Rétine artificielle - france

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Rétine artificielle
Dossier réalisé en collaboration avec Serge Picaud et Katia Marazova, unité Inserm 968
Institut de la vision
Certaines personnes qui ont perdu la vue suite à la
dégénérescence de leurs cellules photoréceptrices peuvent
désormais recourir à une rétine artificielle. Cet implant
fixé sur ou sous la rétine leur permet de percevoir à
nouveau des signaux lumineux. Un dispositif, d’un
montant de 80 000 euros environ, a obtenu une
autorisation de mise sur le marché en 2011. La recherche
se poursuit pour en améliorer les performances.
Pourquoi une rétine artificielle ?
© Inserm, Serge Picaud
Implant de rétine artificielle
La rétine de l’œil est composée de cellules sensibles à la lumière, les photorécepteurs, et d’un
réseau de neurones. Les premières transforment les signaux lumineux en signaux électriques
et stimulent des neurones, notamment les cellules ganglionnaires, qui acheminent les
messages jusqu’au cerveau via le nerf optique. La défaillance des photorécepteurs altère la
vue et peut conduire à la cécité.
La rétine artificielle se substitue à ces cellules pour stimuler les neurones résiduels de la rétine
et rendre en partie la vue à ces personnes. Il s’agit notamment d’un implant de 3x3 mm
fixé sur ou sous la rétine et composé d’électrodes qui stimulent les neurones rétiniens.
Les premiers essais ont débuté dans les années 1990 avec des dispositifs incluant 16 à 20
électrodes. Ils en comportent actuellement jusqu’à 1 500.
Comment fonctionne la rétine artificielle ?
© Second Sight
Il existe actuellement deux modèles différents mais qui offrent des résultats similaires. L’un
est placé à la surface de la rétine, en contact avec les cellules ganglionnaires (Argus II,
Second Sight, Etats-Unis) et l’autre est placé sous la rétine à la place des cellules
photoréceptrices (Retina Implant AG, Allemagne).
Dans le cas de l’implant américain, une caméra est fixée à une paire de lunettes. Elle transmet
les images à un processeur placé dans la poche ou à la ceinture du patient. Ce dernier
convertit les signaux lumineux en signaux électriques, les traite, puis les transmet par ondes
radio à un récepteur placé sur l’œil. Celui-ci les communique grâce à un fil à l’implant
composé de 60 électrodes et placé au contact de la rétine.
© 2010 by the Royal Society
L’implant allemand fonctionne différemment. Il comprend 1 500 électrodes et autant de
diodes sensibles à la lumière. Les diodes excitées par la lumière activent directement les
électrodes au niveau de la rétine sans l’intermédiaire de lunettes ou de processeur.
Dans les deux cas, une intervention chirurgicale est nécessaire pour la mise en place de
l’implant au contact de la rétine.
Qui peut en bénéficier ?
Le dispositif de rétine artificielle s’adresse aux personnes aveugles dont les cellules
photoréceptrices ont dégénéré mais chez lesquelles les cellules nerveuses de la rétine et le nerf
optique demeurent actifs. C’est le cas des sujets atteints de rétinopathie pigmentaire ou
encore de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA).
La rétinopathie pigmentaire est une maladie génétique qui touche environ 1 naissance sur 4
000 (30 000 cas environ en France). Les patients vivent plusieurs années avec un champ
visuel qui se réduit progressivement puis perdent la vue après 50 ans.
© Inserm, Cécile Delcourt
Fond d'oeil montrant une dégénérescence maculaire liée à l'âge (forme exsudative) chez un
homme de quatre-vingt deux ans.
La DMLA est, elle, une maladie du vieillissement. Le champ de vision central est atteint, ce
qui rend difficile la lecture ou encore la reconnaissance des visages. Un quart des plus de 75
ans est touché. Malgré des progrès récents dans certaines complications, aucun traitement ne
permet actuellement de guérir ces deux maladies.
Quels sont les résultats actuels ?
En France, depuis 2008, 4 personnes devenues aveugles suite à une rétinopathie pigmentaire
ont été équipées d’un implant muni de 60 électrodes à l’hôpital des Quinze-Vingts (Paris)
dans le cadre d’un essai clinique au sein du service du Pr José-Alain Sahel.
Et ils sont une trentaine à travers le monde. Ces patients arrivent désormais à percevoir des
signaux lumineux.
Ils peuvent se déplacer seuls, repérer une porte ou une fenêtre dans une pièce, visualiser
des passages cloutés ou encore suivre une ligne sur le sol.
Et parmi eux, certains parviennent à lire, sur un écran d’ordinateur, des mots à gros
caractères blancs sur fond noir, voire lire de courtes phrases.
Il existe toutefois des différences importantes dans les résultats obtenus. Cela pourrait
s’expliquer en partie par la variabilité de l’état de conservation global du tissu rétinien
entre les individus.
© Second Sight
Dans tous les cas, les patients ne retrouvent pas leur vision d’antan. Il leur faut réapprendre
une nouvelle façon de voir en associant et en ordonnant les signaux lumineux perçus. Cela
demande plusieurs heures quotidiennes d’exercices. La résolution actuelle proposée par les
implants est de 60 pixels environ. Pour la lecture de textes, la locomotion autonome ou la
perception d’images complexes comme des visages, des études suggèrent qu’une résolution
au minimum de 600 pixels voire 1 000 pixels serait optimale.
Quels sont les progrès attendus ?
Procurer des images plus nettes aux patients
© Fotolia
Selon les études, il faudrait au moins 600 points de stimulation au niveau de la rétine pour
pouvoir lire un texte. Cependant, les performances limitées de l’implant allemand qui
comprend 1 500 électrodes montrent qu’il ne suffit pas de multiplier le nombre d’électrodes
pour y parvenir.
La résolution est en fait limitée par la surface de la rétine sur laquelle les cellules dites gliales
forment une couche isolante entre les neurones et l’implant. Cela rend difficile la focalisation
des courants électriques transmis par chaque électrode sur un groupe réduit de neurones.
Les signaux diffusent de telle sorte que les stimulations produites par deux électrodes voisines
semblent se chevaucher.
Pour améliorer cette résolution individuelle des électrodes, il faut que chaque électrode
stimule une zone indépendante de sa voisine.
Les chercheurs de l’Institut de la Vision développent des implants en 3 dimensions en
collaboration avec l’ESIEE (Etablissement d’enseignement supérieur scientifique de la
Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris). Au lieu d’être plans, ils présentent des reliefs
en forme de puits dans lesquels les neurones rétiniens vont se nicher. Cela permet de focaliser
les stimulations électriques sur ces neurones en particulier. La prochaine étape consiste à
vérifier sur des animaux que ces implants innovants augmentent la résolution individuelle des
électrodes en mesurant les signaux reçus par les zones du cerveau activées.
Pouvoir intégrer les données en temps réel
Dans la perspective de rétines artificielles ultra performantes, des mathématiciens de l’Institut
de la Vision se sont penchés sur le processus de transformation de l’information visuelle en
stimulations électriques. En effet, l’augmentation anticipée du nombre de pixels des implants
demandera des temps de calcul sur les images plus importants et donc une consommation
énergétique accrue nécessitant une lourde batterie. Pour contourner ces problèmes, l’Institut
de la Vision a développé une nouvelle caméra sans image afin de limiter la lourdeur du
traitement de l’information visuelle.
Augmenter les performances des électrodes
© Inserm, Serge Picaud
Rétine artificielle
Actuellement, les implants sont bien tolérés. Ils sont à base de parylène, un film polymère
couramment utilisé en médecine avec des électrodes métalliques.
Cependant, l’efficacité des électrodes pourrait être encore améliorée. Le diamant est un bon
candidat et a été proposé récemment pour la production d’électrodes en raison de ses
propriétés de semi-conducteur et de son extrême biocompatibilité.
En collaboration avec le CEA-List, les chercheurs de l’Institut de la vision ont confirmé la
bonne survie des cellules rétiniennes à son contact. Ils évaluent maintenant les propriétés
électriques du diamant pour la stimulation des neurones et notamment s’il est possible de
réduire les charges électriques envoyées dans le tissu.
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