GROUPE ESC POITIERS RAPPORT DE MANAGEMENT INTERCULTUREL Thème : « Étude comparative du marché de la bière en France et au Québec » SHERBROOKE 1996 HACHEM Monir HEIN Stéphane LE PETIT François MEZERETTE Frédéric TEILLET Thibault SOMMAIRE Introduction I) Analyse des marchés français et québécois A) Le marché français a) évolution et situation présente b) mouvements des grands groupes c) radioscopie du marché français par types de bières B) Le marché québécois a) évolution b) les organes de contrôle c) situation présente d) données et forces en présence e) les perspectives II) Comparaison des modes de distribution et Packaging A) La distribution au Québec B) La distribution en France C) Le packaging III) Comparaison des stratégies commerciales A) La stratégie des grands groupes français B) La stratégie des microbrasseries en France C) Stratégie et résultats des deux grands groupes canadiens D) Stratégie et résultats des microbrasseries québecoises E) Stratégie des Américains et conséquences IV) Habitudes de consommation A) Généralités B) Publicité Conclusion Annexes Introduction: Parmi toutes les boissons alcoolisées, la bière est sans conteste celle qui a connu le plus de déclinaisons. Chaque nation possède ses brasseries, chaque brasserie ses propres bières et chaque bière sa propre identité. Ainsi, il existe différentes cultures de la bière. Peut-être plus encore que les autres aliments communs à toutes les nations, la bière dépend directement des habitudes de consommation et plus généralement de la culture propre au pays dans lequel elle est fabriquée. Après avoir analysé dans une première partie le marché français et le marché québécois, nous étudierons et comparerons le mode de distribution et la stratégie brassicole des deux ``pays``. Nous tenterons enfin d'expliquer ces différences afin de comprendre dans quelle mesure une entreprise française pourrait venir s'implanter au Québec. I ) Analyses des marchés français et québécois: A) Le Marché français: a) évolution et situation présente: De 1980 à 1994, le marché français de la bière restait désespérément statique, tiraillé tout à la fois par le haut et par le bas, au détriment de Kronenbourg et Heineken, les deux grands du secteur. L’Association des Brasseurs de France a dû faire face en 1992 et 1993 à des conditions climatiques défavorables, à une augmentation des taxes européennes et aux incidences de la loi Evin. Ceci a amené un tassement sensible du marché. Ainsi en 1993, les Français ont bu moins de 22.7 millions d’hectolitres, ce qui a fait glisser la consommation annuelle par personne sous la barre symbolique des 40 litres. En outre, Kronenbourg ( Danone ) et Heineken ont connu des échecs. En 1993 et 1994, les deux groupes ont dû affronter la montée des premiers prix, conséquence directe de l’invasion des hard discounters. Par ailleurs, les bières de spécialité plutôt haut de gamme ont connu ces quatre dernières années un développement sans précédent. « On peut toujours passer les chiffres à la moulinette, il y a la réalité du marché : les consommateurs sont devenus intelligents, ils ne veulent plus payer une marque si elle n’apporte pas une réelle plus-value », proclamait en 1994 Michel Debus, PDG du groupe Fischer. Ainsi donc en 1994, Danone et Heineken devaient faire face à ce double phénomène : montée des premiers prix et développement des bières haut de gamme. 1995 et 1996 auront marqué le renouveau du marché français tant au niveau du repositionnement de Kronenbourg et d’Heineken que de la progression générale du CA pour le secteur. b) mouvements des grands groupes: En effet, les deux grands groupes ont enfin réagi aux attaques des discounters et ont adopté des stratégies différentes des années précédentes. Pour contrer les MDD ( Marques de Distributeurs ) et les discounters, ils ont décidé de baisser les prix des spéciales et des panachés. Danone a passé des accords avec le groupe Promodès. Ainsi depuis janvier 1995, les brasseries européennes de Danone fournissent la majorité des magasins européens de Promodès. Kronenbourg en France, San Miguel en Espagne, Peroni en Italie alimentent le discounter Dia, les magasins de proximité Codec et Shopi, les supermarchés Champion et les hypermarchés Continent. Ces brasseries produisent à la fois les bières premiers prix, les MDD et les marques nationales destinées à ces magasins. Telle est la nouvelle stratégie (en bref ) de conquête de parts de marché dans la bière du groupe d’Antoine Riboud. D’ores et déjà, le CA de cette branche a considérablement augmenté en 1994 : +12,5% atteignant 7,2 milliards de francs ( Ce CA était à la baisse en 1993 ( 6,3 millards de francs ) et stagnant depuis 5 ans ( 6,5 milliards de francs ) ). Enfin, avec le lancement de nouvelles bières en 1995, les fabricants sont parvenus à faire reculer les MDD ( cela ajouté à la baisse des prix précitée ). Ainsi en 1995, le marché se répartissait comme suit: Kronenbourg Heineken Interbrew MDD 1ers prix Autres marques : : : : : : 50,1% 23% 3,6% 12,9% 8,6% 4,5% De son côté, Heineken ( 2ième groupe mondial ) a attendu cette année pour passer à l’offensive. Le 13 février, il annonçait le rachat simultané des deux principales brasseries indépendantes de l’hexagone, Fischer en Alsace et Saint-Arnould dans le nord. D’un seul coup, le jeu à plusieurs se trouve pratiquement réduit à un face à face entre Danone et Heineken. Et ce dernier a considérablement réduit l’écart en portant sa part de marché à 36%. c) radioscopie du marché français par types de bières: Le marché français comprend les bières de luxe (Kronenbourg, Kanterbrau), les spéciales (1664, Gold), les spécialités (Leffe, Adelscott...), les panachés, les bières sans alcool, les brunes, les ambrées et rousses. La présentation de ce marché passe par la répartition du poids de ces différents types de bière. Evolution des ventes de bière en 1995 Segments Luxes Spéciales Panachés Spécialité s Sans alcool Brunes TOTAL Volume (milliers d’hl) 1995 5615 1500 639 550 Evol % +1.4 +4.3 +7.6 +19 Valeur (millions de frcs) 1995 3697 2390 391 NC Evol % -0.2 +8.3 +6.7 NC 1995 1613 1183 277 NC Evol % +3 +7 +5 NC 373 -6.6 292 -9.5 246 -14 160 8837 +2 +2.9 188 6958 +1.9 +2.8 145 3465 +1 +3 Source : Nielsen / Scantrack Linéaire (en cm) Les chiffres ci-dessus n’offrent qu’un aperçu du marché. Ils ne comprennent que les ventes en hyper et supermarchés. Les ventes en hard discount (1 million d’hl ) ne sont pas comptabilisées. Segmentation du marché en valeur Luxe + Bock Spéciales Spécialités Ambrées + rousses Brunes Sans alcool Panachés TOTAL Valeur (millions de frcs) 4798.1 1849.9 504.1 147.4 Variation sur un an (%) -2.3 +2.4 +7 -4.6 PDM (%) 223.7 382.6 411.5 8317.3 +2.3 -13.1 +10.4 -0.6 2.7 4.6 4.9 - 57.7 22.2 6.1 1.8 Source : Nielsen La croissance en valeur des spécialités et des panachés est inférieure à celle des volumes : des baisses de prix à l’unité ont été pratiquées. En revanche, les prix des bières de luxe ont fortement augmenté, expliquant en partie leur recul en volume, dont l’essentiel provient de la part de marché prise par les hard discounters. Le marché des bières de luxe est lui dominé par Kronenbourg dont les ventes représentent 39 % du total. En fait, les MDD souffrent de la baisse de tarifs des deux grandes marques. Ainsi, le prix de la Kanterbrau a baissé de 8 % en 1995, et elle vaut désormais 15 % de moins que la Kronenbourg. Si les MDD baissent, les premiers prix connaissent la même tendance. Il aura fallu trois ans aux grands brasseurs pour observer le marché, repositionner leurs marques et inverser la tendance. De même, les bières spéciales poursuivent leur formidable développement en grande distribution. En effet, elles pèsent désormais plusieurs milliards de francs et générent beaucoup plus de marges que les bières de luxe. Les brasseurs règnent en maîtres sur ce marché, les MDD et les premiers prix n’ayant pas même le droit à une portion. Les grandes surfaces ne s’y trompent pas : elles ont augmenté leurs parts de linéaire de 7 points en un an. Evolution des ventes de bières spéciales Marques Parts des ventes totales Evol % 43.1 % Heineken 37.4 % 1664 11.3 % Gold 8.2 % Autres 1.450.000 TOTAL (en hl) Source : LSA / Fournisseurs (février-mars 1996) +1 +1 stable stable +4.3 Le marché des spécialités des années 90 restera marqué par deux événements majeurs : le succès de la Leffe, qui atteint des niveaux records et la pénétration de l’Adelscott. Heineken prévoit de la diffuser dans son réseau mondial. Les spécialités figurant au nombre des raisons qui ont amené Heineken à s’intéresser à Fischer, Kronenbourg propose Wel Scotch et Grimbergen. La première connaît une bonne progression dans les GMS. L’élan des bières de spécialités provient aussi des étrangères, notamment des nord-américaines, comme Budweiser et Labatt. Evolution des ventes de spécialités en 1995 Marques Parts des ventes totales 16 % Pelforth 15.5 % Leffe 6.5 % Adelscott 1.9 % Well Scotch 3% 1664 brune 57.1 % Autres 550 000 TOTAL (en hl) Source : LSA / Fournisseurs Evol % stable +29 % stable +85 % nc nc +19 % Quant au marché des bières sans alcool, il continue de s’effondrer contrairement à celui des panachés. Le marché reste cependant banalisé, près d’un quart revenant aux MDD et premiers prix. Enfin, les ventes se font à 34% dans les cafés, hôtels et restaurants et à 66% dans les GMS. En fait, avec la loi Evin qui restreint la publicité, la concentration de la grande distribution et la baisse de la consommation par individu, le marché français est devenu l’un des moins rentables et des plus difficiles en Europe. Le meilleur moyen de gagner des parts de marché est donc devenu le rachat. Tout comme celui de la grande distribution, le marché de la bière français est en train de se concentrer. Face aux géants, les microbrasseries tentent de se développer et sont à l’origine du développement des bières de spécialités. En effet, les grands groupes détiennent 90% des PDM, mobilisent des budgets de communication considérables et contrôlent plus des deux tiers du réseau des cafés, hôtels et restaurants. Les microbrasseries représentent à peine 0.002 % de la production mondiale et les volumes d’échanges internationaux sont limités (0.03 %). De taille très diverses, les chiffres d’affaires et les effectifs varient respectivement de 1.2 millions de francs à 495 millions et de 2 à 600 salariés : ces PME mobilisent des moyens financiers et humains très différents. LE PALMARES DES PRINCIPALES BRASSERIES EN 1994 ( FRANCE ) NOMS EFFECTIFS CA 1994 en % MF EXPORTATION 2159 5500 4,4% kronenbourg VOLUME EN GMS 66% heineken 1800 3478 - 55,3% fischer dont Adelschoffe n 332 1500 21 60% interbrew 890 1280 - 35% Brasserie de Saint Omer Brasserie du Gayant 200 420 5 80% 130 125 30 20 Tradelink 30 60 - 40 B) Le marché québécois: PRINCIPALES MARQUES kronenbourg ( K, Traditions anglaise et allemande ), 1664, Gold, Wel Scotch, Force 4, Tourtel heineken, buckler, 33 export, pelforth, mützig, gamme Bières du monde Fischer, Adelscott, Kingston, Desperados, Adelschoffen Stella Artois, Leffe, Jupiler, Hoegarden Saint Omer, MDD,... Bière du Démon, bière du Désert, Goudale, Abbaye de Saint-Landelin, Celta (sans alcool), Celta (brune) Corona extra, Red stripe, Labatt Ice Beer, Bombardier a) évolution Le marché québécois fonctionne comme un ``micromarché`` au sein du marché canadien. Il oscille entre 1,35 et 1,4 milliards $ aux dires de l'association des brasseurs du Québec. 40 à 45% des ventes sont réalisées pendant la période estivale. On estime que par un temps chaud, ce pourcentage peut augmenter de 10 à 15%. A l'inverse, la pluie et le froid feront plonger les ventes de 6% (ex: été 1992). L’évolution du marché de la bière durant ces dix dernières années fait apparaître deux tendances majeures, confirmées par l’analyse du marché français. Tout d’abord, les canadiens boivent de moins en moins d’alcool et la bière n’échappe pas à cette règle: malgré une légère reprise de la vente en volume, le canadien boit moins de bière en moyenne qu'il y a 10 ans. Consommation de bière au Québec ANNEE 1979* 1991 1992 1993 1994 1995 Niveau de Consommation (en hectolitres) 6 millions 5,4 millions 5,175 millions 5,125 millions 5,3 millions 5,5 millions * niveau de consommation record Cette baisse régulière est due selon les brasseurs, au vieillissement de la population, au changement des habitudes de vie, aux étés froids, aux alcootests imposés aux automobilistes, etc. La raison principale semble être néanmoins le prix de la bière qui est resté bien trop élevé jusqu'à l'entrée des bières américaines bon marché le 1 er octobre 1993. Cette invasion a été l'objet d'un conflit entre le Canada et les Etats-Unis. Les relations entre les deux pays étaient déséquilibrées en faveur du Canada. En octobre 1991, un comité du GATT concluait que certaines pratiques de commercialisation et de distribution de la bière au Canada étaient discriminatoires envers les produits américains. Les provinces canadiennes ont par la suite présenté des propositions pour se conformer à la décision de ce comité et le Québec, entre autres, adoptait le 22 juin 92, une loi pour permettre la distribution de la bière américaine dans les dépanneurs, à compter du 1er octobre 1993. b) les organes de contrôle Avant cette date, le seul moyen d'exporter au Canada était la distribution par les magasins de la Société des alcools du Canada. Ces sociétés étaient un outil de protectionnisme efficace. Encore aujourd'hui, la SAC est un organe de contrôle du marché; c'est l'importateur officiel des boissons alcoolisées. Elle se charge d'inspecter les produits et elle exige des brasseries étrangères que leurs produits transitent par les entrepôts qu'elle possède, pour cette inspection. Le deuxième organe de contrôle du marché est la Régie des Alcools du Canada, dépendante du ministère du Commerce et de l'industrie, qui octroie ou non le permis de brasser aux entreprises désirant s'implanter. Le nombre de permis délivrés augmente sans cesse (une dizaine en 1996), après une période d'inquiétude due à la concurrence américaine, les autorités font davantage confiance aux microbrasseries. Ces organismes existent également au niveau du Québec, la SAQ et la RAQ constituent ainsi une deuxième barrière pour les importateurs. c) situation présente Certains brasseurs pensent que l’industrie a touché le fond en 1993. Selon eux, l’arrivée des bières bon marché et les produits des microbrasseurs incitent les gens à essayer de nouveaux produits, ce qui favorise les innovations. On assiste alors à un changement de comportement du consommateur. La fidélité des marques n’est plus ce qu’elle était et les gens boivent moins qu’avant. En revanche, un plus grand nombre de personnes dégustent une bière de temps à autre. Le deuxième phénomène observé est la multitude des bières nouvellement créées. Il n’y a pas si longtemps, il n’existait que deux types de bières, la lager (blonde) et la ale (brune). De nos jours, les marques se multiplient dans les bars, tavernes et brasseries. Désormais, chaque brasseur présente un menu complet de toutes les différentes bières. La guerre que se livrent les deux principaux brasseurs canadiens en est également l’une des causes. Pour chaque lancement d’une nouvelle Molson, Labatt réplique en mettant une nouvelle bière sur le même segment de marché et vice versa. Molson, le numéro 1 au Canada, occupe ainsi l’ensemble des différents créneaux en déclinant sa gamme. contemporary Molson Canadian, Carling et Black Label traditional Molson Export, Laurentide, O’Keefe Ale et Old Vienna premium Molson Special Dry, Molson Cream Ale, Molson Amber Lager, Signatures Series (séries limitées distribuées une fois par an) Molson Dopplebock ice Molson Canadian Ice, Black Ice, Carling Ice, Molson Ice (pour l’exportation aux EtatsUnis seulement) alt Red Dog light Molson Canadian Light, Coors light, Foster’s Light, Miller Lite, Miller Genuine Draft Light, Carling Light non-alcoholic Molson Exel une bière à 0,5 % d’alcool avec 74 calories par verre. Au total, Molson et Labatt distribuent plus de 80 marques distinctes de bières dans diverses régions du pays. Il faut y ajouter les bières fabriquées par les brasseurs indépendants et les bières importées. Ces dernières sont importées surtout dans les grandes villes, elles bénéficient de leurs économies d'échelles, de leurs coûts de production 2 fois moins élevé que ceux des brasseries canadiennes, et de la taxe nationale qui est de 19%, contre 50% aux bières canadiennes. De plus,les microbrasseries ont contribué très fortement à la multiplication du nombre de marques. Leur développement représente l’un des faits majeurs de ces cinq dernières années. La principale conséquence des changements intervenus sur le marché ces dernières années est la concentration des entreprises et les nombreuses stratégies d’alliances. Au terme des changements effectués, on peut distinguer les deux brasseries géantes que sont MOLSON O’KEEFE et LABATT, qui font toutes les deux partie des brasseries les plus rentables du monde. RENTABILITE DES PRINCIPAUX BRASSEURS DANS LE MONDE Marge bénéficiaire * Brasseries Labatt du Canada Anheuser-Bush Brasseries Molson du Canada Guiness Heineken Miller 22,7 % 19,4 % 17,8 % 12,7 % 10,3 % 9,6 % Carlsberg Coors Source: 8,8 % 5,7 % John Labatt * Bénéfices avant intérêts et impôts pour le dernier exercice. d) données et forces en présence: Bien que la consommation de bière soit constamment en déclin au Canada depuis 1980, les consommateurs n’en ont pas moins dépensé 9,6 milliards $ pour siroter du jus de houblon en 1993. Dans un marché où, un point de pourcentage de marché représente un gain de 15 à 20 millions $ en profits, la part de marché est très chère. Molson, qui distribue 50 marques de bière au Canada, possède environ 47% du marché national, tandis que Labatt et ses 30 marques et plus occupe 45% du marché. L’ensemble des microbrasseries vendent entre 3% et 4% des 5,5 millions d’hectolitres bus au Québec, soit 1,5 milliard $. La famille Molson a commencé à brasser de la bière au Canada en 1786. Depuis1993, 40% de la brasserie appartiennent à Foster’s d’Australie et 20% à la compagnie américaine Miller Brewing. Les compagnies Molson de Toronto en détiennent le reste. A la suite d’un accord entre ces derniers, Labatt a étendu ses activités brassicoles au Mexique, aux Etats-Unis, en Italie, et en Grande-Bretagne. Avec des profits de 155 millions $ en 1994, sur des ventes d’environ 2,3 milliards $, Labatt contrôle 45% du marché canadien (quelques 20 millions d’hectolitres en tout). Pour arriver à ce niveau de performance, Labatt a dû réduire ses frais de 125 millions $ en 4 ans et augmenté sa productivité de 30%. Ces résultats ont été obtenus à la suite de la réduction du nombre de ses brasseries de 12 à 9, et une diminution du personnel de 25%. La différence de coût à l’hectolitre avec les brasseries américaines, qui profitent pourtant d’économies d’echelles considérables, est passé de 40 dollars à une dizaine. La brasserie veut encore diminuer ses coûts de 75 millions $ (7,5%) d’ici 3 ans, mais les analystes ne voient vraiment pas comment elle pourrait encore améliorer son efficacité. La guerre entre Molson et Labatt constitue le leitmotiv de l’évolution du marché canadien. Avant 1989 et le rachat de O’Keefe par Molson, Labatt avait pris 8 points d’avance à coup de Bleue et de Budweiser au cours des années 80, et voilà qu’elle se retrouvait 10 points derrière sa rivale! Sachant que chaque point du marché représente environ 5 millions $ de profit net, Molson a infligée alors une sacrée gifle à son concurrent principal! En six ans, Labatt a réduit son retard sur Molson, de 10% à 2,6% et veut reprendre la tête d’ici trois ans. Mais Labatt ne court pas seulement après Molson-O’Keefe, elle fait aussi face à l’ouverture du marché nord-américain, un vrai choc après des décennies de protectionnisme! En effet, les 20 millions d’hectolitres que représentent le marché canadien ne pèsent pas lourd face aux 212 millions du marché américain! Anheuser Bush brasse plus de 5 fois le marché canadien (105 millions d’hectolitres), Miller 2,5 fois (58 millions), Coors une fois et demie (32), Stroh autant (21)! Brassées sous licence par Molson et Labatt, la Miller et la Budweiser représentent déjà 15% du marché canadien. Même si les ententes de brassage sous licence sont solides, elles ne sont jamais irrévocables... Les brasseurs ont segmenté le marché, notamment pour diluer l’effet des bières américaines bon marché. Ils proposent une soixantaine de marques contre une quinzaine il y a 10 ans à peine. La course aux nouveautés est effrenée, «les dry, les draft, les Ice, les légères, les fortes, les ambrées ou les bières à prix populaires: les changements n’ont jamais été aussi rapides», note Y. Millette, PDG de l’Association des Brasseurs du Québec. Même les «petites» bières à 1% de marché sont devenues importantes, il en résulte que la concurrence est plus forte qu’avant. Aujourd’hui, les marques leader plafonnent sous 20%, contre 35% de part de marché auparavant. e) les perspectives Labatt avec l’appui de Interbrew, compte percer le marché des microbières qu’elle aborde péniblement avec sa bière «Celtique», mais dans lequel les belges sont devenus de vrais spécialistes. Les bières spéciales belges pourraient envahir le marché canadien. Le marché nord-américain semble prêt pour nos produits pense G.Fauchey, le porte parole d’Interbrew. Les bières bien typées des microbrasseurs devraient profiter de l’élan de cette concurrence, mais gare à celles quiu n’apporteront pas vraiment une différence de goût ou dont la brasserie sera sous-capitalisée. Les 35 microbrasseries canadiennes ont pris 2% à 3% du marché en moins de dix ans, avec leurs 150 marques et elles devraient atteindre les 10%. Même si la consommation annuelle de bière par adulte a chuté de 87 à 80 litres en 15 ans, le segment des micros connaît une croissance annuelle de 25 à 40%. Les nouveaux buveurs de bière consomment peut-être moins, mais ils sont prêts à payer beaucoup plus cher pour une Maudite, une Blanche de Chambly ou une Boréale. Pour les brasseurs, les marges bénéficiaires sont bien plus élevées qu’avec les blondes classiques! Les quatre grands brasseurs américains l’ont bien compris, ils ont ainsi acheté quelques unes des 500 micro-brasseries et misent aussi sur la vogue des bières artisanales. GRANDES BRASSERIES CANADIENNES Nom MolsonO’Keefe Labatt Ville Toronto, Montréal, etc. Idem Début 1786 Hectolitres/ Employés an 11,7 millions 4200 n.d. 10 millions Marques cf: gamme de produits 5700 MICROBRASSERIES AU QUEBEC Nom Ville Début Hectolitres/ an Employés Marques Unibroue Chambly 1991 41000 86 Brasseurs du Nord Brasseurs GMT Blainville 1988 35000 35 Fin du Monde, Maudite, Raftman, Blanche de Chambly, Gaillarde Boréale Montréal 1988 35000 50 1989 30000 45 1988 20000 25 sous-étude 16000 15 1995 15000 16 1995 2400 5 sous-étude 2000 5 n.d. 1995 n.d. n.d. Seigneuriale 1995 n.d. n.d. Métayer Brasserie Montréal McAuslan Brasserie Montréal Brasal MicroBrasse Cap-Chat rie StLaurent Brasseur de Anse-Stl’Anse Jean Brasserie St-Odilon de Beauce Beauce Broue BrasseMond St-André e Avelin Brasserie Boucherville Seigneuriale Les St-Hyacinthe Brasseurs Maskoutains Belle Gueule, Tremblay, Canon St-Ambroise, Griffon Hoppsbraü, Brasal, Bock Chic-chocs, Bootleger, Québecoise Illégale, Dry, Folie Douce Beauceronne, Chaudière Le Cheval Blanc Montréal 1995 1500 15 Bières Martel & Fils* Brasserie aux 4 Temps* Québec sous-étude 1500 4 Loch Ness, Titanic, Cheval Blanc L’Abraham St-Hyacinthe sous-étude n.d. n.d. n.d. * pas encore en exploitation, dossiers à l’étude de la Régie des Alcools, des Courses et des Jeux. II) Comparaison des modes de distribution et du packaging A) La distribution de la bière au Québec : La spécificité du mode de distribution de la bière au Québec repose sur le fait qu’il n’y a pas de grossistes : le système ne comporte que deux paliers ( brasseries, détaillants). Ce sont donc les brasseries elles-mêmes qui ont la charge d’approvisionner les détaillants. On notera ici l’article 32 de la Loi de la Société des Alcools du Québec qui prévoit la séparation des rôles de brasseur et d’épicier. Ainsi, un détenteur de permis d’épicier ne peut avoir de lien direct ou indirect avec un détenteur de permis de brasseur et vice versa. La séparation des rôles d’épicier et de brasseur a pour but de responsabiliser clairement ce dernier quant à toutes les étapes entourant la fabrication et la distribution de la bière. Pour pouvoir distribuer sa bière, il faut solliciter un permis de la Régie des permis d’alcool du Québec. Le problème majeur de la distribution au Québec, c’est son coût élevé ; celui-ci provient du nombre important de points de vente à alimenter ( il existe 12 000 épiceries et dépanneurs au Québec ) et des longues distances à parcourir ( la majorité des brasseries se situent en région et non dans les villes ce qui leur permet par contre de réduire d’une manière conséquente les taxes et les coûts de main d’oeuvre ). Par le passé, les brasseries québécoises distribuaient leurs produits avec leurs propres camions légers auprès d’un réseau restreint de détaillants et de bars restaurants : ils n’avaient pas les moyens de fournir de la bière chez tous les détaillants. Nombre de ces brasseries ont récemment conclu des ententes de distribution pour la vente de bière : c’est notamment le cas des Brasseurs de l’Anse avec Omni ( distributeur de Old Milwaukee ), BrasseMonde avec Osiris et Beauce Broue avec Provigo. Ce mode de distribution nouveau fait son chemin et suscite un intérêt grandissant ; pour preuve le souhait de Monsieur Lamarre de Micro Brasserie Bas Saint-Laurent Gaspésie de participer à un réseau regroupant les microbrasseries de l’est du Québec pour réduire les coûts de transport et l’achat de matières premières. En effet, les coûts sont trop élevés pour qu’une microbrasserie puisse monter son propre réseau de distribution. C’est la raison pour laquelle Mr Lamarre veut créer ce réseau et abandonner le système qu’il utilise actuellement ( il fait appel à un distributeur indépendant ) . B) La distribution de la bière en France En France, la distribution de la bière s’effectue selon deux filières : tout d’abord, par le biais d’une livraison directe aux cafés contrôlés directement par les brasseurs, qui sont au nombre de 170.000 (cafés, hôtels, restaurants). Pour cela, les cafés se doivent de détenir une licence. En outre, les brasseries établissent fréquemment des contrats de fourniture exclusive avec les débits de boissons. Le second schéma possible pour la distribution de la bière passe par la livraison directe aux points de vente importants ou proches de la brasserie. En 1988, ces points de vente étaient au nombre de 167.765 dont 679 hyper et 5875 supermarchés. L’avantage que représente cette filière pour les brasseurs est qu’elle permet de présenter à la clientèle une large gamme de marques, d’autant plus que les conditionnements sont adaptés au mode de distribution en libre service et à la taille des points de vente. Cependant, le paysage de la distribution de la bière en France tend à se modifier. En effet, suite aux mouvements de concentration dans le secteur, le choix du mode de distribution devient un enjeu très important, et de fait de nombreuses brasseries rachètent des entrepôts et établissent des relations durables avec de grands distributeurs. Ainsi, GSA et Fischer fournissent exclusivement Carrefour, Cora, Sainsbury, Tesco, Auchan et les Comptoirs Modernes. De fait, les fusions entre les brasseries françaises au cours des trois dernières années permettent de développer le chiffre d’affaires des bières dans les grandes surfaces (actuellement 66 % des ventes totales). Mais, d’autre part, il se crée une « guerre » entre les brasseurs et les distributeurs : « guerre » en rapport avec les prix. En effet, les distributeurs ayant le choix du brasseur avec lequel s’associer, font jouer la concurrence des prix. Vient s’ajouter à cela la concurrence émergente des hard discounters, qui avec leurs premiers prix font reculer la part des grandes enseignes. En effet, dans les grandes enseignes, qui écoulent les deux tiers des bières, la chute des ventes atteint en moyenne 4.7 %, que l’on explique par l’émergence des discounters comme Aldi, Lidl, Ed ... qui écoulent des quantités industrielles. Leur part de marché a bondi de 7.5 % à 10.9 % en 1994. (ils ont écoulé plus de 800 millions de canettes à 1 Frc). Pour contrer cette poussée des hard discounters, les grands brasseurs présents sur le marché ont dû plier au niveau de leurs prix, mais restent confiants en la qualité des bières proposées, recherchant avant tout à partir de quand une marque à forte notoriété devient plus attractive qu’une bière à bas prix. Nous pouvons donc dire que le marché de la bière en France, extrêmement concurrentiel, est très caractéristique de par son mode de distribution. En effet, du fait de la présence de multiples acteurs sur le marché, il se crée un réseau dense de distribution, où marques et prix se côtoient, parfois difficilement. Parts de marché dans la distribution Périmètre marché (8 millions d’hl) Kronenbourg 38 % Heineken 37 % Périmètre grandes surfaces (14 millions Kronenbourg 51% d’hl) Heineken 25.6 % Périmètre marques (total France) Kronenbourg 39 % Heineken 29 % C) Le packaging: En France, il existe plusieurs façons de conditionner la bière. Tout d’abord, la plus traditionnelle et la plus ancienne : les tonneaux et les fûts ( de 30 à 50 litres ). Jusqu’en 1950, 80% de la bière était livrée en fûts. Aujourd’hui, ce type de conditionnement n’est réservé qu’à la livraison dans les cafés, les restaurants et ne concerne plus que 25% des quantités vendues. D’autre part, il y a les bouteilles et les boîtes. Le nombre d’hectolitres de bière vendues en bouteilles et en boîtes représente 75% du total. Les bouteilles de 25 et 33 centilitres sont utilisées quasi exclusivement pour les bières spéciales tandis que les bouteilles de 1 litre le sont essentiellement pour la bière bock. Les chaînes d’embouteillage débitent couramment 40000 à 60000 bouteilles à l’heure. Le verre consigné, utilisé surtout en circuit café et par les contenants de 75 cl et de 1 l est maintenant largement dépassé par le verre perdu. En ce qui concerne la boîte métallique, qui jouit d’une grande faveur aux Etats-Unis et au Canada, elle ne représente encore pour la France qu’une petite proportion ( 15 à 16% ). Cependant, on peut noter la performance de la bouteille de 25 cl, conditionnement préféré des Français qui, à lui seul, représente 50% des ventes de bière française en 1993. Au Québec, il en est tout autrement du conditionnement de la bière. En effet, excepté un faible pourcentage de canettes vendues, la quasi-totalité de la bière produite est vendue en bouteilles d’un seul et unique format ( 37,5 cl ), ce qui permet de fait le recyclage des bouteilles et donc une économie d’investissements pour les brasseurs. En outre, il existe au Québec un système de consignes qui permet un retour considérable de bouteilles vides. Ainsi, habituellement, les consommateurs de bière, dans un proportion de 99 % retournent les bouteilles aux magasins qui vendent de la bière. Cependant, ce système original de recyclage impose aux brasseurs une politique de gestion de stocks serrée. ( contrairement au Québec, l’Ontario connaît actuellement des problèmes de conditionnement de sa bière, dû à un insuffisant retour de bouteilles vides). Le packaging au Québec est donc relativement simple : les bouteilles sont toutes identiques, quelle que soit la marque. En effet, contrairement à la France où l’on joue beaucoup sur l’emballage du produit, les brasseurs québécois préfèrent miser sur la qualité et la notoriété due à l’appréciation de la clientèle. Ainsi, pour l’instant, la seule différence de design passe par l’étiquette, qui à elle seule permet d’identifier la marque d’une bière. On peut également noter l'importance du conditionnement en canettes de 1l au Québec qui se rapproche ainsi des marchés américains et anglais. Cependant, on voit apparaître au Québec des tentatives d’innovations en terme de packaging. La brasserie Stroh a récemment créé une nouvelle bouteille à large goulot, soulevant la colère des détaillants, car elle oblige à avoir des espaces de rangements spécifiques et à faire un entreposage particulier de ces bouteilles vides. En outre, la venue d’un nouveau format crée un « dangereux précédent » et ouvre la porte aux autres brasseurs qui pourraient faire de même pour des raisons de marketing. Nous pouvons donc dire qu’en terme de packaging, la vision française est différente de celle au Québec. En effet, en France, le marketing joue un rôle primordial et n’a de cesse que d’innover sur les formats, les couleurs, les slogans ... tandis qu’au Québec, les gens demeurent pour l’instant plus traditionalistes et se contentent d’une bière à format unique, satisfaisant tout aussi bien consommateurs, distributeurs et brasseurs. III) Comparaison des stratégies commerciales A)La stratégie des grands groupes français: Depuis quelques années, la principale stratégie que développe les brasseurs à travers le monde est la concentration, pratiquant le rachat à tout va. La France était restée à l'écart de ces grandes manoeuvres de concentration, jusqu'à ce que le numéro 2 mondial, Heineken rachète les deux brasseries indépendantes les plus importantes en France, à savoir Fischer et St Arnould. Heineken explique ce rachat par le fait que la compagnie bénéficiera de la forte capacité d'innovation de Fischer et par son envie de renforcer son enracinement en Alsace, cœur brassicole de la France. Mais, Heineken recherche également une position monopolistique sur le marché français, et pour cela pourrait profiter des dix points de parts de marché et du créneau ouvert des produits de MDD et premiers prix. Cependant, cette bataille que se livre à distance Heineken et Danone ne se joue plus à l'échelle nationale, comme le montre plusieurs Offres Publiques d'Achat récentes, comme celle du belge Interbrew sur le Canadien Labatt. Mais Danone bénéficie de son statut de groupe aux activités diverses tandis que Heineken, uniquement brasseur, s'est efforcé de sortir de son marché domestique toujours étroit. D'autre part, outre ces mouvements de concentration, les groupes brassicoles français ont mis en place des politiques stratégiques et marketing très développées. Ainsi, par exemple, le lancement d'une nouvelle bière est toujours l'occasion d'innover: ``pour implanter Wel Scotch en CHR, Kronenbourg distribue des fûts gratuits à tout va``. La stratégie est donc plus que jamais une question d'imagination et de créativité. De plus les groupes ont depuis quelques années tenté de centraliser leurs activités: c'est-à-dire qu'ils mettent en place un circuit allant de l'approvisionnement à la distribution, en signant des accords avec des sous-traitants ou des partenaires commerciaux. Heineken a ainsi lancé sa gamme Bière du Monde suite à une signature d'accords avec Cora et Auchan. En outre, on note une nouvelle originalité de la stratégie des grands groupes. En effet, la segmentation du marché est en train de se transformer en profondeur. ``Avant, on segmentait par produit remarque le directeur commercial alimentaire de la Brasserie St Omer, maintenant on procède par typologie d'achat entre les spéciales, les marques, les MDD et les premiers prix``. Au bas du marché, ce sont essentiellement les marques premiers prix qui se développent avec une croissance de 20% en 1995. Dominateurs sur le terrain industriel, les grands groupes devraient livrer une bataille plus indécise sur le front commercial. Danone l'a compris et s'est lancé dans les premiers prix sans complexe, tout en poursuivant la recherche gains de productivité et en fusionnant les deux forces de Kronenbourg et Kanterbrau. Car, en effet, les grands groupes ont du revoir leurs prix à la baisse après l'émergence des premiers prix et discounters, mais conservent tout de même une bonne image de marque. Il s'agit de créer dans les linéaires une chaîne de tarifs homogène et logique, qui favorise le choix du consommateur et augmente donc les ventes. Enfin, en terme de stratégie, les grands groupes français développent la notion de publicité. A cet égard, Danone vient de se doter d'un nouvel outil merchandising, Pluton Plus, qui permettra grâce à des animations et de la publicité massive d'orienter distributeurs et consommateurs vers les grandes marques. La publicité est devenue un souci majeur des grands groupes, car elle permet de promouvoir l'image de marque. En outre, les grands groupes doivent faire face à l'émergence des importateurs français indépendants, qui profitent du mouvement d'internationalisation du marché de la bière, pour se substituer peu à peu aux brasseurs. Les grands groupes français développent donc des stratégies d'alliances, de concentration, de recherche de productivité, de segmentation du marché et de marketing-publicité pour développer leurs activités et accroître leurs parts de marché. B) Stratégie des microbrasseries françaises Les micro brasseries doivent tout d'abord faire face à de nombreux impératifs: conditionnement ( traduction, adaptation des emballages et des contenants ), transport ( la pasteurisation, indispensable pour les longues distances, altère la qualité des bières de spécialité ), taxes en augmentation, fidélité des consommateurs et des circuits de distribution aux productions de leur pays respectif. Ainsi, pour les CHR ( Cafés, Hôtels, Restaurants ), les grossistes les alimentant demandent aux micro brasseries de participer aux investissements ( pompes à pression, ... ) qui restent trop élevés en comparaison des résultats qu'on pourrait en attendre et surtout du peu d'enthousiasme manifesté à l'égards des produits des micro brasseries. Pour diversifier leurs ventes par rapport à la grande distribution et aux CHR, elles ont donc choisi de s'ouvrir à l'international. Ainsi, 8 brasseries parmi les 14 PME du Nord Pas de Calais exportent entre 3 et 35% de leur CA, soit une moyenne de 14% pour les 7 premières d'entre elles. L'export reste cependant une démarche à engager dans la durée. D'une part, les bières de spécialité issues des micro brasseries nécessitent plusieurs années de mise au point, ainsi que des investissements réguliers pour satisfaire la demande étrangère. D'autre part, les micro brasseries doivent s'adapter aux marchés vers lesquels elles exportent. Les Nord-américains, par exemple, sont des clients volatiles et changent régulièrement de produit. Pour travailler à l'export, les micro brasseries ont toutes adopté la même stratégie : travailler avec un importateur du pays ( et un seul par pays ). Seule exception à la règle, la Brasserie de Saint Omer dont la stratégie commerciale en France comme à l'étranger privilégie davantage les bières blondes premier prix et les MDD, vendues uniquement en GMS et chez les discounters. Une autre PME, les Brasseurs de Gayant, a progressivement appris à maîtriser les rouages de l'exportation. Elle est maintenant la première entreprise exportatrice du secteur avec 35% du CA en 1995. Depuis 1991, pour chaque création d'une nouvelle bière, l'entreprise établit un cahier des charges dont les caractéristiques doivent aussi bien répondre au marché français qu'à l'export. Son succès à l'international réside aussi dans une large gamme de produits. Aujourd'hui, son catalogue de bières de spécialités compte une dizaine de références qui peuvent être embouteillées et conditionnées différemment selon les demandes. La stratégie choisie consiste à répondre à la demande plutôt que d'engager des investissements en publicité et en marketing. La présence dans les salons internationaux peut également s'avérer payante. Ainsi, la Saint Landelin a obtenu la médaille d'or des meilleures bières d'Abbaye sur 30 variétés sélectionnées lors du World Beer Championship. Ce qui assure sa publicité outreatlantique. La Grande Brasserie Moderne opère quant à elle une réorientation stratégique sur la grande distribution ( 56% du CA ). Ce développement en France auprès des GMS et des discounters lui permet depuis quelques années de travailler en MDD pour Aldi, Sainsbury, et des chaînes plus petites comme Victoria Wine. La Grande Brasserie Moderne se spécialise sur les bières premier prix que sur les spéciales. Elle doit cependant résoudre le problème de la recherche de productivité indispensable pour être compétitif et référencé par les enseignes de la grande distribution. Le problème majeur pour les micro brasseries les plus petites est qu'elles ne peuvent pas doubler leur production du jour au lendemain compte tenu des techniques de brassage à l'ancienne et du savoir-faire utilisés. C) Stratégie et résultats des deux grands groupes canadiens: L'organisation du marché canadien et son évolution permettent d'expliquer en grande partie les orientations stratégiques de chaque groupe. En ce qui concerne Labatt et Molson, ces deux entreprises ont dû faire face à l'arrivée massive des bières américaines à bas prix et à l'émergence des microbrasseries. De plus, les faibles coûts de production américains ont contraint les géants canadiens à restructurer leurs appareils de production afin de diminuer leurs propres coûts. Molson-O'Keefe a centralisé son service des ventes en fusionnant en un seul ses territoires de l'Outaouais et de l'Atibi-Temiscamingue en 1993. Tandis que Labatt a opéré un remaniement total de ses 12 usines en concentrant sa production sur 9 sites (cf: Partie 1). Le résultat a dépassé les espérances, au cours des quatre dernières années, les activités brassicoles de Labatt au Canada ont réduit leurs frais de 125 millions et accru leur productivité de plus de 30%, obtenant ainsi une hausse de 35% de leur bénéfice. En 1994, malgré des ventes en hausse de 12%, Molson a toutefois renoncé à poursuivre la commercialisation de la ``Rousse``, bière destinée à concurrencer les micro-brasseries et le créneau des bières haut de gamme. Pour répondre au besoin de changement du consommateur, Molson lance une bière haut de gamme chaque année pendant une saison, les ``Signatures Series`` avec la Molson Doppelbock. Cette stratégie s'est avérée plus payante et Labatt pourrait bien l'imiter. Le lancement de bières à bas prix devant répondre aux américains, Molson avec le rachat de Carling et Labatt avec le lancement de la Wild Cat et de la Lucky Lager. Cependant, selon certains analystes, les brasseries canadiennes devraient se concentrer sur le créneau des bières populaires et éviter le marché des bières à bas prix qui obligent les brasseurs à réduire leurs marges bénéficiaires même si celui-ci représente maintenant 8% des ventes totales La stratégie des deux groupes est donc proche; une présence sur tout le territoire canadien, chaque bière possède sa clientèle précisément ciblée. Les critères de différenciation de ces cibles sont le style de vie et les valeurs (type de consommation...) De nos jours, la stratégie de développement pour Molson et Labatt consiste à s'étendre auprès des jeunes, les 18-20 ans sont les premiers visés, et le principal objectif est alors de fidéliser la clientèle le plus tôt possible. Ainsi, les universités et les bars sont les principaux distributeurs, les grandes surfaces en étant l'écho. Labatt et Molson recherche également à s'imposer sur le marché américain, en se concentrant sur des produits phares tels que la Molson Dry et la Labatt bleue. D) Stratégie et résultats des micro-brasseries québécoises: En ce qui concerne les micro-brasseries québécoises, la stratégie adoptée a été sensiblement identique dans la mesure où elles se sont créées au même moment et dans un passé relativement récent. Leurs stratégies ont été basées essentiellement sur le lancement et l'implantation même et le créneau à occuper dans un marché contrôlé par deux monstres. Le parcours de Unibroue est caractéristique du besoin pour ces petites entreprises de se démarquer. Les premiers pas d'Unibroue sont difficiles. Au début des années 90, tout est à faire, les premières micro-brasseries viennent à peine d'apparaître. La Boréale, la SaintAmbroise ou la Belle Gueule commencent à entrer dans les bars Montréalais. Le ministère de l'Industrie et du Commerce refuse à André Dion, PDG de Unibroue, un permis pour brasser de crainte que la compagnie ne puisse soutenir la concurrence américaine, avec la peur du libre-échange. Il achète alors la brasserie Radico, de Lennoxville, le brasseur de la Massawippi, qui est au bord de la faillite. Il doit alors retirer des dépanneurs la Massawippi gâtée, ce qui lui coûte 500 000 $. L'investissement de départ est de 1,4 millions en capitaux propres et en emprunts de 2,6 millions. Le mot d'ordre de la stratégie d'Unibroue est l'innovation, la bière de refermentation en bouteille en est la clé. Sa durée de vie se compte en années. Elle peut ainsi traîner dans les systèmes de distribution ou attendre sur les tablettes. Donc pas de frais de retour des produits, au contraire des autres brasseurs. Cette bière dure plus longtemps mais elle est plus délicate à fabriquer, un degré de trop et on rate 600 hectolitres. Au début, Unibroue en a jeté des brassins. Dans ce domaine où la propreté et la précision sont indispensables à la qualité du produit, Unibroue décide de frapper un grand coup en allant chercher en Belgique, là où on trouve ``les meilleures bières du monde ``. André Dion va prendre leur expertise , il engage un maître brasseur belge, Gino Vantieghem, sorti de l'université de Louvain. En 1994, sur 311 000 caisses de 24, seules 36 ont été retournées. Avec sa bière de refermentation, Unibroue s'attaque au marché haut de gamme, ``le champagne de la broue``. La clientèle visée est: les amateurs de vin, des buveurs irréguliers mais curieux, connaisseurs et surtout éclectiques. Un créneau étroit dans lequel A. Dion a tout de suite inclus un groupe que les grands brasseurs refusaient de toucher: les femmes (Blanche de Chambly). La capacité à innover atteint son paroxysme avec la toute dernière bière issue des laboratoires Unibroue, la Quelquechose, une bière aux cerisesà chauffer, unique au monde. Au delà de la nouveauté, cette bière est un bon moyen d'éviter les creux saisonniers et de créer une bière ``d'hiver``. Le plus créatif des micro-brasseurs (d'après ses concurrents montréalais) fonctionne au feeling... avec un œil sur les études de marchés pour rester collé aux clients. Rien d'étonnant à ce que son budget promotionnel soit de 15% supérieur à celui de ses concurrents, et que ses bières coûtent plus cher de 30% que les autres microbrassées. En raison de son positionnement, Unibroue refuse la guerre des prix, ils visent le haut de gamme. Pour lancer la gaillarde, qui a coûté 430 000 $ et demandé 6 mois de recherche, Unibroue a loué les salles du château de Frontenac. Parce-que sa bière se bonifie en vieillissant, elle crée des millésimes de la Fin du Monde. Les premières microbrasseries avaient ammener les gens à discuter au sujet de leur bière, Unibroue a, elle, lancé toute une culture; elle éduque le buveur. De plus, pour s'assurer de la qualité avec laquelle ses produits sont servis, les vendeurs d'Unibroue sont chargés de faire l'éducation des taverniers et des serveurs. Du point de vue de la distribution, Unibroue cherchait à s'implanter dans les discothèques, mais Labatt et Molson ont des contrats d'exclusivité dans les universités, et les jeunes montréalais sont accrochés à la Saint-Ambroise et à la Boréale dans les bars. Les ``bières à Charlebois`` se sont plutôt imposées par le réseau des dépanneurs. Plus encore que les autres brasseries canadiennes, Unibroue a vocation à exporter. En janvier 95, cinq équipiers d'Unibroue ont animé huit suoermarchés Cora, en Belgique, avec dégustation à la clé. La Maudite et la Fin du Monde se sont vendues comme des petits pains. Cette stratégie a commencé en Belgique pour une raison très simple, si les Belges se mettent à boire la bière d'Unibroue, cette dernière n'a plus à prouver au Canada qu'elle est bonne. L'animation en supermarchés a été étendue à la France, en Suisse, en GrandeBretagne et en Suède. Les Etats-Unis, où Unibroue a réalisé 7% de ses 15 millions de ventes en 1994, le succès est le même. Le Beverage Institute y a même classé Unibroue parmi les 10 meilleures brasseries du monde. Outre les récompenses des bières telles que la Maudite ou la Fin du Monde, Unibroue a été désignée entreprise de l'année 1995 aux Mercuriades de la Chambre de Commerce du Québec. D'une manière générale, la stratégie d'Unibroue sur le plan de la notoriété consiste à sortir de nouvelles bières en permanence (une ou deux par an), et le vecteur médiatique qu'est le chanteur populaire québécois Robert Charlebois se charge de faire connaître les bières lors de ses tournées. E) Stratégie des américains et conséquences: Enfin la stratégie des producteurs américains consistent à investir le marché par le même moyen de distribution que les microbrasseries, soit les dépanneurs, soit les épiceries. Stroh, par exemple, a commencé la commercialisation de ses bières, Old Milwaukee, Red Bull, et Stroh's en mai 94. Miller a choisi l'alliance avec Molson pour distribuer ses produits. La plupart des brasseurs américains ont racheté quelques unes des 500 micro-brasseries établies au Canada. On estime que Stroh avec ses bières bon marché occupe 1,4% du marché. La venue de cette nouvelle concurrence transporte peu à peu les efforts marketing des brasseries sur les tablettes des dépanneurs et des épiciers. Molson et Labatt vont se battre sur les prix, les promotions en magasin et le service aux marchands plutôt que de rivaliser sur les commandites de grande visibilité. La publicité comparative de Stroh a contraint les deux groupes à accélérer ce mouvement. Labatt après son rachat par Interbrew devrait ainsi progressivement se débarrasser de ses engagements dans le sport, et dans la télédiffusion. IV) Habitudes de consommation A) Généralités La consommation moyenne par habitant et par an est de 70 litres au Québec contre 40 litres en France ( le record en la matière appartenant à l’Allemagne avec 150 litres). Pour expliquer cette différence qui va pratiquement du simple au double, il convient tout d’abord de se pencher sur le type de bière proposé dans chaque « pays »: la France a une longue tradition de fabrication de la bière et marque sa spécificité par rapport au Québec par le goût prononcé de ses bières. En France, le consommateur boit beaucoup de bières dites « spéciales » ( ces bières comptent pour 32% du marché ). Force est de constater que boire une bière spéciale ne repose pas sur la même attitude que boire une bière dite « bock ». Le Français en règle générale déguste la bière, l’apprécie pendant un bon repas: le plaisir n’est pas de boire mais de boire une bonne bière, une bière de dégustation avec un goût et une saveur unique ( on peut établir ici un parallèle avec le vin ). A l’inverse, le consommateur québécois a tendance à boire très peu de bières spéciales. Tout d’abord pour une raison fort simple: le marché des bières spéciales est encore peu développé (2.7% du marché )( on verra par la suite l’évolution de ce marché avec l’explosion du nombre de microbrasseries ). L’offre étant particulièrement faible, les québécois boivent très peu de ces bières. La deuxième raison est profondément ancré dans la culture québécoise: elle attrait au sport; en effet nombre de québécois boivent des bières devant la télévision, pendant les matchs de hockey, basket, football américain ou base-ball. Pendant ces matchs, on boit en grandes quantités des bières légères, désaltérantes ( les dry ). Certes, les français aiment aussi boire devant les rencontres sportives mais au Québec les matchs sont quasi quotidiens contrairement à la France où les matchs de soccer n’ont lieu qu’une fois par semaine. Il semble donc que ce soit devant la télévision et non pas à table que le québécois boit. La différence quantitative s’en ressent fortement. Un troisième lieu de consommation à ne pas oublier est le bar ou le pub; cependant, il n’apparaît pas ici de différence significative entre la France et le Québec. Certes la consommation dans les pubs québécois est légèrement supérieure à celle dans les bars français mais elle provient à nouveau du sport: le pub est en effet un endroit de rencontre privilégié où l’ on peut boire tout en regardant un match de l’équipe locale préférée. Il est frappant de voir au Québec le nombre de pubs disposant d’écrans géants et diffusant toute la journée du sport. Comme nous l’avons dit précédemment, le marché des microbrasseries est en plein essor actuellement au Québec ( leur part de marché a doublé depuis 1989 ). Ceci va sans aucun doute changer les habitudes de consommation des québécois. En effet, les bières produites par les microbrasseries sont le plus souvent des bières de spécialité comme le souligne Mde Urtnowski, présidente de l’Association des Microbrasseries du Québec ( AMQ ). Ainsi les québécois consomment-ils de plus en plus de bières de dégustation ce qui a tendance à diminuer leur consommation globale de bière: on ne boit pas de la même façon une bière spéciale et une bière bock. Les habitudes des québécois semblent donc actuellement se rapprocher de celles des français. D’ailleurs, lorsque l’on interroge Marc Tremblay, brasseur à la Microbrasserie les Brasseurs de l’Anse sur sa bière, il compare la manière de la boire avec celle du vin: il insiste sur la qualité, le goût, la saveur, l’importance des ingrédients et plus encore sur la façon de boire la bière: « Comme les grands vins, les grandes bières se dégustent. Avec recueillement. Selon des rites précis. » La bière s’apprécie d’abord avec les yeux: sa couleur, sa pétillance et sa brillance sont autant d’attraits, autant de signaux annonçant les plaisirs du palais. Ainsi, on peut dire avec André Martineau, président des Brasseurs GMT à Montréal que « le marché de la bière est de plus en plus en mouvement. Il s’y développe des créneaux de consommateurs plus sélectifs à l’image du marché du vin par exemple ». Si la France a une longue tradition de bières au goût raffiné, ce marché est tout nouveau au Québec; le phénomène devrait s’accélérer ce qui fait dire à Normand Guérin, directeur de l’exploitation GMT, qu’avec le temps le consommateur québécois achètera sa bière selon les occasions, « comme on choisit un vin blanc ou rouge, corsé ou non ». B) Publicité pour la bière: Contrairement à ce qui se passe en France, la publicité pour l’alcool n’est pas interdite au Québec. Cependant, il faut nuancer cette différence. Dans les faits, il n’existe pas de publicité pour les boissons fortes; pour ce qui concerne la bière, la publicité est ici surréglementée. Par exemple, une publicité doit montrer une bouteille de bière maximum par personne présente dans le spot. Un verre de bière doit être totalement plein ou complètement vide pour ne pas insinuer que les gens boivent. De même, on ne peut pas voir de bouteilles au bord d’une piscine et dans nombre de situations semblables qui pourraient provoquer un accident. En matière de création publicitaire, on n’observe pas de règle particulière suivie par les créateurs. Dans les publicités, on retrouve souvent l’humour, l’amitié et le sport mais ce ne sont pas exclusivement ces thèmes qui sont abordés: les brasseries font aujourd'hui la promotion de leur produit plutôt que d'un style de vie. D'ailleurs la dernière publicité de Labatt met l'emphase sur son degré d'alcool ( 5,6% ); c'est bien sur la spécificité du produit, son originalité et donc ses différences que les publicitaires ont choisi de mettre l'accent. La compagnie a également abandonné les publicités d'époque qui voulaient qu'un couple de jeunes figure dans toute annonce publicitaire. ``Ces publicités mettant des adolescents en vedettes n'attirent plus`` affirme Mr.Palmer, président d'Equity Research Associates, une firme de marketing suivant de près l'industrie des brasseries. Il faut enfin ici faire une place toute particulière à Molson-O'Keefe qui a frappé dans le mille avec sa dernière promotion de la Molson Dry, offerte dans des bouteilles aux capsules ``musicales``: quand on ouvre une bouteille, si on entend un bruit d'avion alors on a gagné un voyage, si c'est le bruit d'une voiture, on a gagné une voiture. ``C'est l'une des promotions les plus efficaces qu'on ait jamais faites`` affirme Mr Moisan, directeur des ventes de la compagnie. Commandite: la commandite est un moyen rentable pour certaines entreprises de faire parler d'elles. En commanditant un événement sportif ou culturel ( par exemple Molson avec le Grand Prix de Formule 1 du Canada et le championnat de hockey, Labatt qui possède deux chaînes de télévision et l'équipe de base-ball de Toronto ), le fabricant de bière attire la sympathie et l'approbation. De plus, cela permet à l'entreprise de contrôler les points de vente de bière sur l'emplacement d'un événement. Cependant toutes les brasseries ne peuvent pas se permettre de faire de la commandite étant donné le coût important de celle-ci. Au Québec, seuls MolsonO'Keefe et Labatt font réellement de la commandite, les autres brasseries se contentant de quelques apparitions ( cf tableau ). Elle est la cerise sur le gâteau d'une politique de communication ( relations publiques, publicité, etc ) avec les consommateurs. Elle améliore l'image corporative de la société. D'ailleurs Mr Delagrave vice-président média de Cossette estime qu'une société doit faire de la publicité, un véhicule plus rentable et dont le message est plus facile à contrôler qu'une Commandite. Événements sportifs (en %) MolsonO'Keefe Bell Canada Labatt Coca-Cola McDonald's Autres brasseries 29 Événements Émissions culturels ( en télévision %) %) 4 7 0 11 0 0 0,5 18 14 0 0 0 8 3 0 0 1 de Total (en %) (en 15 11 7 3 3 1,5 Conclusion: En conclusion, nous pouvons dire que les deux marchés, français et québécois, disposent de la même structure organisationnelle. En effet, deux groupes dominent chacun des marchés: Labatt et Molson au Québec, Danone et Heineken en France, le reste étant occupé par les microbrasseries. A cet égard, nous constatons qu'en terme de perspectives à venir, l'enjeu réel du marché international de la bière se situe au niveau des microbrasseries. En effet, contrairement aux grands groupes qui se cantonnent dans une politique de production de masse et banalisé, les microbrasseries, elles, font preuve d'originalité et de créativité dans la conception de leurs bières. Ainsi, alors que le créneau de la bière de base est saturé aussi bien en France qu'au Québec, celui de la bière haut de gamme reste ouvert aux microbrasseries. Enfin, en ce qui concerne l'internationalisation du marché de la bière entre le Québec et la France, nous pouvons dire que dans un cas comme dans l'autre, une entreprise désirant s'implanter et s'ouvrir au nouveau marché ne pourra y parvenir que par le biais d'une alliance ou d'un rachat. ANNEXES Historique : Des auteurs anciens font remonter l’invention de la bière en Orient, vingt siècles environ avant l’ère chrétienne. Dès lors, chaque civilisation s’est ingéniée à substituer à l’eau des breuvages plus attrayants, élaborés à partir d’une fermentation de grains. En France, pour corriger le goût douceâtre de la cervoise, on lui adjoint des plantes arômatiques douées d’amertume, telles que gentiane, lavande, sauge, absinthe, conandre, puis, suite aux croisades, piment, cannelle, genièvre et laurier. La généralisation de l’emploi du houblon, introduite par les monastères du nord de la France, coïncide avec l’apparition du mot « bierre » dans un texte offficiel, en date du 1er avril 1435. Plusieurs travaux scientifiques au XIXe siècle, comme l’isolation de la diastase du malt par PAYEN et PERSOZ (1832), les travaux de PASTEUR sur la fermentation (1859) et la pasteurisation (1866), puis sur les levures de bière (1871), la fermentation du moult de malt par HANSEN (1880), permettent de faire progresser la brasserie à pas de géant. Aujourd’hui, c’est en alliant savamment plusieurs ingrédients, que les maitresbrasseurs obtiennent des bières de grande qualité : le malt pour l’arôme, les grains crus pour la stabilité, le houblon pour l’amertume, l’eau pour la pureté, les levures pour la fermentation, ... Conception : La fabrication traditionnelle de la bière nécessite cinq étapes spécifiques : - En broyant des grains d’orge grillés, on obtient le « moult » de malt. - On le mélange avec de l’eau, on chauffe, on filtre, on décante, et on rajoute du houblon. - On refroidit, et on rajoute les levures. - On laisse mûrir en cave. - On filtre à nouveau, et on pasteurise. En variant les dosages et les ingrédients, on peut obtenir des dizaines de types de bière différents. On distingue par exemple : - Les bières à fermentation basse : pâles, peu amères. - Les bières à fermentation haute : très houblonnées, fortes en goût. - Les bières brunes : teinte foncée, obtenues grâce à des matières premières spéciales (malts spéciaux, caramélisés). Visite de la Micro-brasserie de l’Anse La micro-brasserie de l’Anse se situe à l’Anse-St Jean, dans la région du Saguenay. Cette jeune microbrasserie, une des dernières nées au Québec, a choisi ce site en raison de la proximité du fjord du Saguenay et de la pureté de son eau, qu’elle va puiser à 180 pieds sous terre (environ 60 mètres). En terme de chiffres, les investissements nécessaires pour l’installation des « Brasseurs de l’Anse » se sont élevés à 1,3 milliards de $, ce qui reste dans la moyenne des micro-brasseries québecoises. A l’instar d’Unibroue, la dynamique microbrasserie de Chambly, près de Montréal, elle a dû essuyer des pertes à ses débuts, avant d’atteindre son rythme de production. En terme de produits, la brasserie de l’Anse a démarré voici un an avec l’ « Illégale », une bière spéciale qui l’a propulsé sur le marché. Puis, elle a décidé de brasser une bière haut-de-gamme, dont la conception serait propre à la brasserie. C’est ainsi qu’est née la « Folie douce », une bière spéciale aux bleuets, les brasseurs s’approvisionnant en bleuets à l’usine située près du fjord. Mais étant donnée sa taille, pour pouvoir produire la qualité, la brasserie a dû également produire la quantité. C’est pour cette raison qu’est apparue simultanément l’ « Illégale Dry », une bière bon marché et de grande consommation. Ainsi, les brasseurs de l’Anse se placent sur trois créneaux différents, pour maximiser les ventes. En terme de quantité, la brasserie a, depuis peu, atteint sa capacité maximale de production, qui est équivallente à 4000 caisses (de 12 unités) par semaine. Elle compte, dans un premier temps tout dumoins, se maintenir à ce rythme. En terme de productivité, la micro-brasserie de l’Anse fait partie d’une entente entre brasseurs et distributeurs, et n’utilise que des bouteilles d’un modèle standard, afin de pouvoir récupérer les bouteilles, et les réutiliser ensuite. En revanche, en ce qui concerne la « Folie douce », la faible quantité produite a poussé les brasseurs à adopter un format de bouteille plus grand, donc plus avantageux, car le prix de vente s’en trouve augmenté. En terme de distribution, les brasseurs ont commencé par un démarchage classique, sans stratégie globale. Petit à petit, ils se sont implantés partout au Québec. Aujourd’hui, ils sont distribués par OMNI, qui importe et distribue également la « Milwaukee » américaine, et écoulent principalement leurs stocks dans les supermarchés, les dépanneurs, et les bars, en grande partie à Montréal. Ils ont même des liens avec une micro-brasserie belge, et projettent déjà d’exporter en France. En terme d’image enfin, la Brasserie de l’Anse table sur un packaging original, qu’elle a conçu elle-même. Elle bénéficie également de l’image de qualité dont peuvent se targuer les micro-brasseries québecoises. Du fait des bonnes relations qu’entretiennent ces dernières, « Unibroue dope le marché plus qu’il n’écrase la concurrence » nous a confié Marc Tremblay, le marché est en pleine expansion, et « Les Brasseurs de l’Anse » ont su s’infiltrer dans la brèche. BIBLIOGRAPHIE Le Moci 22 février 1996 13 janvier 1996 Libre Service Actualités numéros 1417, 1433, 1438, 1485 ( d'octobre 94 à mars 96 ) L'Expansion 29 juin 1994 6 mars 1996 L'Entreprise numéro 1417 ( avril 1996 ) Le Commerce 5 mai 1996 ( périodique québécois ) La Presse de novembre 1993 à septembre 1995 Les Affaires de février 1995 à janvier 1996 Le Devoir de mai 1994 à juin 1995 Le Soleil de juillet 1994 à novembre 1995 Presse canadienne : dossiers sur le conflit USA-Québec concernant les importations de bières The Beer Book par Will Anderson Dossier de l'entreprise Danone ( Kronenbourg )