
9èmes Journées Francophones de Thérapie familiale systémique de Lyon – mai 04
RESSOURCES ET COMPETENCES : Intérêts et limites de ces concepts. Qu’en fait le systémicien ?
Dr Vanghélis Anastassiou - 108, avenue des Ternes - 75017 Paris - tel : 0145747980 – fax : 0140687839 – email : anastassiou@online.fr
arguments avancés pour justifier la situation d’urgence actuelle. Aux urgences comme dans le
service de l’alcoologie, bien que convaincu que l’alcoolique mente on s’intéressera à son
discours d’alcoolique. Après tout c’est bien connu que l’alcoolisme est une maladie
chronique, à rechutes, pour laquelle on ne peut pas grande chose.
« Soignez-moi, bien que je ne crois pas à votre compétence », « Je vous soignerai, bien que je
ne crois pas à votre motivation » !
Dans ce marché des dupes, chaque acteur tiendra, sans faille, son rôle : qui de l’alcoologue,
qui de l’alcoolique, qui de l’entourage ! Peu à peu les rôles tiendront lieu d’identité :
l’alcoolisme est un trouble d’identité (et pas uniquement celle de l’alcoolique !). Peu à peu les
scénarios répétitifs remplaceront les liens relationnels : l’alcoolisme est une pathologie de
lien.
Personne n’avancera à visage découvert, malheureusement !
4) Compétences imprévisibles du système de soins et ressources inattendues de la
famille
Toutefois, le cinquième personnage, interpellé lors de l’urgence, peut chercher une nouvelle
interprétation de la situation, faire part à l’alcoolique et à son environnement de ses doutes
quant à la version officielle de la situation, et leur demander de collaborer pour comprendre
autrement la répétition des alcoolisations, des violences, des comas, des annonces de rupture
sans lendemain. C’est une invitation à former un système thérapeutique qui évoluera sur une
période longue, car l’alcoolisme est une maladie chronique. Le système thérapeutique
s’intéressera à ce qui fait souffrir les uns et les autres, bien au-delà et bien avant la
consommation abusive de l’alcool. Est-ce que la vie familiale peut être organisée autrement
qu’en fonction des alcoolisations ou de l’abstinence de l’alcoolique ?
Pour former le système thérapeutique, il faut être, d’abord, convaincu que l’urgence
alcoologique n’est pas le lieu idoine pour valider ses compétences en alcoologie ; puis, il faut
convaincre l’alcoolique que ce n’est pas, vraiment, le moment pour nous prouver qu’il est bel
et bien un vrai alcoolique ; il ne faut pas oublier les proches, qui habituellement
l’accompagnent aux urgences : ils n’ont pas à nous convaincre, pour cette fois, au moins,
qu’ils n’en peuvent plus : nous en sommes persuadés d’avance.
L’urgence est, par contre, une bonne occasion pour demander à l’alcoolique si, à part nous
parler de l’alcool, il voudrait bien s’exprimer sur tout autre aspect de sa vie. Comment fait-il
pour avoir une vie familiale et conjugale sans se sentir coupable d’avoir négliger ses parents ?
Comment fait-il pour entretenir une relation psychothérapique, si c’est le cas, sans se sentir
déloyal face à son conjoint ou ses parents ? L’alcoolisme est une pathologie de
l’autonomisation. Pendant qu’il boit, qu’est-ce qu’il est en train de transmettre à ses enfants?
Qu’est-ce qu’il a reçu de ses parents, comme legs ? Parfois, lorsqu’il est violent avec son
conjoint et ses enfants, nous pouvons lui demander s’il ne se sent pas très seul, s’il ne s’est
pas isolé volontiers, pour ne pas trop encombrer son conjoint ou ses parents dans la prise en
charge de ses enfants. Il est fort probable que l’alcoolique ne trouve pas sa place, ou qu’il se
croit déjà fini. L’alcoolisme est une pathologie de différenciation de soi et de l’individuation.
Nous pouvons, de même, interpeller les proches qui l’accompagne pour témoigner sur les
« traces » que la fréquentation de l’alcoolique, durant tant d’années, a laissé sur leur
personnalité ; D’où, pensent-ils puiser la force et la patience pour continuer à vivre avec et à
vouloir guérir un alcoolique ? Qu’est-ce qu’il changera pour eux si l’alcoolique cesse un jour
de boire définitivement ? Se trouver aux urgences c’est croire déceler chez leur malade
alcoolique un risque vital : comment pensent-ils la mort et la séparation ?
Finalement, il faut que tous soient convaincus que c’est une belle occasion pour « causer à
propos de plein de choses ».