Correction bac blanc sur le théâtre

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Eléments de corrigé :
Le corpus proposé regroupe quatre extraits de pièces de théâtre qui impliquent à des degrés
divers le spectateur. Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand date du XIXe. Les trois autres pièces, Le
soulier de satin de Paul Claudel, Six personnages en quête d’auteur de Pirandello et enfin la tragédie
Antigone de Jean Anouilh ont été publiées au XXe .
Dans le texte théâtral les didascalies sont intercalées dans le dialogue écrit , il sera utile de
s’interroger sur leur rôle. Si elles ne sont pas destinées à être prononcées sur scène, elles sont
cependant utiles au metteur en scène et aux acteurs pendant le travail de répétition, et aident le lecteur
à comprendre et à imaginer l'action et les personnages. Dans le corpus proposé on note une différence
dans la fréquence des didascalies. Précédant, dans une didascalie initiale, un monologue chez Anouilh
et Claudel, elles sont plus présentes chez Pirandello pour enfin chez Rostand envahir le texte et
rivaliser avec le discours des personnages.
Ces indications scéniques présentent avant tout l'avantage d'informer le metteur en scène des
intentions du dramaturge et donc de le guider dans sa mise en scène . Les didascalies utiles à la mise
en scène sont tout d’abord celles qui permettent de planter un décor (la didascalie initiale chez
Anouilh évoque un « décor neutre » et quotidien, celle de Claudel cherche à indiquer un cadre spatiotemporel : « L’Espagne à la fin du XVIe » ). Elles contribuent également à créer une atmosphère : le
« coup prolongé de sifflet comme pour la manœuvre d’un bateau » dans Le soulier de satin , l’attente
dans un joyeux brouhaha (« rires et cris qui commencent très fort et vont décroissant ») du lever de
rideau dans Cyrano où une salle de théâtre est décrite (« On refrappe les trois coups. Le rideau
s’ouvre ») . C’est enfin, lors d’une répétition, l’échange animé (« les acteurs recommencent à rire et
échangent des commentaires ironiques ») entre les acteurs et le metteur en scène que nous livre
Pirandello.
D’autres didascalies jouent un rôle essentiel: ce sont celles qui précisent les déplacements des
personnages. Ainsi dans Six personnages en quête d’auteur tout un jeu peut se construire autour des
mouvements du Directeur qui accompagnent une montée de la tension ( « se levant et s’approchant »)
puis témoignent du calme retrouvé : « retournant à sa place ». De la même manière, le metteur en
scène de Cyrano pourra mettre en valeur les effets comiques de l’envol « de la perruque au bout d’une
ficelle pêchée par un page » et montrer de façon concrète la mise en place du spectacle avec cette
« chaise passée de main en main, au-dessus des têtes. » Quant au « Prologue » dans Antigone il « se
détache et s’avance » , ce mouvement donne une touche de solennité au texte qu’il va interpréter.
« L’Annoncier » à la fin de sa tirade quitte la scène (« il sort ») pour laisser place à la pièce.
Le metteur en scène pourra également travailler grâce aux didascalies les mimiques et le ton
des acteurs (« furieux » pour le Bourgeois de Cyrano ou pour le Directeur qui, dans la pièce de
Pirandello « se fâch[e] tout rouge »).
Les textes du corpus prouvent donc bien l’importance des didascalies qui permettent sans nul
doute de faciliter la représentation des pièces mais qui poussent aussi à s’interroger sur la part de
créativité et la liberté laissée au metteur en scène.
Les quatre textes du corpus se rapprochent par le fait qu’ils envisagent tous la présence du
spectateur, avant pendant ou après la représentation. Le prologue de la pièce Antigone et l’annoncier
dans Le Soulier de satin s’adressent aux spectateurs dans des monologues. Edmond Rostand fait d’eux
des acteurs dans les premières scènes de la pièce. Pirandello en revanche donne au spectateur un rôle
plus passif.
Le spectateur est le destinataire principal de la pièce, c’est pour lui que le spectacle a
lieu (cf. double énonciation) :
- On lui parle directement : dans Le Soulier de satin et Antigone, l’annoncier et le prologue
s’adressent directement au public de manière collective et l’invitent à voir et à écouter. Ces avantpropos soulignent l’artifice de la représentation, comme le commentaire de l’annoncier sur le
décor : « On a parfaitement bien représenté ici l’épave d’un navire […] Je pourrais les toucher avec
ma canne. », ou comme la présentation des protagonistes que fait le prologue : « Ces personnages
vont vous jouer l’histoire d’Antigone. ». Les spectateurs sont invités à une sorte de pacte de réception
de la pièce.
- On lui présente la pièce car il doit la comprendre : l’annoncier avertit en ces termes le
spectateur pour l’inciter à dépasser des réactions primaires : « Essayez de comprendre un peu. C’est ce
que vous ne comprendrez pas qui est le plus beau, c’est ce qui est le plus long qui est le plus
intéressant et c’est ce que vous ne trouverez pas amusant qui est le plus drôle. ». Le prologue, lui, ne
laisse planer aucun mystère sur l’issue de la tragédie et même se solidarise avec les spectateurs : « […]
nous tous, qui sommes là bien tranquilles à la regarder, de nous qui n’avons pas à mourir ce soir. »
- Le spectateur juge la pièce aussi, donne son avis : le metteur en scène chez Pirandello est
d’ailleurs sans illusions sur la réception de la pièce : « nous en sommes réduits à monter des pièces de
Pirandello - rudement calé celui qui y comprend quelque chose ! - et qui sont fabriquées tout exprès
pour que ni les acteurs, ni les critiques, ni le public n’en soient jamais contents »
Le spectateur appartient à divers milieux : chez Rostand les protagonistes sont divers : un
collectif, comme la « salle » ou le « parterre », des individus anonymes ou socialement repérables,
comme un « bourgeois », un « page » ou un « marquis ».
Le spectateur est présent physiquement et peut se manifester :
- Il s’installe dans la salle : dans la première scène de Cyrano de Bergerac, le spectacle est
dans la salle avant d’être sur la scène . Les rires et les cris, la facétie de la pêche à la perruque font de
cet avant-spectacle une véritable comédie. Les aristocrates, « marquis assis dans des poses insolentes »
spectateurs privilégiés installés sur scène, font aussi leur petit spectacle avant l’ouverture du rideau, en
donnant des ordres ou en envoyant des baisers aux loges.
- Le jeu des acteurs doit tenir compte de lui « placez-vous bien de trois quarts, sinon, entre les
obscurités du dialogue et vous que le public n’entendrait pas, ce serait la fin de tout! »
- Il est parfois turbulent, peut gêner la représentation : Rostand « rires et cris, applaudissant »,
Claudel « Ne toussez pas ».
- Pendant la représentation, il fait silence et écoute : Rostand : « tout le monde s’immobilise,
attente ; silence ! ; Ragueneau, bas ».
Au fond, ces quatre textes invitent le spectateur à être actif et réactif, à dépasser ses préjugés
ou ses attentes, à oublier l’artifice du décor et même à ne pas s’attacher uniquement à l’histoire
racontée et montrée. L’important est de se laisser porter, d’être bon public, en somme.
Après Sophocle, Jean Anouilh reprend le mythe d'Antigone. Fille d'Oedipe et de
Jocaste, la jeune Antigone est en révolte contre la loi humaine qui interdit d'enterrer le corps
de son frère Polynice. Présentée sous l'Occupation, en 1944, l'Antigone d'Anouilh met en
scène l'absolu d'un personnage en révolte face au pouvoir, à l'injustice et à la médiocrité.
Dans cet extrait, qui est présenté comme le prologue , nous allons étudier une manière
originale de concevoir l’exposition.
Les caractéristiques d’une scène d’exposition :
1- Présentation du contexte et de l’intrigue
- Par la didascalie initiale ; ouverture sur une tranche de vie dans une famille royale
(« Roi », « sœur », « oncle » « fils »…). La scène se passe à « Thèbes », personnages issus du
théâtre antique (Antigone, Œdipe)
La fatalité de l’histoire est facile à deviner avec les différents indices que nous laisse le
prologue : « Elle pense qu’elle va mourir. » Grâce à certains indices, nous savons aussi que
l’histoire sera tragique. Dans les fatalités, il y a une répétition du verbe « jouer » mais aussi
une utilisation du futur proche « qu’elle va » qui nous annonce la fin de la tragédie avant
même de l’avoir commencée. En fait, nous survolons l’histoire à travers le prologue.
2- Présentation des personnages :
-Ils sont décrits physiquement mais de manière rapide et imprécise (« la petite
maigre », « la blonde », « robuste »…)
- Ils sont nommés et caractérisés.
Antigone : héroïne. Portrait physique. Elle se différencie des autres personnages car
elle reste seule: « C’est la petite maigre assise là-bas, et qui ne dit rien ». Insistance sur la
jeunesse d’Antigone et son dépouillement. Etre marginal, obstiné qui se révolte.
Ismène se définit par rapport à sa sœur : en est aussi le contraire avec une
accumulation « la blonde, la belle, l’heureuse Ismène ».Reprise de l'idée de bonheur.
3- Liens entre les personnages et rôle dans la pièce :
L’ordre de présentation permet de comprendre le lien entre les personnages mais aussi
leur rôle dans la pièce .
Leurs attitudes pendant le prologue montrent aussi leur importance : Antigone, Créon
et le messager sont dans leurs pensées : cela montre leur solitude et leur avenir tragique ou
difficile.
L’occupation des autres personnages (tricot, bavardage…) montre qu’ils ont moins de
responsabilités.
Le prologue insiste donc sur l’attitude d’Antigone avec « là-bas », « elle s’éloigne »,
puis surtout avec les verbes de pensée. Antigone est l’un des personnages principaux de la
pièce mais c’est aussi le personnage qui va défier Créon :« se dresser seule face du monde,
seule face de Créon, son oncle le roi. » Comparaison avec Créon qui est seul lui aussi mais
pour gouverner. Ces deux personnages sont assez particuliers dans cette pièce car ils
s’opposent mais se ressemblent car ils sont seuls face à leurs responsabilités. Ici Créon est
représenté comme une personne âgée, usée « Il a des rides, il est fatigué. »
II- Ce qui peut surprendre le lecteur-spectateur
1- Le personnage du prologue
- Le prologue s’adresse seulement aux spectateurs, à aucun personnage, mais
seulement aux spectateurs : « ils » , « ces personnages » , « elle »
- On peut remarquer l’adresse directe au lecteur spectateur qui n’est pas habituelle ; la
présence du « nous « et du « vous » ; le prologue met le spectateur face à la réalité de la
représentation (utilisation du verbe jouer, du terme « histoire »)
2- La modernité, les anachronismes, le mélange de deux époques :
On peut également être surpris par le langage, le style :
- pas de dialogue, un discours en prose ;
- un langage simple et familier, contemporain : « Voilà », « noiraude »,
« rougeauds »…
- Certains termes montrent bien que nous ne sommes pas dans la Grèce Antique
comme le tricot, le jeu de cartes…
3- La révélation de la fin de la pièce :
Affirmation du tragique, cela ne laisse aucune possibilité d’imaginer autre chose : la
première phrase le montre ; « elle pense qu’elle va mourir » ; le prologue nomme les
personnages qui vont mourir.
La nuit est là pour rendre le prologue plus sombre et renforcer la fatalité de l’histoire.
Anouilh montre le côté artificiel de la représentation théâtrale, il ne veut pas d’illusion
dramatique (dernière phrase notamment) : avec cette formulation « vous jouer » le spectateur
ne peut pas prendre la représentation pour la réalité, le Prologue détruit l'illusion théâtrale.
Eléments de corrigé : la dissertation
Depuis son origine antique où il avait une fonction religieuse et politique, en
passant par la commedia dell’arte et ses pantomimes ou encore le théâtre classique,
célébrant l’apogée de la tragédie et de la comédie, jusqu’au théâtre de l’absurde ou les
recherches scénographiques modernes, le théâtre a su être un genre multiple, jouant
avec les genres et offrant des spectacles variés.
Ceci nous amène à nous demander ce que le spectateur recherche au théâtre. Un
critique, Michel Cournot, écrit : « Nous allons au théâtre pour penser à autre chose,
pour nous distraire, nous émouvoir. Pour entendre et voir de belles choses, des choses
justes aussi, et bien dites ».
Cette formule nous permet d’étudier les différents intérêts du théâtre, comme le
divertissement, la charge émotionnelle, la portée critique ou la particularité qui fait de
lui un spectacle complet en même temps qu’une œuvre littéraire.
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Se distraire, penser à autre chose, s’évader dans un autre univers que celui de notre
quotidien : lieu de l’illusion, espace scénique séparé de la vie où se déroule une fiction
qui permet de nous éloigner de notre réalité (ex : L’Ile des esclaves de Marivaux et le
monde de l’utopie ; le corpus qui nous plonge dans l’univers des Dieux antiques avec
Giraudoux, ou celui de la transformation symbolique chez Ionesco).
Les pièces historiques nous plongeant dans des temps anciens, avec d’autres décors,
costumes, langage ... (ex : les tragédies évoquant l’Antiquité et son contexte : Antigone,
Phèdre ... ; les drames romantiques de Hugo nous amènent en Espagne).
Créer la détente, la gaieté : fonction du comique avec coups de théâtre, personnages
caricaturaux, jeux de scènes divers, fin heureuse (ex : la Commedia dell’arte, les pièces de
Molière et les personnages types : Arlequin, les valets impertinents, les vieux barbons ; les
travestissements ; les quiproquos / Beaumarchais et ses rebondissements multiples).
Emouvoir, susciter des sentiments forts qui servent de catharsis, de « thérapie » :
fonction du tragique avec l’identification aux héros vivant des drames (ex : Sophocle,
Racine ou Corneille et leurs personnages en proie à leurs dilemmes, portant le poids du
destin : Antigone doit-elle obéir à son oncle Créon et laisser son frère dans le déshonneur,
ou désobéir et mourir ? Andromaque doit-elle sauver son fils en épousant son ennemi, le
meurtrier de son peuple ? Le Cid doit-il venger son père et perdre sa maîtresse, ou écouter
son amour pour Chimène et perdre son honneur ? ; ou encore la représentation de
sentiments forts et nobles, de l’amour impossible (ex : Roméo et Juliette de Shakespeare,
Ruy Blas de Hugo, Cyrano de Rostand).
L’un des attraits du théâtre est sans doute sa capacité à faire réfléchir, à observer les
hommes et la société afin de mieux examiner leurs travers et les dénoncer. Ce genre se
révèle en effet un parfait porte-parole des idées de son auteur, grâce aux personnages,
leurs traits de caractère, leurs choix, ou les valeurs qu’ils défendent les uns face aux
autres.
En effet, tous les grands auteurs ont fait passer des messages dans leurs œuvres, comme
Molière dénonçant la tyrannie des hommes ou des pères voulant marier leur fille
(L’école des Femmes, Le malade imaginaire ...), Marivaux ou Beaumarchais et la remise
en cause des privilèges des maîtres et de la hiérarchie sociale au XVIII siècle, à travers
L’Ile des esclaves ou Le mariage de Figaro (ce dernier évoquant aussi la justice, la cause
des femmes ...), ou bien, plus proche de nous, les pièces dénonçant la montée du nazisme
et de l’embrigadement dans Rhinocéros de Ionesco, en décrivant les habitants d’une ville
saisis par la même contagion ; même les pièces absurdes comme En attendant Godot
permettent de faire réfléchir au vide de la condition humaine. Le genre dramatique
apporte donc au public une réflexion critique sur l’homme ou la société.
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Voir et entendre : spectacle complet et vivant, sollicitant tous les sens par la mise en
scène et les effets utilisés ; le décor, la musique des mots et des notes … (ex : les
pantomimes des farces et des personnages issus de la Commedia dell’arte ; les comédies
ballets de Molière comme Le Bourgeois Gentilhomme ; la chanson finale chez
Beaumarchais ; les pièces plus modernes et l’utilisation des moyens techniques : scènes
escamotables, jeux de lumières, mélange de théâtre et de cinéma avec projection d’images
...).
L’attrait des choses « bien dites » : le texte de théâtre est aussi un texte littéraire et offre
la beauté du style (ex : les pièces en vers, avec des rimes, des effets de rythme, de
sonorité, un lexique choisi, des images, comme les tragédies classiques ou le drame
romantique : beauté des tirades lyriques comme celles de Cyrano de Bergerac ou de Ruy
Blas ; la richesse et la diversité du langage dans le comique : patois, « jargon » de la
justice, des médecins ...).
La richesse du genre dramatique explique donc ses multiples facettes et la possibilité
pour chacun d’y trouver ce qu’il cherche, de la simple distraction à la leçon ou même la
participation active.
Mais paradoxalement, cette spécificité du théâtre réclame l’adhésion d’un public pour
vivre. C’est pourquoi il faut le défendre face à un autre art qui présente de nombreux
points communs avec lui, mais n’offre pas cette communion au spectateur, puisque le
laissant seul avec lui-même : le cinéma.
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