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Modernité et béatitudes
Pour penser l’évangélisation
Par André FOSSION s.j.
Conférence donnée
- A la CCBF (conférence Catholique des baptisé(e)s
Francophones), à Paris, le 21 septembre 2013, à Bruxelles, le 2
octobre 2013,
- Et à l’assemblée Générale du Cif (Centre d’intelligence de la
foi) à Paris, le 4 avril 2014.
Plan de l’exposé
1. Une lecture pour aujourd’hui des béatitudes
1.1. Un regard d’ensemble. Trois angles d’approche des béatitudes
Les atitudes apparaissent successivement comme une révélation de Dieu, un art de
vivre dans lEsprit de Dieu, une promesse du Royaume.
« Tout ce que vous racontez, racontez-le de telle manière que votre auditeur croie en
écoutant, espère en croyant, et aime en espérant" (St Augustin – Dei Verbum, §1)
1.2. Une interprétation de chacune des béatitudes
- Heureux les pauvres de cœurs.
- Heureux les doux.
- Heureux ceux qui pleurent.
- Heureux ceux qui ont faim et soif de justice.
- Heureux les miséricordieux.
- Heureux les cœurs purs.
- Heureux les artisans de paix.
- Heureux ceux qui sont persécutés à cause de moi.
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2. Repenser l’évangélisation dans la modernité à partir des béatitudes
2.1. Notre contexte.
2.1.1. Une double sécularisation : de la vie publique, de la vie privée.
2.1.2. Les résistances par rapport à la foi : > une foi indécidable, > incroyable,
>insupportable, > indéchiffrable, > inclassable…
2.1.3. Trois tendances contemporaines : > la remontée des sagesses païennes, > les
spiritualités individuo-globales, > les réaffirmations religieuses identitaires
2.2. Le salut commence avec la pratique des béatitudes. L’annonce évangélique,
comme acte de charité, vient se greffer sur un salut déjà en marche.
2.3. Les quatre temps de l’évangélisation
Apprendre, en regardant la vie, la pratique des béatitudes.
Rejoindre cette pratique des béatitudes au nom de Jésus-Christ, sans prosélytisme ni
ecclésiocentrisme, pour contribuer à l’émergence du Royaume de Dieu.
Une double prédication : > la prédication de Jésus centrée sur le Royaume, > la
prédication sur Jésus centrée sur le mystère pascal et sur son identité de Fils de Dieu.
La mise en place d’un dispositif initiatique pour ceux et celles qui se laissent toucher par
la Bonne Nouvelle :
- des communautés fraternelles
- un apprentissage de la foi dans le partage,
- des expériences (vie communautaire, diaconie, réflexion, liturgie) qui donnent à
penser, à désirer et à apprendre
- un cheminement personnalisé par étapes.
André Fossion s.j.
https://lumenvitae.academia.edu/FossionAndr%C3%A9
http://www.lumenonline.net
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MODERNITE ET BEATITUDES
Pour penser l’évangélisation
Mon exposé sera divisé en deux parties. Je parlerai tout d’abord des béatitudes
évangéliques en m’efforçant de les rendre signifiantes pour aujourd’hui. Dans une
deuxième partie, tenant compte des béatitudes, j’aborderai la question de
l’évangélisation dans le contexte de notre modernité occidentale.
1. Une lecture pour aujourd'hui des béatitudes
1.1. Trois angles d'approche
On peut envisager les béatitudes sous trois angles distincts : comme une
révélation de Dieu, comme l’énoncé d’une sagesse ou encore comme l’expression d’une
promesse. Ces trois angles distincts concernent successivement la foi, la charité et
l’espérance. Saint Augustin disait à ses catéchistes :
«Tout ce que vous racontez, racontez-le
de telle manière que votre auditeur croie en écoutant, espère en croyant, et aime en
espérant
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». Cette phrase d’Augustin reprise dans la constitution conciliaire Dei Verbum
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montre l’articulation étroite entre « foi, espérance et charité ». Les Ecritures sont là,
précisément, pour nous faire entrer dans cette vie de « foi, espérance, charité ».
Tout texte
biblique peut, dès lors, être lu par le biais des trois questions suivantes : qu'est-ce qu’il
nous dit de Dieu et de Jésus-Christ? (interpellation de la foi); qu'est-ce qu'il nous invite
à
faire en réponse à cette Révélation ? (sollicitation
à
la charité); et si nous vivons dans cette
charité, qu'est-ce qu'il nous donne d'espérer? (invitation
à
l'espérance).
Considérons donc le texte desatitudes, en nous posant ces trois questions-là.
Première question : qu’est-ce que les béatitudes nous disent de Dieu ?
Le plus
souvent, on aborde spontament les béatitudes comme une morale, une sagesse, un art
de vivre. Ce n’est évidemment pas faux ; nous allons d’ailleurs y revenir. Mais, c’est
oublier que les béatitudes sont d’abord et avant tout une révélation de Dieu lui-me.
Lorsque Jésus dit : « Heureux les pauvres de cœur, les miséricordieux, les doux, ils
verront Dieu, le Royaume des cieux est à eux », cela signifie que Dieu est comme cela.
En d’autres termes, on peut entendre les atitudes de la manière suivante : « Heureux
sommes-nous parce que Dieu est pauvre de cœur, doux, miséricordieux, artisan de
paix,,…». Le texte évangélique prend une force extrême si nous l’entendons d’abord
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De Catechizantis rudibus, IV, §8.
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Vatican II, Dei Verbum, §1.
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comme une révélation de Dieu.
Deuxième question : en réponse à cette Révélation de Dieu, que sommes-
nous invités à faire ?
Ici, les béatitudes nous proposent un art de vivre, une sagesse,
une manière d’être selon l’Esprit de Dieu. Nous sommes nous-mêmes invis à être, à la
ressemblance de Dieu, pauvres de cœur, doux, miséricordieux, artisans de paix, etc.
Troisième question : si nous vivons dans l’esprit des béatitudes, que
pouvons-nous espérer ?
Une promesse est ici formue à tous ceux et celles qui vivent
dans l’esprit des béatitudes. Ils verront Dieu et le Royaume des cieux sera à eux.
Bref, selon les trois angles de vue adoptés, les béatitudes apparaissent
successivement comme une révélation de Dieu, comme une sagesse (un art de vivre)
dans l'Esprit de Dieu et, enfin, comme une promesse.
Prenons maintenant chacune des atitudes et essayons de voir ce qu’elles peuvent nous
dire aujourd’hui.
1.2. Une interprétation de chacune des béatitudes
- Heureux les pauvres de cœurs.
Que signifie « être pauvre de cœur » ? Le pauvre de ur, pourrait-on dire, désigne
celui, celle qui se sent, d’abord et avant tout, redevable de l’amour des autres. Les
pauvres de cœur savent qu’ils ont été aimés, qu’ils sont précédés par l’amour des autres,
par l’amour de Dieu. Il y a toujours, en effet, des Samaritains qui, les premiers, nous ont
aimés, nous ont aidés, nous ont soigs lorsque nous étions en difficulté. Et le pauvre de
cœur est préciment quelqu’un qui peut dire « merci » pour tous les dons qu’il a reçus et
qui l’ont construit. C’est ainsi que le pauvre de coeur « rend » volontiers service. Vous
avez remarqué qu’on ne dit jamais : « Je donne service », parce que, en effet, on est
toujours précépar le service des autres ; on ne fait donc jamais que « rendre ». Ainsi, le
pauvre de cœur est-il dispo à rendre. Comme il sait qu’il a reçu, il est dispo au
partage. Cette disposition au partage est à l’inverse de l’idolâtrie des choses. Rappelez-
vous, parmi les pécs capitaux, il y a l’envie, l’avarice et la gourmandise qui sont, en fait,
trois manières idolâtriques de se rapporter aux choses. L’envie consiste à ressentir de la
tristesse et de la jalousie à cause de ce que l’autre a que je n’ai pas, et j’en meurs
d’envie….L’avare, lui, retient les choses ; il ne donne rien à personne même pas à lui-
me. Quant au gourmand, il n’a jamais assez ; quand il a beaucoup, il lui faut encore
davantage. Et, il va jusqu’à manger dans l’assiette de l’autre ou même lui retirer le pain de
la bouche. La pauvrede ur est à l’oppode ces trois maladies du désir. Le pauvre
de cœur, lui, sait sont les vraies richesses, il sait que « le bonheur n’est pas d’avoir de
l’avoir plein nos armoires » comme le dit la chanson d’Alain Souchon. Bien sûr, le pauvre
de coeur désire un minimum pour lui comme pour les autres, pour vivre dans la dignité,
mais il est enclin à la sobriéet la simplicité, car il n’idolâtre pas les choses. Son désir
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n’est pas fixé sur les choses. Il sait que les vraies richesses sont d’un autre ordre. Il sait
que le plus précieux n’est pas un compte en banque bien fourni, mais l’affection mutuelle.
Ce trésor ne sera pas enlele jour de notre mort. Que nous soyons fils et filles de Dieu,
frères et sœurs, voilà le ritable trésor.
- Heureux les doux
La douceur, c’est la capacide retenue, de délicatesse, de tendresse, d’attention à
l’autre. Le doux adoucit sa propre puissance. Michel Serres dans son ouvrage « Le tiers-
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», le souligne : l’humani est humaine, explique-t-il, quand elle invente la
faiblesse, quand elle investit une part de sa puissance à limiter sa propre puissance. Et
Dieu, poursuit-il, est le premier qui s’est retenu. Nous sommes s dans les marges de sa
réserve. Etre doux, en effet, c’est être capable d’adoucir sa propre puissance. La
douceur, c’est « avoir un faible » pour l’autre. La douceur est une puissance maitrisée, à
l’inverse de la violence, de la domination, de toutes formes de harcèlement, La douceur
peut signer aussi la vertu de chasteté, non pas au sens de continence, mais dans le
sens plus large de respect de l’autre dans ce qu’il est. La chastes’écarte de tous les
abus ; des abus sexuels, bien sûr, mais aussi de tous les abus de pouvoir.
- Heureux ceux qui pleurent.
On peut entendre cette béatitude de la manière suivante : « Malheureux ceux qui ne
pleurent jamais » Ceux qui ne pleurent jamais, ce sont ceux qui, malgré la souffrance qui
s’étale dans le monde, ne s’en émeuvent pas ou ne s’en émeuvent plus, parce qu’ils ont le
cœur plombé, blin, insensible. Les médias, à cet égard, risquent de construire en nous
un mur d’indifférence. On y voit des gens qui meurent de faim, de catastrophes, de
guerres, de violences de toutes sortes ; alors on se protège, on ne s’en émeut plus. Dans
le mot « émotion », vous avez le mot « mouvoir » ; se laisser « émouvoir », c’est se
«mouvoir », bouger, agir, entreprendre une action. La constitution conciliaire Gaudium et
Spes invite les chrétiens à la capacité de vibrer avec les joies et les peines du monde. Elle
commence par ces mots : « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des
hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les
joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien
de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. » Il y a quelques mois, le Pape
Fraois à Lampedusa a dit ceci lorsque des embarcations de fortune ont échoué
provoquant la mort de nombreux immigrés en quête d’une terre d’accueil : « Qui a pleuré
pour la mort de ces frères et sœurs, qui a pleuré pour toutes ces personnes qui étaient sur
le bateau, pour les jeunes mamans qui portaient leurs enfants, pour ces hommes qui
désiraient trouver quelque chose pour soutenir leurs familles ? Nous sommes une socié
qui a oubll’expérience des pleurs, de souffrir avec ; la mondialisation de l’indifférence
nous a ôté la capacité de pleurer. » Oui, heureux ceux qui pleurent !
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Michel Serres, le Tiers-instruit, François Bourin,Paris, 1991, pp.178-182.
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