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n’est pas fixé sur les choses. Il sait que les vraies richesses sont d’un autre ordre.  Il sait 
que le plus précieux n’est pas un compte en banque bien fourni, mais l’affection mutuelle. 
Ce trésor ne sera pas enlevé le jour de notre mort. Que nous soyons fils et filles de Dieu, 
frères et sœurs, voilà le véritable trésor.  
- Heureux les doux 
La douceur, c’est la capacité de retenue, de délicatesse, de tendresse, d’attention à 
l’autre. Le doux adoucit sa propre puissance. Michel Serres dans son ouvrage « Le tiers-
instruit 
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»,  le  souligne :  l’humanité  est  humaine,  explique-t-il,  quand  elle  invente  la 
faiblesse, quand elle investit une part de sa puissance à limiter sa propre puissance. Et 
Dieu, poursuit-il, est le premier qui s’est retenu. Nous sommes nés dans les marges de sa 
réserve.    Etre  doux,  en  effet,  c’est  être  capable  d’adoucir  sa  propre  puissance.  La 
douceur, c’est « avoir un faible » pour l’autre. La douceur est une puissance maitrisée, à 
l’inverse de la violence, de la domination, de toutes formes de harcèlement, La douceur 
peut désigner aussi la vertu de chasteté, non pas au sens de continence, mais dans le 
sens plus large de respect de l’autre dans ce qu’il est. La chasteté s’écarte de tous les 
abus ; des abus sexuels, bien sûr, mais aussi  de tous les abus de pouvoir.  
- Heureux ceux qui pleurent.  
  On peut entendre cette béatitude de la manière suivante : « Malheureux ceux qui ne 
pleurent jamais » Ceux qui ne pleurent jamais, ce sont ceux qui, malgré la souffrance qui 
s’étale dans le monde, ne s’en émeuvent pas ou ne s’en émeuvent plus, parce qu’ils ont le 
cœur plombé, blindé, insensible. Les médias, à cet égard, risquent de construire en nous 
un  mur  d’indifférence.  On  y  voit  des  gens  qui  meurent  de  faim,  de  catastrophes,  de 
guerres, de violences de toutes sortes ; alors on se protège, on ne s’en émeut plus.  Dans 
le  mot  « émotion »,  vous  avez  le  mot  « mouvoir » ;  se  laisser  « émouvoir »,  c’est  se 
«mouvoir », bouger, agir, entreprendre une action. La constitution conciliaire Gaudium et 
Spes invite les chrétiens à la capacité de vibrer avec les joies et les peines du monde. Elle 
commence par ces mots : « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des 
hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les 
joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien 
de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. » Il y a quelques mois, le Pape 
François  à  Lampedusa  a  dit  ceci  lorsque  des  embarcations  de  fortune  ont  échoué 
provoquant la mort de nombreux immigrés en quête d’une terre d’accueil : « Qui a pleuré 
pour la mort de ces frères et sœurs, qui a pleuré pour toutes ces personnes qui étaient sur 
le  bateau,  pour les  jeunes  mamans  qui  portaient  leurs  enfants,  pour  ces  hommes  qui 
désiraient trouver quelque chose pour soutenir leurs familles ? Nous sommes une société 
qui a oublié l’expérience des pleurs, de souffrir avec ; la mondialisation de l’indifférence 
nous a ôté la capacité de pleurer. » Oui, heureux ceux qui pleurent !  
                                                           
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 Michel Serres, le Tiers-instruit, François Bourin,Paris, 1991, pp.178-182.