ANAS Languedoc-Roussillon, 15 rue du cheval vert 34000 Montpellier
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Je le savais…
ou l’intuition du travailleur social et ses limites.
Une assistante sociale travaillant en polyvalence sort de son bureau. Elle vient de
recevoir un appel téléphonique d’une collègue l’informant qu’une personne de son secteur
vient de porter plainte pour viols répétés. Cette dame avait été reçue il y a peu de temps par
l’assistante sociale. Se remémorant cet entretien, elle dit : « je sentais qu’il y avait quelque
chose »… Nous sommes nombreux à avoir vécu cette sensation, ce trouble : l’impression
d’avoir repéré un « fait-flou » sans que nous puissions donner quelque élément venant étayer
cette perception supposée. Cela peut arriver sur des affaires telles que des fausses déclarations
(quelqu’un dit vivre seul et nous apprenons par d’autres voies que ce n’est pas le cas) ou dans
des affaires délicates (un enfant rencontré dans le cadre d’une procédure de signalement qui
va évoquer longtemps après notre visite des faits plus graves que ceux qu’il nous avait décrit).
Ce genre de situation crée un malaise. Avons-nous bien fait notre travail ? Ne sommes nous
pas passés à coté de quelque chose qui nous semble a posteriori « évident » ? D’un côté la
remise en question, le décryptage de notre intervention, autant d’actes professionnels qui font
que nous pouvons améliorer nos compétences. De l’autre, parfois, un sentiment de culpabilité
mélangé à l’impression rassurante que nous avons de l’intuition.
Intuitions…et dérives possibles.
De l’intuition puisque sans avoir d’éléments concrets qui nous reviennent, nous pouvons
évoquer ce sentiment qu’il y avait quelque chose, que nous l’avions « senti »… Ne parle t-on
pas d’intuition féminine ? Dans un métier où 97 % des professionnels sont des femmes, voilà
de quoi nourrir ce que le bon sens avait repéré depuis longtemps. Et finalement, c’est plutôt
rassurant de savoir que nous possédons en plus de tous les savoirs enseignés, ce petit plus,
cette intuition qui peut nous permettre de percevoir ce qui ne se dit ni par les mots, ni par les
attitudes et comportements. Pourquoi alors ne pas faire plus confiance à ce qui apparaît
comme une capacité ? On peut ainsi voir apparaître des analyses appuyées sur des postulats
issus de la seule intuition. Le professionnel risque alors d’être dans une recherche orientée
d’éléments confirmant ce qu’il considère trop rapidement comme une théorie. L’intuition peut
alors parasiter gravement l’évaluation. D’où la question traitée ici : que vaut cette impression
que « je le savais » ?
Un biais de rétrospective
Les recherches en psychologie expérimentale et psychologie sociale viennent éclairer cette
question de façon tout à fait intéressante. David G. Myers et Luc Lamarche en proposent une
synthèse dans Psychologie sociale (Ed. Mac Graw-Hill, Montréal, 1992, 21-23). Les
différents travaux menés dans ce domaine montrent que « les événements sont beaucoup plus
« évidents » et prévisibles avec du recul (rétrospectivement) qu’à l’avance ». Parmi tous les
types d’expériences et enquêtes menées dans ce domaine, l’une fut menée par le chercheur