L’intervention publique sur les marchés inefficaces : encadrer ou nationaliser ? NB : les motifs d’inefficacité ne sont pas à développer en eux-mêmes, à redémontrer pour traiter le sujet. Il faut d’emblée réfléchir aux modalités de l’intervention publique. Le sauvetage du système bancaire après la crise des subprimes a souvent nécessité une recapitalisation par les pouvoirs publics qui s’est traduite de facto par des nationalisations, notamment en Islande, en Grande-Bretagne (Northern Rock et Royal Bank of Scotland) et aux Etats-Unis (Fannie Mae et Freddie Mac). Mais cette nationalisation a généralement été présentée comme une solution temporaire et de dernier recours, soigneusement évitée dans la plupart des pays, notamment en France. C’est plutôt l’encadrement du financement de l’économie qui a été renforcé pour en corriger les dysfonctionnements : union bancaire européenne, loi de séparation et de régulation des activités bancaires en France, loi Dodd-Frank aux Etats-Unis, accords de Bâle III au niveau international. Ce choix contraste avec le précédent historique de la crise de 1929, dont l’épilogue en France est la nationalisation d’une large partie du système bancaire après la deuxième guerre mondiale. L’inefficacité d’un marché se définit par le critère de l’optimum de Pareto. Un marché est inefficace si on peut modifier l’allocation des ressources de sorte à améliorer la situation d’un agent, sans détériorer celle d’aucun autre. L’intervention publique peut alors corriger le dysfonctionnement du marché. Elle peut se faire par l’encadrement, c’est-à-dire par des règles et des incitations orientant l’activité des entreprises privées et des consommateurs. Mais elle peut prendre la forme de nationalisations. Les pouvoirs publics peuvent prendre le contrôle du capital d’une entreprise, en devenir un actionnaire majeur, majoritaire, voire exclusif. La nationalisation crée une entreprise publique, c'est-à-dire dont l’Etat détient au moins 50% du capital. En deçà de ce seuil, certaines entreprises sont partiellement nationalisées. Par exemple, la fusion entre le groupe privé Suez et l’entreprise publique GDF en 2007 a conduit à une privatisation partielle. L’Etat reste un actionnaire important mais minoritaire du nouveau groupe, détenant environ 40% de son capital. L’intervention publique semble avoir historiquement oscillé entre la nationalisation, dominante pendant les 30 Glorieuses, et l’encadrement, depuis les vagues de libéralisation et de privatisation des années 1980. Dans quelle mesure l’intervention publique est-elle soumise à un arbitrage entre encadrement et nationalisation ? I) Les nationalisations peuvent rendre les marchés plus efficaces. I-A) Pour les monopoles naturels Pour des activités à coûts fixes importants, l’échelle minimum efficace peut être suffisamment élevée pour induire un monopole. Une deuxième entreprise entrant sur le marché ne disposerait pas de débouchés suffisants pour amortir les coûts fixes. Les activités de réseaux constituent ainsi des monopoles naturels. Dans ce cas, la concurrence par le démantèlement ne doit pas être visée, puisqu’elle nuirait à l’efficacité productive. Par ailleurs un monopole privé pratiquera une stratégie de mark-up, c’est-à-dire un prix de vente lui permettant de maximiser son profit. Le monopole privé réduit ainsi non seulement le surplus des consommateurs, mais aussi le surplus collectif par la contraction des échanges. La nationalisation du monopole naturel est Pareto-optimale. Le monopole public peut tarifer prix, P(Q) au coût marginal. Ce tarif Popt permet coût de vendre une quantité Qopt et de maximiser le surplus collectif. C’est l’optimum de premier rang. CM Cependant il induit des pertes (aire grisée) pour le monopole public qui pèsent sur les finances de l’Etat Cm actionnaire. L’Etat peut alors préférer tarifer PCM au coût moyen. Ce tarif PCM réduit le surplus collectif en raison d’une Popt contraction de la production de Qopt à QCM. Mais il préserve l’équilibre financier du monopole public. C’est QCM Qopt quantité l’optimum de second rang. Les monopoles publics multi-produits peuvent appliquer à leur grille tarifaire le principe de RamseyBoîteux. (F. Ramsey, "A Contribution to the Theory of Taxation", Economic Journal, 1927 / M. Boîteux "La tarification de la demande en pointe : application de la théorie de la vente au coût marginal", Revue Générale d'Electricité, 1949). Les tarifs sont alors inversement proportionnels à la valeur absolue de l’élasticité-prix de la demande. Cette différenciation tarifaire est notamment pratiquée par la SNCF ou EDF, longtemps dirigée par M. Boîteux. Elle permet de concilier équilibre financier et efficacité productive. I-B) Pour les biens collectifs A. Smith (Recherche sur la nature et les causes de la Richesse des Nations, 1776) observait déjà que les routes et les ponts pouvaient difficilement être financées par les acteurs privés et la régulation marchande. P. Samuelson précise la définition des biens collectifs par les critères de non-exclusion et de non-rivalité. P Cm DA P2 P1 D1 QA D2 Q La non-rivalité peut justifier la nationalisation de la production. La demande agrégée d’un bien non-rival s’obtient en additionnant la disposition à payer chaque quantité par les consommateurs. En effet, cette quantité est consommée simultanément par les consommateurs. On construit ainsi la demande agrégée DA à partir des demandes individuelles de deux consommateurs D1 et D2, en les sommant verticalement. Ainsi, pour un coût marginal Cm, il est optimal de produire QA, dont le prix sera financé par la somme de P1 et P2, les contributions respectives des consommateurs 1 et 2. On remarque qu’isolément, aucun des consommateurs n’est prêt à financer le bien collectif pour ce prix Cm. Le bien collectif ne peut être financé que collectivement. La non-exclusion peut également justifier la nationalisation de la production. La production privée d’un bien non-excludable se heurte au problème du passager clandestin. Des agents opportunistes tendront à consommer le bien sans en financer la production. Il revient alors à l’Etat de déterminer l’optimum de production. Le noyau dur du secteur public, des fonctions régaliennes (défense, justice, police) jusqu’aux infrastructures et à la culture, correspond aux biens collectifs. I-C) Pour les biens tutélaires Les pouvoirs publics peuvent encourager ou décourager la consommation de biens tutélaires pour des raisons éthiques, sociales, politiques. La nationalisation accompagne souvent cette mise sous tutelle, qui a également des fondements économiques en termes d’efficacité. Les dépenses de santé présentent de fortes externalités positives. La vaccination protège ainsi le vacciné, mais aussi freine la propagation des maladies au sein de la population, y compris non vaccinée. Le financement privé de la vaccination serait donc sous-optimal car les individus n’incorporent pas à leur décision cette protection indirecte d’autrui qui ne donne lieu à aucune compensation monétaire marchande. L’assurancemaladie gagne aussi à être nationalisée pour mieux gérer les asymétries d’information entre assureurs et assurés. Un contrat d’assurance maladie est toutes choses égales par ailleurs plus attractif ex-ante pour une personne en mauvaise santé, l’assureur privé est donc soumis à un risque d’anti-sélection. La signature du contrat peut expost relâcher les efforts de prophylaxie des assurés, l’assureur privé est donc aussi soumis à un risque d’aléa moral. Un assureur privé peut gérer l’anti-sélection en profilant et segmentant la clientèle, au risque d’exclure la fraction la moins bien portante, et de détériorer la santé publique. Une assurance obligatoire publique élimine ces difficultés. Elle permet par ailleurs de réaliser des économies d’échelle sur les coûts de gestion, et de constituer un monopsone sur les marchés pharmaceutiques. On comprend alors qu’à niveau de dépenses bien plus faible, les pays européens dotés d’une assurance-maladie publique obligatoire étendue affichent une espérance de vie en bonne santé comparable aux Etats-Unis. L’éducation présente également de fortes externalités positives. Les expériences naturelles occasionnées par mai 68 et la fin de la circonscription obligatoire suggèrent que l’éducation permet bien l’accumulation du capital humain (E. Maurin, La nouvelle question scolaire, les bénéfices de la démocratisation, 2007), à rebours de la théorie de l’éducation comme signal de productivité (M . Spence, Market Signaling, 1974). Or le rendement social de l’investissement en capital humain est plus élevé que son rendement privé. A. Smith remarquait déjà que l’éducation au sens large devait être prise en charge par l’Etat pour compenser les effets délétères de la division du travail sur l’entendement des travailleurs. La gratuité et l’obligation scolaire au sein d’un système public a donc des fondements économiques. L’investissement et son financement peuvent également gagner en efficacité par une nationalisation partielle. L’usage d’une monnaie constitue un bien collectif, ce qui rend compte de la centralisation progressive du système bancaire, avec la création de banques centrales, puis leur nationalisation (en 1945 en France). Le modèle keynésien de la croissance sur « le fil du rasoir » pointe les difficultés des marchés à dégager un niveau d’investissement permettant une croissance équilibrée. (E. Domar "Capital Expansion, Rate of Growth and Unemployment", Econometrica, 1946 / R. Harrod, Towards a Dynamic Economics, 1948). La prise de conscience de ces difficultés a justifié la nationalisation après la Deuxième Guerre Mondiale de larges pans des secteurs moteurs de l’investissement, comme l’énergie en France, sous l’égide de la planification indicatrice et dans le contexte du Plan Marshall. Le contexte actuel nécessiterait un retour de l’investissement public et donc la croissance de la fraction nationalisée de la production selon Tim Jackson (Prospérité sans croissance, 2009). La transition énergétique met en jeu des biens collectifs et des externalités, des investissements dont le rendement privé dans l’immédiat est faible et le rendement social dans le long terme considérable. De plus après la crise financière, la restriction du crédit au secteur privé et le niveau faible des taux d’intérêt obligataires sont propices à l’investissement public. Les effets d’équilibre général de l’investissement et de son financement font donc que l’économie de marché peut être rendue plus efficace par leur nationalisation partielle. Le développement par nationalisations d’un vaste secteur public prenant en charge les services publics a donc des fondements économiques. L’économie de marché peut même gagner en efficacité en étendant ce secteur public au-delà de son noyau dur. Pourtant, le secteur public est de taille très variable selon les pays et surtout en reflux dans les quatre dernières décennies. Pourquoi l’encadrement a-t-il de plus en plus été privilégié aux nationalisations ? II) Encadrer les marchés est apparu progressivement comme un mode d’intervention plus efficient Depuis les années 1970, des vagues de privatisation accompagnées de nouvelles réglementations ont fait de l’encadrement des marchés le mode dominant de l’intervention publique sur les marchés inefficaces. Cette réorientation s’est appuyée sur des travaux économiques plaidant pour l’encadrement de préférence aux nationalisations. II-A) Les effets pervers des nationalisations… L’école du « Public Choice » abat le mythe de l’Etat bienveillant. Les choix de l’Etat sont dictés par les intérêts des décideurs politiques, qui ne reflètent pas forcément les préférences collectives (J. Buchanan & G. Tullock, The Calculus of Consent, Logical Foundations of Constitutional Democracy, 1962). La détermination des préférences collectives est d’ailleurs dans l’absolu problématique (N. Condorcet, Essai sur l'application de l'analyse à la probabilité des décisions rendues à la pluralité des voix, 1785). Ces critiques s’adressent potentiellement à toute forme d’intervention publique, mais lorsqu’il s’agit de nationalisation, l’opportunisme du décideur et sa capture par des lobbies ont aussi des conséquences budgétaires. L’analyse économique de la bureaucratie (W. Niskanen, « Deficits, Government Spending and Inflation : What is the Evidence », Journal of Monetary Economics, 1978) dégage les causes de l’inefficacité dispendieuse du secteur public nationalisé. Les citoyens, représentés par les décideurs politiques, sont dans une relation d’agence avec les bureaucrates. Les citoyens et les décideurs politiques connaissent la valeur d’usage des services publics, mais pas leur coût de production, mieux connu des bureaucrates. Les bureaucrates peuvent exploiter cette asymétrie d’information. Si on considère que l’utilité des bureaucrates croît avec le niveau de la production de service public et leur budget discrétionnaire dégagé par la différence entre le budget alloué et le coût de production réel, alors la nationalisation aboutit à une surproduction et à l’extraction d’une rente par les bureaucrates au détriment des usagers. Les gaspillages du secteur public nationalisé tiennent aussi au comportement des consommateurs. La nationalisation peut conduire à la surconsommation, par exemple à la surconsommation médicale lorsqu’elle est prise en charge par la protection sociale. La « tragédie des communs » (G. Hardin, Science, 1968) a ainsi été résorbée par les enclosures, c’est-à-dire par la privatisation des pâturages. II-B) … ont motivé privatisations et ouverture à la concurrence… Les monopoles naturels et les biens collectifs peuvent donner lieu à des délégations de services publics. L’objectif de maximisation du profit pousse le monopole privatisé à réaliser des gains de productivité, tandis qu’un cahier des charges peut garantir les intérêts des usagers en fixant la qualité, voire le prix des prestations. Déjà ancienne pour certains services publics comme l’eau en France, la délégation s’est fortement étendue avec les privatisations après les Trente Glorieuses. En France une partie des services de réseaux, les grandes banques et les grandes entreprises publiques de l’industrie sont privatisées à partir de 1986. Ces marchés sont également déréglementés et ouverts à la concurrence. L’échec de la loi Savary en 1984 met un terme au projet de service public unifié de l’éducation et sanctuarise la coexistence d’écoles publiques et privées. Cependant ce processus de privatisation et d’ouverture à la concurrence montre que l’équilibre concurrentiel n’est pas naturel, spontané, mais résulte d’un encadrement institutionnel. C’est d’ailleurs dans les secteurs déréglementés que les entorses à la concurrence les plus conséquentes ont été sanctionnées au cours des dernières décennies : prix prédateurs dans le transport aérien américain dans les années 1980, entente sur la téléphonie mobile en France en 2005, sur les taux Euribor et Libor entre banques européennes l’an dernier. Le laissez-faire tend à la monopolisation, poursuivie par les stratégies des entreprises. La délégation de service public instaure une relation d’agence entre l’Etat / principal et l’entreprise privée chargée de mission de service public / agent. L’entreprise privée dispose généralement d’une expertise, d’une information de meilleure qualité que l’Etat. J. Tirole a modélisé ces problèmes découlant de la privatisation et de l’ouverture à la concurrence. Ces modèles suggèrent qu’il n’y a pas de « one best way », de solution optimale partout. L’arbitrage entre nationalisation et encadrement, le degré et les formes d’encadrement sont à adapter aux spécificités de chaque activité. Les choix publics sont d’ailleurs évolutifs et devenus plus gradualistes. Après les grandes vagues de nationalisations en 1982 et de privatisations en 1986-1987, le principe du « ni-ni » (ni nationalisation ni privatisation) s’applique par des options plus complexes. Ainsi, l’ouverture progressive du rail à la concurrence s’est amorcée par la séparation de la SNCF, gestionnaire du trafic et RFF, gestionnaire des infrastructures, et qui conserve un monopole institutionnel sur cette activité. Les dysfonctionnements consécutifs à cette scission motivent le regroupement en cours des deux entités. II-C) .. et la diversification des modalités d’encadrement des marchés Le reflux du secteur public s’accompagne d’une diversification des modalités d’encadrement des marchés, supposées remédier aux dysfonctionnements des marchés à moindres frais. Les préoccupations écologiques ont ainsi placé de nouveaux biens collectifs et externalités en tête de l’agenda politique, l’intervention publique a privilégié l’encadrement à des nationalisations qui auraient pu potentiellement s’étendre à toutes les activités polluantes ! La pollution est une externalité négative, le coût social des activités polluantes est plus élevé que leur coût privé. La nationalisation permettrait à un Etat bienveillant d’ajuster la production au niveau optimal Qopt. Mais la taxe pigouvienne est plus efficace. coût, prix Le coût marginal social (CmS) est supérieur au coût marginal privé (CmP) car il incorpore les externalités CmS CmP négatives. L’équilibre marchand décentralisé (Q*, P*) est sousoptimal car les producteurs se déterminent en fonction du CmP. L’équilibre marchand décentralisé induit une perte Popt sèche (aire grisée). P* t Les pouvoirs publics interviennent pour internaliser les externalités : - Par réglementation en fixant un plafond de production Qopt. (approche par les quantités) - Par une taxe pigouvienne de montant t (approche par les QoptQ* quantité prix) correspondant au coût externe. La taxe pigouvienne présente un double dividende par les recettes fiscales engendrées, et permet à chaque producteur d’ajuster son effort de dépollution à son coût, puisqu’il peut arbitrer entre la dépollution et le paiement de la taxe. La politique de la concurrence s’est développée et affinée, notamment avec les programmes de clémence pour démanteler et prévenir les cartels. Le débat scientifique entre Ecole de Harvard et Ecole de Chicago alimente la jurisprudence, qui peut s’appuyer à la fois sur des indicateurs comme l’indice d’Herfindahl ou invoquer la contestabilité des marchés examinés. Les privatisations sont contemporaines du reflux de la réglementation des prix. Cette coïncidence n’est pas fortuite : il s’agit de rendre l’intervention publique moins distorsive, de privilégier l’intervention indirecte par l’incitation à l’intervention directe par la nationalisation ou la réglementation coercitive. Les termes du choix de l’intervention publique sont peut-être à reformuler : plutôt que d’opposer la nationalisation à l’encadrement il faudrait opposer la coercition à l’incitation. III) L’intervention publique n’est pas strictement soumise à un arbitrage entre encadrement et nationalisation III-A) Un arbitrage factice ? Pour J. Schumpeter, la concentration des entreprises capitalistes bureaucratise leur fonctionnement, la figure de l’entrepreneur est appelée à s’effacer progressivement, et le capitalisme à se dissoudre insensiblement dans le socialisme (Capitalisme, socialisme et démocratie, 1942) Dans une perspective marxienne, l’Etat est un instrument aux mains de la classe capitaliste . Le choix de la forme d’intervention publique se présente comme un phénomène secondaire de la superstructure, les nationalisations d’entreprises en difficulté (on peut penser aux nationalisations des années 1970 et 1980 dans la sidérurgie, envisagées à nouveau récemment par A. Montebourg pour Arcelor-Mittal) et les subventions permettant de socialiser les pertes et de conforter le mode de production capitaliste. L’intervention publique quelque soit sa forme est exposée à la capture du régulateur. J. Stiglitz, F. Lordon et les économistes atterrés interprètent ainsi les privatisations et la libéralisation financières, et leur maintien après la crise des subprimes. C’est la résistance fructueuse des grands dirigeants de banques plutôt que la rationalité économique qui explique le non-recours à des nationalisations qui auraient été justifiées par la crise financière. III-B) Un arbitrage dépassé ? Le Poverty Action Lab s’efforce d’identifier par l’évaluation randomisée les programmes de développement efficaces, en mettant sur le même plan programmes publics et programmes privés. Pour ces chercheurs, la question du financement et de la gestion doit être séparée de la question de l’efficacité des interventions, qui doit primer. Le paternalisme libertarien pousse à son extrême la logique de l’incitation. Les nudges ou « coups de pouce » orientent l’individu à rationalité limitée vers les bons choix, pour un budget insignifiant. (R. Thaler & C. Sunstein, 2009) III-C) Arbitrer ou combiner ? La gouvernance des biens communs (E. Ostrom, 1990) relativise l’arbitrage entre encadrement et nationalisation. D’une part, la non-exclusion et la non-rivalité sont plutôt à considérer comme des cas-limites et des constructions sociales que des caractéristiques fondamentales des biens. D’autre part, l’opposition entre coordination marchande privée décentralisée et coordination non-marchande publique centralisée est aussi à relativiser. Les communs sont souvent efficacement gérée de façon hybride et à une échelle intermédiaire. Les incitations, les règles coercitives comme les nationalisations se présentent comme une intervention du haut vers le bas, qui orientent les agents supposés opportunistes vers des comportements souhaités. E. Ostrom met en relief les capacités de coopération et de régulation des agents eux-mêmes, par la construction de normes, le « cheap talk », des sanctions graduelles et modérées. La nationalisation provient souvent d’une surestimation des capacités organisatrices de l’Etat. La privatisation d’une surestimation de la « main invisible » du marché. Ainsi, lors de la colonisation la privatisation des ressources communes en a souvent dégradé la gestion. E. Ostrom défend le polycentrisme, c’est-à-dire la pluralité des instances publiques, privées ou semi-privées pour gérer les biens communs.