Vendredi 17 février 2006
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Dépêche n°61512
Paris, Jeudi 16 février
2006, 18:48:48
Florence Pagneux
Ligne directe: 01 53
10 30 04
Domaine : École - Collège - Lycée
Rubriques : PédagogieAssociations
L'association "Créer son
école" défend la liberté
d'enseignement
L'association "Créer son école" vient de
mettre au point une brochure sous forme de
questions-réponses sur la création d'écoles
libres et envisage d'éditer prochainement un
"guide pratique complet" sur le sujet. Lancée
il y a deux ans et officiellement créée en juin
2005, cette association revendique 3 000
donateurs et se présente comme une tête de
réseau de 350 écoles "entièrement libres" en
France. Parmi ces écoles indépendantes, dont
200 écoles primaires, figurent beaucoup
d'écoles catholiques, mais aussi des écoles
protestantes, juives, des écoles à pédagogie
particulière et des écoles la Jules Ferry",
précise sa présidente, Anne Coffinier.
L'activité principale de l'association consiste à
"accompagner les professeurs et parents, sur
un plan pratique et juridique, dans la création
de leur propre école indépendante", explique-
t-elle.
Anne Coffinier doit par ailleurs participer à la
convention de l'UMP (Union pour un
mouvement populaire) sur l'éducation le 22
février 2006. Elle pond aux questions de
L'AEF.
L'AEF: Pourquoi avoir créé une telle
association?
Anne Coffinier: Nous partons du principe
que les parents doivent être libres dans le
choix de l'enseignement de leur enfant, ce qui
n'est pas le cas aujourd'hui. Nous sommes en
effet en présence d'un quasi-monopole
éducatif: l'école publique scolarise dans un
moule unique 82% des enfants et l'école
privée sous contrat en scolarise 17%. Mais
celle-ci ne propose pas une vraie alternative
car elle s'est, en pratique, presque
complètement alignée sur l'école publique.
Nous sommes au contraire favorables à la
diversité et au pluralisme, à l'image de ce qui
existe dans les autres pays. Si en France, le
cadre légal existe déjà pour créer une école
entièrement libre, c'est-à-dire qui recrute
librement ses professeurs, choisit librement sa
pédagogie et ses manuels et est libre de
développer un projet pédagogique qui lui soit
propre, cette liberté est difficile à mettre en
oeuvre pour les parents. Ils ne bénéficient
d'aucune forme d'aide publique et l'école ne
reçoit aucune subvention. Le but de cette
association est de leur fournir des conseils
pratiques pour créer l'école de leur choix mais
c'est aussi de faire passer certaines
revendications légitimes en faveur de la
liberté d'enseignement.
L'AEF: Que revendiquez-vous pour ces écoles
indépendantes?
Anne Coffinier: L'idéal serait la mise en
place d'un chèque éducation. Le principe est
simple: l'argent est affecté à l'établissement
librement choisi par la famille. Si l'élève va
dans le lycée A, le chèque éducation sera
affecté par l'État au lycée A, que ce dernier
soit privé, public, sous contrat ou pas. 2 000
euros par enfant et par an suffiraient, soit
mois d'un tiers du coût d'un élève scolarisé
par l'Éducation nationale aujourd'hui. L'État
serait pour informer les parents sur les
écoles qui sont à leur disposition, qu'elles
soient publiques, privées sous contrat ou
libres. Dans les pays ce système a été mis
en place, notamment en Nouvelle-Zélande, on
n'a pas assisté à une hécatombe des effectifs
dans l'école publique. Mais cela a incité ces
écoles à se réformer très vite. Quand on sait
que les parents peuvent retirer leurs enfants à
tout moment, cela pousse à réfléchir. L'autre
solution serait de défiscaliser le coût de la
scolarisation d'un enfant dans une école
indépendante. Il n'est pas normal que les
cours de soutien délivrés par les entreprises
de soutien scolaire payant qui sont cotées en
bourse néficient d'une réduction d'impôt de
50%, alors que les écoles entièrement libres,
qui font faire de substantielles économies à
l'État, ne sont pas du tout aidées.
L'AEF: Pourquoi créer sa propre école?
L'école publique n'est-elle pas satisfaisante?
Anne Coffinier: L'Éducation nationale ne
reconnaît en réalité pas la liberté pédagogique
des enseignants. Les controverses actuelles
sur la lecture en disent long sur le sujet. Tant
que l'État imposait aux professeurs d'utiliser
des méthodes d'apprentissage de la lecture à
départ global, personne ne parlait de violation
de la liberté pédagogique. Maintenant que la
méthode syllabique est enfin réhabilitée, les
syndicats crient au loup au nom de la liberté
pédagogique des professeurs! Pourtant, les
faits sont là. 40 à 50% des parents qui
retirent leurs enfants de l'école publique le
font à cause de la méthode globale
d'apprentissage de la lecture, qui est absurde
et introduit de la confusion dans l'esprit des
enfants. D'ailleurs, les bons établissements
privés sous contrat utilisent tous, en cachette,
la méthode syllabique. Au-delà de la lecture, il
est frappant de voir le nombre croissant de
familles qui décident de retirer leur enfant de
l'école publique, soit parce que leurs enfants
s'ennuient, soit parce qu'ils se sentent perdus
par le cadre impersonnel et technocratique de
l'école publique. Le résultat est le même: la
perte chez un nombre croissant d'enfants du
goût de toute forme d'apprentissage ou de
curiosité pour le savoir. Je reçois d'ailleurs
une trentaine de mails par jour de parents qui
cherchent à retirer leur enfant de l'école
publique, car "elle les rend malades". Même
des professeurs du public nous contactent car
ils se sentent malheureux et inutiles à
l'Éducation nationale, et veulent rejoindre un
projet de création d'école pour pouvoir
"enseigner" de nouveau, au vrai sens du
terme. Nous avons d'ailleurs le projet de créer
un centre de formation alternatif pour les
enseignants, qui sont nombreux à être déçus
par leur passage à l'IUFM et à nous en faire la
demande.
L'AEF: Quelle est la philosophie des écoles
libres?
Anne Coffinier: L'école libre est beaucoup
plus individualisée que l'école publique. Cela
ne veut pas dire que les effectifs y sont
nécessairement moins nombreux. Si l'on
remonte au Moyen-Âge, les classes avaient
beau accueillir 40 élèves, les cours n'étaient
pas collectifs. Chaque élève était suivi de
manière individuelle par l'enseignant,
soucieux d'élever en lui la personne.
L'éducation, c'est avant tout une rencontre
entre un maître et un enfant. La finalité de
l'éducation, c'est la formation de la personne,
dans son intégralité. Ce n'est pas de faire
rentrer l'enfant dans un moule obligatoire.
D'autre part, les parents ont le droit de choisir
une éducation qui corresponde à leurs
valeurs. Il n'est pas normal que l'école
déconstruise ce que vous essayez de constuire
avec votre enfant, notamment les notions
d'effort, d'exigence personnelle. Il n'y a pas
d'éducation possible sans relations de
confiance. Les parents ayant des exigences
intellectuelles un peu fortes se tournent aussi
vers nous. Ils sont choqués devant l'indigence
des manuels actuels utilisés dans les écoles
publiques. Et c'est la même chose dans le
privé sous contrat, puisque les pédagogies
sont quasiment les mêmes. Dans les écoles
indépendantes, on est à la merci des parents.
La responsabilité, c'est la contrepartie de la
liberté. Libres de choisir nos méthodes, nous
sommes tenus de rendre des comptes aux
parents. Nous avons une obligation de
résultats! Si ce que l'on y fait n'est pas bon,
l'école ferme vite faute d'élèves. Les écoles
indépendantes créent patiemment et
prudemment leurs manuels et leur pédagogie,
à partir de l'existant. Des associations se sont
lancées dans la rédaction de nouveaux
manuels. S'ils sont bons, nous en ferons la
publicité dans notre réseau.
L'AEF: Quel regard portez-vous sur les
pédagogies alternatives?
Anne Coffinier: Les parents ont le choix, en
fonction de leur philosophie personnelle, de
s'orienter vers telle ou telle pédagogie. Ce
n'est pas vraiment mon problème. J'aurais
une petite mise en garde sur l'école Freinet
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