groupe esc poitiers

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GROUPE ESC POITIERS
RAPPORT DE MANAGEMENT INTERCULTUREL
Thème : « Étude comparative du marché de la bière
en France et au Québec »
SHERBROOKE 1996
HACHEM Monir
HEIN Stéphane
LE PETIT François
MEZERETTE Frédéric
TEILLET Thibault
SOMMAIRE
Introduction
I) Analyse des marchés français et québécois
A) Le marché français
a) évolution et situation présente
b) mouvements des grands groupes
c) radioscopie du marché français par types de bières
B) Le marché québécois
a) évolution
b) les organes de contrôle
c) situation présente
d) données et forces en présence
e) les perspectives
II) Comparaison des modes de distribution et Packaging
A) La distribution au Québec
B) La distribution en France
C) Le packaging
III) Comparaison des stratégies commerciales
A) La stratégie des grands groupes français
B) La stratégie des microbrasseries en France
C) Stratégie et résultats des deux grands groupes canadiens
D) Stratégie et résultats des microbrasseries québecoises
E) Stratégie des Américains et conséquences
IV) Habitudes de consommation
A) Généralités
B) Publicité
Conclusion
Annexes
Introduction:
Parmi toutes les boissons alcoolisées, la bière est sans conteste celle qui a
connu le plus de déclinaisons. Chaque nation possède ses brasseries, chaque
brasserie ses propres bières et chaque bière sa propre identité. Ainsi, il existe
différentes cultures de la bière.
Peut-être plus encore que les autres aliments communs à toutes les nations, la
bière dépend directement des habitudes de consommation et plus généralement de la
culture propre au pays dans lequel elle est fabriquée.
Après avoir analysé dans une première partie le marché français et le marché
québécois, nous étudierons et comparerons le mode de distribution et la stratégie
brassicole des deux ``pays``. Nous tenterons enfin d'expliquer ces différences afin de
comprendre dans quelle mesure une entreprise française pourrait venir s'implanter au
Québec.
I ) Analyses des marchés français et québécois:
A) Le Marché français:
a) évolution et situation présente:
De 1980 à 1994, le marché français de la bière restait désespérément statique,
tiraillé tout à la fois par le haut et par le bas, au détriment de Kronenbourg et Heineken,
les deux grands du secteur.
L’Association des Brasseurs de France a dû faire face en 1992 et 1993 à des
conditions climatiques défavorables, à une augmentation des taxes européennes et aux
incidences de la loi Evin. Ceci a amené un tassement sensible du marché. Ainsi en
1993, les Français ont bu moins de 22.7 millions d’hectolitres, ce qui a fait glisser la
consommation annuelle par personne sous la barre symbolique des 40 litres.
En outre, Kronenbourg ( Danone ) et Heineken ont connu des échecs. En 1993
et 1994, les deux groupes ont dû affronter la montée des premiers prix, conséquence
directe de l’invasion des hard discounters. Par ailleurs, les bières de spécialité plutôt
haut de gamme ont connu ces quatre dernières années un développement sans
précédent. « On peut toujours passer les chiffres à la moulinette, il y a la réalité du
marché : les consommateurs sont devenus intelligents, ils ne veulent plus payer une
marque si elle n’apporte pas une réelle plus-value », proclamait en 1994 Michel Debus,
PDG du groupe Fischer.
Ainsi donc en 1994, Danone et Heineken devaient faire face à ce double
phénomène : montée des premiers prix et développement des bières haut de gamme.
1995 et 1996 auront marqué le renouveau du marché français tant au niveau du
repositionnement de Kronenbourg et d’Heineken que de la progression générale du CA
pour le secteur.
b) mouvements des grands groupes:
En effet, les deux grands groupes ont enfin réagi aux attaques des discounters et
ont adopté des stratégies différentes des années précédentes. Pour contrer les MDD (
Marques de Distributeurs ) et les discounters, ils ont décidé de baisser les prix des
spéciales et des panachés.
Danone a passé des accords avec le groupe Promodès. Ainsi depuis janvier
1995, les brasseries européennes de Danone fournissent la majorité des magasins
européens de Promodès. Kronenbourg en France, San Miguel en Espagne, Peroni en
Italie alimentent le discounter Dia, les magasins de proximité Codec et Shopi, les
supermarchés Champion et les hypermarchés Continent. Ces brasseries produisent à la
fois les bières premiers prix, les MDD et les marques nationales destinées à ces
magasins. Telle est la nouvelle stratégie (en bref ) de conquête de parts de marché
dans la bière du groupe d’Antoine Riboud. D’ores et déjà, le CA de cette branche a
considérablement augmenté en 1994 : +12,5% atteignant 7,2 milliards de francs ( Ce
CA était à la baisse en 1993 ( 6,3 millards de francs ) et stagnant depuis 5 ans ( 6,5
milliards de francs ) ). Enfin, avec le lancement de nouvelles bières en 1995, les
fabricants sont parvenus à faire reculer les MDD ( cela ajouté à la baisse des prix
précitée ).
Ainsi en 1995, le marché se répartissait comme suit:
Kronenbourg
Heineken
Interbrew
MDD
1ers prix
Autres marques
:
:
:
:
:
:
50,1%
23%
3,6%
12,9%
8,6%
4,5%
De son côté, Heineken ( 2ième groupe mondial ) a attendu cette année pour
passer à l’offensive. Le 13 février, il annonçait le rachat simultané des deux principales
brasseries indépendantes de l’hexagone, Fischer en Alsace et Saint-Arnould dans le
nord. D’un seul coup, le jeu à plusieurs se trouve pratiquement réduit à un face à face
entre Danone et Heineken. Et ce dernier a considérablement réduit l’écart en portant sa
part de marché à 36%.
c) radioscopie du marché français par types de bières:
Le marché français comprend les bières de luxe (Kronenbourg, Kanterbrau), les
spéciales (1664, Gold), les spécialités (Leffe, Adelscott...), les panachés, les bières
sans alcool, les brunes, les ambrées et rousses. La présentation de ce marché passe
par la répartition du poids de ces différents types de bière.
Evolution des ventes de bière en 1995
Segments
Luxes
Spéciales
Panachés
Spécialité
s
Sans
alcool
Brunes
TOTAL
Volume
(milliers
d’hl)
1995
5615
1500
639
550
Evol %
+1.4
+4.3
+7.6
+19
Valeur
(millions
de frcs)
1995
3697
2390
391
NC
Evol %
-0.2
+8.3
+6.7
NC
1995
1613
1183
277
NC
Evol %
+3
+7
+5
NC
373
-6.6
292
-9.5
246
-14
160
8837
+2
+2.9
188
6958
+1.9
+2.8
145
3465
+1
+3
Source : Nielsen / Scantrack
Linéaire
(en cm)
Les chiffres ci-dessus n’offrent qu’un aperçu du marché. Ils ne comprennent que les
ventes en hyper et supermarchés. Les ventes en hard discount (1 million d’hl ) ne sont
pas comptabilisées.
Segmentation du marché en valeur
Luxe + Bock
Spéciales
Spécialités
Ambrées +
rousses
Brunes
Sans alcool
Panachés
TOTAL
Valeur (millions de
frcs)
4798.1
1849.9
504.1
147.4
Variation sur un
an (%)
-2.3
+2.4
+7
-4.6
PDM (%)
223.7
382.6
411.5
8317.3
+2.3
-13.1
+10.4
-0.6
2.7
4.6
4.9
-
57.7
22.2
6.1
1.8
Source : Nielsen
La croissance en valeur des spécialités et des panachés est inférieure à celle des
volumes : des baisses de prix à l’unité ont été pratiquées. En revanche, les prix des
bières de luxe ont fortement augmenté, expliquant en partie leur recul en volume, dont
l’essentiel provient de la part de marché prise par les hard discounters.
Le marché des bières de luxe est lui dominé par Kronenbourg dont les ventes
représentent 39 % du total. En fait, les MDD souffrent de la baisse de tarifs des deux
grandes marques. Ainsi, le prix de la Kanterbrau a baissé de 8 % en 1995, et elle vaut
désormais 15 % de moins que la Kronenbourg. Si les MDD baissent, les premiers prix
connaissent la même tendance. Il aura fallu trois ans aux grands brasseurs pour
observer le marché, repositionner leurs marques et inverser la tendance.
De même, les bières spéciales poursuivent leur formidable développement en
grande distribution. En effet, elles pèsent désormais plusieurs milliards de francs et
générent beaucoup plus de marges que les bières de luxe. Les brasseurs règnent en
maîtres sur ce marché, les MDD et les premiers prix n’ayant pas même le droit à une
portion. Les grandes surfaces ne s’y trompent pas : elles ont augmenté leurs parts de
linéaire de 7 points en un an.
Evolution des ventes de bières spéciales
Marques
Parts des ventes totales
Evol %
43.1 %
Heineken
37.4 %
1664
11.3 %
Gold
8.2 %
Autres
1.450.000
TOTAL (en hl)
Source : LSA / Fournisseurs (février-mars 1996)
+1
+1
stable
stable
+4.3
Le marché des spécialités des années 90 restera marqué par deux événements
majeurs : le succès de la Leffe, qui atteint des niveaux records et la pénétration de
l’Adelscott. Heineken prévoit de la diffuser dans son réseau mondial. Les spécialités
figurant au nombre des raisons qui ont amené Heineken à s’intéresser à Fischer,
Kronenbourg propose Wel Scotch et Grimbergen. La première connaît une bonne
progression dans les GMS. L’élan des bières de spécialités provient aussi des
étrangères, notamment des nord-américaines, comme Budweiser et Labatt.
Evolution des ventes de spécialités en 1995
Marques
Parts des ventes totales
16 %
Pelforth
15.5
%
Leffe
6.5 %
Adelscott
1.9 %
Well Scotch
3%
1664 brune
57.1 %
Autres
550 000
TOTAL (en hl)
Source : LSA / Fournisseurs
Evol %
stable
+29 %
stable
+85 %
nc
nc
+19 %
Quant au marché des bières sans alcool, il continue de s’effondrer contrairement
à celui des panachés. Le marché reste cependant banalisé, près d’un quart revenant
aux MDD et premiers prix. Enfin, les ventes se font à 34% dans les cafés, hôtels et
restaurants et à 66% dans les GMS. En fait, avec la loi Evin qui restreint la publicité, la
concentration de la grande distribution et la baisse de la consommation par individu, le
marché français est devenu l’un des moins rentables et des plus difficiles en Europe. Le
meilleur moyen de gagner des parts de marché est donc devenu le rachat. Tout comme
celui de la grande distribution, le marché de la bière français est en train de se
concentrer. Face aux géants, les microbrasseries tentent de se développer et sont à
l’origine du développement des bières de spécialités. En effet, les grands groupes
détiennent 90% des PDM, mobilisent des budgets de communication considérables et
contrôlent plus des deux tiers du réseau des cafés, hôtels et restaurants. Les
microbrasseries représentent à peine 0.002 % de la production mondiale et les volumes
d’échanges internationaux sont limités (0.03 %).
De taille très diverses, les chiffres d’affaires et les effectifs varient respectivement
de 1.2 millions de francs à 495 millions et de 2 à 600 salariés : ces PME mobilisent des
moyens financiers et humains très différents.
LE PALMARES DES PRINCIPALES BRASSERIES EN 1994 ( FRANCE )
NOMS
EFFECTIFS CA 1994 en
%
MF
EXPORTATION
2159
5500
4,4%
kronenbourg
VOLUME
EN GMS
66%
heineken
1800
3478
-
55,3%
fischer dont
Adelschoffe
n
332
1500
21
60%
interbrew
890
1280
-
35%
Brasserie de
Saint Omer
Brasserie du
Gayant
200
420
5
80%
130
125
30
20
Tradelink
30
60
-
40
B) Le marché québécois:
PRINCIPALES
MARQUES
kronenbourg (
K, Traditions
anglaise et
allemande ),
1664, Gold, Wel
Scotch, Force 4,
Tourtel
heineken,
buckler, 33
export, pelforth,
mützig, gamme
Bières du
monde
Fischer,
Adelscott,
Kingston,
Desperados,
Adelschoffen
Stella Artois,
Leffe, Jupiler,
Hoegarden
Saint Omer,
MDD,...
Bière du
Démon, bière du
Désert,
Goudale,
Abbaye de
Saint-Landelin,
Celta (sans
alcool), Celta
(brune)
Corona extra,
Red stripe,
Labatt Ice Beer,
Bombardier
a) évolution
Le marché québécois fonctionne comme un ``micromarché`` au sein du marché
canadien. Il oscille entre 1,35 et 1,4 milliards $ aux dires de l'association des brasseurs
du Québec. 40 à 45% des ventes sont réalisées pendant la période estivale. On estime
que par un temps chaud, ce pourcentage peut augmenter de 10 à 15%. A l'inverse, la
pluie et le froid feront plonger les ventes de 6% (ex: été 1992).
L’évolution du marché de la bière durant ces dix dernières années fait apparaître
deux tendances majeures, confirmées par l’analyse du marché français.
Tout d’abord, les canadiens boivent de moins en moins d’alcool et la bière
n’échappe pas à cette règle: malgré une légère reprise de la vente en volume, le
canadien boit moins de bière en moyenne qu'il y a 10 ans.
Consommation de bière au Québec
ANNEE
1979*
1991
1992
1993
1994
1995
Niveau de Consommation
(en hectolitres)
6 millions
5,4 millions
5,175 millions
5,125 millions
5,3 millions
5,5 millions
* niveau de consommation record
Cette baisse régulière est due selon les brasseurs, au vieillissement de la
population, au changement des habitudes de vie, aux étés froids, aux alcootests
imposés aux automobilistes, etc.
La raison principale semble être néanmoins le prix de la bière qui est resté bien
trop élevé jusqu'à l'entrée des bières américaines bon marché le 1 er octobre 1993. Cette
invasion a été l'objet d'un conflit entre le Canada et les Etats-Unis. Les relations entre
les deux pays étaient déséquilibrées en faveur du Canada. En octobre 1991, un comité
du GATT concluait que certaines pratiques de commercialisation et de distribution de la
bière au Canada étaient discriminatoires envers les produits américains.
Les provinces canadiennes ont par la suite présenté des propositions pour se
conformer à la décision de ce comité et le Québec, entre autres, adoptait le 22 juin 92,
une loi pour permettre la distribution de la bière américaine dans les dépanneurs, à
compter du 1er octobre 1993.
b) les organes de contrôle
Avant cette date, le seul moyen d'exporter au Canada était la distribution par les
magasins de la Société des alcools du Canada. Ces sociétés étaient un outil de
protectionnisme efficace. Encore aujourd'hui, la SAC est un organe de contrôle du
marché; c'est l'importateur officiel des boissons alcoolisées. Elle se charge d'inspecter
les produits et elle exige des brasseries étrangères que leurs produits transitent par les
entrepôts qu'elle possède, pour cette inspection.
Le deuxième organe de contrôle du marché est la Régie des Alcools du Canada,
dépendante du ministère du Commerce et de l'industrie, qui octroie ou non le permis de
brasser aux entreprises désirant s'implanter. Le nombre de permis délivrés augmente
sans cesse (une dizaine en 1996), après une période d'inquiétude due à la concurrence
américaine, les autorités font davantage confiance aux microbrasseries.
Ces organismes existent également au niveau du Québec, la SAQ et la RAQ
constituent ainsi une deuxième barrière pour les importateurs.
c) situation présente
Certains brasseurs pensent que l’industrie a touché le fond en 1993. Selon eux,
l’arrivée des bières bon marché et les produits des microbrasseurs incitent les gens à
essayer de nouveaux produits, ce qui favorise les innovations.
On assiste alors à un changement de comportement du consommateur. La fidélité des
marques n’est plus ce qu’elle était et les gens boivent moins qu’avant. En revanche, un
plus grand nombre de personnes dégustent une bière de temps à autre.
Le deuxième phénomène observé est la multitude des bières nouvellement
créées.
Il n’y a pas si longtemps, il n’existait que deux types de bières, la lager (blonde) et
la ale (brune). De nos jours, les marques se multiplient dans les bars, tavernes et
brasseries. Désormais, chaque brasseur présente un menu complet de toutes les
différentes bières.
La guerre que se livrent les deux principaux brasseurs canadiens en est
également l’une des causes. Pour chaque lancement d’une nouvelle Molson, Labatt
réplique en mettant une nouvelle bière sur le même segment de marché et vice versa.
Molson, le numéro 1 au Canada, occupe ainsi l’ensemble des différents créneaux
en déclinant sa gamme.
contemporary
Molson Canadian, Carling et Black Label
traditional
Molson Export, Laurentide, O’Keefe Ale et Old Vienna
premium
Molson Special Dry, Molson Cream Ale, Molson Amber Lager, Signatures Series (séries
limitées distribuées une fois par an) Molson Dopplebock
ice
Molson Canadian Ice, Black Ice, Carling Ice, Molson Ice (pour l’exportation aux EtatsUnis seulement)
alt
Red Dog
light
Molson Canadian Light, Coors light, Foster’s Light, Miller Lite, Miller Genuine Draft Light,
Carling Light
non-alcoholic
Molson Exel une bière à 0,5 % d’alcool avec 74 calories par verre.
Au total, Molson et Labatt distribuent plus de 80 marques distinctes de bières
dans diverses régions du pays. Il faut y ajouter les bières fabriquées par les brasseurs
indépendants et les bières importées. Ces dernières sont importées surtout dans les
grandes villes, elles bénéficient de leurs économies d'échelles, de leurs coûts de
production 2 fois moins élevé que ceux des brasseries canadiennes, et de la taxe
nationale qui est de 19%, contre 50% aux bières canadiennes.
De plus,les microbrasseries ont contribué très fortement à la multiplication du
nombre de marques. Leur développement représente l’un des faits majeurs de ces cinq
dernières années.
La principale conséquence des changements intervenus sur le marché ces
dernières années est la concentration des entreprises et les nombreuses stratégies
d’alliances.
Au terme des changements effectués, on peut distinguer les deux brasseries
géantes que sont MOLSON O’KEEFE et LABATT, qui font toutes les deux partie des
brasseries les plus rentables du monde.
RENTABILITE DES PRINCIPAUX BRASSEURS DANS LE MONDE
Marge bénéficiaire *
Brasseries Labatt du Canada
Anheuser-Bush
Brasseries Molson du Canada
Guiness
Heineken
Miller
22,7 %
19,4 %
17,8 %
12,7 %
10,3 %
9,6 %
Carlsberg
Coors
Source:
8,8 %
5,7 %
John Labatt
* Bénéfices avant intérêts et impôts pour le dernier exercice.
d) données et forces en présence:
Bien que la consommation de bière soit constamment en déclin au Canada
depuis 1980, les consommateurs n’en ont pas moins dépensé 9,6 milliards $ pour
siroter du jus de houblon en 1993.
Dans un marché où, un point de pourcentage de marché représente un gain de
15 à 20 millions $ en profits, la part de marché est très chère.
Molson, qui distribue 50 marques de bière au Canada, possède environ 47% du
marché national, tandis que Labatt et ses 30 marques et plus occupe 45% du marché.
L’ensemble des microbrasseries vendent entre 3% et 4% des 5,5 millions d’hectolitres
bus au Québec, soit 1,5 milliard $.
La famille Molson a commencé à brasser de la bière au Canada en 1786.
Depuis1993, 40% de la brasserie appartiennent à Foster’s d’Australie et 20% à la
compagnie américaine Miller Brewing. Les compagnies Molson de Toronto en
détiennent le reste. A la suite d’un accord entre ces derniers,
Labatt a étendu ses activités brassicoles au Mexique, aux Etats-Unis, en Italie, et
en Grande-Bretagne.
Avec des profits de 155 millions $ en 1994, sur des ventes d’environ 2,3 milliards
$, Labatt contrôle 45% du marché canadien (quelques 20 millions d’hectolitres en tout).
Pour arriver à ce niveau de performance, Labatt a dû réduire ses frais de 125
millions $ en 4 ans et augmenté sa productivité de 30%. Ces résultats ont été obtenus à
la suite de la réduction du nombre de ses brasseries de 12 à 9, et une diminution du
personnel de 25%. La différence de coût à l’hectolitre avec les brasseries américaines,
qui profitent pourtant d’économies d’echelles considérables, est passé de 40 dollars à
une dizaine. La brasserie veut encore diminuer ses coûts de 75 millions $ (7,5%) d’ici 3
ans, mais les analystes ne voient vraiment pas comment elle pourrait encore améliorer
son efficacité.
La guerre entre Molson et Labatt constitue le leitmotiv de l’évolution du marché
canadien.
Avant 1989 et le rachat de O’Keefe par Molson, Labatt avait pris 8 points
d’avance à coup de Bleue et de Budweiser au cours des années 80, et voilà qu’elle se
retrouvait 10 points derrière sa rivale!
Sachant que chaque point du marché représente environ 5 millions $ de profit
net, Molson a infligée alors une sacrée gifle à son concurrent principal!
En six ans, Labatt a réduit son retard sur Molson, de 10% à 2,6% et veut reprendre la
tête d’ici trois ans.
Mais Labatt ne court pas seulement après Molson-O’Keefe, elle fait aussi face à
l’ouverture du marché nord-américain, un vrai choc après des décennies de
protectionnisme!
En effet, les 20 millions d’hectolitres que représentent le marché canadien ne
pèsent pas lourd face aux 212 millions du marché américain! Anheuser Bush brasse
plus de 5 fois le marché canadien (105 millions d’hectolitres), Miller 2,5 fois (58
millions), Coors une fois et demie (32), Stroh autant (21)! Brassées sous licence par
Molson et Labatt, la Miller et la Budweiser représentent déjà 15% du marché canadien.
Même si les ententes de brassage sous licence sont solides, elles ne sont jamais
irrévocables...
Les brasseurs ont segmenté le marché, notamment pour diluer l’effet des bières
américaines bon marché. Ils proposent une soixantaine de marques contre une
quinzaine il y a 10 ans à peine. La course aux nouveautés est effrenée, «les dry, les
draft, les Ice, les légères, les fortes, les ambrées ou les bières à prix populaires: les
changements n’ont jamais été aussi rapides», note Y. Millette, PDG de l’Association des
Brasseurs du Québec. Même les «petites» bières à 1% de marché sont devenues
importantes, il en résulte que la concurrence est plus forte qu’avant.
Aujourd’hui, les marques leader plafonnent sous 20%, contre 35% de part de
marché auparavant.
e) les perspectives
Labatt avec l’appui de Interbrew, compte percer le marché des microbières
qu’elle aborde péniblement avec sa bière «Celtique», mais dans lequel les belges sont
devenus de vrais spécialistes.
Les bières spéciales belges pourraient envahir le marché canadien. Le marché
nord-américain semble prêt pour nos produits pense G.Fauchey, le porte parole
d’Interbrew. Les bières bien typées des microbrasseurs devraient profiter de l’élan de
cette concurrence, mais gare à celles quiu n’apporteront pas vraiment une différence de
goût ou dont la brasserie sera sous-capitalisée.
Les 35 microbrasseries canadiennes ont pris 2% à 3% du marché en moins de
dix ans, avec leurs 150 marques et elles devraient atteindre les 10%. Même si la
consommation annuelle de bière par adulte a chuté de 87 à 80 litres en 15 ans, le
segment des micros connaît une croissance annuelle de 25 à 40%.
Les nouveaux buveurs de bière consomment peut-être moins, mais ils sont prêts à
payer beaucoup plus cher pour une Maudite, une Blanche de Chambly ou une Boréale.
Pour les brasseurs, les marges bénéficiaires sont bien plus élevées qu’avec les blondes
classiques!
Les quatre grands brasseurs américains l’ont bien compris, ils ont ainsi acheté
quelques unes des 500 micro-brasseries et misent aussi sur la vogue des bières
artisanales.
GRANDES BRASSERIES CANADIENNES
Nom
MolsonO’Keefe
Labatt
Ville
Toronto,
Montréal,
etc.
Idem
Début
1786
Hectolitres/ Employés
an
11,7 millions 4200
n.d.
10 millions
Marques
cf: gamme
de produits
5700
MICROBRASSERIES AU QUEBEC
Nom
Ville
Début
Hectolitres/
an
Employés
Marques
Unibroue
Chambly
1991
41000
86
Brasseurs
du Nord
Brasseurs
GMT
Blainville
1988
35000
35
Fin du Monde,
Maudite,
Raftman,
Blanche de
Chambly,
Gaillarde
Boréale
Montréal
1988
35000
50
1989
30000
45
1988
20000
25
sous-étude
16000
15
1995
15000
16
1995
2400
5
sous-étude
2000
5
n.d.
1995
n.d.
n.d.
Seigneuriale
1995
n.d.
n.d.
Métayer
Brasserie
Montréal
McAuslan
Brasserie
Montréal
Brasal
MicroBrasse Cap-Chat
rie StLaurent
Brasseur de
Anse-Stl’Anse
Jean
Brasserie St-Odilon de
Beauce
Beauce
Broue
BrasseMond
St-André
e
Avelin
Brasserie
Boucherville
Seigneuriale
Les
St-Hyacinthe
Brasseurs
Maskoutains
Belle Gueule,
Tremblay,
Canon
St-Ambroise,
Griffon
Hoppsbraü,
Brasal, Bock
Chic-chocs,
Bootleger,
Québecoise
Illégale, Dry,
Folie Douce
Beauceronne,
Chaudière
Le Cheval
Blanc
Montréal
1995
1500
15
Bières
Martel &
Fils*
Brasserie
aux 4
Temps*
Québec
sous-étude
1500
4
Loch Ness,
Titanic, Cheval
Blanc
L’Abraham
St-Hyacinthe
sous-étude
n.d.
n.d.
n.d.
* pas encore en exploitation, dossiers à l’étude de la Régie des Alcools, des Courses et
des Jeux.
II) Comparaison des modes de distribution et du packaging
A) La distribution de la bière au Québec :
La spécificité du mode de distribution de la bière au Québec repose sur le fait
qu’il n’y a pas de grossistes : le système ne comporte que deux paliers ( brasseries,
détaillants). Ce sont donc les brasseries elles-mêmes qui ont la charge d’approvisionner
les détaillants. On notera ici l’article 32 de la Loi de la Société des Alcools du Québec
qui prévoit la séparation des rôles de brasseur et d’épicier. Ainsi, un détenteur de
permis d’épicier ne peut avoir de lien direct ou indirect avec un détenteur de permis de
brasseur et vice versa. La séparation des rôles d’épicier et de brasseur a pour but de
responsabiliser clairement ce dernier quant à toutes les étapes entourant la fabrication
et la distribution de la bière. Pour pouvoir distribuer sa bière, il faut solliciter un permis
de la Régie des permis d’alcool du Québec.
Le problème majeur de la distribution au Québec, c’est son coût élevé ; celui-ci
provient du nombre important de points de vente à alimenter ( il existe 12 000 épiceries
et dépanneurs au Québec ) et des longues distances à parcourir ( la majorité des
brasseries se situent en région et non dans les villes ce qui leur permet par contre de
réduire d’une manière conséquente les taxes et les coûts de main d’oeuvre ).
Par le passé, les brasseries québécoises distribuaient leurs produits avec leurs
propres camions légers auprès d’un réseau restreint de détaillants et de bars
restaurants : ils n’avaient pas les moyens de fournir de la bière chez tous les détaillants.
Nombre de ces brasseries ont récemment conclu des ententes de distribution pour la
vente de bière : c’est notamment le cas des Brasseurs de l’Anse avec Omni (
distributeur de Old Milwaukee ), BrasseMonde avec Osiris et Beauce Broue avec
Provigo. Ce mode de distribution nouveau fait son chemin et suscite un intérêt
grandissant ; pour preuve le souhait de Monsieur Lamarre de Micro Brasserie Bas
Saint-Laurent Gaspésie de participer à un réseau regroupant les microbrasseries de
l’est du Québec pour réduire les coûts de transport et l’achat de matières premières. En
effet, les coûts sont trop élevés pour qu’une microbrasserie puisse monter son propre
réseau de distribution. C’est la raison pour laquelle Mr Lamarre veut créer ce réseau et
abandonner le système qu’il utilise actuellement ( il fait appel à un distributeur
indépendant )
.
B) La distribution de la bière en France
En France, la distribution de la bière s’effectue selon deux filières : tout d’abord,
par le biais d’une livraison directe aux cafés contrôlés directement par les brasseurs, qui
sont au nombre de 170.000 (cafés, hôtels, restaurants). Pour cela, les cafés se doivent
de détenir une licence. En outre, les brasseries établissent fréquemment des contrats
de fourniture exclusive avec les débits de boissons.
Le second schéma possible pour la distribution de la bière passe par la livraison
directe aux points de vente importants ou proches de la brasserie. En 1988, ces points
de vente étaient au nombre de 167.765 dont 679 hyper et 5875 supermarchés.
L’avantage que représente cette filière pour les brasseurs est qu’elle permet de
présenter à la clientèle une large gamme de marques, d’autant plus que les
conditionnements sont adaptés au mode de distribution en libre service et à la taille des
points de vente.
Cependant, le paysage de la distribution de la bière en France tend à se modifier.
En effet, suite aux mouvements de concentration dans le secteur, le choix du mode de
distribution devient un enjeu très important, et de fait de nombreuses brasseries
rachètent des entrepôts et établissent des relations durables avec de grands
distributeurs. Ainsi, GSA et Fischer fournissent exclusivement Carrefour, Cora,
Sainsbury, Tesco, Auchan et les Comptoirs Modernes.
De fait, les fusions entre les brasseries françaises au cours des trois dernières
années permettent de développer le chiffre d’affaires des bières dans les grandes
surfaces (actuellement 66 % des ventes totales). Mais, d’autre part, il se crée une
« guerre » entre les brasseurs et les distributeurs : « guerre » en rapport avec les prix.
En effet, les distributeurs ayant le choix du brasseur avec lequel s’associer, font jouer la
concurrence des prix. Vient s’ajouter à cela la concurrence émergente des hard
discounters, qui avec leurs premiers prix font reculer la part des grandes enseignes.
En effet, dans les grandes enseignes, qui écoulent les deux tiers des bières, la
chute des ventes atteint en moyenne 4.7 %, que l’on explique par l’émergence des
discounters comme Aldi, Lidl, Ed ... qui écoulent des quantités industrielles. Leur part de
marché a bondi de 7.5 % à 10.9 % en 1994. (ils ont écoulé plus de 800 millions de
canettes à 1 Frc). Pour contrer cette poussée des hard discounters, les grands
brasseurs présents sur le marché ont dû plier au niveau de leurs prix, mais restent
confiants en la qualité des bières proposées, recherchant avant tout à partir de quand
une marque à forte notoriété devient plus attractive qu’une bière à bas prix.
Nous pouvons donc dire que le marché de la bière en France, extrêmement
concurrentiel, est très caractéristique de par son mode de distribution. En effet, du fait
de la présence de multiples acteurs sur le marché, il se crée un réseau dense de
distribution, où marques et prix se côtoient, parfois difficilement.
Parts de marché dans la distribution
Périmètre marché (8 millions d’hl)
Kronenbourg 38 %
Heineken 37 %
Périmètre grandes surfaces (14 millions Kronenbourg 51%
d’hl)
Heineken 25.6 %
Périmètre marques (total France)
Kronenbourg 39 %
Heineken 29 %
C) Le packaging:
En France, il existe plusieurs façons de conditionner la bière. Tout d’abord, la
plus traditionnelle et la plus ancienne : les tonneaux et les fûts ( de 30 à 50 litres ).
Jusqu’en 1950, 80% de la bière était livrée en fûts. Aujourd’hui, ce type de
conditionnement n’est réservé qu’à la livraison dans les cafés, les restaurants et ne
concerne plus que 25% des quantités vendues.
D’autre part, il y a les bouteilles et les boîtes. Le nombre d’hectolitres de bière
vendues en bouteilles et en boîtes représente 75% du total. Les bouteilles de 25 et 33
centilitres sont utilisées quasi exclusivement pour les bières spéciales tandis que les
bouteilles de 1 litre le sont essentiellement pour la bière bock. Les chaînes
d’embouteillage débitent couramment 40000 à 60000 bouteilles à l’heure. Le verre
consigné, utilisé surtout en circuit café et par les contenants de 75 cl et de 1 l est
maintenant largement dépassé par le verre perdu. En ce qui concerne la boîte
métallique, qui jouit d’une grande faveur aux Etats-Unis et au Canada, elle ne
représente encore pour la France qu’une petite proportion ( 15 à 16% ). Cependant, on
peut noter la performance de la bouteille de 25 cl, conditionnement préféré des Français
qui, à lui seul, représente 50% des ventes de bière française en 1993.
Au Québec, il en est tout autrement du conditionnement de la bière. En effet,
excepté un faible pourcentage de canettes vendues, la quasi-totalité de la bière produite
est vendue en bouteilles d’un seul et unique format ( 37,5 cl ), ce qui permet de fait le
recyclage des bouteilles et donc une économie d’investissements pour les brasseurs.
En outre, il existe au Québec un système de consignes qui permet un retour
considérable de bouteilles vides. Ainsi, habituellement, les consommateurs de bière,
dans un proportion de 99 % retournent les bouteilles aux magasins qui vendent de la
bière. Cependant, ce système original de recyclage impose aux brasseurs une politique
de gestion de stocks serrée. ( contrairement au Québec, l’Ontario connaît actuellement
des problèmes de conditionnement de sa bière, dû à un insuffisant retour de bouteilles
vides).
Le packaging au Québec est donc relativement simple : les bouteilles sont toutes
identiques, quelle que soit la marque. En effet, contrairement à la France où l’on joue
beaucoup sur l’emballage du produit, les brasseurs québécois préfèrent miser sur la
qualité et la notoriété due à l’appréciation de la clientèle. Ainsi, pour l’instant, la seule
différence de design passe par l’étiquette, qui à elle seule permet d’identifier la marque
d’une bière. On peut également noter l'importance du conditionnement en canettes de
1l au Québec qui se rapproche ainsi des marchés américains et anglais.
Cependant, on voit apparaître au Québec des tentatives d’innovations en terme
de packaging. La brasserie Stroh a récemment créé une nouvelle bouteille à large
goulot, soulevant la colère des détaillants, car elle oblige à avoir des espaces de
rangements spécifiques et à faire un entreposage particulier de ces bouteilles vides. En
outre, la venue d’un nouveau format crée un « dangereux précédent » et ouvre la porte
aux autres brasseurs qui pourraient faire de même pour des raisons de marketing.
Nous pouvons donc dire qu’en terme de packaging, la vision française est
différente de celle au Québec. En effet, en France, le marketing joue un rôle primordial
et n’a de cesse que d’innover sur les formats, les couleurs, les slogans ... tandis qu’au
Québec, les gens demeurent pour l’instant plus traditionalistes et se contentent d’une
bière à format unique, satisfaisant tout aussi bien consommateurs, distributeurs et
brasseurs.
III) Comparaison des stratégies commerciales
A)La stratégie des grands groupes français:
Depuis quelques années, la principale stratégie que développe les brasseurs à
travers le monde est la concentration, pratiquant le rachat à tout va. La France était
restée à l'écart de ces grandes manoeuvres de concentration, jusqu'à ce que le numéro
2 mondial, Heineken rachète les deux brasseries indépendantes les plus importantes en
France, à savoir Fischer et St Arnould. Heineken explique ce rachat par le fait que la
compagnie bénéficiera de la forte capacité d'innovation de Fischer et par son envie de
renforcer son enracinement en Alsace, cœur brassicole de la France. Mais, Heineken
recherche également une position monopolistique sur le marché français, et pour cela
pourrait profiter des dix points de parts de marché et du créneau ouvert des produits de
MDD et premiers prix.
Cependant, cette bataille que se livre à distance Heineken et Danone ne se joue
plus à l'échelle nationale, comme le montre plusieurs Offres Publiques d'Achat
récentes, comme celle du belge Interbrew sur le Canadien Labatt. Mais Danone
bénéficie de son statut de groupe aux activités diverses tandis que Heineken,
uniquement brasseur, s'est efforcé de sortir de son marché domestique toujours étroit.
D'autre part, outre ces mouvements de concentration, les groupes brassicoles
français ont mis en place des politiques stratégiques et marketing très développées.
Ainsi, par exemple, le lancement d'une nouvelle bière est toujours l'occasion d'innover:
``pour implanter Wel Scotch en CHR, Kronenbourg distribue des fûts gratuits à tout va``.
La stratégie est donc plus que jamais une question d'imagination et de créativité.
De plus les groupes ont depuis quelques années tenté de centraliser leurs
activités: c'est-à-dire qu'ils mettent en place un circuit allant de l'approvisionnement à la
distribution, en signant des accords avec des sous-traitants ou des partenaires
commerciaux. Heineken a ainsi lancé sa gamme Bière du Monde suite à une signature
d'accords avec Cora et Auchan.
En outre, on note une nouvelle originalité de la stratégie des grands groupes. En
effet, la segmentation du marché est en train de se transformer en profondeur. ``Avant,
on segmentait par produit remarque le directeur commercial alimentaire de la Brasserie
St Omer, maintenant on procède par typologie d'achat entre les spéciales, les marques,
les MDD et les premiers prix``. Au bas du marché, ce sont essentiellement les marques
premiers prix qui se développent avec une croissance de 20% en 1995. Dominateurs
sur le terrain industriel, les grands groupes devraient livrer une bataille plus indécise sur
le front commercial. Danone l'a compris et s'est lancé dans les premiers prix sans
complexe, tout en poursuivant la recherche gains de productivité et en fusionnant les
deux forces de Kronenbourg et Kanterbrau. Car, en effet, les grands groupes ont du
revoir leurs prix à la baisse après l'émergence des premiers prix et discounters, mais
conservent tout de même une bonne image de marque. Il s'agit de créer dans les
linéaires une chaîne de tarifs homogène et logique, qui favorise le choix du
consommateur et augmente donc les ventes.
Enfin, en terme de stratégie, les grands groupes français développent la notion
de publicité. A cet égard, Danone vient de se doter d'un nouvel outil merchandising,
Pluton Plus, qui permettra grâce à des animations et de la publicité massive d'orienter
distributeurs et consommateurs vers les grandes marques. La publicité est devenue un
souci majeur des grands groupes, car elle permet de promouvoir l'image de marque.
En outre, les grands groupes doivent faire face à l'émergence des importateurs
français indépendants, qui profitent du mouvement d'internationalisation du marché de
la bière, pour se substituer peu à peu aux brasseurs.
Les grands groupes français développent donc des stratégies d'alliances, de
concentration, de recherche de productivité, de segmentation du marché et de
marketing-publicité pour développer leurs activités et accroître leurs parts de marché.
B) Stratégie des microbrasseries françaises
Les micro brasseries doivent tout d'abord faire face à de nombreux impératifs:
conditionnement ( traduction, adaptation des emballages et des contenants ), transport (
la pasteurisation, indispensable pour les longues distances, altère la qualité des bières
de spécialité ), taxes en augmentation, fidélité des consommateurs et des circuits de
distribution aux productions de leur pays respectif. Ainsi, pour les CHR ( Cafés, Hôtels,
Restaurants ), les grossistes les alimentant demandent aux micro brasseries de
participer aux investissements ( pompes à pression, ... ) qui restent trop élevés en
comparaison des résultats qu'on pourrait en attendre et surtout du peu d'enthousiasme
manifesté à l'égards des produits des micro brasseries. Pour diversifier leurs ventes par
rapport à la grande distribution et aux CHR, elles ont donc choisi de s'ouvrir à
l'international. Ainsi, 8 brasseries parmi les 14 PME du Nord Pas de Calais exportent
entre 3 et 35% de leur CA, soit une moyenne de 14% pour les 7 premières d'entre elles.
L'export reste cependant une démarche à engager dans la durée. D'une part, les
bières de spécialité issues des micro brasseries nécessitent plusieurs années de mise
au point, ainsi que des investissements réguliers pour satisfaire la demande étrangère.
D'autre part, les micro brasseries doivent s'adapter aux marchés vers lesquels elles
exportent. Les Nord-américains, par exemple, sont des clients volatiles et changent
régulièrement de produit.
Pour travailler à l'export, les micro brasseries ont toutes adopté la même stratégie
: travailler avec un importateur du pays ( et un seul par pays ). Seule exception à la
règle, la Brasserie de Saint Omer dont la stratégie commerciale en France comme à
l'étranger privilégie davantage les bières blondes premier prix et les MDD, vendues
uniquement en GMS et chez les discounters.
Une autre PME, les Brasseurs de Gayant, a progressivement appris à maîtriser
les rouages de l'exportation. Elle est maintenant la première entreprise exportatrice du
secteur avec 35% du CA en 1995. Depuis 1991, pour chaque création d'une nouvelle
bière, l'entreprise établit un cahier des charges dont les caractéristiques doivent aussi
bien répondre au marché français qu'à l'export. Son succès à l'international réside aussi
dans une large gamme de produits. Aujourd'hui, son catalogue de bières de spécialités
compte une dizaine de références qui peuvent être embouteillées et conditionnées
différemment selon les demandes. La stratégie choisie consiste à répondre à la
demande plutôt que d'engager des investissements en publicité et en marketing. La
présence dans les salons internationaux peut également s'avérer payante. Ainsi, la
Saint Landelin a obtenu la médaille d'or des meilleures bières d'Abbaye sur 30 variétés
sélectionnées lors du World Beer Championship. Ce qui assure sa publicité outreatlantique.
La Grande Brasserie Moderne opère quant à elle une réorientation stratégique
sur la grande distribution ( 56% du CA ). Ce développement en France auprès des GMS
et des discounters lui permet depuis quelques années de travailler en MDD pour Aldi,
Sainsbury, et des chaînes plus petites comme Victoria Wine. La Grande Brasserie
Moderne se spécialise sur les bières premier prix que sur les spéciales. Elle doit
cependant résoudre le problème de la recherche de productivité indispensable pour être
compétitif et référencé par les enseignes de la grande distribution.
Le problème majeur pour les micro brasseries les plus petites est qu'elles ne
peuvent pas doubler leur production du jour au lendemain compte tenu des techniques
de brassage à l'ancienne et du savoir-faire utilisés.
C) Stratégie et résultats des deux grands groupes canadiens:
L'organisation du marché canadien et son évolution permettent d'expliquer en
grande partie les orientations stratégiques de chaque groupe.
En ce qui concerne Labatt et Molson, ces deux entreprises ont dû faire face à
l'arrivée massive des bières américaines à bas prix et à l'émergence des microbrasseries. De plus, les faibles coûts de production américains ont contraint les géants
canadiens à restructurer leurs appareils de production afin de diminuer leurs propres
coûts.
Molson-O'Keefe a centralisé son service des ventes en fusionnant en un seul ses
territoires de l'Outaouais et de l'Atibi-Temiscamingue en 1993.
Tandis que Labatt a opéré un remaniement total de ses 12 usines en concentrant sa
production sur 9 sites (cf: Partie 1). Le résultat a dépassé les espérances, au cours des
quatre dernières années, les activités brassicoles de Labatt au Canada ont réduit leurs
frais de 125 millions et accru leur productivité de plus de 30%, obtenant ainsi une
hausse de 35% de leur bénéfice.
En 1994, malgré des ventes en hausse de 12%, Molson a toutefois renoncé à
poursuivre la commercialisation de la ``Rousse``, bière destinée à concurrencer les
micro-brasseries et le créneau des bières haut de gamme.
Pour répondre au besoin de changement du consommateur, Molson lance une bière
haut de gamme chaque année pendant une saison, les ``Signatures Series`` avec la
Molson Doppelbock. Cette stratégie s'est avérée plus payante et Labatt pourrait bien
l'imiter.
Le lancement de bières à bas prix devant répondre aux américains, Molson avec
le rachat de Carling et Labatt avec le lancement de la Wild Cat et de la Lucky Lager.
Cependant, selon certains analystes, les brasseries canadiennes devraient se
concentrer sur le créneau des bières populaires et éviter le marché des bières à bas
prix qui obligent les brasseurs à réduire leurs marges bénéficiaires même si celui-ci
représente maintenant 8% des ventes totales
La stratégie des deux groupes est donc proche; une présence sur tout le territoire
canadien, chaque bière possède sa clientèle précisément ciblée. Les critères de
différenciation de ces cibles sont le style de vie et les valeurs (type de consommation...)
De nos jours, la stratégie de développement pour Molson et Labatt consiste à
s'étendre auprès des jeunes, les 18-20 ans sont les premiers visés, et le principal
objectif est alors de fidéliser la clientèle le plus tôt possible. Ainsi, les universités et les
bars sont les principaux distributeurs, les grandes surfaces en étant l'écho.
Labatt et Molson recherche également à s'imposer sur le marché américain, en
se concentrant sur des produits phares tels que la Molson Dry et la Labatt bleue.
D) Stratégie et résultats des micro-brasseries québécoises:
En ce qui concerne les micro-brasseries québécoises, la stratégie adoptée a été
sensiblement identique dans la mesure où elles se sont créées au même moment et
dans un passé relativement récent. Leurs stratégies ont été basées essentiellement sur
le lancement et l'implantation même et le créneau à occuper dans un marché contrôlé
par deux monstres.
Le parcours de Unibroue est caractéristique du besoin pour ces petites
entreprises de se démarquer.
Les premiers pas d'Unibroue sont difficiles. Au début des années 90, tout est à faire, les
premières micro-brasseries viennent à peine d'apparaître. La Boréale, la SaintAmbroise ou la Belle Gueule commencent à entrer dans les bars Montréalais. Le
ministère de l'Industrie et du Commerce refuse à André Dion, PDG de Unibroue, un
permis pour brasser de crainte que la compagnie ne puisse soutenir la concurrence
américaine, avec la peur du libre-échange. Il achète alors la brasserie Radico, de
Lennoxville, le brasseur de la Massawippi, qui est au bord de la faillite. Il doit alors
retirer des dépanneurs la Massawippi gâtée, ce qui lui coûte 500 000 $.
L'investissement de départ est de 1,4 millions en capitaux propres et en emprunts de
2,6 millions.
Le mot d'ordre de la stratégie d'Unibroue est l'innovation, la bière de
refermentation en bouteille en est la clé. Sa durée de vie se compte en années. Elle
peut ainsi traîner dans les systèmes de distribution ou attendre sur les tablettes. Donc
pas de frais de retour des produits, au contraire des autres brasseurs.
Cette bière dure plus longtemps mais elle est plus délicate à fabriquer, un degré de trop
et on rate 600 hectolitres. Au début, Unibroue en a jeté des brassins.
Dans ce domaine où la propreté et la précision sont indispensables à la qualité
du produit, Unibroue décide de frapper un grand coup en allant chercher en Belgique, là
où on trouve ``les meilleures bières du monde ``. André Dion va prendre leur expertise ,
il engage un maître brasseur belge, Gino Vantieghem, sorti de l'université de Louvain.
En 1994, sur 311 000 caisses de 24, seules 36 ont été retournées.
Avec sa bière de refermentation, Unibroue s'attaque au marché haut de gamme, ``le
champagne de la broue``.
La clientèle visée est: les amateurs de vin, des buveurs irréguliers mais curieux,
connaisseurs et surtout éclectiques. Un créneau étroit dans lequel A. Dion a tout de
suite inclus un groupe que les grands brasseurs refusaient de toucher: les femmes
(Blanche de Chambly).
La capacité à innover atteint son paroxysme avec la toute dernière bière issue
des laboratoires Unibroue, la Quelquechose, une bière aux cerisesà chauffer, unique au
monde. Au delà de la nouveauté, cette bière est un bon moyen d'éviter les creux
saisonniers et de créer une bière ``d'hiver``.
Le plus créatif des micro-brasseurs (d'après ses concurrents montréalais)
fonctionne au feeling... avec un œil sur les études de marchés pour rester collé aux
clients. Rien d'étonnant à ce que son budget promotionnel soit de 15% supérieur à celui
de ses concurrents, et que ses bières coûtent plus cher de 30% que les autres
microbrassées.
En raison de son positionnement, Unibroue refuse la guerre des prix, ils visent le
haut de gamme.
Pour lancer la gaillarde, qui a coûté 430 000 $ et demandé 6 mois de recherche,
Unibroue a loué les salles du château de Frontenac. Parce-que sa bière se bonifie en
vieillissant, elle crée des millésimes de la Fin du Monde. Les premières microbrasseries
avaient ammener les gens à discuter au sujet de leur bière, Unibroue a, elle, lancé toute
une culture; elle éduque le buveur.
De plus, pour s'assurer de la qualité avec laquelle ses produits sont servis, les
vendeurs d'Unibroue sont chargés de faire l'éducation des taverniers et des serveurs.
Du point de vue de la distribution, Unibroue cherchait à s'implanter dans les
discothèques, mais Labatt et Molson ont des contrats d'exclusivité dans les universités,
et les jeunes montréalais sont accrochés à la Saint-Ambroise et à la Boréale dans les
bars. Les ``bières à Charlebois`` se sont plutôt imposées par le réseau des dépanneurs.
Plus encore que les autres brasseries canadiennes, Unibroue a vocation à
exporter.
En janvier 95, cinq équipiers d'Unibroue ont animé huit suoermarchés Cora, en
Belgique, avec dégustation à la clé. La Maudite et la Fin du Monde se sont vendues
comme des petits pains. Cette stratégie a commencé en Belgique pour une raison très
simple, si les Belges se mettent à boire la bière d'Unibroue, cette dernière n'a plus à
prouver au Canada qu'elle est bonne.
L'animation en supermarchés a été étendue à la France, en Suisse, en GrandeBretagne et en Suède. Les Etats-Unis, où Unibroue a réalisé 7% de ses 15 millions de
ventes en 1994, le succès est le même. Le Beverage Institute y a même classé
Unibroue parmi les 10 meilleures brasseries du monde. Outre les récompenses des
bières telles que la Maudite ou la Fin du Monde, Unibroue a été désignée entreprise de
l'année 1995 aux Mercuriades de la Chambre de Commerce du Québec.
D'une manière générale, la stratégie d'Unibroue sur le plan de la notoriété
consiste à sortir de nouvelles bières en permanence (une ou deux par an), et le vecteur
médiatique qu'est le chanteur populaire québécois Robert Charlebois se charge de faire
connaître les bières lors de ses tournées.
E) Stratégie des américains et conséquences:
Enfin la stratégie des producteurs américains consistent à investir le marché par
le même moyen de distribution que les microbrasseries, soit les dépanneurs, soit les
épiceries. Stroh, par exemple, a commencé la commercialisation de ses bières, Old
Milwaukee, Red Bull, et Stroh's en mai 94.
Miller a choisi l'alliance avec Molson pour distribuer ses produits. La plupart des
brasseurs américains ont racheté quelques unes des 500 micro-brasseries établies au
Canada.
On estime que Stroh avec ses bières bon marché occupe 1,4% du marché.
La venue de cette nouvelle concurrence transporte peu à peu les efforts
marketing des brasseries sur les tablettes des dépanneurs et des épiciers. Molson et
Labatt vont se battre sur les prix, les promotions en magasin et le service aux
marchands plutôt que de rivaliser sur les commandites de grande visibilité. La publicité
comparative de Stroh a contraint les deux groupes à accélérer ce mouvement.
Labatt après son rachat par Interbrew devrait ainsi progressivement se
débarrasser de ses engagements dans le sport, et dans la télédiffusion.
IV) Habitudes de consommation
A) Généralités
La consommation moyenne par habitant et par an est de 70 litres au Québec
contre 40 litres en France ( le record en la matière appartenant à l’Allemagne avec 150
litres).
Pour expliquer cette différence qui va pratiquement du simple au double, il
convient tout d’abord de se pencher sur le type de bière proposé dans chaque « pays »:
la France a une longue tradition de fabrication de la bière et marque sa spécificité par
rapport au Québec par le goût prononcé de ses bières. En France, le consommateur
boit beaucoup de bières dites « spéciales » ( ces bières comptent pour 32% du marché
). Force est de constater que boire une bière spéciale ne repose pas sur la même
attitude que boire une bière dite « bock ». Le Français en règle générale déguste la
bière, l’apprécie pendant un bon repas: le plaisir n’est pas de boire mais de boire une
bonne bière, une bière de dégustation avec un goût et une saveur unique ( on peut
établir ici un parallèle avec le vin ).
A l’inverse, le consommateur québécois a tendance à boire très peu de bières
spéciales. Tout d’abord pour une raison fort simple: le marché des bières spéciales est
encore peu développé (2.7% du marché )( on verra par la suite l’évolution de ce marché
avec l’explosion du nombre de microbrasseries ). L’offre étant particulièrement faible,
les québécois boivent très peu de ces bières. La deuxième raison est profondément
ancré dans la culture québécoise: elle attrait au sport; en effet nombre de québécois
boivent des bières devant la télévision, pendant les matchs de hockey, basket, football
américain ou base-ball. Pendant ces matchs, on boit en grandes quantités des bières
légères, désaltérantes ( les dry ). Certes, les français aiment aussi boire devant les
rencontres sportives mais au Québec les matchs sont quasi quotidiens contrairement à
la France où les matchs de soccer n’ont lieu qu’une fois par semaine.
Il semble donc que ce soit devant la télévision et non pas à table que le
québécois boit. La différence quantitative s’en ressent fortement.
Un troisième lieu de consommation à ne pas oublier est le bar ou le pub;
cependant, il n’apparaît pas ici de différence significative entre la France et le Québec.
Certes la consommation dans les pubs québécois est légèrement supérieure à celle
dans les bars français mais elle provient à nouveau du sport: le pub est en effet un
endroit de rencontre privilégié où l’ on peut boire tout en regardant un match de l’équipe
locale préférée. Il est frappant de voir au Québec le nombre de pubs disposant d’écrans
géants et diffusant toute la journée du sport.
Comme nous l’avons dit précédemment, le marché des microbrasseries est en
plein essor actuellement au Québec ( leur part de marché a doublé depuis 1989 ). Ceci
va sans aucun doute changer les habitudes de consommation des québécois. En effet,
les bières produites par les microbrasseries sont le plus souvent des bières de
spécialité comme le souligne Mde Urtnowski, présidente de l’Association des
Microbrasseries du Québec ( AMQ ). Ainsi les québécois consomment-ils de plus en
plus de bières de dégustation ce qui a tendance à diminuer leur consommation globale
de bière: on ne boit pas de la même façon une bière spéciale et une bière bock. Les
habitudes des québécois semblent donc actuellement se rapprocher de celles des
français. D’ailleurs, lorsque l’on interroge Marc Tremblay, brasseur à la Microbrasserie
les Brasseurs de l’Anse sur sa bière, il compare la manière de la boire avec celle du vin:
il insiste sur la qualité, le goût, la saveur, l’importance des ingrédients et plus encore sur
la façon de boire la bière: « Comme les grands vins, les grandes bières se dégustent.
Avec recueillement. Selon des rites précis. » La bière s’apprécie d’abord avec les yeux:
sa couleur, sa pétillance et sa brillance sont autant d’attraits, autant de signaux
annonçant les plaisirs du palais.
Ainsi, on peut dire avec André Martineau, président des Brasseurs GMT à
Montréal que « le marché de la bière est de plus en plus en mouvement. Il s’y
développe des créneaux de consommateurs plus sélectifs à l’image du marché du vin
par exemple ».
Si la France a une longue tradition de bières au goût raffiné, ce marché est tout
nouveau au Québec; le phénomène devrait s’accélérer ce qui fait dire à Normand
Guérin, directeur de l’exploitation GMT, qu’avec le temps le consommateur québécois
achètera sa bière selon les occasions, « comme on choisit un vin blanc ou rouge, corsé
ou non ».
B) Publicité pour la bière:
Contrairement à ce qui se passe en France, la publicité pour l’alcool n’est pas
interdite au Québec. Cependant, il faut nuancer cette différence. Dans les faits, il
n’existe pas de publicité pour les boissons fortes; pour ce qui concerne la bière, la
publicité est ici surréglementée. Par exemple, une publicité doit montrer une bouteille de
bière maximum par personne présente dans le spot. Un verre de bière doit être
totalement plein ou complètement vide pour ne pas insinuer que les gens boivent. De
même, on ne peut pas voir de bouteilles au bord d’une piscine et dans nombre de
situations semblables qui pourraient provoquer un accident.
En matière de création publicitaire, on n’observe pas de règle particulière suivie
par les créateurs. Dans les publicités, on retrouve souvent l’humour, l’amitié et le sport
mais ce ne sont pas exclusivement ces thèmes qui sont abordés: les brasseries font
aujourd'hui la promotion de leur produit plutôt que d'un style de vie. D'ailleurs la dernière
publicité de Labatt met l'emphase sur son degré d'alcool ( 5,6% ); c'est bien sur la
spécificité du produit, son originalité et donc ses différences que les publicitaires ont
choisi de mettre l'accent. La compagnie a également abandonné les publicités d'époque
qui voulaient qu'un couple de jeunes figure dans toute annonce publicitaire. ``Ces
publicités mettant des adolescents en vedettes n'attirent plus`` affirme Mr.Palmer,
président d'Equity Research Associates, une firme de marketing suivant de près
l'industrie des brasseries.
Il faut enfin ici faire une place toute particulière à Molson-O'Keefe qui a frappé
dans le mille avec sa dernière promotion de la Molson Dry, offerte dans des bouteilles
aux capsules ``musicales``: quand on ouvre une bouteille, si on entend un bruit d'avion
alors on a gagné un voyage, si c'est le bruit d'une voiture, on a gagné une voiture.
``C'est l'une des promotions les plus efficaces qu'on ait jamais faites`` affirme Mr
Moisan, directeur des ventes de la compagnie.
Commandite: la commandite est un moyen rentable pour certaines entreprises de faire
parler d'elles. En commanditant un événement sportif ou culturel ( par exemple Molson
avec le Grand Prix de Formule 1 du Canada et le championnat de hockey, Labatt qui
possède deux chaînes de télévision et l'équipe de base-ball de Toronto ), le fabricant de
bière attire la sympathie et l'approbation. De plus, cela permet à l'entreprise de contrôler
les points de vente de bière sur l'emplacement d'un événement.
Cependant toutes les brasseries ne peuvent pas se permettre de faire de la
commandite étant donné le coût important de celle-ci. Au Québec, seuls MolsonO'Keefe et Labatt font réellement de la commandite, les autres brasseries se contentant
de quelques apparitions ( cf tableau ). Elle est la cerise sur le gâteau d'une politique de
communication ( relations publiques, publicité, etc ) avec les consommateurs. Elle
améliore l'image corporative de la société. D'ailleurs Mr Delagrave vice-président média
de Cossette estime qu'une société doit faire de la publicité, un véhicule plus rentable et
dont le message est plus facile à contrôler qu'une Commandite.
Événements
sportifs (en %)
MolsonO'Keefe
Bell Canada
Labatt
Coca-Cola
McDonald's
Autres
brasseries
29
Événements
Émissions
culturels ( en télévision
%)
%)
4
7
0
11
0
0
0,5
18
14
0
0
0
8
3
0
0
1
de Total (en %)
(en
15
11
7
3
3
1,5
Conclusion:
En conclusion, nous pouvons dire que les deux marchés, français et québécois,
disposent de la même structure organisationnelle. En effet, deux groupes dominent
chacun des marchés: Labatt et Molson au Québec, Danone et Heineken en France, le
reste étant occupé par les microbrasseries.
A cet égard, nous constatons qu'en terme de perspectives à venir, l'enjeu réel du
marché international de la bière se situe au niveau des microbrasseries. En effet,
contrairement aux grands groupes qui se cantonnent dans une politique de production
de masse et banalisé, les microbrasseries, elles, font preuve d'originalité et de créativité
dans la conception de leurs bières. Ainsi, alors que le créneau de la bière de base est
saturé aussi bien en France qu'au Québec, celui de la bière haut de gamme reste
ouvert aux microbrasseries.
Enfin, en ce qui concerne l'internationalisation du marché de la bière entre le
Québec et la France, nous pouvons dire que dans un cas comme dans l'autre, une
entreprise désirant s'implanter et s'ouvrir au nouveau marché ne pourra y parvenir que
par le biais d'une alliance ou d'un rachat.
ANNEXES
Historique :
Des auteurs anciens font remonter l’invention de la bière en Orient, vingt siècles
environ avant l’ère chrétienne. Dès lors, chaque civilisation s’est ingéniée à substituer à
l’eau des breuvages plus attrayants, élaborés à partir d’une fermentation de grains.
En France, pour corriger le goût douceâtre de la cervoise, on lui adjoint des
plantes arômatiques douées d’amertume, telles que gentiane, lavande, sauge, absinthe,
conandre, puis, suite aux croisades, piment, cannelle, genièvre et laurier. La
généralisation de l’emploi du houblon, introduite par les monastères du nord de la
France, coïncide avec l’apparition du mot « bierre » dans un texte offficiel, en date du
1er avril 1435.
Plusieurs travaux scientifiques au XIXe siècle, comme l’isolation de la diastase du
malt par PAYEN et PERSOZ (1832), les travaux de PASTEUR sur la fermentation
(1859) et la pasteurisation (1866), puis sur les levures de bière (1871), la fermentation
du moult de malt par HANSEN (1880), permettent de faire progresser la brasserie à pas
de géant.
Aujourd’hui, c’est en alliant savamment plusieurs ingrédients, que les maitresbrasseurs obtiennent des bières de grande qualité : le malt pour l’arôme, les grains crus
pour la stabilité, le houblon pour l’amertume, l’eau pour la pureté, les levures pour la
fermentation, ...
Conception :
La fabrication traditionnelle de la bière nécessite cinq étapes spécifiques :
- En broyant des grains d’orge grillés, on obtient le « moult » de malt.
- On le mélange avec de l’eau, on chauffe, on filtre, on décante, et on rajoute du
houblon.
- On refroidit, et on rajoute les levures.
- On laisse mûrir en cave.
- On filtre à nouveau, et on pasteurise.
En variant les dosages et les ingrédients, on peut obtenir des dizaines de types
de bière différents. On distingue par exemple :
- Les bières à fermentation basse : pâles, peu amères.
- Les bières à fermentation haute : très houblonnées, fortes en goût.
- Les bières brunes : teinte foncée, obtenues grâce à des matières premières
spéciales (malts spéciaux, caramélisés).
Visite de la Micro-brasserie de l’Anse
La micro-brasserie de l’Anse se situe à l’Anse-St Jean, dans la région du
Saguenay.
Cette jeune microbrasserie, une des dernières nées au Québec, a choisi ce site
en raison de la proximité du fjord du Saguenay et de la pureté de son eau, qu’elle va
puiser à 180 pieds sous terre (environ 60 mètres).
En terme de chiffres, les investissements nécessaires pour l’installation des
« Brasseurs de l’Anse » se sont élevés à 1,3 milliards de $, ce qui reste dans la
moyenne des micro-brasseries québecoises. A l’instar d’Unibroue, la dynamique microbrasserie de Chambly, près de Montréal, elle a dû essuyer des pertes à ses débuts,
avant d’atteindre son rythme de production.
En terme de produits, la brasserie de l’Anse a démarré voici un an avec
l’ « Illégale », une bière spéciale qui l’a propulsé sur le marché. Puis, elle a décidé de
brasser une bière haut-de-gamme, dont la conception serait propre à la brasserie. C’est
ainsi qu’est née la « Folie douce », une bière spéciale aux bleuets, les brasseurs
s’approvisionnant en bleuets à l’usine située près du fjord. Mais étant donnée sa taille,
pour pouvoir produire la qualité, la brasserie a dû également produire la quantité. C’est
pour cette raison qu’est apparue simultanément
l’ « Illégale Dry », une bière bon marché et de grande consommation. Ainsi, les
brasseurs de l’Anse se placent sur trois créneaux différents, pour maximiser les ventes.
En terme de quantité, la brasserie a, depuis peu, atteint sa capacité maximale de
production, qui est équivallente à 4000 caisses (de 12 unités) par semaine. Elle compte,
dans un premier temps tout dumoins, se maintenir à ce rythme.
En terme de productivité, la micro-brasserie de l’Anse fait partie d’une entente
entre brasseurs et distributeurs, et n’utilise que des bouteilles d’un modèle standard,
afin de pouvoir récupérer les bouteilles, et les réutiliser ensuite. En revanche, en ce qui
concerne la « Folie douce », la faible quantité produite a poussé les brasseurs à
adopter un format de bouteille plus grand, donc plus avantageux, car le prix de vente
s’en trouve augmenté.
En terme de distribution, les brasseurs ont commencé par un démarchage
classique, sans stratégie globale. Petit à petit, ils se sont implantés partout au Québec.
Aujourd’hui, ils sont distribués par OMNI, qui importe et distribue également la «
Milwaukee » américaine, et écoulent principalement leurs stocks dans les
supermarchés, les dépanneurs, et les bars, en grande partie à Montréal. Ils ont même
des liens avec une micro-brasserie belge, et projettent déjà d’exporter en France.
En terme d’image enfin, la Brasserie de l’Anse table sur un packaging original,
qu’elle a conçu elle-même. Elle bénéficie également de l’image de qualité dont peuvent
se targuer les micro-brasseries québecoises. Du fait des bonnes relations
qu’entretiennent ces dernières, « Unibroue dope le marché plus qu’il n’écrase la
concurrence » nous a confié Marc Tremblay, le marché est en pleine expansion, et «
Les Brasseurs de l’Anse » ont su s’infiltrer dans la brèche.
BIBLIOGRAPHIE
Le Moci 22 février 1996
13 janvier 1996
Libre Service Actualités numéros 1417, 1433, 1438, 1485 ( d'octobre 94 à mars 96 )
L'Expansion 29 juin 1994
6 mars 1996
L'Entreprise numéro 1417 ( avril 1996 )
Le Commerce 5 mai 1996 ( périodique québécois )
La Presse de novembre 1993 à septembre 1995
Les Affaires de février 1995 à janvier 1996
Le Devoir de mai 1994 à juin 1995
Le Soleil de juillet 1994 à novembre 1995
Presse canadienne : dossiers sur le conflit USA-Québec concernant les importations
de bières
The Beer Book par Will Anderson
Dossier de l'entreprise Danone ( Kronenbourg )
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