manquant du minimum nécessaire à une vie digne. Les termes: malheureux, indigents, nécessiteux, humbles,
miséreux, misérables, fauchés, sans-le-sous, décrivent un certain type de personnes dont, objectivement, nous
ne pouvons pas dire qu'elles sont "heureuses", et, encore moins, qu'elles sont dans cette situation par
obéissance à la volonté de Dieu et qu'elles seront donc très heureuses dans l'éternité...
Si telle est notre pensée, nous participons à un "terrorisme religieux" et cette religion, ainsi utilisée pour
insulter Dieu et les pauvres, nous met en accord avec Marx et Freud en commettant ce péché d' "espérance
ajournée". Nous ne pouvons suggérer aux pauvres d'abandonner l'espoir. Nous ne pouvons les réduire à la
pauvreté au nom de Dieu et encore moins, décrivant la misère des autres à partir de notre propre abondance,
justifier cette pauvreté par une détermination de Dieu et la condition sine qua non d'une future béatitude
éternelle. C'est une insulte. C'est du terrorisme. Mais, malheureusement, cela se fait...
Quand commence l'éternité?
Une des déformations qui affligent grandement notre pensée est notre conviction plus ou moins grande que
notre éternité commence au moment de notre mort.
Erreur fatale ! Le fait est que notre éternité commence
au moment de notre conception. Et donc, s'il en est
ainsi, le temps, l'espace et le monde ou nous vivons sont
déjà imbibés d'éternité. S'il en est ainsi, nous faisons
déjà l'expérience de l'éternité et le moment de la mort
devient l'apogée de la vie. S'il en est ainsi, le moment de
mort est le moment de la rencontre définitive avec
Dieu... le moment de mort est le moment de la
résurrection! Je crois que François d'Assise fut le
premier à comprendre tout cela pour aboutir à sa
conclusion logique d'appeler la mort "soeur".
Où la révolution commence
Mais retournons aux difficultés linguistiques de Matthieu qui manque de mots grecs pour adapter sa
linguistique hébraïque à ce qu'il veut faire savoir. Heureux les pauvres en esprit ... heureux les pauvres
d'esprit...les motivés par l'esprit... les pauvres menés ou conduits par l'esprit... toutes traductions possibles de
l'expression grecque dans laquelle Matthieu a dû ajouter le mot "pauvre" pour sauvegarder la dignité de ces
derniers, ainsi que la dignité de la façon dont nous parlons à Dieu et le comprenons dans son "être" et son
"agir" avec nous, mais surtout à travers nous. C'est ici que la révolution commence.
Et c'est ici que s'articule le "code caché". Caché de telle façon qu'il est aussi rendu effrontément manifeste.
Ce n'est pas un "code" dissimulant d'indicibles secrets mais un "code" qui divulgue comment être à Dieu et
aux autres, ou mieux encore, comment être à Dieu en étant aux autres. Mais c'est ici que peut s'éveiller un
terrorisme religieux qui repousse l'espoir au-delà de la période temporelle. Ou c'est d'ici que nous pouvons
être précipités dans les dimensions les plus profondes d'être et d'agir en humain. Plus qu'un texte établissant
des "Décisions de Dieu", les Béatitudes sont, au contraire, la "Magna Carta" de l'action humaine à la lumière
de Dieu, la Constitution qui doit être suivie par tous ces hommes et femmes qui osent être de Dieu à la suite
de Jésus-Christ, les hommes et les femmes qui osent être de Dieu et des Autres. Cette idée vaut d'être
répétée... un jour, peut-être, l'on comprendra.
Un code pour lire la Bible
A partir d'ici, nous pouvons commencer à lire le texte et notre propre vie sans peur ni entrave. C'est ici que
nous trouvons, en fait, le code de lecture de la Bible. Loin d'être un code secret, un code caché dans les
étagères de l'éternité où la moisissure pourrait le ronger, ce défi est si inquiétant et si dérangeant qu'il me
force à sortir de moi-même, et donc me sort de mon confort et me jette dans l'action; il ne me permet pas
l'usage de cosmétiques pour cacher les rides de ma foi, mais me pousse en plein air, là où je puis attraper un
coup de soleil, mais c'est le seul endroit où je puis obtenir un "bronzage durable." L'ultime défi reste le
même..., déranger, inquiéter, renverser pour remporter une victoire sur cette schizophrénie qui nous mène à
vouloir être de Dieu sans être des autres, à vouloir vivre comme divorcés de la vie, dans un faux-mariage
avec Dieu... marqué par les coups de ciseaux consécutifs et de plus en plus profonds dans notre contrat.
La référence au pauvre
Le mot clé, le concept central qui donne sa signification au texte entier, est la référence au pauvre. Séparons
les deux catégories entre lesquelles la langue hébraïque ne permet aucune confusion et nous trouvons un
Dieu qui n'a pas besoin d'indigents, de malheureux, de misérables attendant un bonheur qu'ils sont sûrs de ne