L’Enfant Roi et sa famille - L’Enfant Tyran et sa famille Leurs environnements Journée d’étude au CFTF, 22 janvier 2008 Hannelore Schrod1, Docteur en sociologie, Thérapeute familiale Janine Renier2, Assistante sociale, Thérapeute familiale Equipe de l’Unité de Thérapie familiale3 – AIGS - HERSTAL – ( B ) - Introduction Hannelore Schrod Diapositives 1 à 8 Voir Article d’Hannelore Schrod et Janine Renier dans la Revue « Thérapie Familiale » Genève (disponible prochainement) Notre pratique clinique nous confronte de plus en plus à la problématique de l’Enfant Roi, comme à celle de l’Enfant Tyran. Ces problématiques se sont multipliées les dernières années, renvoyant au même moment à une interrogation sur les changements sociétaux. Les repères classiques sont devenus obsolètes et nous sommes contraints, quel que soit le modèle de la famille nucléaire, à revoir nos bases théoriques ; « les rôles de père et de mère, les frontières générationnelles, etc. » Mais les concepts analytiques sont, eux aussi, « interrogeables » face à ces nouvelles constellations familiales. (Voir les couples homosexuels avec enfants, les familles monoparentales …). Nous savons que chaque contexte socioculturel produit sa propre psychopathologie laquelle s’inscrit dans un moment historique particulier. Actuellement, nous rencontrons l’émergence du diagnostic « d’état limite » révélateur d’une société qui cherche ses limites, « ses re-pères et ses pères ». Notre société se caractérise, à l’intérieur de nos familles comme de nos institutions, par trop « de mères ». Les pères ont perdu leurs certitudes et sont à la recherche des nouvelles identités. 1 Service de Santé Mentale (AIGS), rue Saint-Lambert, 84 à B4040 HERSTAL, CFTF, Centre de Formation à la Thérapie Familiale, rue Fabry, 11 à B4000 LIEGE 2 Service de Santé Mentale (AIGS), avenue G. Joachim, 49 à B4300 WAREMME, IEFC, Institut Européen de formation continue, rue Saint-Lambert, 84 à B4040 LIEGE 3 Equipe Multidisciplinaire , voir Dia 2 : Assistants Sociaux, Infirmière sociale, Logopède, Psychiatres, Psychologues, Sociologue de l’AIGS, Association Interrégionale de Guidance et de Santé, à B 4040 LIEGE 1 L’Enfant Roi n’est jamais le fait exclusif d’une situation ou d’un contexte en particulier. Il est le résultat d’un processus où plusieurs éléments interagissent. La notion de l’Enfant Roi ne désigne pas seulement une figure d’enfant, mais une forme de relation entre enfants et adultes. C’est le rapport entre enfants et adultes qui est modifié dans nos sociétés contemporaines. Notre société est marquée par un effacement de la différence entre les sexes et entre les générations. Drôle de paradoxe : dans une société qui clame le respect de la différence, se fait jour simultanément une tendance à vouloir éradiquer toute différence. Ceci nous amène à parler du concept d’altérité. L’altérité est une conquête difficile et progressive. Le développement humain passe du semblable au différent. La différence vient de séparations et de renoncements. C’est ce processus qui conduit vers l’autonomie. Ce processus nous semble, dans la problématique de l’Enfant Roi, à la fois accéléré et simultanément freiné. Nous sommes plutôt confrontés à des dépendances réciproques puissantes entre parents et enfants. Même si dans le discours dominant l’indépendance est pourtant mise en avant-plan. L’observation de ces dépendances pose la question des Mythes familiaux qui les sous-tendent. Lesquels s’inscrivent dans des Mythes sociaux eux-mêmes très prégnants et douloureusement multi référentiels. Ce questionnement amplifie encore nos interrogations comment aider ces familles dans l’espace thérapie familiale ? Nous faisons la différence entre Enfant Roi et Enfant Tyran, différence que nous aimerions travailler durant ce séminaire. Car, dans les multiples textes, les concepts sont parfois « étrangement indifférenciés ». Les problématiques Enfant Roi, Enfant Tyran nous confrontent à nos propres valeurs et se pose alors la question : « comment créer des alliances thérapeutiques ? Faut-il éviter de prendre une attitude éducationnelle ? Comment continuer à développer une attitude de multi partialité ? Quelles pistes thérapeutiques dégager ? Quels outils thérapeutiques privilégier ? … » Même si nous essayons de définir avec vous les concepts Enfant Roi, Enfant Tyran pour nos pratiques cliniques, il ne faut surtout pas utiliser ces notions pour une stigmatisation et un enfermement dans notre travail thérapeutique. Pendant notre Journée d’étude, nous allons aborder des aspects individuels comme des aspects systémiques. Bien sur notre spécificité soit systémique, d’autres courants ont enrichis notre pratique, tels que celui des thérapies familiales intergénérationnelles ou encore celui qui évoque les concepts de la thérapie familiale psychanalytique. 2 Nous sommes tous fortement influencés par l’approche contextuelle de Boszormenyi-Nagy, qui a pu théoriser une complémentarité des différentes approches. Notre travail aujourd’hui tente de relater cette complexité dans un voyage à travers des conceptions différentes, mais liées par la notion d’éthique relationnelle, qui est la clé de voûte qui lie les différents éléments. La thérapie contextuelle parle d’une éthique de l’équité pas d’une éthique des valeurs ni des considérations morales. La notion d’éthique relationnelle renvoie à des concepts de loyauté, de mérite, de légitimité, de confiance….. La question de l’éthique relationnelle se pose spécialement lors du choix de nos interventions thérapeutiques. Chaque intervenant doit se poser la question des répercussions de son intervention sur l’ensemble du système que se soit à un niveau individuel ou systémique. Nous allons parler de cette question l’après midi dans les différentes orientations thérapeutiques. 3 Facteurs d’environnements, Mythes sociaux Janine Renier et Annie Herbillon Présentation des diapositives 9 à 41 Article dans Revue « Thérapie Familiale » Genève Jeu de rôle autour de la situation de Julien Questions à 4 sous-groupes et travail en sous-groupes Retour en séance plénière Diapositives 42 à 46 Situation de JULIEN, 13 ans ½, 2eme année du secondaire I) Contact préalable avec Madame Denis, Psychologue du Centre Psycho médicosocial (Rattaché à l’Athénée) Résumé : Madame Denis nous a contactés à la demande de ma famille de Julien qui a souhaité ce contact préalable avec nos services. Elle a invité les parents à demander une thérapie familiale, compte tenu des gros problèmes rencontrés par Julien à l’école (problèmes d’apprentissage, problèmes de comportement et de violence tant avec les professeurs qu’avec les autres élèves), au point qu’il est menacé de renvoi définitif. - Primaires : termine avec 80%, présente déjà problèmes de comportement. - Vu régulièrement par Madame Denis en première année du secondaire (a réussi péniblement) et en 2eme année également. Année scolaire totalement compromise, va vraisemblablement doubler selon l’avis des profs et du PMS. - Provocations envers les camarades et les profs, menaces d’incendier la maison de l’un d’entre eux - Bagarre avec un condisciple (nez cassé, plainte des parents), école doit appliquer une sanction (exclusion de l’école 2 jours) - Fume régulièrement des joints, « très mauvaises fréquentations ». - Fait partie d’une bande de sa région (garçons de tous les âges qui fument des joints, décès par overdose d’un de ses amis), mise à feu d’une poubelle de l’école du quartier, refus du père de porter plainte à la police. Roule en excès de vitesse avec moto trafiquée 4 - Se retrouvent tous les jours chez l’un d’eux. (Père = notable très connu dans la région, tous « des fils de bonne famille » - Madame Denis considère Julien comme déprimé et masquant sa dépression par des passages à l’acte de plus en plus dangereux. (Menace de se suicider à 18 ans, se tape la tête au mur lors de problèmes avec les profs) - Parents constamment en conflit avec Julien concernant les sorties, banalisent ou punissent de manière disproportionnée sans arriver à appliquer les sanctions (culpabilité des parents compensée par l’achat de gros cadeaux) « Il faut qu’il comprenne de lui-même les problèmes, on veut qu’il ait le droit à la parole, les enfants ont droit à la parole - C’est par-là que Madame Denis argumente son indication de thérapie familiale. - L’important, dit Madame Denis est d’abord qu’il réinvestisse sa vie. Dans l’attente d’un conseil de classe pour statuer sur son maintien ou non dans l’établissement, les parents se sont mobilisés pour une consultation dans notre centre. 2) Eléments recueillis lors du premier entretien La maman de Julien (Catherine) téléphone au SSM en mai 2006, soit le lendemain du conseil de classe de l’athénée fréquentée par son fils Julien. Le premier entretien est fixé début juin et réunit toute la famille : Luc et Catherine, les parents, Julien et son petit frère, Maxime âgé de 2 ans et demi (voir Génogramme) Luc est âgé de 39 ans. Il est traiteur dans une grosse entreprise et nommé responsable. Il dirige 20 personnes et organise également des banquets en privé. Il est l’aîné de 2 garçons. Son frère, Roger a 37 ans et est parrain de Julien. Ses parents vivent en Ardennes et sont tous deux en bonne santé. Catherine 40 ans et travaille comme infirmière dans un hôpital. Elle est à mi-temps depuis la naissance de Maxime et va reprendre un 4/5ème. Elle est fille unique. Ses parents sont décédés : son père en 94 (épileptique mort dans son lit) et sa mère en 2000 (tumeur au cerveau). Luc et Catherine ont fait construire près de chez la grand-mère maternelle de Catherine aujourd’hui âgée de 90 ans chez qui elle va tous les jours. Luc et Catherine signalent d’emblée que Julien leur a toujours causé des soucis. A la naissance, il a fait un pneumothorax et a été hospitalisé 10 jours. Maxime, le fils cadet âgé de 3 ans, est également né avec un problème à l’anus pour lequel il a été opéré il y a un an (suspicion de spina-bifida à la naissance). 5 Les parents sont d’accord pour spécifier d’emblée que le problème de Julien est « qu’il ne supporte aucune contrainte ». Il faut faire preuve d’habileté avec lui pour qu’il pense que les décisions viennent de lui. Il arrive, dit le père, à mettre tout le monde dans sa poche. La mère ajoute que parfois les rapports dégénèrent entre tous dans la famille. Lorsque Julien est contrarié il se venge sur Maxime. Il a déjà menacé sa mère avec un couteau parce qu’elle refusait qu’il sorte voir ses copains, (il exige de les voir tous les soirs). Pourtant, disent-ils, « il a un fond très gentil ». Ainsi, il vient encore d’offrir du parfum à sa mère avec son argent de poche estimant qu’elle ne s’achète jamais rien. Luc ajoute en rigolant « qu’évidemment c’est aussi pour se faire pardonner de ses bêtises et amadouer ses parents ». Julien considère que tout vient de sa Mami décédée à qui il était très attaché. « J’étais son Dieu », dit-il. Julien a le souvenir d’avoir vécu surtout chez Henriette, sa Mami lorsqu’il était petit. Les parents confirment vu leurs horaires de travail. Après le décès du grand-père, la grand-mère ne vivait plus que pour Julien. Les parents ne pouvaient rien lui dire. Ex : « on n’écrase pas les fleurs de Mami ». Réponse : « arrêtez de crier sur le petit » Mr et Mme ont pris patience quelques années et ont décidé de changer Julien d’école en 3ème maternelle afin qu’il soit moins chez sa Mami. Ils ajoutent également que si elle avait vécu, ils n’auraient sans doute pas eu de 2ème enfant car elle ne le voulait pas. Julien renchérit en disant : « Si Mami avait vécu, je serais mieux dans ma peau et c’est sûr, je ferais moins de conneries » Le premier entretien se termine sur plusieurs réflexions de Julien : « pas de problèmes. Mon métier plus tard sera de jouer au loto » mais aussi « je ferai des études jusque 18 ans pour faire plaisir à mes parents et après, je me suicide pour aller rejoindre ma Mami » et aussi : « est-ce normal de rêver de skinheads qui tuent un noir ?.. » 6 Distinction Enfant – Roi et Enfant – Tyran Focus sur l’individu / Mise en scène médicale de l’Enfant-Tyran Docteur Virginie Razafinimanana Diapositives 47 à 51 Volonté de synthèse : « Le temps est venu de nouvelles alliances, depuis toujours nouées, longtemps méconnues, entre l’histoire des hommes, de leur société, de leurs savoirs, et l’aventure exploratrice de la nature » Ilya Prigogine (scientifique belge d’origine russe, prix Nobel de chimie en 1977. Prigogine parle de la «redécouverte du temps» dans le domaine de la physique. Newton et Einstein avaient considéré que cette dimension n'existait pas en dehors de l'esprit humain.) … et de clarification. A l’instar des pionniers de l’approche systémique ( séminaires de la Josiah Macy Fondation à New York entre 1946 et 1953, les anthropologues Mead et Bateson, le sociologue Lazarsfeld, le psychologue Kurt Lewin, les neurophysiologistes Rosenblueth et MacCulloch, le biologiste von Bertalanffy, les mathématiciens Wiener et Von Neumann, l’ingénieur Bigelow, le physicien von Foerster, le psychiatre Watzlawick…), il nous est apparu intéressant d’ouvrir la problématique des enfants qualifiés de roi ou tyran à différentes disciplines : (familiale systémique certes mais aussi médicale, psychanalytique, sociologique ; nous aurions pu inviter politologue, mathématicien, physicien…). Toutefois, pour chacune de ces disciplines, nous avons eu le souci de préserver sa logique intrinsèque, sa cohérence, sa terminologie. Nous risquerons pour commencer une modélisation médicale de cette problématique. Il ne s’agit pas d’un choix épistémologique mais plutôt d’un exercice de réflexion. La deuxième ouverture que nous avons choisie pour cette matinée, est la lecture psycho dynamique. Paule Dechany, psychologue, nous livrera quelques grandes lignes de ce « lien tyrannique » dans une approche d’inspiration psychanalytique. Plan : 1. Introduction 2. Quelques définitions 3. Différenciation enfant roi, enfant tyran 7 4. Modélisation « médicale » de « l’enfant tyran » 5. Conclusion Introduction « Enfant roi », « enfant tyran » sont des formulations métaphoriques empruntées au politique. La médecine via la pédopsychiatrie s’intéresse de façon croissante à ce concept. De même, le « syndrome » ADHD (Attention-Deficit Hyperactivity Disorder, trouble déficitaire de l’attention et hyperactivité) a trouvé récemment sa place dans le DSM IV, manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. D’où viennent ces expressions si fréquemment évoquées ? Il semblerait que l’auteur premier soit aujourd’hui oublié dans la foultitude des intéressés… A trop en parler, les termes finissent par perdre de leur sens, banalisés ou dramatisés, dénommant toutes sortes de situations où l’adulte en charge d’enfant - le parent, l’enseignant, le thérapeute- se trouve un moment en difficulté d’autorité. S’agit-il d’éduquer ou de soigner ? Par ailleurs, nous entendons souvent « Enfant roi » ou « enfant tyran » indifféremment employés l’un pour l’autre. Si politiquement les termes font référence à des situations bien différentes, n’en est il pas de même pour les modalités relationnelles qu’ils illustrent ? La formulation « enfant tyran » dissone. En effet, elle dénonce tout autant qu’elle incite un rapport de force, une escalade violente pour la prise de pouvoir. Cette formulation pourrait cristalliser une vision manichéenne des rapports filiaux, parentaux. L’enfant qualifié de tyran étant connoté péjorativement, le parent (ou l’enseignant) se voit attribué par la même, le statut de victime impuissante. Au final, chaque génération se trouve du même coup disqualifiée, dénoncée. Comment aborder cette problématique en l’intitulant avec objectivité ?… « Enfant au comportement tyrannique, enfant qui pousse à bout.. » En prononçant ces termes « enfant tyran », le thérapeute se voit complice de la mise en scène mélodramatique du coup d’état. Ne risque t’il pas ainsi de glisser de son trône de « neutralité bienveillante » ? Ces termes se positionnent d’un point de vue épistémologique de façon ambigüe. Ils suscitent quasi chaque fois une analyse sociologique mais font allusion tout autant au pathologique, au médical notamment par la terminologie employée. On 8 lit couramment dans les articles, « symptôme » de l’enfant roi quel que soit la profession de l’auteur. A ce stade, est-il pertinent d’évoquer un « syndrome » de l’enfant tyran ? Nous proposons quoi qu’il en soit de développer autant que faire ce peut cette idée, à la manière d’une « mise en scène » médicale du concept. Définitions (Petit Robert) Syndrome :(du latin sundromê : réunion) - Association de plusieurs symptômes (signes observables), signes ou anomalies constituant une entité clinique reconnaissable soit 1) par l’uniformité des manifestations morbides 2) soit par le fait qu’elle traduit l’atteinte d’un organe ou d’un système bien défini (ex. Syndrome clinique, syndrome biologique) 3) Ensemble des signes révélateurs d’une situation jugée mauvaise. Enfant : (du latin infans « qui ne parle pas ») - Etre humain dans l’âge de l’enfance (référence à une période de la vie de l’être humain antérieure à l’âge adulte) Personne qui a conservé dans l’âge adulte des sentiments des traits propres à l’enfance. Etre humain à l’égard de sa filiation, fils ou fille. Par ext. Descendant. Fig. Produit, ce qui vient de. Tyran :(du latin tyrannus ou du grec turannos) qui veut dire « maître ». - chez les grecs, celui qui s’emparait du pouvoir par la force. Usurpateur de l’autorité royale, du pouvoir Personne qui, ayant le pouvoir suprême, l’exerce de manière absolue, oppressive Personne autoritaire qui impose sa volonté, abuse de son pouvoir. Roi (du latin rex, regis, qui signifie, roi, chef) - Chef d’état (de certains pays accédant au pouvoir souverain à vie par voie héréditaire ou plus rarement élective) 9 - Fig. Homme qui règne quelque part, dans un domaine Chef, représentant éminent d’un groupe ou d’une espèce Commentaire : contrairement au roi qui peut être un bon ou un mauvais roi, le tyran a communément une connotation péjorative (on juge son action nuisible, liberticide, violente, destructrice, abusive). Le roi, lui a obtenu son statut légitimement, de droit politique, voire divin. Le tyran arrache son pouvoir par la force et n’en use que pour anéantir ses sujets. Anecdote historique (à méditer..) : le mot tyran n’a pas toujours eu un sens péjoratif. Parmi les premiers tyrans officiels de l’histoire, Polycrate, à Samos, île orientale de la mer Egée, est arrivé au pouvoir au VIe siècle avant notre ère, sur la base de révoltes populaires contre les régimes aristocratiques. S’il exerçait seul son pouvoir après l’avoir pris “illégalement”, il bénéficiait toutefois du soutien du peuple. Ces premiers tyrans n’étaient pas nécessairement psychopathes et incarnaient un progrès par rapport aux régimes antérieurs. Ils furent une transition vers la démocratie. Différenciation enfant roi, enfant tyran Le concept d’enfant-roi fait référence manifestement à une évolution sociologique au minimum, tout au plus, à un « symptôme » de la relation parentenfant. L’enfant tyran pourrait être considéré comme un « syndrome » de l’individu. Dans ce dernier cas, on quitterait le large champ de la norme pour passer dans le pathologique. Si l’on fait référence à un trouble psychopathologique de l’enfance et l’adolescence, il serait nécessaire de s’atteler à une triple approche : - de descriptive, phénoménologique, dégagée de toute interprétation ou jugement développementale et relationnelle Le normal et le pathologique sont séparés par des frontières statistiques, normatives, développementales et adaptatives, qu’il est souvent difficile d’établir en pratique et qui, toujours, impliquent un jugement moral. Plusieurs auteurs cependant ne doutent pas de la continuité de ces 2 manifestations : l’enfant roi sans rétablissement de l’autorité parentale deviendrait un enfant tyran (Didier Pleux, Marianne Debry…) 10 Cependant, distinguer ces 2 notions présente un intérêt clinique : - - apprécier le degré de gravité (dans l’idée d’une continuité) tenter de repérer d’autres facteurs que la démission-soumission parentale ou l’air du temps sociétal, à la dérive comportementale de ces enfants dits tyranniques (ces attitudes étant parfois le signe précurseur d’une pathologie notamment psychiatrique chez l’enfant) éviter de dramatiser une situation simple qui reste souple et ouverte ou au contraire de banaliser une situation ancrée, enkystée au pronostic sombre. Bref, à l’instar du politique, ne pas « mettre dans le même panier » le roi et le tyran entraînera un effort intellectuel de discernement, d’approfondissement des observations, d’ouverture et de rigueur dans les hypothèses et de propositions pertinentes pour les dispositifs visant à dénouer la problématique. La situation d’enfant roi est vécue avec plus ou moins de d’agrément par les différents membres de la famille. Celle d’enfant tyran est toujours subie avec une terrible souffrance par l’ensemble de la famille. Mise en scène médicale : psychopathologie de l’enfant au comportement tyrannique En tant que science médicale, la psychiatrie infantile n’a qu’une brève histoire (qui débute fin XIXème). Elle trouve ses racines dans un passé riche en expériences pédagogiques et éducatives. Une nouvelle pathologie ? La pédopsychiatrie est une science médicale en plein essor. Des connaissances se sont développées très rapidement au cours de ces dernières décennies et encore aujourd’hui. Régulièrement des problématiques infantiles observées sont reprises comme des entités pathologiques, des syndromes. On note de la part des pédopschycholoques et psychiatres de l’enfant un intérêt croissant pour les troubles de l’attachement et leur pathogénicité. Récemment, l’introduction du diagnostic de ADHD dans le DSM IV, l’expansion des troubles alimentaires de l’adolescente… Existe-t-il des études cliniques sur le sujet ? 11 Très peu. Relevons toutefois l’étude comparative de Pierrette Witkowski visant à identifier de manière rigoureuse les caractéristiques des familles d’enfants tyrans. Elle a comparé 22 familles qui ont consulté en pédopsychiatrie pour un enfant ou un adolescent définit comme violent par ses proches. Données épidémiologiques ? Incidence dans la population infantile, répartition géographique, tranches d’âges les plus concernées, sex ratio ? Quels contextes neurobiologiques imaginer ? Vulnérabilité biologique ? Les relations sociales et plus globalement les expériences que l’enfant traverse influencent le fonctionnement de son système nerveux central et vice versa. Les différences individuelles observables dés la petite enfance dans la gestion de diverses situations affectives, sociales, et instrumentales reflètent l’activité complémentaire de trois systèmes neurobiologiques : - système d’inhibition comportementale système d’activation comportementale système général d’éveil et de vigilance. Sur le plan cérébral, ces systèmes sont associés à un groupe de structures dont les principales sont l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, le système limbique et le cortex préfrontal. Les neurones miroirs sont souvent présentés comme une découverte majeure des neurosciences. Ces neurones miroirs sont supposés jouer un rôle dans la socialisation notamment à travers l'empathie, mais également pour l'apprentissage avec la capacité d'imitation. L'identification de neurones miroirs au cours des années 1990 est due à l'équipe de Giacomo Rizzolatti, directeur du département de neurosciences de la faculté de médecine de Parme. Les neurotransmetteurs. Les médecins utilisent des psychotropes y compris chez les enfants pour traiter certains troubles du comportement tels la rilatine (méthylphénidate, stimule le système nerveux central, de type amphétaminique, en conséquence d'une augmentation de la libération de dopamine au niveau central, des neuroleptiques notamment sédatifs, certains SSRI. Définition du syndrome (description clinique) : Définition de l’enfant tyran d’après Pierrette Witkowski : « l’enfant qui réussit, sur une longue période, à imposer ses propres règles de fonctionnement à sa 12 famille en exerçant des actions interprétées par son ou ses parents comme autant de pressions psychologiques et/ou d’agressions physiques ». L’enfant tyran ne se définit pas par la gravité de ses actes mais par leur constance dans le temps (multitude de petits acquis quotidiens (conquêtes) au détriment de l’autorité de l’adulte) et dans l’espace (autant à l’école qu’à la maison ou dans les activités parascolaires, notamment quand il est question de discipline). 1. symptômes « tyranniques » : - o comportement coercitif (impose sa loi aux adultes et à ses pairs, manipule, séduit, exige, menace, attaque, contraint) o attribution externes (autrui ou l’environnement est la cause des problèmes, se présente comme une victime, nie toute responsabilité dans les actes qui lui sont reprochés) o intolérances aux frustrations (refus des règles et contraintes, colères terribles quand est confronté à la frustration) o omnipotence (n’accepte aucun ordre, décide de tout en fonction de son propre plaisir, de satisfactions immédiates) suscite la peur chez l’adulte en usant éventuellement de violence provoque l’adulte, le tutoie, voire l’insulte passages à l’acte transgressifs, violents 2. symptômes « hyperactifs » et « déficitaires » - se disperse dans ses activités, se démotive vite apparaît « hyperactif », fuit l’ennui conduites sexuelles précoces attirance pour l’alcool ou les produits euphorisants apparaît insensible mais pas heureux, toujours insatisfait insécurisé, inhibé, dépendant éprouve des difficultés à choisir, à s’expliquer, se dévoiler S’inscrirait dans le chapitre des troubles du comportement social de l’enfant et de l’adolescent. Le DSMIV en distingue 2 types : le « trouble oppositionnel avec provocation » (comportement d’opposition, de provocation et de transgression conduisant régulièrement à des conflits marqués avec l’entourage et le « trouble des conduites » (id plus violations répétées des droits fondamentaux d’autrui et des normes sociales). L’évocation des symptômes met plus l’accent sur le comportement agressif voire violent que sur la relation de pouvoir. 13 Facteurs favorisants : Contexte environnemental : séparation précoce du couple parental, trouble psychique chez un des parents (dépression de la mère...) Enfant lui-même (maladies graves, déficit mental, handicap physique, position particulière dans la fratrie...) Diagnostics différentiels : Troubles obsessionnels compulsifs, psychose infantile, dépression de l’enfant, maniaco-dépression, ADHD, phobie scolaire, trouble alimentaire… Comorbidité : Toxicomanie, alcoolisme, trouble alimentaire… Pronostic : Troubles de personnalité : antisociale (« Individualiste intégriste de demain » (cf. article Isabelle Buot-Bouttier) borderline, obsessionnelle compulsive, paranoïaque,… Psychose+++ (attention peut être un signe précurseur de psychose ?) Dépression majeure Assuétudes Conclusion : Danger de la médicalisation excessive : « La psychiatrie américaine, dans ses traités de diagnostic, aime évoquer les enfants hyperactifs, au point d'avoir créé, à leur usage, une maladie spécifique. Ils sont massivement traités à coup de thérapies comportementales et de psychotropes. Mais ne s'agit-il pas, tout simplement, d'enfants à qui les parents n'ont jamais osé dire non? » Une violente polémique a été soulevée en France suite à la publication d’une expertise collective sur « Les troubles des conduites chez l’enfant » par l’INSERM. Cette expertise « préconisait le repérage des perturbations du comportement dès la crèche et l'école maternelle ». Les chercheurs présentaient comme pathologiques «des colères et des actes de 14 désobéissance», et les présentaient comme «prédictifs» d'une délinquance. Le concept des troubles de conduite dès l'enfance pourrait, selon l'INSERM, être un des facteurs de risque de la délinquance. Dans une expertise de plus de 400 pages, on apprendra comment dépister ces troubles et comment les traiter, parfois avec des médicaments. Non, vous n'êtes pas dans le monde d'Orwell ! Biologisme, règne du normatif, absence de toute analyse du contexte social, politique, économique, culturel. Au détriment de l'éthique, de la déontologie, du doute même. Quand on médicalise la délinquance... Issu des classifications cliniques anglo-saxonnes des troubles mentaux (le DSM IV), le concept de « troubles de conduite » s'exprimerait « par une palette de comportements très divers, qui vont des crises de colère et de désobéissance répétées de l'enfant difficile aux agressions graves comme le viol, les coups et blessures et le vol du délinquant. Sa caractéristique majeure est une atteinte aux droits d'autrui et aux normes sociales ». Nous y voilà. La question est donc de savoir comment détecter au plus tôt les symptômes laissant présager du futur germe de la délinquance et de comportement antisocial à l'âge adulte. Nous ne sommes pas si loin des théories médicales déterministes de la fin du XIXe siècle sur le criminel-né. L'institut national, comme dans un précédent travail réalisé en 2002 qui affirmait qu'un enfant sur huit souffrait d'un trouble mental, nous affirme aujourd'hui qu'entre 5 % et 9 % des jeunes de 15 ans seraient atteints de troubles de conduite et qu'un dépistage précoce des symptômes de ces troubles pourrait être mis en place à partir de 36 mois en France. On apprend également à manier le concept de trouble oppositionnel avec provocation, pathologie psychiatrique associée aux troubles de conduite, au même titre que le déjà connu trouble de l'hyperactivité. Certains experts préconisent, après avoir dépisté et diagnostiqué un trouble des conduites, le recours aux traitements psychotropes mais seulement pour les maladies associées car il n'existe pas de médicament pour les troubles de conduite. Il en existe néanmoins pour les troubles de l'hyperactivité, comme la Ritaline, les neuroleptiques pour traiter l'agressivité aiguë et les thymorégulateurs pour le traitement de la dépression. La psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent est un chantier dans lequel les connaissances évoluent constamment ; l’incertitude reste aujourd’hui de mise dans bien des domaines, nos connaissances restent largement à parfaire ! 15 Bibliographie : Debry Marianne, (2005): L’enfant tyran et ses parents, quand la tyrannie en cache une autre, 56 p. Dumas Jean E., (2002) : « Psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent », de boeck Olivier Christiane, (2002): Enfants-rois, plus jamais ça, Albin Michel Pleux Didier, (2002) : De l’enfant - roi à l’enfant – tyran, Editions Odile Jacob (broché et poche) Roussel Louis, (2001) : l’Enfance Oubliée, Paris, Odile Jacob 16 Une lecture psycho - dynamique du lien tyrannique Paule Dechany Diapositives 52 à 56 1) INTRODUCTION : Essai de compréhension et de modélisation concernant la genèse, le développement et les logiques du lien tyrannique des jeunes enfants « qui poussent à bout ». o Une 1ère série d’hypothèses concerne la quête de l’objet perdu. Les comportements de provocation, d’opposition agressive, destructrice, tyrannique sont vus comme des manières de répondre à des expériences de perte précoce et de désespoir. L’enfant doit créer un parent défaillant et retrouver l’objet aimé et perdu. o Une 2ème série d’hypothèses concerne la manière dont le lien tyrannique témoigne de la résistance de l’enfant devant l’héritage imposé par les parents. Cet héritage est constitué par les besoins infantiles du parent qui n’ont pas suffisamment reçu de réponses dans l’histoire du parent. o Une 3ème série d’hypothèses concerne la limite interne à la pulsionnalité. Le lien tyrannique signale un échec dans l’intégration de la limite. La limite interne aux pulsions suppose l’intégration d’un sur-moi et l’éprouvé d’un sentiment de culpabilité. 2) DESCRIPTION ET CONTEXTE : Il s’agit de jeunes enfants qui ne présentent pas de grave désorganisation dans leur personnalité et dont l’environnement n’est pas particulièrement carencé. Cependant, certaines constellations familiales conduisent l’enfant à entretenir un lien à l’objet de nature tyrannique. Ces enfants pourraient devenir plus tard des « états- limites ». 1ERE HYPOTHESE : TYRANNIE ET QUETE DE L’OBJET L’enfant « qui pousse à bout » agit comme s’il n’était pas convaincu que l’adulte tient à lui et l’investit vraiment. 17 1 La tendance antisociale C’est WINNICOTT avec sa notion de « tendance antisociale » qui peut nous aider à comprendre une telle situation. WINNICOTT pense qu’à l’origine de la tendance antisociale, il y a une perte de quelque chose de positif qui conduit l’enfant à vivre l’expérience selon laquelle la destruction de l’objet est l’effet de la destructivité de l’enfant. L’enfant répète la destruction non pour détruire mais pour vérifier que l’objet peut survivre. Si l’objet résiste, il y aura accès au désespoir car derrière la recherche de l’objet perdu, il y a une recherche sous tendue par l’espoir de le retrouver vivant, entier (espoir répétitivement déçu), il y a toujours un noyau de désespoir. En maintenant une relation d’objet tyrannique, le sujet se défend d’une expérience de désespoir. 2 Le contrat masochiste DELEUZE décrit l’image maternelle masochiste (véritable maître dans la relation victime / bourreau) comme une image froide, à la sensualité congelée et cruelle. Le masochisme est une perversion du narcissisme à travers laquelle le sujet s’aime en se détruisant à travers laquelle le sujet entretient l’amour maternel en le mettant en échec. Il semble que ce contrat scelle aussi la relation de type tyrannique qui unit un parent à un enfant qui pousse à bout. EN RESUME : L’enfant qui pousse à bout cherche à retrouver l’objet aimé, la mère aimante qu’il a perdue. Si l’environnement ne résiste pas à la destructivité de l’enfant il confirme la perte et conduit l’enfant à répéter des comportements de destructivité pour échapper à l’éprouver du désespoir et du néant. 3 Le traitement de la culpabilité Tout en recherchant l’objet d’amour, l’enfant cherche aussi à soulager la culpabilité issue du sentiment d’avoir détruit l’objet. 18 Ainsi, l’enfant cherche la punition pour soulager un sentiment inconscient de culpabilité. Il se fait punir parce qu’il se sent coupable et la punition apaise la culpabilité. 4 La jouissance du triomphe et de la vengeance La recherche de l’objet perdu et le besoin de punition pour avoir détruit l’objet perdu peuvent provoquer un sentiment de jouissance du fait de triompher de l’objet et d’être au centre de l’attention. La jouissance peut aussi concerner un sentiment de vengeance. La violence adressée à l’objet peut se retourner contre soi et la jouissance être plus forte que la détresse que génère la destructivité. 2ERE HYPOTHESE 1 : TYRANNIE Le symptôme parentaux ET TRAITEMENT DES EFFETS DE L’HERITAGE comme résistance aux besoins narcissiques L’hypothèse développée ici est que la configuration de l’enfant qui pousse à bout est aussi celle de l’enfant qui résiste devant l’héritage ( cet héritage est constitué par les besoins infantiles des parents qui n’ont pas suffisamment été reconnus) imposé par les parents. FREUD a mis en évidence la mission narcissique de l ‘enfant visant à assurer l’immortalité du narcissisme parental et CICCIONE y ajoute la mission de réparation de l’histoire parentale tandis que PIERA ANLAQUIER propose la notion de « contrat narcissique ». Celui-ci concerne non seulement le narcissisme des parents mais aussi le narcissisme du groupe social. L’enfant hérite non seulement des besoins infantiles du parent mais aussi des fantasmes construits par le parent à partir des expériences traumatiques. Le symptôme développé peut être considéré comme le témoin d’une transmission et comme le témoin de la manière dont l’enfant lutte contre l’héritage transmis et se débat avec le fantasme transmis. 2 Héritage narcissique, fantasmatique, imagaïque et incestualité L’héritage des fantasmes et la pression des besoins narcissiques parentaux peuvent parfois donner un caractère fortement incestueux au tiers parent / enfant. 19 La tyrannie peut alors être vue comme une réponse à l’incestualité, la tyrannie mettant en scène l’incestualité tout en la combattant. 3ERE HYPOTHESE : LA LIMITE INTERNE A LA PULSIONNALITE 1 Quelques métaphores de la limite o L’enveloppe psychique : tout se passe comme si l’enfant n’avait pas construit suffisamment une enveloppe contenant dont le but est de parer aux agressions et de donner le sentiment d’être rassemblé. o L’objet support : tout se passe comme si l’enfant n’avait pas suffisamment intériorisé un objet support, un objet qui donne la sécurité au-dedans. o L’objet combiné bon : il s’agit d’un objet interne sécurisant qui articule les pôles de la bisexualité psychique et les fonctions maternelles et paternelles. Les qualités de solidité et de résistance de l’enveloppe psychique se rapportent au pôle paternel. Les qualités de réceptivité et de souplesse se rapportent au pôle maternel. L’objet combiné bon articule fermeté et souplesse, autorité et compréhension. o L’objet attracteur : l’objet contenant attire la vie pulsionnelle et émotionnelle du bébé. Il rassemble ainsi sa sensualité éparse et crée les conditions de maintien d’une « consensualité » MELTZER. Un enfant qui n’a pas de limites est souvent un enfant qui non seulement ne peut se retenir mais aussi un enfant qui est aussi violemment et vertigineusement attiré par l’objet, par l’autre. 2 L’intégration du surmoi et l’éprouvé de culpabilité Renoncer à la tyrannie s’opère grâce à l’éprouvé du sentiment de culpabilité, lequel suppose l’intégration du surmoi. Mélanie KLEIN a montré comment ce surmoi commence à s’intérioriser très tôt avec l’introjection de la mère nourricière et comment la relation moi-surmoi est du type de la relation mèreenfant. CLEOPATRE ATHANASSION fait la distinction entre le surmoi toujours protecteur dont la fonction est de surveiller les activités du moi et les fonctions internes et tout ce qui se fait passer pour surmoi et qui ne l’est pas mais qui est l’expression de parties narcissiques, sévères, cruelles et tyranniques. Ce qui va 20 rendre compte du travail de protection du surmoi, de contenance de la pulsionnalité c’est le sentiment de culpabilité. La culpabilité témoigne d’un souci pour l’objet et d’un désir de réparation. C’est la culpabilité de la position dépressive par laquelle le sujet renonce à la jouissance narcissique, de l’objet. WINNICOTT parle de stade de l’inquiétude. Rôle de l’objet dans l’intégration du surmoi et la transformation de la violence Une attitude ferme et compréhensive peut être rassurante et faire vivre à l’enfant une expérience selon laquelle la destructivité n’a pas détruit et peut donc être contenue et transformée donc favoriser la symbolisation. On passe ainsi de l’agi violent au symbolisé dans le jeu. GENEVIEVE HAAG souligne la triple action de la mère : Limiter la destructivité en imposant la limite de la peau Transformer une pulsion destructrice Théâtraliser la violence pulsionnelle dont l’agi est destructeur mais dont le fantasme est permis cette théâtralisation est une forme de symbolisation. Si la destructivité n’est pas transformée, cela peut amener une confusion qui s’accompagne d’un débordement émotionnel. L’enfant agit violemment pour échapper à la confusion et va chercher la contenance par la violence. Ce sont toujours des blessures narcissiques qui génèrent des angoisses persécutoires confusionantes lesquelles déclenchent des crises de viole Modélisation Famille Enfant-Roi, Famille Enfant-Tyran Janine Renier et Michèle Kramer Présentation des diapositives 57 à 89 Article dans Revue Thérapie Familiale, Genève 21 La Résonance Quelles pistes thérapeutiques pour Julien et sa famille ? Avec des participants du groupe en séance plénière Hannelore Schrod Nathalie Famerée, Marc Fontaine, Franca Gianuzzi Diapositives 90 à 108 A.- EN GUISE D’INTRODUCTION CONSTRUISONS UNE METAPHORE Celle du Prince, du Roi, de l’Enfant Prince, des Parents Rois, de l’Enfant Roi de l’Enfant Tyran Plaidoyer pour des Enfants Princes au pays des Parents Rois, mort à la tyrannie. Le prince L’enfance est un symbole d’innocence. Il représenterait l’état antérieur à la faute dont l’état édénique symbolisé en diverses traditions par le retour à l’état embryonnaire dont l’enfance demeure proche. L’enfant est spontané, paisible, concentré, sans intentions ni arrièrepensées, Il est l’état préalable à l’obtention de la connaissance. Dans la tradition chrétienne, les anges sont souvent représentés sous les traits d’enfants, en signe d’innocence, de pureté. Dans l’évolution psychologique de l’homme, les attitudes puériles ou enfantines, qui ne se confondent en rien avec le symbole enfant, marquent des périodes de régression ; à l’inverse, l’image de l’enfant peut indiquer une victoire sur la complexité et l’anxiété, la conquête de la paix intérieure, de la confiance en soi. Le prince symbolise quant à lui la promesse d’un pouvoir suprême, la primauté parmi ses pairs, quel que soit le domaine envisagé, il exprime d’autre part les vertus royales à l’état d’adolescence non encore maîtrisées ni exercées Une idée de jeunesse et de rayonnement est liée à celle de prince. Il fait plus figure de héros que de sage. A lui appartiennent les grandes actions plus que le maintien de l’ordre. Le prince et la princesse sont l’idéalisation de l’homme et de la femme dans le sens de la beauté, de l’amour, de la jeunesse, de l’héroïsme. Le prince symbolise la métamorphose d’un moi inférieur en un moi supérieur par la 22 force de l’amour. La qualité de prince est la récompense d’un amour total c’està-dire absolument généreux. Il peut arriver que le porteur de la lumière ne répande plus que l’ombre. C’est la corruption du meilleur qui devient le pire. Le Roi Le Roi quant à lui est conçu comme une projection du moi supérieur, un idéal à réaliser. Il devient une valeur éthique et psychologique. Son image concentre sur elle les désirs d’autonomie, le gouvernement de soi-même, de connaissances intégrales, de conscience. Le Roi est l’archétype de la perfection humaine et il mobilise toutes les énergies spirituelles pour se réaliser, mais cette image peut se pervertir en celle d’un tyran, où l’expression d’une volonté de puissance mal contrôlée. Un bon Roi est celui qui assure la prospérité de ses sujets. Les impôts et les tribus montent vers lui et il les distribue en dons et générosités. Il est distributeur et le mauvais Roi est celui qui lève les impôts sans accorder aucune compensation. Sous un tel règne, toute fécondité de la terre, des plantes et des animaux disparaît. L’existence du roi est indispensable de par même son rôle d’équilibrateur et de distributeur à la cohérence sociale. En considérant ces quelques définitions : la perspective éducative ou thérapeutique ne serait-elle pas d’inscrire l’enfant-roi dans une perspective d’Enfant Prince afin de lui éviter une décompensation vers la tyrannie ? L’Enfant Prince, protégé par des Parents Rois qui assurent la prospérité de leurs sujets pourraient alors trouver un juste équilibre entre l’investissement narcissique et l’investissement de la relation d’objet. Les Parents Rois pourraient service de modèles identificatoires et permettre ainsi à leurs Enfants Princes de les destituer en tant que modèles avant de se les réapproprier dans une dynamique constructive axée sur le lien d’altérité. Ce travail d’autonomisation et de différenciation est bien entendu essentiel. Les dynamiques d’Enfants Tyrans ne naissent-elles pas d’une crainte à jouer et assumer le rôle de Roi, laissant ainsi l’enfant à sa toute-impuissance dans un monde insécurisant où les angoisses d’anomie, d’abandon, de non-constitution de soi sont légion. 23 B. – LA DEMANDE DE LA CONSULTATION Comme dans toute consultation au sein de nos services, la première étape consiste à écouter, analyser et clarifier la demande. Les situations que nous rencontrons peuvent être très diverses ; cela peut aller des parents demandeurs en grande difficulté avec leur enfant, aux parents qui viennent par obligation envoyés par un tiers. Dans les situations d'Enfant Roi, et encore de manière plus marquée pour les situations d'Enfant Tyran, nous constatons que la demande est très souvent portée par un tiers : école, PMS, services sociaux, SAJ, SPJ, médecin traitant, … La prise en charge de telles situations nécessite un temps de reclarification de la demande et de ré appropriation de celle-ci par la famille. C. – LE TRAVAIL AVEC LES SITUATIONS D’ENFANT ROI ET D’ENFANT TYRAN Comme dans toute consultation familiale, il est important dans un premier temps de comprendre la dynamique relationnelle qui occupe parents et enfants, d’émettre des hypothèses concernant les raisons de l’établissement de celle-ci. Voici d’ailleurs quelques hypothèses de base en vue d’étayer nos réflexions concernant la place du thérapeute dans la problématique de l’enfant r Les hypothèses de base en vue d'étayer nos réflexions concernant la place du thérapeute dans la problématique de l'Enfant Roi Nous aimerions vous parler tout d'abord du tout petit enfant, du bébé qui n'a pas encore huit mois, qui vit avec son entourage (plus particulièrement avec la personne qui lui administre les soins) dans une relation que l'on pourrait qualifier d'anaclitique. Il s'agit d'une relation à deux où l'enfant est dépendant d'un de ses parents, qui est le plus souvent la maman. L'enfant et son parent sont alors dans une symbiose. Il n'y a pas encore de vécu d'intervention d'un tiers, donc pas de vécu de triangulation. Pour l'enfant, la mère est indispensable et les sentiments de dépendance vis-à-vis d'elle sont à leur comble. L'enfant n'a alors pas encore intégré la notion de permanence de l'objet. C'est aussi un moment où l'enfant ne tolère aucune frustration. La satisfaction des besoins doit être immédiate. Il ne supporte aucun délai. Il est dans l'ici et maintenant. 24 Vers huit mois, l'enfant va vivre ses premiers processus de séparation, d'individuation. En même temps que la permanence de l'objet s'installe, naît l'angoisse de l'étranger. La peur suscitée par la séparation, cette angoisse anaclitique ou d'abandon est prégnante. Il s'agit d'une angoisse également caractéristique des états limites, des névroses d'abandon, de certains éthyliques et certaines toxicomanes, lesquels remplacent l'objet humain par une drogue toujours disponible. Aussi, afin de conserver l'objet anaclitique, si fragile et si vital pour l'enfant, ce dernier doit le protéger des sentiments de haine et de destruction qui ne manquent jamais de surgir lorsque l'objet fait défaut. Pour détourner alors cette agressivité, afin de faire triompher la seule relation d'amour, l'enfant recourt à la projection, au clivage, au déni et à l'idéalisation. Il entrave dès lors l'intégration à la fois des bonnes et des mauvaises images des autres et de soi, ce qui aboutit à une perception fausse, incomplète, floue des autres et de soi et à des sensations de vide caractéristiques. L'enfant tyran et ses parents semblent être figés dans ce type de relation archaïque, duelle, où se vivent les prémices des processus de séparation mais où la séparation reste source d'angoisse et où le tiers apparaît comme menaçant. Tout comme le fonctionnement de l'enfant de huit mois, l'enfant roi ou l'enfant tyran est dans le passage à l'acte, dans l'ici et maintenant, dans l'intolérance à la frustration. Il n'est pas confronté à l'angoisse de castration, et il n'est pas dans un processus de renoncement au sentiment de toute puissance. Aussi, l'enfant roi ou l'enfant tyran semble être avec l'autre dans des relations oscillant entre harmonie, grande proximité et échanges agressifs, voire destructeurs. Si les hypothèses concernant la dynamique familiale pose la problématique au niveau de la relation anaclitique et duelle, idéalement, l'objectif thérapeutique serait d'accompagner les situations vers une relation triangulaire. Le cadre contenant devrait alors être un support à des processus de symbolisation, d'autonomisation, de différentiation, d'individuation, de prise de conscience constructive de soi dans un rapport d'intégrité et d'altérité, en permettant à chaque membre de la famille, parents et enfants, d'acquérir une capacité d'ambivalence, c'est-à-dire de prise de conscience de soi et de l'autre dans un contexte de respect des identités et des différences générationnelles. Ces réflexions nous amènent à réfléchir au cadre de travail à proposer aux familles et à leur enfant ainsi qu’aux différentes possibilités thérapeutiques. 25 D. – LA PLACE DU THERAPEUTE Quelle que soit la prise en charge et le cadre contenant que nous proposons aux familles, notre pratique nous amène à réfléchir sur les représentations que celles-ci ont de nous. Les familles sont déroutantes par leurs oscillations rapides qui les amènent tantôt à idéaliser le thérapeute, tantôt à le dévaloriser. Dans les situations où les parents sont en difficulté dans leur rôle d’éducateur, nous voient-ils comme le bon éducateur, le redresseur, le sauveur, le coach manager, l’agent de police, le juge, ou encore le parent, le grand-parent bienveillant. Une réflexion s’impose donc sur la position que nous décidons nousmême d’occuper, consciemment ou pas, car n’oublions pas qu’il s’agit toujours d’une « rencontre ». Les familles viennent avec les représentations qu’elles ont de nous. Les thérapeutes agissent ou sont agis par leur résonance personnelle. La résonance n’est pas un fait objectif, elle naît de la construction mutuelle du réel qui s’opère entre celui qui la nomme et le contexte dans lequel il se découvre en train de la nommer. La notion de résonance est intimement liée à la personnalité du thérapeute, à son affinité, à son histoire. Elle se développe en lien avec la famille consultante et l’identité de cette dernière. D’après Mony Elkaim, les résonances sont constituées d’éléments semblables, communs à différents systèmes en intersection. La résonance se manifeste dans une situation où la même règle s’applique à la fois : à la famille, à la famille d’origine du thérapeute, à l’institution où le patient est reçu, au groupe de supervision. Le vécu des thérapeutes dans le contexte des prises en charge de situations d’enfant roi ou d’enfant tyran peut s’apparenter à un sentiment d’impuissance, à de l’agacement, du rejet, de l’agressivité voire de la violence. Ce vécu peut voyager vers l’un ou l’autre membre de la famille (de l’enfant à l’un ou l’autre parent), d’un moment à un autre de la thérapie ou de la séance. 26 La prise de conscience de ces phénomènes ressentis et observés nous donne des informations précieuses sur le mode de relations qui circulent au sein de la famille, ainsi que sur le type d’approche à mettre en place. Dans l’exemple où le vécu du thérapeute touche à un sentiment de violence, on peut examiner l’hypothèse que cette violence circule au sein de la famille, voire même au sein des relations intergénérationnelles. E. – Enfant Roi – Enfant Tyran et possibilités thérapeutiques Plusieurs pistes en fonction des hypothèses du fonctionnement familial peuvent être envisagées en fonction des hypothèses du fonctionnement familial : Une thérapie familiale et Enfant Tyran Fréquemment le symptôme de l’enfant révèle une souffrance familiale. Le symptôme prend un sens au niveau transgénérationnel, lequel renvoie à des problématiques non élaborées chez des parents ou chez l’un d’entre eux. La violence de l’Enfant Tyran qui s’exprime à travers son symptôme nous a souvent incités à travailler avec le système familial pour donner une autre compréhension à la problématique vécue par la famille. Une thérapie familiale et Enfant Roi Nous envisageons moins fréquemment une thérapie familiale dans la problématique de l’Enfant Roi, privilégiant une prise en charge du couple parental et éventuellement une thérapie individuelle de l’enfant. En effet, il est important de renforcer les parents, et ce travail entrepris devant les enfants risque de les affaiblir un peu plus. Certains enfants peuvent se servir ultérieurement contre leurs parents de ce qui a été dit en séance. Un accompagnement familial (guidance familiale) La clinique psychiatrique de l’enfant aborde des aspects liés au développement de l’enfant et à la parentalité. La dimension éducative peut être concernée, mais il ne s’agit nullement d’infantiliser les parents mais bien d’opérer en co-construction, une recherche de nouveaux repères. 27 Un accompagnement du couple parental Une guidance du couple parental nous paraît spécialement indiquée dans les problèmes d’autorité parentale et de structuration familiale, caractéristiques de la problématique de l’Enfant Roi. Il s’agit de proposer aux parents un lieu de réflexion sur leurs valeurs éducationnelles et favoriser l’émergence des attitudes en commun. Une thérapie de couple Cette proposition thérapeutique renvoie à l’hypothèse que le symptôme de l’enfant occulte des difficultés conjugales qui concernent fréquemment l’intimité du couple et la non-séparation envers la génération des parents ou encore un conflit conjugal caché. Cette indication peut se poser aussi bien dans la problématique de l’Enfant Roi que de l’Enfant Tyran. Une thérapie individuelle d’un parent Dans les séparations du couple parental la notion de la dette relationnelle envers l’enfant peut lui donner un pouvoir trop important Cette notion de dette relationnelle s’exprime à travers des sentiments de culpabilité chez les parents et s’inscrit souvent dans des relations non résolues avec leurs propres parents. Quand le surinvestissement de l’enfant, l’impossible autorité renvoie à un problème de fond qui est propre au parent. Une thérapie individuelle de l’enfant Proposition d’un cadre contenant pour l’enfant ainsi qu’un espace qui permet l’élaboration des processus de symbolisation, de différenciation, d’autonomisation, d’individuation (rapport d’altérité – accès d’ambivalence). Cet espace individuel s’avère souvent nécessaire pour aider l’enfant à quitter sa position de toute-puissance. Des prises en charge multiples Collaboration entre professionnels d’une même équipe Une thérapie de l’enfant parallèlement à une thérapie de couple, de famille ou thérapie individuelle d’un parent peut permettre de créer cet espace 28 nécessaire à une différenciation et à une installation des frontières entre les générations. Nous mettons souvent en place des prises en charge multiples (avec des thérapeutes différents) pour ce type de problématique, partant d’hypothèses que les espaces relationnels sont trop imbriqués et que la séparation des espaces thérapeutiques peut déjà aider à un niveau analogique. Collaboration entre professionnels de différentes institutions Mise en place d’une collaboration avec les services extérieurs concernés par la problématique (école, SAJ, SPJ, AMO, …). Il est utile d’observer une nécessaire vigilance dans cette collaboration, même si cela n’est pas spécifique aux familles qui nous occupent. Il n’est jamais inutile de rappeler que le cadre d’intervention doit être clairement défini afin d’éviter la confusion des rôles et le manège des disqualifications stériles souvent en miroir avec le fonctionnement familial d’ailleurs. F. – Outils thérapeutiques Génogramme Le Génogramme travaillé avec la famille s’avère d’une aide précieuse. Il nous donne un accès « parlant » à l’axe transgénérationnel et permet à la famille de visualiser à la fois les structures familiales, les transmissions, les répétitions ainsi que les changements potentiels et les ressources. A travers le Génogramme la famille peut s’interroger sur ses Mythes et spécialement ceux qui touchent à l’éducation des enfants et à l’autorité. Nous avons formulé l’hypothèse que l’Enfant Tyran s’inscrit dans une problématique transgénérationnelle de la violence et dans la transmission paradoxale et transgénérationnelle des traumatismes. Le Génogramme peut ouvrir cet espace d’interrogation sur la violence et sur sa fonction dans la famille. Génogramme Imaginaire (13) Le Génogramme imaginaire s’avère intéressant dans la recherche des ressources extra-familiales. Mettant en avant-plan des personnes capables de fournir une aide dans la thématique qui préoccupe la famille mais pouvant aussi 29 montrer une grande solitude. Solitude du système familial que nous avons souvent constatée dans notre travail thérapeutique et qui touche les deux tableaux cliniques (Enfant Roi, Enfant Tyran) Sculpture Familiale La sculpture familiale est un outil spécialement apprécié par les enfants qui leur permet de modeler les corps avec tout l’aspect ludique de l’outil. Nous apprécions la sculpture familiale pour cette possibilité de faire sentir dans le corps des sensations de confort, de sécurité, d’inconfort, de malaise, de crainte … Cette approche « à travers le corps » fait vivre la famille dans l’ici et maintenant des émotions souvent difficilement accessibles ou intellectualisées. Mais nous restons très réservés sur l’emploi de cet outil dans la problématique de l’Enfant Tyran qui pourrait « éveiller » des passages à l’acte en séance. Test Fast (8) Le test de FAST s’y prête bien aussi dans le travail avec les enfants pour visualiser le fonctionnement familial et confronter la famille à ses compétences de négociation. Cet outil peut s’utiliser dans presque toutes les situations familiales mais peut-être considéré comme moins impliquant que la sculpture familiale. Jeu De L’oie Systémique Le jeu de l’oie fait partie des objets flottants développés par Evelyne REY et Philippe VAILLE (2) Le jeu de l’oie ouvre la dimension historique de la famille en associant aux différents éléments historiques le vécu personnel de chaque membre de la famille. Cet outil permet de travailler la complexité du système familial et de toucher aussi la dimension des Mythes familiaux. Mais l’outil important est le thérapeute lui-même avec ses capacités d’empathie, son analyse de ses propres résonnances et son attitude de multi partialité 30 Plaidoyer pour Julien et sa famille Une option thérapeutique parmi d’autres Michèle Kramer Diapositives 109 à 110 .Mes résonances Le premier entretien avec Julien et sa famille m’a particulièrement et sans doute personnellement interpellée Les propos de Julien faisant référence à des idées suicidaire : « j’irai à l’école jusqu’à l’âge de 18 ans pour faire plaisir à mes parents (on peut ajouter et aussi à la société qui institue l’obligation scolaire jusqu’à 18 ans) et après j’irai rejoindre ma Mami m’ont très fort touchées et cela quasi instinctivement. Ma peur que Julien ne soit en danger suicidaire a d’emblée orienter mon intervention ; celle de travailler uniquement en famille sans proposer que Julien soit vu seul. Je souhaitais sans doute que mes inquiétudes se communiquent rapidement aux parents afin de les rendre plus vigilants avant toute chose. Ce faisant, J’ai eu plusieurs fois le sentiment d’être réduite à l’impuissance compte tenu du fait que l’inquiétude était essentiellement la mienne compte tenu de la banalisation de Luc et Catherine. Ce sentiment d’impuissance dans la prise en charge des familles est d’autant plus grand qu’il nous renvoie toujours tous inconsciemment à notre propre famille, et ici, en ce qui me concerne à ma propre représentation du monde faite d’un univers où notre enfant est notre roi, celui pour qui s’il le fallait nous donnerions notre vie. (Lien avec exposé sur la résonance) Travail en coordination La psychologue du PMS a évidemment d’emblée orienté mes appréhensions également avant même le premier entretien (rappel jeu de rôle). Les propos de Julien s’expriment en effet aussi à l’école et Madame Denis insiste pour que Julien recommence son année dans la même école car le problème fondamental serait une dépression de Julien !! 31 Changer d’école ne ferait que déplacer le problème et sans doute l’intensifier dans la mesure où Julien pourrait être entraîné encore plus à multiplier les provocations afin de concerner un milieu scolaire qui ne le connaîtrait pas encore. Son indication d’une thérapie familiale est dictée essentiellement par l’attitude éducative des parents qui oscillent en permanence entre des punitions disproportionnées qu’ils ne savent de toute façon pas tenir ou un laxisme difficile à comprendre face à des passages à l’acte inquiétants de Julien (cela n’empêchera pas l’école de mettre Julien dehors en octobre alors que le redoublement est accepté par la famille !!!) En y réfléchissant, c’est sans doute dès cet instant que j’ai pu faire preuve d’une empathie multidirectionnelle en vers tous les membres de la famille compte tenu du manque de respect qui pouvait être ressenti tant par la famille que par moi-même = en ce qui me concerne, commencer une prise en charge fin juin, suivre l’indication du PMS pour qu’en octobre ( inscriptions des élèves clôturées pour l’école), l’école ne tienne pas compte de la collaboration de la famille qui a accepté une consultation difficile. Thérapie familiale C’est à partir de cet instant qu’une relation de confiance constructive a pu réellement s’installer avec l’ensemble de la famille et me permettre ainsi d’avoir accès à l’histoire familiale qui a participé à réduire la famille à l’impuissance et à l’avènement du comportement tyrannique de Julien (lien avec exposé Janine et moi). Prises en charge multiples Thérapie individuelle Au fur et à mesure des entretiens, sans doute ai-je pu ainsi mieux trouver les mots pour exprimer à chacun à quel point je comprenais qu’il était vital pour eux que Julien trouve lui-même ses limites et proposer une thérapie individuelle centrée sur cet objectif qui sera acceptée par chacun avec de la part de Julien, un avertissement à prendre en considération : il faut que sa tête me plaise (en faisant référence à mon collègue thérapeute individuel) 32 Thérapie de couple Le mythe de l’accord à tout prix a naturellement fait que des entretiens de Luc et Catherine, seuls chez moi continuent ; l’objectif défini ne concernant que leur relation parentale. Ce faisant, et mine de rien, j’ai pu assez rapidement avoir accès aux conflits niés et donc inconscients qui existaient entre eux de par l’histoire familiale (lien avec exposé Janine et moi) Evaluations conjointes régulières La réflexion de Julien : il faut que sa tête me plaise m’a parue suffisamment importante que pour proposer une rencontre me permettant de présenter mon collègue psychologue à tous et à Julien en particulier dans le cadre d’un entretien de famille en sa présence afin de permettre la mise en route éventuelle du nouveau processus thérapeutique proposé. Celui-ci était cependant subordonné à l’accord de Julien (c’est lui qui devait décider) Lors de cet entretien, il fut question des limites du secret professionnel judicieusement expliqué par mon collègue ce à quoi Julien répondra, « Bien - sur, si je vous annonce que je vais cambrioler une banque, il faudra que vous le disiez à mes parents ! ». Cette provocation nous a naturellement permis de mettre en place la poursuite régulière d’entretiens d’évaluations réunissant tout le monde, tous les trois mois. De plus, ils peuvent aussi être précipités selon les circonstances, à la demande de mon collègue après que son inquiétude soit d’abord travaillée avec Julien Conclusion Aujourd’hui, le travail continue et les parents de Julien ont également demandé eux-mêmes une consultation individuelle pour Maxime pour prévenir l’apparition des mêmes problèmes que Julien. Une réflexion de Luc mérite d’être soulignée : « j’avais confondu « autorité » et « fermeté ». 33 Conclusions générales Hannelore Schrod Diapositives 111 à 112 Ainsi donc dans notre société, infiniment complexe, les enjeux de la parentalité sont voués à toute une série de paradoxes que Françoise Hurstel (9) résume dans les questions suivantes : Comment conjuguer égalité citoyenne des enfants et des parents avec la nécessité d’une différence des générations ? Comment penser la question de la transmission ? - Qui suppose une différence de position entre enfants et parents - Un changement de statut des enfants vus comme des personnes avec parole à respecter - Dans une crise globale de l’autorité qui pousse les parents à interdire de « frustrer » Comment penser la place de l’enfant (issu du désir conjugal) ? Si nous voulons tenter d’ébaucher une réponse très partielle à ce questionnement, un détour plus philosophique s’impose : « L’enfant est égal et différent de l’adulte » Pierre-Henri Tavoillot (17) nous dit que l’enfant est égal parce qu’il est à la fois membre à part entière du genre humain, mais il est différent parce qu’il est dépendant. Si on met en évidence l’égalité on place l’enfant dans la position du quasi adulte et on nie alors sa condition d’être en devenir. Si au contraire on privilégie surtout la différence on enferme l’enfant dans l’enfance. La co-existence des deux aspects permet une évolution de la position de l’enfant vers celle de l’adulte. En l’absence de cette co-existence, l’enfant risque de devenir un roi qui n’a besoin ni d’être éduqué, ni de grandir. L’hypothèse de la nécessité de l’éducation postule la différence des générations et implicitement celle de l’autorité parentale. Mot mal aimé à notre époque ainsi que nous l’avons longuement évoqué, étant donné qu’il est fréquemment assimilé à de l’abus de pouvoir. 34 S’il y a des enfants-rois, c’est qu’il y a des adultes qui les mettent à une place de roi, et acceptent d’être leurs serviteurs. On peut se poser la question du « pourquoi de cette attitude » ? L’enfant-roi peut être vu comme une projection narcissique des parents. Il devient alors le dépositaire des aspects régressifs des parents. Dans une formule un peu provocante : « on pourrait dire que les enfants sont de plus en plus adultes ; les adultes sont de plus en plus enfants ». Nous étions séduites par les réflexions de Simone Korff (10) dans son livre « Plaidoyer pour l’enfant-roi » où elle met en évidence que les enfants ne sont pas si rois que cela. Notre société est marquée par la toute puissance du désir, qui rend difficile la tâche parentale qui consiste à mettre des limites. Cependant, au même moment, certaines demandes des enfants, autrefois perçues comme légitimes, sont aujourd’hui repoussées. Exemples : « Tu peux venir me chercher à l’école à 16h30 ? » « Je n’aime pas la nounou qui me garde. » « Je voudrais voir papa plus souvent. » « Je n’aime pas partager ma maison avec les enfants de ton nouvel ami … » Le discours social plutôt dévalorisant et alarmiste sur l’enfant-roi renvoie plutôt à la déresponsabilité des adultes en niant les différences des statuts. Pourrions-nous pourtant en revenir à une conception ancienne de l'enfant comme un être "inférieur" soumis à la clairvoyance de ses parents ? Non, bien sûr ! Notre travail thérapeutique doit favoriser l’émergence de solutions propres à chaque famille et reconnaître, renforcer les ressources du système familial. Quant au phénomène de l'Enfant-Tyran, si nous nous basons sur l’analyse que nous venons de tenter de développer, il est nettement moins répandu, la souffrance qu’il recouvre mérite toute notre attention au niveau thérapeutique. 35 Bibliographie Diapositives 113 à 120 Barudy J. (1997) : La douleur invisible de l'enfant. Approche écosystémique de la maltraitance, Erès Ramonville Saint Agne Chartier J.-P. (2005) : La famille mise à mal : les parents martyrs. Topique, L’Esprit du temps pp. 121 à 127 Chartier J.-P., Chartier L. (2002) : Les parents martyrs, passions, haines et vengeances d’adolescents, Petite Bibliothèque Payot, Paris Ciccone A., lbert, Resnik S., Kaës R., Gambel Y., Catoire G., Meltzer D. (2003) : Psychanalyse du lien tyrannique, Dunod, Inconscient et Culture, Paris de Becker E., Lescalier-Grosjean I., Tilmans-Ostyn E. 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