applique même une pommade censée protéger des brûlures. Pour diriger l'apprentissage de son élève, le
moniteur est amené dans une salle, séparée de la première par une cloison vitrée. Il est installé devant un
pupitre de contrôle équipé de 30 boutons gradués de 15 à 450 volts. En face de chaque bouton est
indiquée une mention qui renseigne sur l'effet du courant électrique envoyé à l'élève : choc léger, choc
modéré, choc fort, choc très fort, choc intense, choc extrêmement intense, attention choc dangereux, et le
dernier : XXX
L'expérience est supposée se dérouler ainsi : le moniteur a devant lui une liste de 30 mots
associés à des adjectifs. Il devra lire les 30 couples de mots (ex: ciel-bleu) puis présenter à l'élève l'un des
mots pour qu'il retrouve l'autre. L'expérimentateur explique qu'à chaque erreur commise par l'élève, le
moniteur lui administre un choc électrique qui sera d'autant plus important que les erreurs sont
nombreuses. Le dispositif est également conçu de telle sorte que le moniteur reçoive un feed-back de la
part de l'élève chaque fois qu'il reçoit une décharge électrique : à 75 volts l'élève gémit, à 120 volts il crie
que les chocs sont douloureux, à 150 volts il refuse de continuer, à 270 volts il pousse un cri d'agonie, à
partir de 300 volts, il râle et ne répond plus aux questions. Chaque fois qu'un moniteur hésite,
l'expérimentateur lui enjoint de continuer et si après la 4e incitation le sujet refuse d'obéir, l'expérience
s'arrête.
En réalité le sujet réel de l'expérience est la capacité d'obéissance du moniteur, sa soumission à l'autorité.
Dans le cadre concerné, l'expérimentateur lui ordonne d'infliger une punition à quelqu'un qui ne lui a rien
fait : jusqu'où va-t-il obéir à l'ordre qu'on vient de lui donner ?
MILGRAM a enquêté auprès de psychiatres, d'étudiants et d'adultes de la classe moyenne en
leur demandant quelles seraient leurs réactions dans un tel cas de figure. Une très importante majorité
déclara qu'elle refuserait d'obéir et cita que seuls quelques cas pathologiques (1 à 2 %) infligerait les
chocs les plus dangereux. Pour les psychiatres, la plupart des sujets ne dépasseraient pas 150 volts, 4 %
iraient jusqu'à 300 et 1 ou 2 ‰ iraient jusqu'au bout. Ces réponses étaient basées sur l'idée que les gens
ne sont nullement enclins à faire souffrir un innocent et sur le fait qu'un individu reste le maître absolu de
sa conduite en l'absence de sanction possible.
Dans le cas de l'expérience les sujets ont donc été placés dans une situation où ils étaient amenés à
adopter un comportement opposé à leurs convictions. Aucun candidat n'a refusé de participer même si
l'obéissance dont ils ont fait preuve n'allaient pas sans problème pour eux :
- La situation les mettait dans un état de tension important. Beaucoup refusaient de regarder l'élève et
quand on le leur fit remarquer ils indiquèrent qu'il leur était pénible de supporter la souffrance d'autrui.
Néanmoins, ils ont continué à lui administrer des décharges en cas d'erreur.
- Certains sujets fournissaient visiblement un gros effort psychologique pour accepter la situation et
généralement dévalorisaient la victime pour s'en sortir. Dans les cas insoutenables, certains sujets ont
refusé d'obéir.
Les résultats montrent que 65 % des sujets (hommes ou femmes) ont été obéissants jusqu'au bout, c'est
à dire jusqu'à ce qu'on leur dise qu'ils pouvaient arrêter. Ils ont suivi les ordres jusqu'à la fin. 18 variantes
de l'expérience ont été réalisées et les résultats successifs sont venus confirmer les résultats préalables
dans chaque cas.
Dans un protocole différent, les résultats sont intéressant au regard de l'influence sociale.
Si l'expérience se déroulait avec trois sujets dont 2 étaient complices de l'expérimentateur, on
obtenait des résultats très différents : Le 1er complice refusait de continuer à administrer des chocs
électriques au-delà de 150 volts; Le 2e cessait au-delà de 210 volts. Dès lors, en présence de personnes
qui osaient défier l'autorité, seuls 10 % des sujets sont allés jusqu'à 450 volts.
Pour en revenir au premier protocole de l'expérience, cela signifie que dans la grande majorité des cas,
les individus n'ont pas tendance à résister aux exigences d'une autorité même lorsqu'ils croient qu'elle a