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Le républicain lorrain
15/10/2011
Pourquoi les algues grignotent-elles la Bretagne ?
Depuis environ quarante ans, déjà, la Bretagne, victime des rejets de nitrates dus en grande partie aux engrais utilisés dans
l'agriculture et à l'élevage intensif des porcs, n'en peut plus des algues vertes qui s'accumulent sur ses plages. La mort de trente-
six sangliers cet été relance le débat, car ces algues vertes sont aussi dangereuses pour les animaux que pour les hommes.
La Bretagne comporte beaucoup de baies et de petites criques fermées et confinées qui favorisent le développement des
végétaux marins. Dans cette région pilote en matière d'agriculture et d'élevage avicole et porcin, les activités ont
considérablement augmenté la teneur en nitrates des sols et des cours d'eau. Ce sont ces mêmes nitrates qui favorisent
aujourd'hui la multiplication des algues vertes, en particulier de l'ulve ou « laitue de mer ». Les pluies abondantes de la région
n'arrangent rien, entraînant avec elles les surplus de matières azotées qui proviennent des engrais et du lisier vers les cours
d'eaux et les réseaux d'eaux pluviales qui s'écoulent ensuite dans la mer. Les plages contaminées, bien que nettoyées en
permanence, sont parfois frappées d'interdiction de baignade et fermées à la population.
Pourquoi est-elle dangereuse ?
Cette algue verte se dépose en quantité sur les plages bretonnes, en particulier sur les plages du Finistère et des côtes d'Armor
où elle s'accumule et blanchit en pourrissant. En se décomposant, elle dégage une trentaine de gaz dont le sulfure d'hydrogène
(H2S), qui, inhalés par les vertébrés, provoquent des malaises ainsi que d'autres complications (asthme, conjonctivite, œdème
pulmonaire) pouvant entraîner rapidement la mort. Si vous vous trouvez seul dans un secteur fortement contaminé, et que vous
continuez à inhaler ce gaz, la mort peut survenir en quelques minutes. Cette décomposition des algues constitue donc un réel
danger et un risque très sérieux pour l'homme (mort d'un transporteur d'algues en 2009, grave coma d'un ramasseur de «
laitues de mer » en 2008, mort d'un cheval dont le cavalier a été lui-même victime d'une intoxication aiguë…). Cette particulière
dangerosité est surtout valable pour l'ulve qui contient beaucoup de soufre, molécule qui entre dans la composition du sulfure
d'hydrogène. Cette algue a une manière toute particulière de se décomposer, qui la rend encore plus dangereuse : elle échoue
sur le sable sous forme de tas qui sèchent au soleil. La couche superficielle des amas forme une croûte qui durcit sous l'effet de
la chaleur et du soleil et devient ainsi imperméable. Les algues qui se trouvent emprisonnées à l'intérieur de ces amas entrent en
putréfaction sans aucune pénétration d'oxygène, ce qui est très favorable à la production du sulfate d'hydrogène.
Un plan de lutte
Élaboré en février 2010, ce plan prévoit d'améliorer d'ici à 2015 la gestion des algues et de prévenir la prolifération en réduisant
les flux de nitrates déversés dans les bassins par les eaux pluviales. Ce plan concerne en premier lieu les huit baies bretonnes les
plus exposées. Il comprend trois volets : un volet sécuritaire qui porte sur l'amélioration des connaissances et la gestion des
risques, un volet relatif aux actions curatives – amélioration du ramassage et du traitement des algues échouées – et un dernier
volet préventif qui concerne les actions à mettre en œuvre pour limiter les flux d'azote déversés sur les côtes.
S. Seuron