Les différentes approches de rétine artificielle
Par le Docteur Serge PICAUD
La rétine artificielle ou prothèse rétinienne a pour objet de stimuler les cellules rétiniennes
après dégénérescence des photorécepteurs. En effet, dans de nombreuses pathologies
cécitantes, les photorécepteurs de la rétine dégénèrent mais les autres neurones persistent. Il
faut savoir que notre rétine ne contient pas seulement les photorécepteurs qui fonctionnent
comme les capteurs d'une caméra mais aussi des neurones qui traitent l'information visuelle
pour l'envoyer sous forme codée au cerveau. Parmi ces neurones, les cellules ganglionnaires
possèdent un axone ou prolongement qui s'étend jusqu'au cerveau et par lequel transite cette
information codée. Or, il a été montré que la stimulation électrique de ces cellules
ganglionnaires chez des personnes aveugles permet de produire des sensations lumineuses de
formes et de couleurs variées. Ce travail valide le concept selon lequel des stimulations
coordonnées des cellules rétiniennes résiduelles pourraient permettre de retrouver une vision
utile à la locomotion, la reconnaissance d'objets et peut-être même la lecture de mots simples.
Cet article décrit des travaux récents sur trois approches différentes envisagées sans prétendre
faire une revue exhaustive de toute la littérature.
I - Les implants sous rétiniens
Cette première approche propose de placer l'implant ou prothèse à la place qu'occupait les
photorécepteurs sous la rétine (implant sous rétinien) afin de stimuler les cellules bipolaires et
horizontales recevant normalement le message des photorécepteurs pour activer ensuite les
cellules ganglionnaires. L'ensemble du réseau résiduel serait ainsi mis à profit pour apporter
aux cellules ganglionnaires une information proche de celle reçue normalement. En effet, les
cellules ganglionnaires présentant une grande diversité anatomique et fonctionnelle, il
apparaît difficile de définir avec exactitude quel signal chacune d'elles doit recevoir. Selon
cette approche, le Pr Chow aux USA a récemment opéré des patients avec des implants
porteurs de photocapteurs transformant l'énergie lumineuse en un courant électrique. Si le
traumatisme de l'opération semble améliorer les performances visuelles des patients, au moins
transitoirement, l'implant lui-même ne procure aucune perception visuelle. Il semble que
l'énergie lumineuse atteignant l'implant ne soit pas en mesure de produire des courants
suffisants pour déclencher une activité neuronale. Le groupe organisé par le Pr Zrenner en
Allemagne a suivi la même voie. Cependant, réalisant le problème technique lié au manque
d'intensité lumineuse, ils ont équipé leur implant d'amplificateurs permettant d'augmenter le
courant produit par la réception des photons de la lumière. Ces implants sont actuellement en
cours d'évaluation chez l'animal.
II - Les implants épi-rétiniens
Dans ce cas, la prothèse est placée à la surface de la rétine dans l'humeur vitrée. Le manque de
rigidité de la rétine impose de fixer l'implant aux tissus sous la rétine par des attaches
traversant donc le tissu rétinien. Cette difficulté de fixation est un des problèmes de cette
approche. Dans cette configuration, les stimulations électriques permettent d'activer non
seulement les cellules ganglionnaires sous l'implant mais aussi les axones de cellules
ganglionnaires périphériques dont les axones passent au niveau de l'implant. Cette stimulation
de fibres passantes pourrait donc procurer des sensations visuelles périphériques indésirables.
Dans le groupe du Pr Humayun, l'implantation de matrices de 16 électrodes a permis à des
patients d'identifier quelques objets blancs prédéfinis sur un fond noir. Cependant, il semble
que, dans la majorité des patients, l'activation de plusieurs électrodes ne procure pas une