infections. Il est en revanche inexact de
prétendre, que ce gène est présent chez « 50 % des bactéries pathogènes du tube digestif »(3) . Sa prévalence
chez les bactéries pathogènes responsables de diarrhée (salmonelles, shigelles, Escherichia coli producteurs de
certains facteurs de virulence et Vibrio cholerae ) varie selon les espèces mais ne dépasse guère quelques pour-
cent. De plus, la production de pénicillinases n'a pas encore été détectée en Europe chez l'entérocoque, bactérie
intestinale pathogène pour les sujets immunodéprimés, et que l'on isole de plus en plus fréquemment en
pathologie humaine, alors que de telles souches ont déjà été décrites en Amérique du Nord et du Sud. Le gène
blatem-1 n'est donc ni anodin ni ubiquiste chez les bactéries pathogènes pour l'homme.
D'autres gènes bactériens ont été utilisés pour la modification génétique des plantes. Le gène aph3'-2, également
connu sous la désignation NPTII, est l'un des plus utilisés : on le retrouve par exemple dans la tomate de
Calgène, dans un colza de PGS et un colza de Calgène, etc. Il confère la résistance à certains antibiotiques de la
famille des aminosides, notamment la kanamycine et la néomycine. Du fait de leur toxicité, ces antibiotiques
sont peu utilisés en thérapeutique humaine. Mais à l'instar du gène blatem-1 , une mutation ponctuelle dans ce
gène peut conférer à la bactérie qui l'héberge la résistance à un dérivé de la kanamycine, l'amikacine(7). Cet
aminoside est largement utilisé pour le traitement d'infections nosocomiales et connaît de nouvelles indications
dans le traitement de la tuberculose : on sait que le bacille de Koch résiste de plus en plus aux antibiotiques
habituellement utilisés contre lui.
Le gène aph3'-3 (8) , apparenté au précédent, spécifie quant à lui, d'emblée, la résistance à l'amikacine ; une
résistance d'autant plus embarrassante qu'elle est indécelable par les techniques usuelles d'étude de la sensibilité
in vitro des bactéries aux antibiotiques, utilisées dans les laboratoires de bactériologie.
Un quatrième gène de résistance utilisé dans les constructions d'OGM, aad3''9 , utilisé dans une autre variété de
coton de Monsanto, confère la résistance à la streptomycine et à la spectinomycine. Si ce dernier antibiotique est
utilisé exclusivement, et de moins en moins, dans le traitement de la gonorrhée, la streptomycine connaît un
regain d'intérêt en dépit d'effets secondaires indésirables (toxicité, douleur au point d'injection). Cet aminoside,
en effet, ne présente pas, par opposition aux autres membres de cette famille, de résistance croisée avec la
gentamicine chez les bactéries à Gram positif* (staphylocoques, streptocoques et entérocoques). La résistance à
la gentamicine étant de plus en plus fréquente chez les entérocoques, la streptomycine retrouve donc des
indications, en association avec les pénicillines, dans des infections sévères comme l'endocardite (infection
bactérienne, essentiellement localisée aux valves cardiaques)(9).
Le risque principal de la présence de gènes de résistance dans les plantes modifiées génétiquement est de
contribuer à la dissémination de la résistance aux antibiotiques chez les bactéries pathogènes. Alors que les
transgènes d'intérêt agricole (résistance à la toxine de Bacillus thuringiensis ou aux herbicides par exemple)