Bejahung
JOËL BERNAT 24 04 99
Publié en partie sous le titre de "Le temps de s'y reconnaître", in : Libre cahiers pour l'analyse,
n° 2. : "Dire non". Éditions In Press
Le temps de s'y reconnaître
Agrégée et thésarde en philosophie, Andréa est soudain et pour la première fois prise de
passion pour le barman du bistrot où elle aime à travailler. Le bar, dans la culture familiale, est un lieu
de dépravation et de perdition. Bien que cette relation amoureuse soit restée imaginaire, peu après, une
voix terrible se fait entendre, lui reprochant sa conduite jugée comme celle d'une prostituée. La voix
rapidement l'envahit et ses études ne sont plus possibles, malgré les traitements de plus en plus lourds
et les séjours hospitaliers. Le diagnostic de schizophrénie lui est communiqué.
Lors de notre premier entretien, j'oriente sa parole sur la voix ; elle me parle de sa terreur
lorsqu'elle l'entend, et cette terreur se manifeste physiquement dans le temps même du récit qu'elle en
fait. Elle m'énonce les insultes qu'elle reçoit et l'obéissance absolue qui est la sienne aux injonctions
qui l'obligent à d'étranges comportements punitifs. "Mais je sais que c'est idiot !" ajoute-t-elle. Elle a
tenté d'expliquer l'origine de la voix par une influence télépathique ou une source divine, mais cela
heurte sa rationalité. Lui demandant alors pourquoi de telles explications, elle me dit que c'est la seule
solution pour expliquer l'extériorité de la voix (la voix, et non sa voix). C'est cela qui la trouble le
plus, bien que le contenu de cette voix la terrorise. Sur cette extériorité, Andréa est divisée : on lui
parle depuis dehors, mais elle sait que c'est idiot. Une autre division est suscitée par l'ébauche d'un
délire qui tente de concilier et d'effacer cette division par une théorisation supranaturelle, élaboration
qui la choque. Divisions et inscriptions en des lieux différents séparent et font coexister le perçu et sa
récusation.
Tandis qu'elle me parlait de cette voix, mes associations vont vers sa ville quelques trois
cents kilomètres d'ici). Je suis frappé de l'éloignement, de cette extériorité, puis par le fait que cette
ville m'est proche d'être le lieu de ma naissance. Tout ceci me semblait fort loin dans le temps. Quelle
perception avait éveillé ces traces mnésiques ? Ce ne pouvait être de simples associations personnelles
suscitées par le seul nom de cette ville, et il me fallait exercer un jugement d'attribution d'une
perception transférée en moi et indiquée par cette formulation répétitive : fort loin dans le temps.
Insistance qui indique, à l'insu de la patiente, une voie d'accès à sa problématique. Je reconnais ce "fort
loin dans le temps" comme élément transféré, sur lequel j'opère un jugement d'existence : cette
formulation n'est pas la mienne, elle est indiquée par Andréa comme qualité de la voix dont elle me
parle. Les scènes psychiques (la sienne et la mienne) sont de nouveau séparées, et je peux lui
communiquer une construction auxiliaire : "si vous avez le sentiment d'une extériorité de la voix, c'est
que cela fut vrai dans le passé, c'est un souvenir, et ce n'est pas du tout actuel."
Ma construction visait à ce qu'elle puisse opérer une attribution, celle concernant la voix afin
qu'elle redevienne sa voix, son souvenir dans son histoire, en lieu et place du rejet qui l'extériorise.
Cela eut pour effet de susciter le retour de souvenirs : son père sermonnant sa sœur aînée, lui
reprochant ses frasques amoureuses. Elle saisit que la voix actuelle lui tenait le même discours alors
que dans la réalité, son père ne lui a jamais parlé ainsi. L'extériorité est le reliquat hallucinatoire de
cette scène, témoignant de l'origine réelle et externe de la voix dans son histoire.
L'autre élément indicateur est celui d'influence, terme que l'on trouve au centre des tentatives
d'explication de l'origine de la voix : divine ou télépathique. La qualité "influence" indique la jalousie
et le souhait d'Andréa, dans cette scène le père sermonnait et influençait la ur aînée, d'être à la
place de cette sœur pour être, elle aussi, dans une telle relation au père, selon le modèle du fantasme
"on bat un enfant". Le souhait et le fantasme ont été récusés et remplacés par les représentations
"Dieu" et "télépathie". C'est cet ensemble que vient, hallucinatoirement, condenser et réaliser la scène
actuelle de l'amour pour le barman.
A son attribution (de la scène du sermon) fait suite une élaboration fantasmatique qui
intériorise la voix jadis externe, puis la rejette en la désignant comme extérieure au sujet. Le sentiment
d'extériorité est un "noyau de vérité", reliquat historique témoignant de la source externe de la voix
le père qui sermonne/bat la sœur – qui fait retour sous forme d'une satisfaction hallucinatoire.
Semmering, été 1925 : profitant de ses vacances, Freud écrivit quelques "petits articles" pour
lesquels, ainsi qu'il en informe Karl Abraham, il lui faudra "le temps de s'y reconnaître"
1
. Il lui en
communique les titres : "La négation", "Inhibition, symptôme" et "Quelques conséquences psychiques
de la différence anatomique des sexes" …
Au-delà du simple constat d'un "moment fécond" et en regardant de plus près cette trilogie, il
apparaît qu'elle correspond à une nouvelle mise en forme d'acquis récents. On peut y suivre le fil
conducteur que le texte sur "La négation" met au jour : le trajet psychique de la perception à la
conscience. Perception, par les sens, de l'extériorité du monde réel, de l'altérité, dont on connaît le
paradigme freudien dûment répété : la perception de la différence anatomique des sexes, altérité
sexuelle d'une extériorité radicale. Perception à l'origine de la problématique de la castration, mais
aussi d'inhibitions, de symptômes et d'angoisses - conséquences psychiques (majeures) de cette
perception en rapport avec ces événements ou actes psychiques que constituent la négation et la
réfutation de la perception. Ces événements psychiques
2
, définis en 1911, ont pour visée de réduire les
excitations issues de la perception de la réalité, et traitent de la même façon les excitations internes
motions pulsionnelles déplaisantes comme si elles étaient externes.
Le texte sur "La négation" est un jalon important des travaux menés par Freud sur cette
question du trajet perception-conscience ; depuis l'enseignement de Franz Brentano, son professeur de
philosophie à l'Université, en passant par l'Esquisse, le schéma du chapitre VII de l'Interprétation des
rêves, L'Inquiétante étrangeté, Note sur le bloc-magique, Un souvenir sur l’Acropole, pour n'en citer
que quelques-uns. Freud s'intéresse à l'élaboration de la perception en représentation tout autant qu'aux
réfutations qu'elle subit.
Freud dégage peu à peu trois mécanismes principaux de négation de la perception ou de la
représentation : refoulement, déni, rejet (les trois Ver- : Verdrängung (refoulement), Verleugnung
(déni), Verwerfung (rejet), ayant chacun des effets cliniques différents : névrose, perversion et
psychose. On peut repérer les différents temps dans le texte freudien :
- le rejet apparaît dès 1894 dans Les psychonévroses de défense.
- le déni est présent dès les Études sur l'hystérie de 1895.
- en 1905, refoulement et rejet sont identiques, différenciés par une seule question d’intensité
(le rejet est un "refoulement réussi" puisqu'il concerne et la perception ou la représentation, et l'affect).
- en 1917, le refoulement est différencié du déni et du rejet, ces derniers étant équivalents
jusque en 1924.
- en 1925, Freud définit une quatrième Ver-, Verneinung, la dénégation ou négation, en même
temps qu'apparaît le terme de Bejahung, affirmation.
- enfin, c'est en 1927, qu'il isole le déni comme spécifique de la perversion, le rejet étant, lui,
réservé à la psychose.
1
Correspondance Freud-Abraham, lettre du 27 juillet 1925, Gallimard 1969.
2
Freud S., (1911) "Principes du cours des événements psychiques", in Résultats, Idées, Problèmes, tome I, P.U.F 1984, p.
136, n. 2. Notons que le comme si est l'indicateur de cette opération. L'on peut tout aussi bien se référer au texte de 1915,
"Pulsions et destins des pulsions", où Freud pose que la perception d'une motion pulsionnelle repose sur le même
principe, sur la même extériorité, l'inconscient étant situé entre le monde externe ou le pulsionnel, et la conscience.
Ce repérage
3
doit être tempéré pour ne pas être pris dans une illusion structuraliste, puisqu'il
existe, par exemple, des dénis ou des rejets dans la névrose (bouffées délirantes, épisodes
hallucinatoires, etc.)
4
.
Admission de la Bejahung en psychanalyse
Le point remarquable du texte n'est pas l’élément clinique : celui de la dénégation du patient
en séance. Deux nouveaux termes font leur apparition : Verneinung, et Bejahung, ce dernier venant
remplacer celui que Freud utilisait jusqu’alors, Behauptung. L'un et l'autre sont rendus
indifféremment, dans les traductions françaises, par affirmation, atténuant l'apport de ce texte qui tient
précisément à l'introduction du mot Bejahung. Une des raisons de l'effacement qu'opère la traduction
française par "affirmation" procède de ce que Freud théorise avec des concepts philosophiques, dont la
particularité est d'être issus de la langue ordinaire, à l'inverse du français, dont le vocabulaire
philosophique est plus souvent tiré de la langue "savante".
La Bejahung est, à l'origine, une notion philosophique spécifique aux anti-métaphysiciens, et
donc un des axes essentiels de l’enseignement de Brentano, le maître es philosophie de Freud. Franz
Brentano, "personnalité géniale", "homme diablement intelligent"
5
, enseigna jusqu'en 1895 à Vienne,
et fut une source très influente pour la philosophie du XXe siècle et la psychologie moderne. A titre
d'exemple, parmi d'autres, Husserl, le fondateur de la Phénoménologie, reconnaît lui devoir son choix
de la philosophie. Freud fréquente le séminaire de Brentano, trois fois par semaine, de 1874 à 1876, et
lui rend quelques visites à son domicile. Ainsi a-t-il suivit les minaires sur "La philosophie
d’Aristote"
6
qui sera très présente dans Les études sur l’aphasie, tout comme celui de "Lectures
d’écrits philosophiques" et les Cours de logique et de métaphysique.
Brentano passe pour le fondateur de la psychologie moderne comme science destinée à servir
de base à toute discipline et à résoudre les problèmes philosophiques. Pour ce faire, cette psychologie
se devait d'être, non plus "génétique" mais "descriptive". Il en pose les fondements en 1874 avec sa
Psychologie du point de vue empirique dont la thèse centrale est que le phénomène psychique est une
représentation construite à partir d'actes psychiques plus complexes, tels que les jugements, les désirs
et les affects. L’acte psychique porte en lui-même l’intention vers l’objet auquel il se réfère. Parcourir
les écrits de Brentano, permet de repérer sur quoi Freud appuie sa théorisation, notamment pour ce qui
concerne le passage du trajet de la perception à la conscience. Par exemple :
- L’affirmation de Brentano selon laquelle rien ne peut être jugé qui ne soit au préalable
représenté dans l’esprit ; ainsi, toute perception interne résulte d'un jugement, et tout jugement
est soit affirmation, soit déni.
- Le rapport de la perception et de la représentation à partir des jugements d’attribution et
d’existence, avec pour centre la distinction perception interne / perception externe.
- Il en résulte que toute réalité n’est qu’individuelle (soit la réalité psychique de Freud).
- Enfin, amour et haine constituent la base de ces jugements mentaux, selon le principe d’une
force originelle plaisir / déplaisir (l’on retrouve, sur ce point, le moi-plaisir et Empédocle
d’Agrigente).
Freud rejoint, à propos de la Bejahung, un élément clef présent également chez Nietzsche,
l'affirmation de la vie, LebensBejahung, et place celle-ci du côté d'Éros et de sa tendance à
3
Notons que Freud emploie aussi le terme de Negation qui spécifie, non pas un processus, mais un résultat : le moi a posé
une négation sur un contenu déjà refoulé, mais il n'y a pas de négation possible, dans l'inconscient, de la perception
sensorielle, toujours inconsciente.
4
Voir "Constructions en analyse" (1937), in Résultats, Idées, Problèmes, tome II, P.U.F 1985. C'est le cas avec l'Homme aux
Loups et l'hallucination du doigt coupé.
5
Voir la lettre de Freud à Eduard Silberstein, du 05. III. 1875, in Lettres de jeunesse, Gallimard 1990.
6
Par exemple, Brentano Franz, De la diversité de l’être d’après Aristote, Vrin 1992.
l'unification, en opposition à Thanatos dont dépendent les formules de réfutation et de négation, c'est-
à-dire l'expulsion et la destruction
7
.
En 1925, cette notion, jusqu'ici réservée à la philosophie ou à la psychologie, est admise dans
le vocabulaire technique et théorique de la psychanalyse, et vient préciser le terme précédemment
employé de Behauptung. Ce terme signifie également affirmation, mais avec une nuance de contrainte
exercée sur l'autre, celle de "prendre le pas sur l'autre". En complétant ainsi son vocabulaire, Freud
clarifie sa position et se dégage aussi bien de la Behauptungstrieb d'Adler, pulsion d'affirmation de
l'individu subordonnant le comportement sexuel aux motifs égoïstes, l'emblématique "volonté de
puissance", que de la Selbstbehauptung, l'affirmation de soi de Trotter. Le processus de la Bejahung
est celui du trajet complet qui va de la perception par les sens vers la conscience et le jugement de
réalité, et la Behauptung devient une dénégation de la réalité, au service de Thanatos.
Freud reprend les deux temps successifs composant le processus global de la Bejahung
8
: les
jugements d'attribution et d'existence. C'est l'ensemble de cette opération que Freud situe du côté
d'Éros en opposition à la dénégation qui, elle, est du côté de Thanatos.
Le système perception-conscience (Pc-Cs)
C'est ainsi que Freud rebaptise, dans ses textes de métapsychologie de 1915, l'ancien système
de l'Esquisse. Résumons les acquis de Freud :
- l'accès à la conscience est avant tout lié aux perceptions que nos organes sensoriels reçoivent
du monde extérieur, et il n'y a de représentation possible que de ce qui fut perception.
- le moi-plaisir/déplaisir traite cette perception, se l'approprie ou l'expulse par les processus
primaires. Ce temps est celui du jugement d'attribution. La perception n'a à cet instant aucune qualité
de conscience. L'activité psychique se retire de ce qui suscite le déplaisir. Le refusé produit un reliquat
inconscient, tel un reste diurne, susceptibles de retours dans le rêve ou l'hallucination...
Selon les différentes étapes de ce trajet de la perception vers la conscience, l'expulsion peut
être produite selon différentes modalités :
- Le rejet, Verwerfung, que Freud connaît depuis les séminaires de philosophie de Brentano.
C'est le rejet d'emblée de la perception à "l'extérieur" (dans une extériorité psychique), qui fait retour
dans l'hallucination par exemple, ou dans la construction délirante. Pour Freud, ce rejet n'est pas une
forclusion (au sens lacanien du terme), parce que il reste lié à une acceptation du perçu, donc installé
dans la psyché (le rejet est une opération mentale), produisant un clivage
9
entre le rejeté et sa trace, qui
coexistent sous forme de deux courants, en deux lieux différents
10
.
- Le déni, Verleugnung, qui reçoit sa définition terminale en 1927 dans l'étude conclusive sur
le fétichisme. Il porte sur la négation après-coup de la réalité de la perception, comme si elle n'avait
jamais existé : c'est une annulation rétroactive, et comme telle, elle vient aussi nier l'affect suscité par
la perception (Freud l'illustre avec l'histoire du roi Boabdil
11
). Avant 1924, ce processus était tenu
pour responsable de la psychose
12
. Un des modes de retour du dénié est celui du fétiche, comme
témoin et reliquat. Mais à côté de ce qui est dénié, existe aussi une forme d'attribution ne peut être
dénié que ce qui fut perçu - avec pour conséquence, un clivage dans le moi.
7
Voir "La négation" in Résultats, Idées, Problèmes, tome II, op. cit., p. 170.
8
Reprenant précisément des énoncés de "Formulations sur les deux principes du cours des événements psychiques", op. cit.,
pp. 135 à 137.
9
Voir L'Abrégé de psychanalyse, P.U.F, p. 82.
10
Voir "L'inconscient" in OCF-P XIII, P.U.F 1988, pp. 212 sq.
11
"Lettre à Romain Rolland. Un trouble du souvenir sur l'Acropole", in OCF-P. XIX, P.U.F 1995, p. 336 sq. Boabdil fit
couper la tête du messager lui portant la mauvaise nouvelle de la chute de Grenade.
12
Voir "La perte de la réalité dans la névrose et la psychose" in Névrose, psychose et perversion, P.U.F 1973.
Lorsque l'attribution a lieu, elle met en contact la perception avec le système des traces
mnésiques, produisant une représentation par liaison avec les restes verbaux
13
inscrits, eux, dans le
système préconscient. Cette liaison, et elle seule, donne la qualité de conscience. Pour l'instant, cette
représentation n'est que préconsciente (le préconscient appartient au conscient
14
), mais a la capacité de
devenir consciente, et de s'inscrire en un autre lieu.
A ce moment du trajet de l'admission, peuvent intervenir d'autres modes d'exclusion qui vont
opérer sur la représentation de la perception.
- le refoulement, Verdrängung, produit un jugement de condamnation, Urteilverwerfung
15
,
qui interdit le devenir conscient et porte sur la représentation. Une représentation supplante l'autre
mais pourra faire retour sur les modes que nous connaissons :, les formations de l'inconscient, mais
aussi dans le déjà-vu ou déjà-raconté, la fausse reconnaissance
16
, l'Inquiétante étrangeté
17
.
- la dénégation, Verneinung, qui admet la représentation dans la conscience, mais sans
l'affect, afin d'affaiblir la représentation, ne produisant qu'une reconnaissance intellectuelle.
Lorsque ces négations sont levées ou n'interviennent pas, se produit un jugement d'existence :
la représentation reproduisant la perception, est retrouvée, soit dans la réalité extérieure et la chose
représentée existe donc réellement (ce que Freud illustre avec Un souvenir sur l'Acropole), soit dans
l'inconscient s'il s'agissait de la perception d'une motion pulsionnelle : elle devient alors "juste au sens
de l'inconscient" et "je peux m'y reconnaître". Si ce n'est pas le cas, intervient le renoncement : la
représentation est abandonnée, infirmée par l'expérience. Ceci relève du principe de réalité et
contribue à une représentation réelle du monde, agréable ou non.
Soulignons deux points : toute forme de négation remplace une perception par une autre, ou
une représentation par une autre. Ces opérations de négation sont des actes psychiques. Qui plus est,
ces événements produisent chaque fois un clivage. Ainsi trouvons-nous toujours deux courants de
pensée en deux lieux différents dans la psyché ; par exemple, la coexistence de l'attribution et de sa
réfutation, ou encore la coexistence du moi-plaisir et celui du moi-réalité relevant du jugement
d'existence selon l'épreuve de la alité
18
. Mais il y a, de toutes façons, clivage du moi selon l'étude
que Freud ébauche en 1938 : si une réfutation est maintenue, elle coexiste toujours, dans la psyché,
avec son attribution, en un autre lieu. L'interprétation doit tenir compte de cette double inscription et
viser les deux lieux. Dans le cas d'Andréa, ma construction associait :
- la conscience de la voix, et son extériorité
- l'inconscience du souvenir de l'origine de cette voix, et son intériorité ;
double inscription dont doit tenir compte l'interprétation, ainsi que Freud l'indique pour l'interprétation
du symptôme ou celle du fantasme hystérique (dans sa dimension et masculine, et féminine).
Conséquences quant à la cure
Elles peuvent être envisagées selon chacun des protagonistes. Du côté du patient, à l'Einfall,
l'idée incidente illustrée par la vignette clinique du texte de Freud, la dénégation oppose un refus du
jugement d'existence. L’intervention de l’analyste propose un jugement d'existence soumis à l'épreuve
de réalité par le patient conduisant à la reconnaissance ou au renoncement.
Il ne s'agit pas, face à "ma mère, ce n'est pas elle", de dénoncer la dénégation comme
résistance du patient. Celle-ci indique, pour Freud, le surgissement d'une représentation inconsciente.
13
"Formulations sur les deux principes du cours des événements psychiques", op. cit., p. 38.
14
"L'inconscient", op. cit.
15
Voir "Le trouble psychogène de la vision", texte de 1910, in Névrose, psychose et perversion, op. cit., p. 169.
16
Voir l'article du même nom in La technique psychanalytique, P.U.F 1972.
17
Freud S., L'inquiétante étrangeté et autres essais, Gallimard 1985, p. 217.
18
"Formulations sur les deux principes du cours des événements psychiques", op. cit., pp. 138-9.
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