Les Farc, une guérilla affaiblie à la table des négociations (PAPIER D'ANGLE) Par Nina NEGRON BOGOTA, 12 oct 2012 (AFP) - Les négociations de paix entre les Farc et le gouvernement colombien, prévues à partir de la semaine prochaine, pourraient sonner la fin de la dernière grande guérilla d'Amérique latine, affaiblie sur le terrain militaire mais aussi idéologique. La rébellion marxiste des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), fondée en 1964 par un groupe de paysans, a réuni jusqu'à 20.000 combattants dans les années 80-90, répartis sur des fronts couvrant l'ensemble du territoire. Harcelées par l'armée, avec l'aide financière et matérielle des Etats-Unis, ses troupes ont connu depuis une inexorable érosion, ne comptant plus, selon les autorités, que 9.200 rebelles, chassés des grandes agglomérations pour se replier dans les régions de montagne et de forêt. Une évolution qui les ont conduites à une certaine modération dans leurs revendications, en vue des négociations qui doivent se dérouler en Norvège, puis à Cuba. Lors des précédentes tentatives de dialogue avec les autorités, la guérilla exigeait un changement du système politique et économique. "Les Farc ont été très réalistes face au processus de paix", assure à l'AFP Leon Valencia, directeur de la Fondation Nuevo Arco Iris, spécialiste du conflit colombien. "Elles n'ont pas soulevé la question des institutions, ni même proposé une assemblée constituante", poursuit-il. Selon cet analyste, cette position révèle la réalité que connaissent aujourd'hui les rebelles, devenus l'"expression d'une force marginale" sur le terrain: "dans les zones rurales, ce sont les cultivateurs de coca et dans les villes, les habitants qui n'ont même pas de carte d'identité". Les Farc "ne représentent plus désormais ni les secteurs de la classe ouvrière ni ceux de la classe moyenne", souligne encore M. Valencia. Vingt après la fin de la Guerre froide et la dissolution des guérillas d'Amérique centrale, le conflit colombien "a été relégué en marge, non seulement de la géographie, mais aussi des préoccupations de la population", estime Javier Ciurlizza, directeur régional de l'ONG Crisis Group. Le virage pris par la guérilla qui, tout en multipliant les enlèvements, a diversifié ses sources de revenus en renforçant sa présence dans les zones de culture de coca ou d'exploitations minières, a aussi contribué à marginaliser son discours politique. Les Farc constituent une "armée d'origine paysanne qui s'est isolée de la société colombienne et maintient un lien fort avec le narcotrafic", résume M. Ciurlizza. En prélevant son "impôt révolutionnaire" sur les cultivateurs de coca ou sur la production minière illégale, la guérilla "ne se distingue en rien de la façon dont les autres groupes armés en Colombie se financent", ajoute-t-il. Les autorités du premier producteur mondial de cocaïne dénoncent même parfois une complicité entre les Farc et leurs ennemis d'hier, les anciennes milices paramilitaires d'extrême droite, dont un grand nombre ont rejoint les bandes criminelles sévissant encore dans le pays. Selon M. Ciurlizza, l'idéologie n'est désormais plus le moteur de la guérilla. "Sa force ou sa faiblesse dépend d'abord de l'aspect militaire, c'est ça qui module son discours. C'est une armée touchée et affaiblie qui sait qu'elle a besoin de cette table de négociations", assure-t-il. nn/pz/ag/ggy AFP 120615 GMT OCT 12