Université Paris 13 UFR de médecine Léonard de Vinci BASES DE PSYCHOLOGIE UV 201 Histoire et bases de la psychologie J-F Perez 1 SOMMAIRE I. INTRODUCTION ............................................................................................................. 3 II. LA PSYCHOLOGIE EXPERIMENTALE ....................................................................... 4 A. La psychologie cognitive ............................................................................................... 4 B. La psychologie du développement ............................................................................... 12 III. LA PSYCHOPATHOLOGIE ......................................................................................... 16 IV. LA PSYCHOLOGIE SOCIALE ..................................................................................... 23 V. LA PSYCHOLOGIE DU SPORT..……………………………………………………27 2 I. INTRODUCTION Le terme de « psychologie » a été employé pour la première fois dans le contexte théologien du XVIIème. Mais le mot, qui désigne dans son sens étymologique « étude de l’âme », ne prendra son sens moderne qu’au XVIII è siècle, avec le philosophe allemand Christian Wolff (1679-1754). Entre le XVIIIème et le XIXème siècle, la psychologie se démarquera de la philosophie au travers une méthode scientifique et rigoureuse pour étudier le même objet, à savoir l’être humain. Cette nouvelle discipline se proposera d’étudier l’activité mentale et la conscience en prenant peu à peu le statut de science. Ainsi, la deuxième moitié du XIXème siècle voit se démarquer de la philosophie, une science originale par sa méthode et son objet d’étude en utilisant, comme dans les sciences exactes, l’expérimentation afin de mettre les hypothèses à l’épreuve des faits établit objectivement. Avec l’essor socio-économique du XXème siècle, la psychologie va explorer de nouvelles voies, crées par l’activité humaine telle que le milieu scolaire ou le monde industriel, selon différentes approches. De plus, la psychiatrie et la neurophysiologie vont amener de nouveaux éclairages sur les liens entre activités mentales et système nerveux. Aujourd’hui, la psychologie couvre l’étude du fonctionnement mental dans tous ses aspects, s’intéressant à la genèse et au développement de l’affectivité, à l’intelligence, aux relations sociales et l’impact sur le comportement. Ces différents champs d’investigation vont ouvrir la voie à autant de spécialités au sein de la psychologie (béhaviorisme, cognitivisme, psychanalyse…)) qui s’étendra dans divers domaines de recherche allant de l’homme à l’animal, considérant les caractères généraux et les différences entre les individus, étudiant le malade, l’homme normal, l’enfant et l’adulte, l’homme seul et en groupe. La loi de la spécialisation et de la division du travail s’impose aux sciences. Il existe deux grands modèles dans la psychologie scientifique qui se distinguent par leurs objets d’étude et par leurs méthodes. Il s’agit du modèle expérimental (objectivité) et du modèle clinique (subjectivité). Nous exposerons l’histoire et les bases des différents courants de la psychologie que sont : la psychologie expérimentale (cognitive et développement), la psychopathologie puis la psychologie sociale. La psychologie du sport fera l’objet d’autres cours et elle ne sera qu’introduite dans le dernier chapitre. 3 II. LA PSYCHOLOGIE EXPERIMENTALE L’apparition d’une nouvelle discipline, distincte d’une psychologie de tradition philosophique qui se différencie d’elle avec le terme d’expérimental. Le domaine de la psychologie expérimentale s’est limité à l’étude de l’homme normal dans des situations en laboratoire avec pour objet l’animal ou l’enfant ou bien le social. La psychologie expérimentale s’est trouvé suscitée par l’évolution des sciences physiques et celles de la physiologie. Elles utilisent des instruments et des méthodes de mesures qui intéressera cette science naissante : la psychologie. A. La psychologie cognitive La psychologie générale a pour objectif de rendre compte des comportements et processus généraux à la différence de ses « sous-disciplines » dont l’objet d’étude est la spécificité caractérisant l’être humain : avec la pathologie mentale, le développement, le social… La psychologie est devenue cognitive (de la racine gréco-latine : gno signifiant connaître) en se centrant sur l’étude de la faculté de connaître le milieu dans lequel l’homme vit et interagit. Son domaine de recherche est celui qui porte sur l’acquisition des connaissances sur le monde physique, sur les processus de mémoire, sur les mécanismes de l’oubli et de rappel, sur les mécanismes de perception et d’apprentissage, sur le langage et les processus de résolution de problème. Ses différents domaines préoccupaient déjà les philosophes Grecs puis toute la tradition philosophique (de Platon à Descartes et à Kant) a élaboré des explications spéculatives sur ces domaines. C’est à partir des questions que se posent les philosophes sur la façon dont s’établissent les différentes acquisitions « cognitives » que se fonde cette psychologie contemporaine, en employant la méthode expérimentale (teste ses hypothèses et ses théories). A l’heure actuelle, la psychologie cognitive travaille en collaboration avec d’autres disciplines, qui se regroupent sous le nom de : science cognitive. 1) HISTOIRE DE LA PSYCHOLOGIE COGNITIVE La naissance de la psychologie scientifique apparaît en 1879 avec le premier laboratoire de psychologie, crée par W.Wundt en Allemagne. Il formera la plupart des chercheurs de cette nouvelle discipline qui la développeront en France, en Angleterre, en Amérique et naturellement en Allemagne. Wundt applique la méthode, utilisé par la physique, que seule l’expérimentation permet de déterminer les lois générales d’un phénomène. Il s’agit de mesurer et de manipuler les effets physiques des phénomènes psychiques observés. Seulement à ce stade, les chercheurs ont recourt à « l’introspection » où l’étude se base sur les dires des sujets. Ainsi, la psychologie demeure une science de la conscience et de l’intention (la pensée). En 1913, un autre psychologue J.B Watson, opposant de la psychologie introspective, ne privilégie que l’étude de ce qui est vérifiable et observable : le comportement. Il établit le 4 schéma « stimuli-réponse » pour examiner les réactions du sujet aux stimuli de l’environnement. Cette approche, nommé Béhaviorisme, rejette totalement l’étude de la pensée (boîte noire). Le Behaviorisme influencera le champ de la psychologie, surtout dans le domaine de l’apprentissage. Les thérapies comportementales sont directement issues des travaux de cette époque. Au même moment, en Allemagne, va se développer la psychologie de la Gestalt qui formule des lois sur la perception et sur les fonctions supérieures de l’esprit (raisonnement…) et qui sera aussi très influente. Au 20ème siècle, les travaux se cibleront sur la « boîte noire » en s’intéressant à des conduites complexes face auxquelles le béhaviorisme est inadéquat, ce qui amorcera son déclin. On passe, ainsi de l’étude des comportements à l’étude des processus mentaux. En 1957, le béhavioriste Skinner, explique l’acquisition du langage chez l’enfant comme une suite de renforcements, en termes d’habitudes verbales. Le linguiste Chomski qui est l’un des pères fondateurs du cognitivisme, critique et discrédite l’approche béhavioriste. Avec l’avènement de l’ordinateur, des travaux novateurs sur la mémoire et la résolution de problème, la pensée va être considérée comme un ensemble de processus qui opèrent sur des représentations (mots, concepts, images…). Cette approche symbolique se nommera « traitement de l’information » (métaphore de l’ordinateur) où ce qui intéresse le chercheur c’est la façon dont le sujet traite l’information lorsqu’il est soumis à une tâche expérimentale. C’est la naissance du cognitivisme. L’étude du traitement de l’information est devenue plus importante que l’étude des réponses aux stimuli mais sans renier son héritage : la méthode expérimentale (les hypothèses se font en termes d’observables définis à l’avance, comme le temps de réaction, réponses des sujets…). La psychologie cognitive s’appuie sur des observables comportementaux pour reconstruire par inférence l’activité mentale sous-jacente. En plus de la psychologie s’intéressant à la cognition de « l’esprit humain », il y a la philosophie (logique et mathématique), la linguistique, les neurosciences qui étudient le système nerveux, l’intelligence artificielle (robotique, l’informatique) et l’anthropologie. Ce champ interdisciplinaire qui se rassemble autour du paradigme « Système de traitement de l’information » forme ce que l’on nomme les sciences cognitives. Une nouvelle perspective apparaît dans les années 80 dans le champ de la psychologie cognitive : le connexionnisme qui considère que l’on peut décrire le fonctionnement cognitif en lien avec les processus cérébraux (réseaux connexionnistes, réseaux neurones), contrairement à la position du cognitivisme classique qui le nie. Cette nouvelle conception va concurrencer l’approche symbolique tout en utilisant aussi des modèles informatiques et mathématiques (analogie neurones et unités inter-reliées dans les opérations de traitements parallèles et non en série). Elle fait référence à une organisation qui paraît proche de celle du système nerveux, support du fonctionnement mental. 5 2) L’OBJET DE LA PSYCHOLOGIE COGNITIVE ET SA METHODE Il est plus aisé d’étudier la structure et les mécanismes du système nerveux que d’appréhender la structure et les processus au niveau des représentations mentales. La psychologie cognitive se propose de travailler sur les représentations qui sont, comme objet d’étude, un défi car l’activité cognitive (mentale) doit être décrite sous la forme de symboles, de schémas, de règles et d’images. Le chercheur étudie ces entités par l’intermédiaire d’« observables » comportementaux qui ne sont pas accessibles directement et qu’il doit donc inférer. Les représentations sont des entités internes correspondant aux réalités externes de l’être humain. La psychologie cognitive considère qu’à travers ses expériences, l’individu construit un modèle intériorisé de son environnement, des objets et des interactions. Les méthodes de recherche en psychologie cognitive utilisent l’expérimentation, élaborées par les sciences de la nature, qui représentent la base essentielle de la démarche scientifique. L’expérimentation en laboratoire permet d’élaborer des situations standardisées, reproductibles, limitant le nombre de sources de variations et utilisant des appareillages techniques. La rigueur passe par l’analyse quantitative et qualitative des données recueillies pour en généraliser les résultats. Les hypothèses sont testées, infirment ou confirment une théorie, et reçoivent des validations empiriques. La méthode expérimentale met en lumière l’établissement de relations de cause à effet entre les facteurs et permet d’expliquer les phénomènes étudiés. La psychologie cognitive teste ses hypothèses en recueillant des observables comme le mouvement oculaire, les verbalisations, les données neurologiques et les temps de réaction (TR, mesure permettent d’isoler les étapes dans la réalisation d’une tâche), qui sont des indicateurs de processus mentaux sous-jacent. Il est difficile d’étudier les processus cognitifs sur un plan psychologique car ils sont inobservables et non conscients. Ainsi, le recueil des données nécessite de la part du chercheur d’inférer les processus mentaux qui l’intéressent. L’utilisation de l’informatique et de la simulation par ordinateur permet l’analyse minutieuse des réponses des sujets qui est transcrite en programme informatique (modélisation de tâche similaire à celle d’un humain, d’où le modèle computationnel). 3) LES FONCTIONS ETUDIEES PAR LA PSYCHOLOGIE COGNITIVE La psychologie cognitive étudie et décrit les activités les opérations cognitives impliquées dans le traitement de l’information perceptive, l’attention, le fonctionnement des diverses formes de mémoire, le maniement du langage (compréhension et production), les processus de résolution de problèmes et de prise de décisions. La perception Dans la perception visuelle, il y a beaucoup de processus complexes impliqués dans l’interprétation sensorielle. Nous identifions extrêmement rapidement les objets, malgré les variations de formes, alors même que nous n’avons pas conscience de ce qui se déroule dans notre système cognitif. Beaucoup de caractéristiques de la perception sont étudiées comme celle de la profondeur, du mouvement ou des troubles… mais un des aspects les plus pertinents en psychologie est la reconnaissance des formes, c'est-à-dire l’identification d’un 6 arrangement de stimuli (objets, visages, scènes). Notre connaissance de la façon dont le monde est organisé nous guide dans l’identification des formes. Ainsi, que peut-on lire avec ce mot : P ДYSAGE PДYSIQUE La lettre ambiguë est interprétée une fois comme un H et l’autre comme un A. L’expérimentation montre l’effet des connaissances des sujets dans l’interprétation de ce qu’ils voient, avec la primauté du mot, c'est-à-dire que nous identifions plus rapidement et plus précisément des lettres quand elles font partie d’un mot que lorsqu’elles sont présentées aléatoirement. A ceci s’ajoute l’illusion d’optique qui est révélatrice des mécanismes perceptifs. La plupart des illusions ont une origine cognitive. Elles résultent d’une interprétation des signaux visuels qui se base sur des hypothèses incorrectes. En psychologie cognitive, l’étude de la reconnaissance des visages est particulière parce que leurs traitements se fait différemment des celui des autres stimuli. Une des preuves de cette spécificité est la prosopagnosie, qui est l’impossibilité de pouvoir reconnaître des visages familiers et même son propre visage dans le miroir, alors que la reconnaissance des objets n’est pas atteinte (ce n’est pas un oubli car il y a reconnaissance des voix). L’attention Pour la psychologie, l’attention est une concentration de notre activité mentale que l’on nomme processus attentionnels pour signifier la multiplicité des mécanismes. On distingue deux types d’attention : la première est dite partagée (divisée) car elle se réfère à une situation qui nécessite de répartir notre attention entre différentes tâches (écouter deux conversations à la fois). La seconde dite focalisée (sélective), les sujets confrontés à plusieurs tâches doivent centrer leur attention sur une seule et ignorer les autres. La psychologie montre la façon dont les sujets sélectionnent certaines informations plutôt que d’autres et les processus en jeu, qui sont automatiques pour certains et contrôlés pour d’autres. Les premiers sont rapides, fonctionnent en parallèle, ne consomment pas de ressources attentionnelles et sont difficiles à interrompre. Les seconds sont plus lents et fonctionnent de manière séquentielle. Ils ne peuvent être exécutés en même temps qu’une autre activité contrôlée, contrairement au processus automatique. Une démonstration du caractère automatique d’une activité mentale est l’effet « Stroop » du nom du chercheur qui l’a mis en évidence : essayez de dire le plus vite possible le nombre de signe que contient chaque boîte, puis lisez ensuite les nombres : 222 6 444 1111 7 99 333 888 55 9 La première tâche est plus difficile à réaliser que la seconde et vous devriez avoir éprouvé un conflit entre le chiffre à dire (nombre de signe dans la case) et le chiffre représentant l’item. La lecture se fait automatiquement et il est difficile, voire impossible, de l’empêcher. 7 La mémoire La mémoire est fondamentale car sans elle nous ne pourrions ni communiquer, ni raisonner, ni faire de projets. Elle fait le lien entre le passé, le présent et l’avenir et nous permet de conserver la conscience notre identité et nous voyons son importance quand elle nous trahit. La psychologie cognitive reconnaît trois phases dans le fonctionnement de la mémoire : - Le codage, qui concerne les processus de mémorisation avec la saisie et le traitement de l’information ; Le stockage, qui maintien la trace mnésique et lui fait subir certaines transformations (effacement, interférence…) ; La récupération de l’information et son utilisation dans des processus variés tel que les résolutions de problèmes, compréhension et production d’énoncés… L’analogie avec la structure matérielle des ordinateurs oppose un système de mémoire à court terme (MCT) dont la durée de conservation de l’information en mémoire est de moins de 30 secondes avec une faible capacité, et un système de mémoire à long terme (MLT) qui est de l’ordre de plusieurs années avec une capacité illimitée. A ces deux systèmes de mémoire majeurs s’ajoute une mémoire à très court terme, c’est la mémoire sensorielle qui entretient des échanges d’informations. Le modèle d’Atkinson et Shiffrin comprend trois systèmes de stockage ainsi que des mécanismes de contrôle. Les stimuli externes pénètrent dans la mémoire sensorielle. L’information va ensuite dans la MCT où elle est effacée en moins de trente secondes si aucune stratégie (comme l’auto-répétition avec un numéro de téléphone pour le garder en mémoire) n’est volontairement mise en œuvre pour permettre son passage en MLT. Ce modèle expose la MCT comme un réceptacle passif de l’information. Il sera remplacé par le modèle de Baddeley qui parlera de mémoire de travail, permettant de maintenir active l’information nécessaire à l’exécution d’activités courantes. En effet, pendant l’exécution d’une tâche ou pendant une conversation, on doit maintenir en tête un certain nombre d’informations : l’objectif de cette tâche, les résultats intermédiaires, la phrase précédente ou la question qui nous posée, etc… Pour la MLT, l’information est répartie en trois catégories que sont le savoir-faire (connaissances procédurales), le savoir général sur le monde et l’expérience individuelle (connaissances déclaratives). On distingue plusieurs sous-systèmes inter-reliés : - la mémoire procédurale qui regroupe les apprentissages perceptifs et moteurs, permettant d’exercer des activités comme faire du vélo ou jouer du piano. La mémorisation de ces savoir-faire demande une longue pratique et leur exécution est difficile à verbaliser (ex : lacer les chaussures préfère la démonstration). - la mémoire sémantique concerne les connaissances sur le monde et s’organise selon un principe d’association (stocke ensemble les informations de significations voisines). Elle comporte deux registres : lexical (dictionnaire) qui relie le sens à la parole et encyclopédique qui contient le savoir conceptuel. Cette mémoire est très étudiée en 8 psychologie cognitive (elle correspond aux représentations mentales et à la façon dont les connaissances sont représentés en mémoire). - la mémoire épisodique stocke les souvenirs d’événements et d’expériences de notre vie personnel qui sont organisés selon leurs relations contextuelles et temporelles (datés et reliés à d’autres événements). Les troubles de la mémoire touchent indifféremment la MLT ou la MCT qui se manifestent par des amnésies (maladies d’Alzheimer, accident vasculaire, traumatisme crânien…). Il y a dissociation simple quand une seule est atteinte et que l’autre reste indemne. Ce qui tend à prouver pour les neuropsychologues qu’il existe bien deux systèmes distincts. La compréhension du fonctionnement normal de la mémoire a énormément bénéficiée de la recherche sur l’amnésie. La psychologie cognitive explique l’oubli par trois mécanismes : - le déclin de la trace où il y a perte rapide du matériel appris pour la plus grande partie, le reste s’effaçant graduellement. - l’interférence, qui est une perturbation d’un apprentissage sur un autre apprentissage (ex : dans le témoignage oculaire, la formulation d’une question lors d’un interrogatoire post-événementiel peut conduire à la modification des souvenirs d’un témoin). - l’échec de la récupération de l’information où l’oubli est dû à l’inefficacité des indices de récupération qui ne permettent pas l’accès à l’information. Le langage La psychologie cognitive se positionne comme une psychologie du langage qui tente d’éclairer la nature des opérations permettant son acquisition. Le langage est une caractéristique spécifiquement humaine, qu’il soit oral ou écrit, il est étroitement lié aux autres activités cognitives. Les traitements langagiers sont fortement contraints par les propriétés de la langue, d’où la nécessaire collaboration avec d’autres disciplines comme la linguistique. Le langage est une activité complexe qui se décompose par différents niveaux d’analyses articulés aux divers processus élémentaires qui le constitue : - le niveau lexical qui correspond à l’ensemble des mots disponibles emmagasinés au niveau mental (dictionnaire mental) ; - le niveau syntaxique qui renvoie à l’organisation des mots entre eux ; - le niveau discursif qui correspond à la compréhension des phrases ; - le niveau phonologique et celui de la pragmatique qui correspondent respectivement aux sons des mots identifiés et à la compréhension de l’intention du locuteur. 9 Ainsi la psychologie cognitive s’interroge sur ces mécanismes et l’articulation entre leurs niveaux de traitement en utilisant différents modèles théoriques (connexionnistes, neuropsychologiques…). La résolution de problèmes Un problème est une situation nouvelle et le résoudre implique de trouver une solution nouvelle, une « invention », comme résoudre une panne ou un anagramme… La psychologie aborde la résolution de problème (approche symbolique 1 de Newell et Simon) par une métaphore : résoudre un problème, c’est cheminer dans un espace « problème » qui comprend : - un état initial (les données du problème) - des opérateurs (les actions modifiant un état de problème) - des contraintes (les conditions additionnelles) - un état final. Pour résoudre un problème, il est possible d’appliquer différentes méthodes comme les heuristiques. Les heuristiques sont des méthodes empiriques générales de résolution qui guident les sujets vers une solution de recherche, sans pour autant en garantir le succès systématiquement. Parmi les plus étudiées, l’heuristique fins-moyens consiste à décomposer le but final en sousbuts successifs jusqu’à la solution. Ainsi, on réduit à chaque étape la distance entre l’état présent et l’état final. La résolution du problème de la tour de Hanoï illustre bien les choses. Soit un état initial avec 3 tiges A, B, C et trois disques (grand moyen et petit), empilés sur la tige de gauche (ci-dessous) : A B Etat initial C A B C Etat final L’état final (l’objectif) est de faire passer de la tige A à la tige C en respectant les contraintes suivantes : déplacer un seule disque à la fois et ne pas poser un disque sur un disque de taille inférieure. Essayer de le résoudre, en utilisant cette heuristique, 7 coups suffisent. La complexité d’un problème provient d’un espace de problème (selon Newell et Simon) trop important, d’états ou d’opérateurs mal spécifiés. Les obstacles de résolution sont identifiés aux niveaux des limites de nos ressources cognitives (mémoire de travail), des limites de nos connaissances disponibles dans le domaine du problème et aussi d’une représentation inadéquate du problème. 1 Cette approche englobe les modèles théoriques précédant que représentaient les béhavioristes (essais-erreurs d’habitudes acquises) et les gestaltistes (l’insight) 10 Le problème des « 9 points » démontre le degré de difficulté à construire une représentation adéquate d’un problème empêchant la solution. Il s’agit de relier les neufs points à l’aide de quatre droites sans lever le crayon : •a •b •c •d •e •f •g •h •i (solution :début par g, e et c puis tracer la vertical f et i et de le prolonger pour joindre h et d, jusqu’à terminer par a et b). La prise de décisions : C’est une activité complexe dans laquelle interviennent des jugements de probabilités sur les conséquences de nos choix et la valeur que nous attribuons à ces conséquences. Les premiers cognitivistes,comme Piaget, ont démontré les capacités de l’homme à raisonner en postulant la théorie que l’être humain est un être rationnel qui décide de manière rationnelle face à plusieurs alternative (théorie classique). Newell et Simon ont décrit ce qui se passe dans l’esprit de celui qui raisonne. Mais d’autres chercheurs ont montré que les sujets ne se conforment pas aux postulats de la théorie classique. En effet, la plupart du temps nos décisions ne sont pas rationnelles : les ressources de notre système cognitif sont limitées, celui-ci ne peut examiner toutes les alternatives en même temps. Les modèles récents expliquent comment nous ne prenons pas toujours les décisions les plus avantageuses et ils décrivent les processus cognitifs impliqués (l’heuristique de disponibilité, de représentativité...). 4) LES APPLICATIONS DE LA PSYCHOLOGIE COGNITIVE La psychologie cognitive privilégie la méthode expérimentale et se présente donc comme une psychologie de laboratoire avec ses objectifs de recherche fondamentale. Elle se donne pour but de décrire, comprendre et de modéliser les processus de la pensée. Les domaines qui bénéficient des travaux de la psychologie cognitive concernent toutes les applications relatives à l’amélioration de l’articulation homme-machine. Les applications de la psychologie cognitive, dans l’élaboration d’outils pédagogiques ou de matériels techniques ou informatiques, apportent les connaissances cognitives des utilisateurs et les limites de leurs capacités de traitement qui sont cruciales afin de rendre ces dispositifs cognitivement utilisables (via des outils méthodologiques comparatifs et d’évaluations). Les retombées pratiques se font aussi au niveau de l’élaboration d’outils de diagnostique et de remédiation des troubles cognitifs et d’outils d’aide à la communication pour les handicapés (comme les système d’aide au déplacement des non-voyants). 11 Il faut aussi préciser que l’approche cognitive influence les autres domaines de la psychologie qui traite du vieillissement, de l’intelligence, du social… Depuis la naissance de la discipline, le rôle des émotions a rarement été laissé de côté parce que les situations expérimentales rigoureuses axées sur l’étude des processus cognitifs fondamentaux considéraient les émotions comme des parasites à contrôler. Actuellement, des travaux examinent leurs effets sur la mémoire, l’attention et la perception et il est apparu que les émotions sont en interaction avec la cognition. Ceci contribuera, en partie, à améliorer le reproche qui est fait à la psychologie cognitive qui est son manque de validité écologique (extrapolation des résultats hors laboratoire en introduisant l’individu expérimental dans son milieu, pour une application dans la vie réelle (conciliation rigueur expérimentale et vie quotidienne). B. La psychologie du développement I. HISTOIRE DE LA PSYCHOLOGIE DE L’ENFANT ET DU DEVELOPPEMENT La psychologie du développement postule l’idée d’évolution et de temporalité au cours de l’existence. Elle soutient que les conduites humaines et leurs processus mentaux correspondant, se transforment durant la vie d’un individu. Cette discipline étudie ainsi, la dynamique de changement aux différents âges de la vie. Historiquement, elle a reçu l’influence de la psychologie générale (étude des grandes fonctions psychologiques : mémoire, perceptions…) et de la psychologie clinique (étude des singularités des organisations personnelles). C’est dans les pays anglo-saxons, dans les années 70, qu’apparaît la volonté d’aborder le développement dans la perspective d’un élargissement à la vie entière. Cette nouvelle appellation de psychologie du développement visait à se démarquer de la psychologie de l’enfant et de la psychologie génétique, avec lesquelles elle a eu des liens étroits mais ne devant plus être confondu. En effet, ce sont ces deux approches qui sont à l’origine des travaux sur le développement lors du début du XXe siècle. La psychologie génétique se proposait de suivre la construction progressive des fonctions mentales et leurs états finals. L’appellation « génétique » a été abandonné car il prêtait trop à confusion avec le terme médicale, ainsi les travaux menés dans ce champ d’investigation ont été intégré à la nouvelle perspective : la psychologie du développement. Pour la psychologie génétique, l’enfant était un objet d’étude permettant d’appréhender l’émergence de l’activité mentale et son évolution. Ainsi, J.Piaget et H.Wallon (figures important de cette discipline) considérait l’enfant comme un matériau de choix pour l’élaboration des connaissances scientifiques. L’enfant n’était qu’un support pour la recherche. A l’inverse, la psychologie de l’enfant étudie l’enfant pour lui-même et ses observations ou expériences réalisées ne servent pas d’autres objectifs que la connaissance de l’enfant. Au début du XXè siècle, les demandes adressées à la psychologie par les pédagogues, jointes au développement de la psychométrie (les tests), ont joué un rôle non négligeable dans l’essor de la psychologie de l’enfant. 12 La psychologie du développement a modifié la notion de développement qui était appréhendé autrefois que sous le seul versant de l’enfance et de l’adolescent. Ces périodes de développement ont été le plus étudiées parce que les transformations y sont nombreuses et les plus évidente au niveau de la motricité, de l’affectivité ou de la socialisation. On considérait la vie d’adulte comme le terme du développement. Aujourd’hui, cette position a été abandonnée, elle a montré que l’adolescent ne clôturait pas le processus développemental. La phase adulte recouvre aussi des facettes de la dynamique du développement (changement, transition et crise), avec d’autres facteurs agissant. La vieillesse sera aussi abordée par la psychologie du développement, afin de mieux cerner les capacités psychologiques du fonctionnement mental du sujet vieillissant (vulnérabilité et résistance au temps). 2) LA PSYCHOLOGIE DU DEVELOPPEMENT ET SES MODELES DEVELOPPEMENTAUX Le développement est défini comme étant un ensemble de transformations intervenant dans l’organisations et le fonctionnement d’un organisme, tout au long de son existence. Pour chacune des fonctions, il se produit des remaniements successifs, lors de chaque étape, avec des périodes de croissance rapide et de stagnation, d’équilibre ou de déclin. Le développement est donc un phénomène complexe et dépendant de l’interaction de divers facteurs. Les modèles principaux sont les suivants: -Les modèles généraux (macro-génétique) qui privilégient soient les facteurs internes dans l’explication causale du développement, soit l’environnement. Les psychologues découpent en stades (généraux comme chez Wallon ou spéciaux comme chez Piaget, Freud) les différentes facettes du développement. L’environnementalisme insiste sur le rôle du milieu dans le développement. Cette approche a été influencée par le béhaviorisme et le néo-béhaviorisme, qui s’intéressent aux effets de l’expérience et de l’apprentissage sur les comportements (procédures de conditionnements et d’imitations).L’enfant est pris comme une entité en relation constante avec l’environnement. Le développement psychologique consiste alors dans les changements qui interviennent dans les modes d’interactions avec le milieu. Plus l’enfant avance en âge, plus le milieu de l’enfant s’élargi et se complexifie, plus ces transformations de l’environnement conduisent à de nouveau types d’interactions et de renforcements. Watson (1878-1990) et Skinner (1904-1990), deux grands noms du béhaviorisme, pensaient pouvoir, en manipulant les stimulations exercées sur un sujet, organiser le cours de son développement. Ainsi, pour eux, le milieu « distribue » récompenses et punitions au sujet, tendant à renforcer certaines de ses conduites et à en éliminer d’autres (applications dans la pédagogie). Le constructivisme avec J.Piaget (1896-1980) qui récuse l’approche précédente. Selon lui, l’organisme ne peut se développer que par une série d’échanges avec le milieu qui se réalise par l’assimilation et l’accommodation. Ces deux mécanismes représentent la base de toute l’activité intellectuelle. L’assimilation est l’intégration des données extérieures aux codes déjà existants de sa pensée ; l’accommodation modifie les codes et prend en compte les exigences de la réalité. Tous deux sont à l’œuvre de façon continu du stade du bébé à l’adolescent. 13 La maturation, l’environnement, l’exercice sont important pour le développement mais c’est l’activité structurante qui est primordiale et qui va permettre l’intégration de modalités de compréhension du réel. L’activité du sujet aboutit à la formation de structures qui vont se complexifier et permettre une adaptation de plus en plus souple à la réalité. Le processus développemental, au niveau structural, est discontinu. En effet, nous passons de structures (constructions), qui renvoient elle-même à des périodes pour rendre compte du développement cognitif : sensori-motrices (0 à 2 ans), à des structures pré-opératoires, puis opératoires concrètes (2 à 11 ans) et enfin opératoires formelles (11 à 16 ans) ; ces dernières étant caractéristiques de l’adolescent et de l’adulte. L’intéractionnisme social est un courant qui considère le sujet à l’intersection des déterminants biologique et sociaux. Ainsi, l’analyse psychologique du développement de l’individu se place dans la prise en compte de deux ensembles. Pour H.Wallon (1879-1962), la causalité du développement est d’ordre organique, social et psychologique. Le stade wallonnien est des moments caractérisé par un type de comportement, remplacé par un autre au stade suivant. L’enfant est étudié dans sa globalité lors de son développement qui induit une succession de stades qui est marqué par des conflits et des remaniements lors de passage d’un stade à l’autre. Un autre psychologue très représentatif de ce courant est S. Vygotski (1896-1934) qui place l’évolution de la pensée dans le sens du social à l’individu. C’est l’environnement social qui va stimuler en premier les capacités cognitives du sujet et ce au travers du langage (rôle du médiateur, l’autre, dans l’apprentissage) qui seule oriente le développement de ces dernières. Il ne parle pas de stade mais de ligne de développement où c’est l’activité structurante du sujet qui fonde son développement cognitif en interaction avec une activité socialisée. Les modèles psychanalytiques qui valorisent l’organisation interne (psychoaffective et non l’aspect cognitif) du sujet. S. Freud montre que les différentes structures psychiques se forment pendant l’enfance et que son histoire éclaire la genèse des troubles psychiques d’un sujet. L’enfant doit faire face, avec des possibilités limitées, à des exigences internes (impérieuses) et des contraintes (renoncements) de la réalité extérieure. C’est au travers l’éducation que va s’instaurer un jeu relationnel complexe entre la mère et l’enfant sur lequel il va construire sa personnalité. L’importance du concept de libido dans le développement psycho-affectif (libidinal) de l’enfant où Freud (1856-1938) voit dans la succion du nouveau-né, le signe de l’activité sexuelle du stade oral qui est la première étape de la sexualité infantile. Ainsi, Freud pose la genèse de l’appareil psychique et sa structuration dans une dynamique psychosexuelle (pulsion, fantasme, affects…) Il recherche dans l’enfance (cure analytique) un modèle explicatif de l’organisation psychique de l’adulte (sexualité). Freud met l’accent sur les transformations qualitatives de la sexualité lors de l’enfance au travers de stades (prégénitaux : oral, anal, phallique ; et oedipien) qui laissent des traces (fixations). Les événements et leurs résonances dans l’appareil psychique vont organiser la manière dont l’enfant se vivra comme petite fille ou petit garçon et orientera ses choix sexuels et ses attachements. 14 Chaque stade est caractérisé par un niveau de maturation pulsionnelle, une zone érogène et un type de relation à l’objet. A l’intérieure de chacun des stades correspond une activité pulsionnelle spécifique (pulsions partielles), des objets propres à satisfaire la pulsion et des conditions qui conduisent à trouver des objets substitutifs (manipuler terre ou de pâte à modeler phase anale). R. Spitz (1887-1974) montre l’importance vitale du lien à la mère ou d’un substitut dans le développement du jeune enfant avec « l’hospitalisme » qui est une atteinte grave (qui va du refus de contact, dépression jusqu’à la mort) de l’équilibre psychoaffectif, carencée par un manque affectif dans les soins (hygiène sans affectif). Cette dépression peut être réversible si une personne parvient à rétablir des contacts émotionnels avec l’enfant. Ainsi, il est établit que l’affection portée par l’adulte à l’enfant est indispensable pour son développement. D’autres travaux menés par des psychanalystes de renom dans la psychologie de l’enfant et du développement, vont approfondir les connaissances dans le développement psychoaffectif de l’enfant, comme par exemple : Winnicott (1896-1971) montre l’importance des soins maternels et de la qualité de l’interaction mère-enfant pour la formation de l’appareil psychique de celui-ci (le bébé ne possède pas de psyché constituée). Il amène des concepts fondamentaux de compréhension de l’enfant comme l’objet transitionnel, le Moi et le nonMoi, le holding… J. Bowlby (1907-1990, qui fût l’élève de M. Klein autre grand nom de la psychanalyse d’enfant) qui observa des enfants en situation de privation de soins maternels et les observations des effets, le conduiront à formuler une hypothèse concernant l’origine du lien du bébé à sa mère. Selon lui, contrairement aux autres psychanalystes, il existe chez le nouveau-né un besoin primaire de contact (comme la faim) qui le pousse à s’accrocher à sa mère. Ce comportement avec les pleurs et le sourire, va concourir à rapprocher la mère ou à maintenir la proximité avec elle. La mère représente ainsi une base sécurisante à partir de laquelle l’enfant peut explorer le monde. C’est la théorie de l’attachement. La psychologie du développement, pour étudier les effets du temps sur les conduites et le fonctionnement psychique, utilise des méthodes qui privilégient l’approche longitudinal (suivi tout le long du développement), transversale (étude comparée de sujet à des niveaux de développement différents). 15 III. LA PSYCHOPATHOLOGIE 1) HISTOIRE BREVE DE LA PSYCHOPATHOLOGIE On peut faire remonter l’histoire de cette discipline dans l’Antiquité grecque, avec Hippocrate de Cos (400 av. J-C), qui traita dans sa médecine des troubles et affections de l’esprit. A cette époque ont distinguait, déjà, des folies aiguës comme la frénésie (folie agitée) et les folies chroniques comme la mélancolie et l’hystérie. Hippocrate a insisté sur la fait qu’une maladie provient du corps et non d’une intervention divine. Il localise le cerveau comme le siège responsable de la folie et les terreurs qui nous assiègent. Il est l’un des premiers médecins à ramener l’origine de la maladie mentale à une cause interne (reconnaissant aussi le caractère parfois fondamental de l’environnement). Au moyen âge, tout ce qui relève de la folie à la théologie et non plus à la médecine, en raison de la pensée dogmatique de l’église qui pose que les troubles psychiques sont ceux de l’Âme et non ceux du corps. Les hôpitaux du moyen âge comportaient des lits réservés aux « fous », mais ce secteur était réservé aux cas jugés curables. Le XVIIè siècle instaure les fondements de la médicalisation de la folie, avec l’application de décret royal concernant l’enferment généraliser (le grand renferment de M. Foucault) de tous les fous et autres parias. Nuisible à la société, des établissements s’efforceront de les cachés et de les exploiter. A la fin du XVIIIè siècle, en continuité avec la Révolution, on voit une réaction contre cet enfermement avec P. Pinel. C’est le premier médecin aliéniste a proposer un « traitement moral » de la folie (brisant les chaînes des malades), installant du même coup celle-ci dans un statut particulier et différent de la maladie organique. Il fonde les asiles comme protection sociale et stratégie médicale, qui ira grandissant avec le XIXè siècle mais dans un esprit moraliste et de répression. La psychiatrie est née et les successeurs de Pinel comme Esquirol, vont constituer progressivement une classifications des maladies mentales (nosographie) qui permettent la mise en place des points de repères cliniques et l’insertion de la psychopathologie dans le champs de la médecine. La psychiatrie du XIXè siècle, développe dans un axe médical deux théories : - la thèse organiciste qui postule le lien étroit entre l’organique (le cerveau) et la folie ; - la thèse de la dégénérescence qui postule une transmission de génération en génération d’une tare (physique, psychique ou sociale) qui aboutit à une complète déchéance des individus touchés, qui dégénèrent. Cependant, ce siècle voit naître en Allemagne et en Autriche, deux grands courants qui vont influencer tout le XXè siècle. Avec d’une part, le psychiatre allemand E. Kraepelin (18561926) qui donne la classification moderne des maladies mentales et d’autre part, S. Freud (1856-1939) qui est le fondateur de la psychanalyse (psychologie des profondeurs de l’inconscient) à Vienne. Kraepelin soutient la thèse organiciste des maladies mentales et 16 Freud, lui appose une origine psychique inconsciente, c’est à dire, liée aux expériences affectives faites par le sujet, à son environnement mais aussi à ses capacités à les assumer et à les transformer. Freud ne cessera, tout au long de sa vie, de développer cette nouvelle science. Il apporte un nouveau regard sur le psychisme qui se révèle d’une autre dimension que l’organique. Freud et ses successeurs, surtout J. Lacan dans les années 50, avec la psychanalyse, élaboreront l’une des pensée comme étant les plus marquante des sciences humaines de notre époque. En effet, cette enseignement se pose comme majeur et influera sur toutes les disciplines composant les sciences humaines (la philosophie, l’histoire, la linguistique, la psychologie…) et également un changement majeur dans la pratique de la psychiatrie et de la psychopathologie. Parallèlement, les avancés en pharmacologie psychiatrique (neuroleptiques) dans les années 50, et celles des neurosciences (soutenant la psychiatrie biologique), marqueront aussi de façon décisives la pratique psychiatrique et psychopathologique. 2) DEUX CONCEPTS FONDAMENTAUX EN PSYCHOPATHOLOGIE Le normal et le pathologique Il s’agit de la question du normal et du pathologique qui est central en psychopathologie. La science médicale parvient difficilement à mettre une frontière stricte entre ces deux états qui soulèvent la question de l’anormalité. Ce point ne se réfère qu’à une norme statistique ou sociale, alors que dans le cadre de la psychopathologie, on observe qu’une relativité des comportements d’une personne à l’autre, mais aussi d’un milieu social à un autre et d’une culture à une autre. Les choses sont difficiles à saisir et il importe de distinguer la pathologie, c'est-à-dire celui qui souffre et donc de ne prendre en charge ce qui s’oppose au sain. La distinction entre le normal et le pathologique et l’anormal est récente et on l’a doit surtout à la psychanalyse qui apporte un regard différent de celui que donnaient les théories du 19è siècle. Freud en 1905, dévoile l’inconscient et la sexualité infantile (multiforme et non génitale) pour placer l’enfant comme « un pervers polymorphe » qui est un moment nécessaire du développement de chaque enfant. Il montre que la sexualité infantile est une déclinaison des différentes manières de jouir, qu’à l’enfant entre sa naissance et cinq ans. La sexualité est orale (bouche) chez le nourrisson, anal (anus et les voies excrétoires) chez l’enfant qui apprend la propreté, phallique (organes érectiles). C’est une révolution car Freud présentait la perversion comme normale, c'est-à-dire comme non pathologique chez l’enfant. Les diverses manifestations perverses de la sexualité infantile sont donc nécessaires au bon développement de l’enfant. Pour l’adulte, les cas de perversion pathologique se présentent comme acquise et non innée. L’exemple de l’homosexualité que Freud expliquait d’un point purement psychique, en tant que positionnement particulier d’un sujet ayant au court de son enfance acquis les conditions nécessaire au développement, c'està-dire à la bisexualité normale. La cause des pathologies perverses, pour le système freudien, s’avère donc du côté de l’histoire du sujet. 17 Bref, Freud impose l’idée du caractère constitutionnel (innée) de la perversion, qui se présent comme normale car faisant partie du développement de l’être humain et sa causalité historique (acquis) pour tout un chacun. Ainsi, l’édification de la personnalité passe par les stades de la sexualité infantile (développement libidinal), mais aussi par un concept fondamental en psychanalyse : le narcissisme. En psychologie, le narcissisme équivaut à l’apparition du Moi (premier objet d’amour) qui est l’instance de la personnalité à partir de laquelle la conscience de soi devient possible. L’étude des troubles psychiques permet de comprendre le normal parce que celui-ci est en continuité avec la pathologie. L’enfant traverse des moments de phase pathologique (névrose infantile). Les névroses qui se joueront plus tard, montrent que cette frontière entre la maladie et la santé, est floue. La saisie de la frontière entre normal et pathologique relève de critères variables tels que l’estimation individuelle subjective, l’équilibre social, les habitudes culturelles. Mais en psychopathologie, deux caractéristique sont retenues : la dangerosité pour soi-même ou pour les autres et la valorisation de l’équilibre psychoaffectif, cognitif et social. Dans les différentes formes de pathologies, il y a une constante, c’est que l’on retrouve toujours de l’angoisse et de la souffrance (point de départ de la pathologie), dirigées soit contre soi-même soit contre les autres (ou les deux à la fois). La classification en psychopathologique La classification des principales maladies mentales du point de vue psychanalytique (en France) est la suivante : A) les névroses dont les symptômes proviennent de conflits psychiques non résolus depuis l’enfance mais présent de façon inconsciente dans le psychisme. Cependant, le sujet est en partie conscient de son malaise Les principales sont : -l’hystérie : troubles somatiques divers (cause psychique), personnalité très démonstrative, théatrale et en constante insatisfaction du désir. -la phobie : peur incontrôlée et exagérée d’animaux, de situations…Le processus consiste dans le déplacement de la cause de l’angoisse (désirs de crimes oedipiens et crainte angoissante de la punition parentales intériorisées) sur un autre support. Comme par exemple la peur d’être mordue par un chien. -la névrose obsessionnelle (de contrainte) concerne les TOC qui sont des conduites et des idées compulsives (protections magiques qui détournent de l’agressivité inconsciente) qui s’imposent au sujet, celui-ci agit contre sa volonté sans pouvoir s’y opposer sinon il subit une montée insupportable d’angoisse (conscient). Pour l’obsessionnel, le rapport à l’autre est vécu dans un désir impossible (difficulté à nouer un relation si convoitée). 18 B) les psychoses qui correspondent aux maladies mentales les plus lourdes et où le sujet (non conscient) est en rupture avec la réalité : -la schizophrénie survient à l’adolescent ou chez le jeune adulte. Elle se caractérise par un ensemble de troubles dits dissociatifs (éclatements des limites sur le plan de la pensée et sur le plan corporel) et différentes thématiques délirantes (hallucinations). -la paranoïa se définie par des délires organisés et logiques (contrairement à la précédente) où le sentiment de persécution est prédominant (différentes thématiques du délire). -les perversions. C) les troubles addictifs comme les toxicomanies et alcoolisme qui constituent une appétence pathologique aux produits. Il faut ajouter à ceci l’effets toxiques de ces substances ingérées entraînent d’autres difficultés psychologiques. Les troubles psychopathologiques de l’enfant et de l’adolescent recoupent pour une bonne part ceux de l’adulte, à ceci prés que chez l’enfant, les pathologies ne sont pas encore ancrées et stabilisées. Néanmoins, il existe certaines pathologies spécifiques à l’enfant. La période qui va de la puberté à l’entré dans le monde du travail, l’adolescence qui est un concept biologique, psychologique et social. Il est intéressant de retenir parmi les pathologies les plus spécifiques de cet âge : les pathologies liées à l’image et des préoccupations corporelles entraînant dépression, phobie et des troubles alimentaires (boulimie et anorexie) et les pathologies liées aux comportements (les passages à l’acte qui vont de l’ordalie, au délit, fugue, suicide…). On peut préciser que l’anorexie mentale ne paraît pas relever d’une structure pathologique particulière (névrotique, psychotique ou perverse). Ses caractéristiques sont la perte d’appétit, l’amaigrissement, l’aménorrhée et l’hyperactivité. La personnalité psychique se met en place au cours du développement selon trois grandes organisations, que l’on appelle structures et qui déterminent trois types de personnalités (principalement). Il s’agit de la structure névrotique, psychotique ou perverse qui organise (structure) notre personnalité suivant un de ces types, hors pathologie (névrose, psychose ou pervers). Autrement dit, si un sujet de personnalité de type névrotique tombe malade produira des symptômes névrotiques. La structure n’est pas la maladie, la structure est le type d’organisation de la personnalité psychique. Ainsi, on peut être de structure névrotique et rester en bonne santé psychique. Pour Freud, la personnalité se construit grâce à quatre instances que sont : le ça (pulsionnel inconscient), le surmoi (pôle idéal et de la conscience moral), le moi (médiateur) et le monde extérieur (réalité). Le ça tend vers la satisfaction des pulsions et des désirs, le surmoi vers une idéalisation de la personnalité, et le monde extérieur impose les limites physiques ou sociales stricts. Le surmoi et le ça sont au service de la personne, dont l’intérêt commun est le bénéfice de la satisfaction. Le moi est chargé d’établir un compromis entre ces différentes manières de se procurer la satisfaction et lorsque ces différentes forces sont déséquilibrées, ce compromis se révèle difficile voire impossible à trouver, d’où les troubles. Les troubles sont dûs, selon Freud, aux conflits entre les différentes instances. 19 La structure névrotique est la structure de référence, à partir de laquelle l’être humain accède à la réalité, ce qui va induire la mise en place de différents processus (fantasme, refoulement, symptômes névrotiques). La structure névrotique suppose que soit traversées et assimilées les trois expériences fondatrices du rapport à la réalité avec : l’édification premières limites du moi (fonction de jugements), le stade du miroir et du stade oedipien (sexuation). L’accession à la réalité implique l’émergence d’un moi pour les premières expériences psychiques en relation avec le monde que l’enfant va découvrir. Au début, le bébé ne distingue pas encore le monde environnant dont l’élément maternel compose la plus grande part. Ce n’est que progressivement, au cour de la maturation psychique (et biologique), que l’enfant réussira à d’abord à percevoir avec précision les stimuli qui lui parviennent et ensuite à se percevoir lui-même comme un moi situé dans l’environnement (moi plus autonome, séparé de la mère). Le stade du miroir est l’une des expériences psychiques fondamentale de l’accession à la réalité, qui consiste en la mise en place de l’instance « autonome » du moi. Lors de cette expérience, le moi va se distinguer des autres (parents, fratrie…) et de son environnement grâce aux processus d’identification. En effet, entre 6 et 18 mois, l’enfant va reconnaître brusquement son image dans le miroir à un âge où il n’est pas encore capable neurologiquement de ressentir son corps comme unité. Ses capacités psychiques lui permettent d’anticiper cette totalité du corps avant que son développement physique ne lui donne la possibilité d’en avoir la perception. Cette reconnaissance de son image propre (spéculaire) n’est possible que par l’intermédiaire de l’autre (parents) et du langage qui lui permettent une double identifications (à l’autre semblable et d’accrocher son prénom à son image -signifiant-). Le stade du miroir se caractérise d’une part comme fondateur du narcissisme, qui permet à l’enfant de se penser semblable aux autres (genre humain) et de s’en différentier (l’être-soi avec le « je »), et d’autre part par trois concepts majeurs ; le refoulement, le fantasme et le symptôme. De cette première structure découle les deux autres : la structure psychotique et perverse. Le stade oedipien est, avec le stade du miroir, l’autre expérience psychique fondatrice du rapport à la réalité. Le complexe d’Œdipe se concrétise dans la relation de l’enfant (4 -5 ans) à son père et à sa mère. Cette étape réside avant tout dans des processus d’intériorisation (des interdits, des règles), d’identification (genre). Le surmoi se met en place après ce stade oedipien. Ces expériences fondatrices installent les instances psychiques gérant le rapport à la réalité. Le moi, et donc l’enfant de 4-5 ans, tient compte de la réalité et de ces exigences, en renonçant à ses désirs inconscients incompatible avec le monde social. Le stade de l’oedipe correspond à socialiser les désirs (pulsionnelles) de l’enfant. 3) PRATIQUES ET DIFFERENCES EN PSYCHOPATHOLOGIE La psychopathologie est une méthode dite clinique qui consiste en l’expérience acquise dans la pratique thérapeutique en articulation avec les concepts théoriques existant. Autrement dit, 20 elle implique un lien étroit où la pratique et la théorie se stimule mutuellement (ex : l’étude du cas Dora de Freud qui lui permis une réflexion sur la névrose infantile et l’hystérie). Le terme de clinique concerne un champ d’investigation très large qui recouvre aussi bien la psychopathologie que la psychologie clinique (décrypte le fonctionnement normal et pathologique), la psychologie sociale clinique. La clinique vient de la médecine que la psychologie puis les sciences humaines ont récupéré. Cependant, la psychopathologie est aussi statistique (comme l’étude des populations des malades, classification des symptômes…), ou expérimentale (comme l’étude des troubles provoqués en laboratoire…), sociale. Mais, la psychopathologie est principalement centrée sur le « mieux-être » de personne en souffrance. Il existe une différence dans l’usage du titre de psychothérapeute, qu’il convient de distinguer pour les néophytes. La fonction de la psychothérapie est inhérente à l’exercice de la psychologie, de la psychothérapie, de la psychiatrie et de la psychanalyse. Ainsi, ces quatre disciplines sont à distinguer et à différencier car ils font l’objet de confusion. Les psychologues sont des professionnels diplômés en psychologie (DESS ou DEA +stage professionnalisant). Ils sont souvent psychothérapeutes (car praticiens en psychothérapie) et peuvent être psychanalystes (car font une analyse et la pratique). La psychologie (science de l’esprit) renvoie à l’exercice des thérapies (basées sur l’échange patient-thérapeute) et des tests d’évaluations (intelligence, mémoire, anxiété, personnalité…). Ces derniers sont utilisés dans de nombreux domaines comme dans la santé mentale, le scolaire, la justice...Les psychologues peuvent aussi avoir un rôle de régulation, de formation dans le milieu professionnel. Les psychiatres sont des médecins spécialisés dans les maladies mentales. Leurs actes incluent ceux de la médecine (diagnostique et soins : pharmacopée, hospitalisation…). Ils peuvent être psychothérapeute et ou psychanalyste. Les psychanalystes appartiennent à des écoles de différents courants (principalement freudien ou lacanien) où ils approfondissent la théorie psychanalytique et ou ils font une analyse longue et supervisée. On ne devient psychanalyste qu’après avoir passé par cette formation très réglementée. La psychanalyse est une théorie du psychisme (de l’inconscient inventé par Freud) complexe qui rend compte des processus mentaux, elle est à la fois une théorie, une méthode et une pratique. Les psychothérapeutes renvoient à beaucoup de techniques possibles (réglementées depuis août 2004) qui ont pour but la prise en charge et le soulagement du patient en souffrance. La psychothérapie est la fonction thérapeutique attachée à la pratique des disciplines relevant de la psychopathologie (comme la psychologie et la psychiatrie) en utilisant des techniques scientifiques reconnues (Psychanalyse, TCC, Hypnothérapie, EMDR, la Thérapie Humaniste de Rogers…) et ciblent le mieux-être. Résumé sur les 3 types de pratiques thérapeutiques les plus utilisés en psychopathologie : -La Psychanalyse qui est un travail sur l’inconscient du patient qui est en souffrance et où il s’agit d’interpréter dans la relation transférentielle, le discours subjectif (actes 21 manqués) qui dévoile les désirs inconscients du sujet (noué autour de la sexualité infantile) afin qu’il les assument mieux. Le discours est analysé à partir de toutes les idées, logiques ou irrationnelles qui viennent à l’esprit, par la technique des associations libres. L’objectif est de permettre au patient (l’analysant), à partir de l’interprétation, de se reconstruire et de changer en profondeur son rapport au monde. Elle travail donc sur l’histoire du sujet (fantasmes) et sur la clinique du sujet de l’inconscient (données subjectives du pourquoi). -Les thérapies psychologiques s’adresse à la globalité de la personnalité souffrante. Elle considère principalement l’activité consciente du sujet et de son moi, c'est-à-dire de ses possibilités de prise de conscience, des ses aptitudes aux changements et aux contacts des autres, de ses caractéristiques morales. Le thérapeute utilise l’empathie2 pour s’adapter affectivement à son patient et pouvoir ainsi le soutenir et l’encourager (plutôt que d’interpréter). C’est une position positive vis-à-vis du psychisme. Elles travaillent donc sur le vécu relationnel, les souvenirs conscients et sur la clinique de la personne (données du dialogue et du comment être). -Les thérapies cognitives et comportementales (TCC) sont des approches différentes car elles ciblent la disparition du symptôme sans chercher à lui donner un sens. Cette approche est issue de la psychologie béhavioriste et voie donc le symptôme comme une anomalie dans l’apprentissage (conditionnement) de pensées ou de comportements. Il s’agit pour elle, en un nombres de séances plus courtes que la psychanalyse (d’où son autre nom : thérapies brèves), de mettre le patient en situation de réapprentissage à ces deux niveaux. Par exemple, les TCC face à un patient qui panique devant un agent stressant, elle lui apprendra à réagir autrement grâce à des techniques de relaxation, de mises en scènes et en situation pour que le sujet parvienne à affronter progressivement ses difficultés et les dépasser (anxiété et phobie). Elles travaillent donc dans l’ici et maintenant et sur la clinique du symptôme (données objectives du comment faire). 2 L’empathie est la capacité à se mettre à la place de l’autre dans le ressentie affectif (sentir se qu’il ressent) 22 IV. LA PSYCHOLOGIE SOCIALE La psychologie sociale est à l’intersection entre la psychologie et la sociologie, elle étudie les relations entre l’individu et les groupes, la société au travers la psychanalyse et l’anthropologie. Elle étudie le fonctionnement des groupes sociaux et des institutions comme des personnes dotées de réactions et d’émotions et touche ainsi à plusieurs domaines, comme par exemple, la cognition, le langage ou les mentalités. La psychologie sociale utilise l’expérimentation pour confirmer ses hypothèses. 1) HISTOIRE BREVE DE LA PSYCHOLOGIE SOCIALE L’origine de la psychologie sociale est assez récente comme discipline mais la réflexion psychosociale est, elle, relativement ancienne avec les intuitions philosophiques. L’apport de J.J. Rousseau (1712-1778) insiste sur l’origine sociale du comportement des hommes, avec son traité sur les inégalités et marque le point de départ de l’intérêt du XVIIIè siècle pour les interactions sociales. D’autres philosophes poseront des questions pertinentes à son sujet mais les précurseurs de la psychologie sociale apparaissent dans le siècle suivant. Au XIXè siècle, d’autres travaux s’intéresseront à la construction du lien social mais l’histoire de la psychologie sociale débute qu’à la fin de ce siècle, où apparaîtra des études systématique sur le comportement social. G. Lebon (1895) sur la psychologie des foules et de G. Tarde (1903) avec l’imitation et le lien social, feront date comme études ciblées sur les relations sociales. Mais, c’est l’utilisation d’outils techniques d’observation (questionnaire) et d’analyse (probabilités) qui permettront l’émergence en Amérique d’une psychologie sociale scientifique, en 1908, avec les premiers ouvrages de recherches expérimentales (Mac Dougall). En France, elle n’interviendra que dans les années 50. Les mouvements sociaux (urbanisation, industrialisation, migration…) d’entre les deux guerres provoqueront une rupture dans le lien social et solliciteront du coup les scientifiques en sciences sociales et humaines sur la question de l’étude des faits sociaux (Durkheim) et des faits consciences (Freud). Ils se tourneront vers la méthode expérimentale pour étudier les faits sociaux, comme les problèmes posés par l’immigration massive ou ceux de la production des travailleurs en Amérique (développement des sciences sociales). Freud sera un précurseur essentiel pour les psychologues d’orientation clinique qui attribuent aux processus affectifs et à l’inconscient, un rôle déterminant dans les processus individuels et collectifs. Fin des années 30, plusieurs psychosociologues juifs (K. Lewin et la dynamique des groupes) quitte l’Allemagne pour rejoindre les Etats-Unis. Ils participeront activement à la seconde guerre mondiale, en travaillant par exemple sur des résolutions problèmes très pratiques (composition des équipages des bombardiers, la propagande…). Après la guerre, ils seront rejoints par des chercheurs Européens comme Moreno (travaux sur la sociométrie) 23 Les travaux de psychologie sociale expérimentale développés aux Etats-Unis influencent les chercheurs français comme S. Moscovici (représentations sociales), J. Maisonneuve et G. Palmade (étude sur la motivation et modèles d’intervention). Il faut différencier dans le champ de la psychologie sociale, la psychosociologie qui est d’inspiration clinique plutôt tournée vers la pratique professionnelle et la psychologie sociale qui privilégie la recherche expérimentale. La psychologie sociale moderne est en relation étroite avec les institutions telles que l’industrie et le gouvernement afin d’avoir une action sociale (recherche appliquée) et de lui être utile (résolutions de problèmes sociaux telles que le chômage, l’éclatement de la cellule familiale, la toxicomanie ou la violence urbain). 2) LA PSYCHOLOGIE SOCIALE : SA DEFINITION ET SON OBJET Cette discipline cherche à rendre compte des relations entre les individus et l’environnement social. Elle étudie les aspects psychologiques de la vie sociale et collective mais surtout des liens existants les organisations individuelles et les organisations sociales (opinion publique, rumeurs, sectes). Elle tente d’articuler le versant psychologique (cognitif, motivationnel, émotionnel…) avec l’insertion sociale des individus (groupes, relations interindividuelles, institutions) dans un environnement donné. La psychologie sociale élabore des connaissances sur les processus fondamentaux de l’influence que les hommes exercent entre eux, aussi bien dans les études de gestion que de sciences politique, de droit, d’histoire, de communication. Et plus précisément, c’est la branche de la psychologie qui s’intéresse aux transformations des comportements et des caractéristiques psychiques que subit l’individu en société. Elle s’occupe de toutes les interactions sociales que se soit dans les relations familiales, amicales, professionnelles… Pour elle, l’homme isolé n’existe pas (concept du Sujet individuel-Sujet social-Objet), c’est la science des interactions (objet d’étude) entre les individus, entre les individus et le groupe, entre groupes. L’étude des interactions concerne les attitudes, les normes sociales, l’influence sociale, l’identité et les représentations sociales. Ainsi, elle ne cherche pas à expliquer les phénomènes intérieurs au psychisme individuel qui oriente les conduites de l’individu (objet de la psychologie de la personnalité comme la psychanalyse) ; ce qui l’intéresse c’est les phénomènes sociaux qui orientent les conduites. Pour les psychosociologue, on ne peut saisir la réalité psychique de l’individu que dans sa relation aux autres individus dans une culture donnée. Pour eux, le psychisme ne se situe pas que dans la tête de l’individu et le comportement individuel a sa source dans l’interaction à l’autre. Même quand on est physiquement seul, les autres sont présents en pensée et détermine la manière dont vous vivez votre solitude. Cependant, les systèmes sociaux n’existent pas indépendamment des individus qui s’y meuvent. La réalité psychique est à la fois individuelle et sociale. La psychologie sociale s’intéresse globalement à deux terrains de recherches sur le terrain, avec d’une part la recherche théorique expérimentale (exemple : les cogniticiens travaillant 24 sur l’inférence) et la pratique centrée sur des tâches professionnelles (exemple : les cliniciens travaillant sur les processus conscient-inconscient dans le registre affectif). La psychologie sociale est l’une des sciences humaines et sociale qui intéresse le plus les managers et les hommes politiques, car elle donne les moyens de comprendre et d’agir sur les hommes et les groupes. Par exemple, l’exigence du « toujours plus » (toxicomanie au pouvoir) du monde du travail, qui va de paire avec l’implication des salariés, nécessite une motivation et une capacité à être entrepreneur de sa vie. Il est intéressant de distinguer la psychologie sociale de la sociologie, car elles s’occupent toutes les deux de relations sociales et de comportements individuels en groupes. La première différence passe par l’unité d’observation : - la psychologie sociale travail (par l’expérimentation) sur des objets de tailles restreints (petit groupe) et se cible plus l’individu dans le groupe, en cherchant à expliciter les processus en ramenant l’individuel au le collectif et inversement. - la sociologie travail (par l’observation) sur des objets plus vaste (profession agricole, système d’éducation) et se cible plus sur la structure des groupes, en cherchant à expliquer les phénomènes collectifs par eux-mêmes. Par exemple, pour expliquer l’échec scolaire, les psychologues sociaux évoqueront des facteurs relationnelles telles que la place de l’enfant dans la famille, alors que les sociologues auront recours à des facteurs sociaux telles que le niveau socio-économique des parents. 3) LES DIFFERENTS COURANTS DE LA PSYCHOLOGIE SOCIALE La psychologie sociale se compose de différentes orientations théoriques pour appréhender la diversité des phénomènes. -Le courant comportementaliste correspond au béhaviorisme qui est fondée sur l’observation du comportement (stimulus-réaction ). Pour les psychologues sociaux qui s’appuient sur cette théorie, il est possible de déterminer le comportement des individus en manipulant le milieu. Cette approche montre le pouvoir d’influence d’un environnement sur les interactions humaines (exemple : les facteurs jouant sur les comportements altruistes). -Le courant cognitiviste met l’accent sur les processus mentaux (représentations et perceptions du monde) qui déterminent les comportements. Les psychologues socio-cognitivistes s’intéressent, de façon expérimentale, à l’effet des pensées (opérations mentales) qui adaptent les conduites sociales des individus et étudient l’impact des effets du contexte sur les processus cognitifs. -Le courant clinique et psychanalytique situe l’activité de pensée (rationnelle, imaginaire et affective) dans la vie collective (pour Lacan « l’inconscient, c’est le social). Ainsi, la dimension sociale de l’inconscient impose la prise en compte du lien social (subjectivité et affectivité) qui est présent dans tous les rapports humains. La relation de l’individu à un autre et à un groupe, est considérée comme phénomène social dans on versant psychoaffectif en tant que pulsion sociale. On parle de dynamique de groupe, de psychodrame et de psychanalyse de groupe. 25 -Le courant culturaliste montre l’influence (la dynamique) des règles et des rôles (leader) sur les comportements inter-individuels dans une société. La psychologie sociale utilise différentes méthodes selon leurs orientations théoriques et leurs objectifs de recherche. Les principales méthodes de recherche, qu’elle utilise, sont l’interrogation avec le questionnaire et l’entretien (traitement statistique) et l’observation directe, sur un groupe dans une situation et dans un type d’activité. Avec l’expérimentation (techniques de mesure), le chercheur manipule un facteur (variable indépendante) pour vérifier l’existence (et le sens) d’une relation causale sur une autre facteur (variable dépendante). Un exemple de recherche expérimentale connu en psychologie sociale est celle de Milgram (1964) qui vise à étudier les effets de la punition sur le processus d’apprentissage. Cette expérience a été repris dans le film de « i comme Icare »avec Yves Montand. Dans cette expérience, il amène des sujets ordinaires à commettre des actes violents par la soumission à l’autorité. L’expérimentateur demande à un sujet de prendre le rôle de professeur et de punir, à chaque erreur, un autre sujet qui tient le rôle de l’élève. Pour chaque réponse erronée, l’élève se voit affliger une punition à l’aide d’une décharge électrique qui augmente au fil des réponses fausses. La personne jouant l’élève est complice de l’expérience et simule donc la douleur provoquée à chaque choc électrique factice. La personne « professeur », objet de l’expérience, fait 4 injonctions pour obliger pour pousser l’élève à continuer à répondre par conformisme. 65% des sujets ont été jusqu’au choc maximal, 450 volts, qui est théoriquement mortel. Pour rendre compte de cette soumission, Milgram fait l’hypothèse d’un état particulier de la personnalité en position de subordination qui se trouve déresponsabilisée face aux exigences de l’autorité. Un tel état serait appris dans les instances de socialisations (famille, école…) et s’opposerait à l’état d’autonomie. 4) LES OBJETS D’ETUDE DE LA PSYCHOLOGIE SOCIALE Les thèmes principaux sont les interactions sociales, les attitudes, les normes sociales, l’influence sociale, l’identité et les représentations sociales. -L’ interaction sociale dans les groupes restreints (petits groupes) est un des domaines les plus étudié de cette discipline. Le groupe est abordé comme une entité essentielle qui permet l’élaboration de l’identité par la confrontation à l’autre, dans sa ressemblance et sa différence. Le groupe se constitue à partir de trois où quatre à plusieurs personnes qui interagissent ou communiquent. Les phénomènes d’emprise (cohésion), de différenciation (adhésion) et de leadership gèrent la vie des groupes et intéressent les psychologues. La sociométrie de Moreno (1889-1974) mesure et étudie les relations affectives qui se constituent dans un groupe. Pour lui, toute relation humaine est par essence affective (sympathie-antipathie) qui s’installe grâce à la proximité physique et aux affinités (homophilie). 26 En psychologie sociale, l’agressivité est très étudiée dans les situations d’interactions. Elle désigne toute tendance visant à causer un tort à un individu ou à un groupe. Les comportements agressifs prennent plusieurs forme dont la violence est la plus apparente (l’ironie, l’autorité, critique…). L’agressivité est direct (dirigé contre la source du déplaisir) ou indirecte (décharger sa frustration ailleurs que sur la source), individuelle ou collective. L’agressivité est une des réponses possibles à la frustration qui est l’obstacle à la satisfaction d’un désir. Il y a conduite agressive dans une situation de compétition, si le déplaisir d’autrui (douleur, humiliation) intervient, consciemment ou non, dans la motivation de l’ambitieux. K. Lewin (1890-1947), figure importante de cette discipline, montra que les individus réagissent différemment à la frustration et qu’elle peut conduire soit à la passivité, soit à l’agressivité. Il pense les interactions sociales comme des processus dynamiques et conflictuels nés de la rencontre entre l’individu et son environnement (la dynamique des groupes : la crainte de s’écarter des normes du groupe (équilibre) est la principale source de résistance au changement). V LA PSYCHOLOGIE DU SPORT Nous n’aborderons dans ce chapitre que quelques brèves généralités sur la psychologie du sport, qui sera développer dans d’autres U.E. La psychologie du sport est en plein essor depuis une vingtaine années, se nourrissant et se basant pour son objet d’étude, des quatre dimensions de la psychologie présentées précédemment. Cette discipline a sue avec le temps se démarquer et avoir sa propre spécificité. Elle se propose d’appréhender des domaines variés qui touchent le sportif, sa pratique, son contexte, sa performance et ses interactions aux autres. Le sport constitue une pratique à risque au niveau physique mais aussi au niveau psychique. Ainsi, cette discipline scientifique intervient à différents niveaux comme la préparation à la compétition, la recherche ou dans la prévention. Et plus précisément, son étude cible les facteurs psychologiques (leurs problèmes et leurs effets) en interaction avec les aspects: relationnel et groupal, comportemental, de la personnalité au niveau affectif ou cognitif portant sur les motivations, les capacités motrices, les conditions d’apprentissage… La psychologie du sport est un outil qui permet l’amélioration des performances sportives et de l’équilibre psychologique de l’individu ou du groupe. 27