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ère
1
Partie –
La reconstruction pour la
croissance (1944-1957) :
la IVe République
• Profonde transformation de la politique
économique française après la 2nde guerre
mondiale : adoption d’une logique plus
dirigiste et interventionniste.
• Jusqu’au Front populaire, les pouvoirs
publics se gardaient d’intervenir dans
l’économie au-delà des traditions héritées
du colbertisme.
• Les conséquences de la crise de 1929 et
de la 2nde guerre mondiale vont
bouleverser ce contexte.
• A partir de 1944, l’impératif de reconstruction
implique la définition de nouveaux cadres à
l’intervention publique.
• Deux éléments sont mis en œuvre qui
conditionneront fortement et durablement
l’économie française :
– des politiques structurelles, visant à accroître le rôle
de l’Etat dans l’économie et son financement ;
– et une politique de régulation conjoncturelle, pour
assurer le développement de la croissance.
• Période 1944-1957 globalement caractérisée
par une très forte instabilité politique.
Chapitre 1 –
Un nouveau rôle de l’État : le
capitalisme à la française
(1944-1947)
Contexte politico-historique
• 1944-1946 : gouvernements provisoires
de la république française (GPRP) :
– Longue période de transition avant la mise en
place de la IVe République
– Le général de Gaulle en devient le premier
responsable en août 1944 ;
– mais démissionnera dès le 20 janv. 1946, en
raison de son désaccord avec le projet
institutionnel de la majorité (IVe Rép.).
• Ère du tripartisme entre :
– Communistes
– Socialistes
– et MRP (Mouvement républicain populaire), parti
démocrate-chrétien issu de la résistance.
• Après différents échecs, le projet de Constitution
de la IVe République est approuvé par
référendum le 13 oct. 1946 (à une très faible
majorité).
• Cette constitution est une solution de compromis
entre :
– les partisans de la prépondérance de l’Assemblée ;
– et ceux d’un pouvoir exécutif fort.
Contexte économique
• Le socle de l’intervention publique française est
défini entre 1944 et 1947, ce pour plusieurs
décennies.
• La France passe d’une économie en pénurie à
une économie en croissance.
• Face à une économie française exsangue :
– Infrastructures détruites
– Production industrielle 2 fois plus faible qu’en 1938
– Décès de 600.000 personnes et autant de prisonniers
• Un effort massif d’investissement est effectué et
de profondes réformes sont engagées.
• Notion de « réformes de structure » (aujourd’hui
usuelle) due à Pierre Mendès France.
• En référence à la nécessaire construction d ’une
« économie concertée » ou « économie mixte »,
alliant :
– nationalisations
– planification
– redistribution et protection sociale,
dans laquelle l’Etat entend jouer un rôle majeur
dans le cadre d’un capitalisme d’un nouveau
type.
Section 1 – Les nationalisations
• Programme élaboré dès 1943 par le
Conseil national de la Résistance (CNR),
qui propose :
« …l’instauration d’une véritable démocratie
économique et sociale, impliquant l’éviction
des grandes féodalités économiques et
financières de la direction de l’économie ; une
organisation rationnelle assurant la
subordination des intérêts particuliers à
l’intérêt général… ».
• Les nationalisations :
– recueillent l’adhésion de tous les partis ;
– s’interprètent soit comme des mesures d’épuration
(1ère vague), soit comme les prémices d’une nouvelle
forme de capitalisme ;
– mais sont surtout l’instrument le plus rationnel de la
modernisation économique de la France dans un
contexte d’économie de pénurie ;
– ne résultent finalement pas d’un plan d’ensemble,
mais seront le fruit de compromis politiques.
• On peut distinguer 3 phases successives.
1.1- De 1944 à 1945 des nationalisations
sanctions des pratiques de collaboration
• Le 13 déc. 1944, les Houillères du Nord et du Pas-deCalais deviennent les Houillères nationales :
– activité vitale
– propriétaires indemnisés.
• Le 16 janv. 1945, nationalisation des usines Renault :
– sans indemnisation au moins pour Louis Renault
– sanction pour avoir approvisionné l’ennemi pendant la guerre
– transformées en Régie nationale des usines Renault (RNUR)
sous la tutelle du ministère de la production industrielle
– dont il est convenu que le fonctionnement reposera sur la
doctrine de la participation ouvrière.
• Le 29 mai 1945, nationalisation du constructeur de
moteurs d’avions Gnome et Rhône :
– pour collaboration
– devient la SNECMA après indemnisation des actionnaires.
1.2- De déc. 1945 à mai 1946 : nationalisation
des moyens de financement
• La nationalisation des principales banques et
compagnies d’assurance donne aux pouvoirs publics la
maîtrise du financement de l’économie.
• L’ordonnance du 2 déc. 1945 nationalise la Banque de
France et les 4 grandes banques de dépôt à réseau
national :
–
–
–
–
Société générale
Crédit lyonnais
Comptoir national d’escompte de Paris
et Banque nationale pour le commerce et l’industrie.
• L’objectif est de limiter l’influence des banques « assez
puissante pour faire échec à l’intérêt national », selon le
général de Gaulle.
• En 1936, la banque de France avait été réformée, mais
sa nationalisation repoussée.
• Un débat existe sur les nationalisations au sein du
secteur bancaire :
– radicaux et MRP sont partisans de la nationalisation des
banques d’affaires ;
– mais le ministre des Finances, René Pleven, rétorque que ces
banques utilisent des capitaux à risque qui ne sauraient
supporter un contrôle de l’Etat, car contraires à la logique de
service public. Cette 2ème conception l’emporte.
• Le 25 avril 1946, parachevant la réorganisation du
système financier, sont nationalisées :
– 34 compagnies d’assurance,
– la Caisse nationale de réassurance
– et 2 mutuelles.
1.3- A partir de 1947 : des nationalisations pour
restaurer les infrastructures
• 3ème vague de nationalisations conduite par Paul
Ramadier.
• L’objectif recherché n’est plus une politique dirigiste,
mais la centralisation et la restauration des
infrastructures.
• Dès avril 1946, création d’EDF-GDF à partir de 869
entreprises d’électricité et de gaz.
• En 1948 :
– fusion de 3 compagnies de transport aérien (Air France, Air Bleu
et Air-France Trasatlantique), sous le nom d’Air France ;
– réorganisation de la SNCF ;
– création de la RATP (Régie autonome des transports parisiens).
1.4- Bilan des nationalisations
• Bilan impressionnant, mais finalement très en deçà de
certaines des ambitions initiales, établies par le CNR.
• Les industries pharmaceutiques, chimiques,
sidérurgiques… n’ont pas été concernées.
• L’Etat a considérablement renforcé son poids dans la
masse salariale française : 600.000 salariés concernés.
• Les entreprises publiques :
– deviennent les relais principaux de la politique d’investissement
– expérimentent les nouvelles analyses économiques de la
tarification publique : tarification au coût marginal en cas de
rendements croissants (marcel Boiteux)
– appliquent un principe d’égalité et de péréquation tarifaire : prix
identique pour tous les usagers
– Sont l’instrument privilégié d’une politique sociale originale, qui
fait émerger un modèle salarial appelé à se diffuser dans
l’ensemble de l’économie : sorte de « laboratoire social »
(exemple de Renault).
Section 2 – La planification
• Contexte particulier :
– Rejet du libéralisme des années 1920
– Nouvelle génération de dirigeants éco (hauts
fonctionnaires, économistes, ingénieurs).
• Participe de l’affirmation du rôle de l’État.
Concept d’économie mixte, combinant :
– principe de liberté du commerce et de l’industrie
– et intervention publique
• Planification = intervention publique planifiée
rationnellement pour moderniser l’économie.
• La planification « à la française » :
– est de nature indicative, et non impérative
(Gosplan soviétique) ;
– et incitative : propose des orientations ;
– vise à coordonner les pol. éco. (seule
administration transversale) ;
– est élaborée par concertation avec des
représentants patronaux et syndicaux
(logique consensuelle issue du CNR) ;
– est mise en œuvre par le Commissariat
général du Plan (CGP).
• Commissariat général du Plan (CGP) :
– créé le 3 janvier 1946 (initialement pour une durée
limitée à 6 mois) ;
– sur proposition de Jean Monnet, qui en devient le
premier Commissaire.
• CGP composé de 24 « commissions de
modernisation » :
– associant fonctionnaires, chefs d’entreprise et
syndicalistes ;
– qui sont des instances de concertation et de
prospection éco. et sociale.
• Le CGP drainera l’essentiel de l’aide
économique liée au Plan Marshall.
•
•
Plusieurs Plans, du Ier Plan au XIe Plan, vont
se succéder jusqu’aux années 1990.
On distingue 3 phases successives dans la
planification française (cf. document) :
1. La phase « dirigiste » visant au redressement de
l’éco. (du Ier au IIIe Plans) ;
2. La phase moins dirigiste de recherche de la
croissance planifiée (IVe et Ve Plans);
3. La phase du déclin de la planification.
•
Le CGP a été remplacé en mars 2007 par le
CAS (Conseil d’analyse stratégique) à
l’initiative du Premier ministre Dominique de
Villepin.
• Ier Plan (1947-1952), appelé « plan de
reconstruction » :
– Secteurs prioritaires : charbon, acier, ciment,
électricité…
– Objectifs ambitieux :
• regagner dès 1948 le niveau de production de
1938 ;
• atteindre en 1949 celui de 1929 ;
• puis + 25 % à l’horizon de 1950.
– Objectifs pas atteints en 1950, mais dépassés
en 1952.
Section 3 – Les bases de l’Etat-providence
et d’un modèle salarial protecteur
3.1- La réforme de la Sécurité sociale
•
•
•
•
Pierre Laroque est chargé de la réforme de la
protection sociale.
Projet basé sur la solidarité (entre classes,
générations) et la « démocratie sociale ».
Les ordonnances de 1945 instituent la Sécurité
sociale, qui est l’institution visant à assurer la prise en
charge de risques sociaux en contrepartie de
cotisations.
Le système de Sécurité sociale repose sur 3 grands
principes :
1.
2.
3.
L’universalité : concerne toute la population
L’unité : un seul système national et public
L’uniformité : droits équivalents de tous les individus.
•
Mais dès l’origine, le principe d’unité n’est pas
respecté à la lettre, car :
–
–
de nombreux régimes spéciaux ou autonomes
coexistent (fonctionnaires, agents publics
notamment)
à côté du régime général des salariés, qui se
décompose en 3 branches :
1. Maladie
2. Vieillesse
3. Famille.
•
Le système français de Sécurité sociale
emprunte à la fois :
–
–
–
aux systèmes anglais (rapport Beveridge, 1943) et
allemand (Bismarck, 1881).
aux logiques d’assistance et d’assurance
permet la mutualisation des risques.
Système
beveridgien
Système
bismarckien
Système
français
Protection sociale
pour tous
Assurances sociales
pour tous
Assurances sociales
pour tous
Gestion par l’État
Gestion décentralisée
(par caisses)
Gestion décentralisée
(caisses sous la tutelle
de l’État)
Financement par
l’impôt
Financement par
cotisations sociales
plafonnées sur les
salaires
Financement par des
cotisations (et par
l’Etat depuis quelques
années)
Prestations sociales
forfaitaires
Prestations sociales
proportionnelles
plafonnées
Prestations sociales
proportionnelles
assorties de minima
sociaux subsidiaires
3.2- Autres mesures
• Création de la médecine du travail en 1948.
• Rétablissement des procédures de conventions
collectives en 1946 :
– Introduites en 1919
– Appliquées à l’ensemble des salariés des entreprises
signataires en 1936
– Doivent être contrôlées et ratifiées par l’Etat
– L’Etat devient ainsi partie prenante des relations du
travail.
Section 4 – Une politique monétaire mise au
service de la croissance
• France en situation d’économie de pénurie :
– rationnement
– masse monétaire (billets) multipliée par 5 pendant la
guerre
– déficit budgétaire
– disparition de l’épargne privée (obligeant l’État à
recourir aux avances de la Banque de France)
– manque de devises, empêchant les importations qui
seules peuvent ↑ l’offre
– habitude du marché noir, qui rend inefficace la pol.
des prix.
• Conséquences :
– inflation record en 1946 : 64,1 %
– balance commerciale déficitaire (encaisse-or
de la BdF presque réduite à néant en 1947)
– franc dévalué de 58 % par rapport à 1944.
• Le blocage des prix devient la règle : le
gouvernement arbitre les négociations
sectorielles des prix et des salaires.
• La France traverse une crise financière
profonde.
• Dès janvier 1945, le général de Gaulle, chef du
Gouvernement provisoire, préfère :
– la facilité défendue par son ministre des Finances (René
Pleven),
– à la rigueur prônée par son ministre de l’Economie (Pierre
Mendès France).
• Pierre Mendès France proposait :
– une ponction des ¾ des liquidités, par un échange de billets
(choix fait en 1944 en Belgique et en Allemagne)
– un blocage des comptes en banque
– la création d’un impôt sur le capital
– le blocage total des prix et des salaires.
• Finalement :
– contraction d’à peine 1/3 des liquidités, par :
• un échange de billets
• un « emprunt de la Libération » (1946)
• et un « impôt de solidarité » (1947).
– sans blocage des prix, compte tenu de l’hostilité de l’opinion
publique et des partis de gauche à la politique de rigueur.
• Résultat :
– Taux d’inflation descendu à 49 % en 1947 ;
– L’inflation n’est donc pas jugulée.
• L’objectif final principal de la politique monétaire
est donc le soutien de l’effort d’investissement :
– Politique d’argent bon marché : loyer de l’argent (taux
d’intérêt de court terme) à 1,75 %
– Une inflation chronique, par la demande et par les
coûts, s’instaure : résultat d’un choix politique et
social.
• Il faut attendre le plan Mayer de 1948 :
– pour que la poussée inflationniste d’après-guerre soit
endiguée ;
– et que le choix d’une croissance inflationniste fait en
1944 soit en partie reconsidéré.
Conclusion (Chap 1)
• Période de l’immédiat après-guerre cruciale en
matière de choix de politique économique et
sociale :
– Choix d’une économie mixte ou concertée, i.e.
accordant une large place à l’Etat et au secteur public
(nationalisations et planification)
– Choix de l’Etat-providence et d’un modèle salarial
protecteur
– Choix d’une croissance inflationniste
• Ces choix vont profondément et durablement
marquer l’économie et la société française. Le
système éco et social actuel en est encore très
largement hérité.
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