par les offreurs pour contrôler le marché. Cette stratégie monopolistique tend notamment à
utiliser et à créer les différenciations sociales entre les clientèles et à utiliser ou à créer leur
volonté de différentiation. Enfin par cette stratégie, le vendeur crée ou renforce sa propre
image (installation ostentatoire de magasins - y compris de supermarchés -, modes de
promotion commerciale et de ventes produits d’appels, prix fixés sans marchandages,
localisation, horaire, réputations sociales, etc.).
La segmentation de la demande n’est pas seulement le fait des stratégies monopolistiques du
secteur le plus productif. Elle peut aussi exister au profit des productions locales. Il y a de
multiples cas de persistance des consommations traditionnelles, notamment dans le domaine
alimentaire. Les études sur la dépendance alimentaire, sur la sécurité alimentaire et sur la
souveraineté alimentaire ont montré que la structure des consommations alimentaires, même
urbaines, n’a pas partout connu les changements annoncés. Les consommations locales sont
résilientes : elles persistent et même se développent malgré la faible productivité apparente
des filières locales. Les circuits de distribution des produits agricoles locaux se sont
maintenus et ils se sont même organisés développés et adaptés dans le secteur formel et,
encore plus spectaculairement, dans le secteur informel.
Il y a des lieux, ruraux ou même urbains, où le secteur à productivité élevée ne pénètre pas ou
ne prend qu’une partie du marché. Les méthodes de la distribution (notamment les
supermarchés) sont loin d’avoir pénétré tous les pays, même dans les villes. Et la concurrence
entre le commerce moderne et le commerce informel persiste même dans les villes où les
filières productives ont pénétré. Car le secteur moderne n’est pas le seul à jouer à la fois sur
les prix et sur les images pour attirer ou conserver la clientèle.
Plus généralement il est apparu fréquemment, dans la réunion de M’bour, qu’il convenait
d’observer, par delà la segmentation de l’offre et la segmentation de la demande, la
segmentation des marchés.
III - La segmentation des marchés
La segmentation des marchés, telle qu’elle a été développée à propos du marché du travail
(notamment à propos de la concurrence entre la main-d’oeuvre locale et les travailleurs
émigrants) est un phénomène visible pour tous les facteurs et tous les produits. La
segmentation des marchés permet la coexistence (durable ou provisoire) de marchés qui
diffèrent par les prix, les rémunérations, les qualifications réelles ou supposées, les
localisations, les règles du jeu, les contrats, les rapports de pouvoir, les aspirations des parties
contractantes, la qualité des informations, les asymétries d’information, les coalitions
explicites ou informelles, les solidarités affirmées et ressenties, la proximité géographique des
participants, etc.
Tous ces paramètres, qui sont apparus explicitement ou implicitement dans les discussions de
M’bour à propos des marchés agricoles, ont pour résultat de ne plus limiter la compétition au
niveau de productivité. La segmentation des marchés peut être même être un instrument de
survie et parfois d’expansion locale des producteurs et commerçants locaux. Elle peut freiner
les tendances à l’intégration du local à l’économie internationale et parfois même à
l’économie nationale.