L`Enfant Tyran et sa famille - La systémique appliquée aux thérapies

publicité
L’Enfant Roi et sa famille - L’Enfant Tyran et sa famille
Leurs environnements
Journée d’étude au CFTF, 22 janvier 2008
Hannelore Schrod1, Docteur en sociologie, Thérapeute familiale
Janine Renier2, Assistante sociale, Thérapeute familiale
Equipe de l’Unité de Thérapie familiale3 – AIGS - HERSTAL – ( B ) -
Introduction
Hannelore Schrod
Diapositives 1 à 8
Voir Article d’Hannelore Schrod et Janine Renier dans la Revue
« Thérapie Familiale » Genève (disponible prochainement)
Notre pratique clinique nous confronte de plus en plus à la problématique de
l’Enfant Roi, comme à celle de l’Enfant Tyran.
Ces problématiques se sont multipliées les dernières années, renvoyant au même
moment à une interrogation sur les changements sociétaux.
Les repères classiques sont devenus obsolètes et nous sommes contraints, quel
que soit le modèle de la famille nucléaire, à revoir nos bases théoriques ; « les
rôles de père et de mère, les frontières générationnelles, etc. »
Mais les concepts analytiques sont, eux aussi, « interrogeables » face à ces
nouvelles constellations familiales. (Voir les couples homosexuels avec enfants,
les familles monoparentales …).
Nous savons que chaque contexte socioculturel produit sa propre
psychopathologie laquelle s’inscrit dans un moment historique particulier.
Actuellement, nous rencontrons l’émergence du diagnostic « d’état limite »
révélateur d’une société qui cherche ses limites, « ses re-pères et ses pères ».
Notre société se caractérise, à l’intérieur de nos familles comme de nos
institutions, par trop « de mères ». Les pères ont perdu leurs certitudes et sont
à la recherche des nouvelles identités.
1
Service de Santé Mentale (AIGS), rue Saint-Lambert, 84 à B4040 HERSTAL, CFTF, Centre de Formation à la
Thérapie Familiale, rue Fabry, 11 à B4000 LIEGE
2
Service de Santé Mentale (AIGS), avenue G. Joachim, 49 à B4300 WAREMME, IEFC, Institut Européen de
formation continue, rue Saint-Lambert, 84 à B4040 LIEGE
3
Equipe Multidisciplinaire , voir Dia 2 : Assistants Sociaux, Infirmière sociale, Logopède, Psychiatres,
Psychologues, Sociologue de l’AIGS, Association Interrégionale de Guidance et de Santé, à B 4040 LIEGE
1
L’Enfant Roi n’est jamais le fait exclusif d’une situation ou d’un contexte en
particulier. Il est le résultat d’un processus où plusieurs éléments interagissent.
La notion de l’Enfant Roi ne désigne pas seulement une figure d’enfant, mais une
forme de relation entre enfants et adultes.
C’est le rapport entre enfants et adultes qui est modifié dans nos sociétés
contemporaines. Notre société est marquée par un effacement de la différence
entre les sexes et entre les générations. Drôle de paradoxe : dans une société
qui clame le respect de la différence, se fait jour simultanément une tendance à
vouloir éradiquer toute différence.
Ceci nous amène à parler du concept d’altérité. L’altérité est une conquête
difficile et progressive. Le développement humain passe du semblable au
différent. La différence vient de séparations et de renoncements. C’est ce
processus qui conduit vers l’autonomie. Ce processus nous semble, dans la
problématique de l’Enfant Roi, à la fois accéléré et simultanément freiné.
Nous sommes plutôt confrontés à des dépendances réciproques puissantes entre
parents et enfants. Même si dans le discours dominant l’indépendance est
pourtant mise en avant-plan.
L’observation de ces dépendances pose la question des Mythes familiaux qui les
sous-tendent. Lesquels s’inscrivent dans des Mythes sociaux eux-mêmes très
prégnants et douloureusement multi référentiels.
Ce questionnement amplifie encore nos interrogations comment aider ces
familles dans l’espace thérapie familiale ?
Nous faisons la différence entre Enfant Roi et Enfant Tyran, différence que
nous aimerions travailler durant ce séminaire. Car, dans les multiples textes, les
concepts sont parfois « étrangement indifférenciés ».
Les problématiques Enfant Roi, Enfant Tyran nous confrontent à nos propres
valeurs et se pose alors la question : « comment créer des alliances
thérapeutiques ? Faut-il éviter de prendre une attitude éducationnelle ?
Comment continuer à développer une attitude de multi partialité ? Quelles pistes
thérapeutiques dégager ? Quels outils thérapeutiques privilégier ? … »
Même si nous essayons de définir avec vous les concepts Enfant Roi, Enfant
Tyran pour nos pratiques cliniques, il ne faut surtout pas utiliser ces notions pour
une stigmatisation et un enfermement dans notre travail thérapeutique.
Pendant notre Journée d’étude, nous allons aborder des aspects individuels
comme des aspects systémiques. Bien sur notre spécificité soit systémique,
d’autres courants ont enrichis notre pratique, tels que celui des thérapies
familiales intergénérationnelles ou encore celui qui évoque les concepts de la
thérapie familiale psychanalytique.
2
Nous
sommes tous fortement influencés par l’approche contextuelle de
Boszormenyi-Nagy, qui a pu théoriser une complémentarité des différentes
approches.
Notre travail aujourd’hui tente de relater cette complexité dans un voyage à
travers des conceptions différentes, mais liées par la notion d’éthique
relationnelle, qui est la clé de voûte qui lie les différents éléments.
La thérapie contextuelle parle d’une éthique de l’équité pas d’une éthique des
valeurs ni des considérations morales. La notion d’éthique relationnelle renvoie à
des concepts de loyauté, de mérite, de légitimité, de confiance…..
La question de l’éthique relationnelle se pose spécialement lors du choix de nos
interventions thérapeutiques.
Chaque intervenant doit se poser la question des répercussions de son
intervention sur l’ensemble du système que se soit à un niveau individuel ou
systémique.
Nous allons parler de cette question l’après midi dans les différentes
orientations thérapeutiques.
3
Facteurs d’environnements, Mythes sociaux
Janine Renier et Annie Herbillon
Présentation des diapositives 9 à 41
Article dans Revue « Thérapie Familiale » Genève
Jeu de rôle autour de la situation de Julien
Questions à 4 sous-groupes et travail en sous-groupes
Retour en séance plénière
Diapositives 42 à 46
Situation de JULIEN, 13 ans ½, 2eme année du secondaire
I) Contact préalable avec Madame Denis, Psychologue du Centre Psycho
médicosocial (Rattaché à l’Athénée)
Résumé : Madame Denis nous a contactés à la demande de ma famille de
Julien qui a souhaité ce contact préalable avec nos services.
Elle a invité les parents à demander une thérapie familiale, compte tenu
des gros problèmes rencontrés par Julien à l’école (problèmes d’apprentissage,
problèmes de comportement et de violence tant avec les professeurs qu’avec les
autres élèves), au point qu’il est menacé de renvoi définitif.
- Primaires : termine avec 80%, présente déjà problèmes de comportement.
- Vu régulièrement par Madame Denis en première année du secondaire (a réussi
péniblement) et en 2eme année également. Année scolaire totalement
compromise, va vraisemblablement doubler selon l’avis des profs et du PMS.
- Provocations envers les camarades et les profs, menaces d’incendier la maison
de l’un d’entre eux
- Bagarre avec un condisciple (nez cassé, plainte des parents), école doit
appliquer une sanction (exclusion de l’école 2 jours)
- Fume régulièrement des joints, « très mauvaises fréquentations ».
- Fait partie d’une bande de sa région (garçons de tous les âges qui fument des
joints, décès par overdose d’un de ses amis), mise à feu d’une poubelle de l’école
du quartier, refus du père de porter plainte à la police. Roule en excès de vitesse
avec moto trafiquée
4
- Se retrouvent tous les jours chez l’un d’eux. (Père = notable très connu dans la
région, tous « des fils de bonne famille »
- Madame Denis considère Julien comme déprimé et masquant sa dépression par
des passages à l’acte de plus en plus dangereux. (Menace de se suicider à 18 ans,
se tape la tête au mur lors de problèmes avec les profs)
- Parents constamment en conflit avec Julien concernant les sorties, banalisent
ou punissent de manière disproportionnée sans arriver à appliquer les sanctions
(culpabilité des parents compensée par l’achat de gros cadeaux) « Il faut qu’il
comprenne de lui-même les problèmes, on veut qu’il ait le droit à la parole, les
enfants ont droit à la parole
- C’est par-là que Madame Denis argumente son indication de thérapie familiale.
- L’important, dit Madame Denis est d’abord qu’il réinvestisse sa vie. Dans
l’attente d’un conseil de classe pour statuer sur son maintien ou non dans
l’établissement, les parents se sont mobilisés pour une consultation dans notre
centre.
2) Eléments recueillis lors du premier entretien
La maman de Julien (Catherine) téléphone au SSM en mai 2006, soit le
lendemain du conseil de classe de l’athénée fréquentée par son fils Julien.
Le premier entretien est fixé début juin et réunit toute la famille : Luc
et Catherine, les parents, Julien et son petit frère, Maxime âgé de 2 ans et demi
(voir Génogramme)
Luc est âgé de 39 ans. Il est traiteur dans une grosse entreprise et
nommé responsable. Il dirige 20 personnes et organise également des banquets
en privé. Il est l’aîné de 2 garçons. Son frère, Roger a 37 ans et est parrain de
Julien. Ses parents vivent en Ardennes et sont tous deux en bonne santé.
Catherine 40 ans et travaille comme infirmière dans un hôpital. Elle est à
mi-temps depuis la naissance de Maxime et va reprendre un 4/5ème. Elle est fille
unique. Ses parents sont décédés : son père en 94 (épileptique mort dans son lit)
et sa mère en 2000 (tumeur au cerveau). Luc et Catherine ont fait construire
près de chez la grand-mère maternelle de Catherine aujourd’hui âgée de 90 ans
chez qui elle va tous les jours.
Luc et Catherine signalent d’emblée que Julien leur a toujours causé des
soucis. A la naissance, il a fait un pneumothorax et a été hospitalisé 10 jours.
Maxime, le fils cadet âgé de 3 ans, est également né avec un problème à l’anus
pour lequel il a été opéré il y a un an (suspicion de spina-bifida à la naissance).
5
Les parents sont d’accord pour spécifier d’emblée que le problème de
Julien est « qu’il ne supporte aucune contrainte ». Il faut faire preuve d’habileté
avec lui pour qu’il pense que les décisions viennent de lui. Il arrive, dit le père, à
mettre tout le monde dans sa poche. La mère ajoute que parfois les rapports
dégénèrent entre tous dans la famille. Lorsque Julien est contrarié il se venge
sur Maxime. Il a déjà menacé sa mère avec un couteau parce qu’elle refusait qu’il
sorte voir ses copains, (il exige de les voir tous les soirs). Pourtant, disent-ils,
« il a un fond très gentil ». Ainsi, il vient encore d’offrir du parfum à sa mère
avec son argent de poche estimant qu’elle ne s’achète jamais rien. Luc ajoute en
rigolant « qu’évidemment c’est aussi pour se faire pardonner de ses bêtises et
amadouer ses parents ».
Julien considère que tout vient de sa Mami décédée à qui il était très
attaché. « J’étais son Dieu », dit-il. Julien a le souvenir d’avoir vécu surtout chez
Henriette, sa Mami lorsqu’il était petit. Les parents confirment vu leurs horaires
de travail. Après le décès du grand-père, la grand-mère ne vivait plus que pour
Julien. Les parents ne pouvaient rien lui dire.
Ex : « on n’écrase pas les fleurs de Mami ». Réponse : « arrêtez de crier
sur le petit »
Mr et Mme ont pris patience quelques années et ont décidé de changer
Julien d’école en 3ème maternelle afin qu’il soit moins chez sa Mami. Ils ajoutent
également que si elle avait vécu, ils n’auraient sans doute pas eu de 2ème enfant
car elle ne le voulait pas. Julien renchérit en disant : « Si Mami avait vécu, je
serais mieux dans ma peau et c’est sûr, je ferais moins de conneries »
Le premier entretien se termine sur plusieurs réflexions de Julien : «
pas de problèmes. Mon métier plus tard sera de jouer au loto » mais aussi « je
ferai des études jusque 18 ans pour faire plaisir à mes parents et après, je me
suicide pour aller rejoindre ma Mami » et aussi : « est-ce normal de rêver de
skinheads qui tuent un noir ?.. »
6
Distinction Enfant – Roi et Enfant – Tyran
Focus sur l’individu / Mise en scène médicale de l’Enfant-Tyran
Docteur Virginie Razafinimanana
Diapositives 47 à 51
Volonté de synthèse : « Le temps est venu de nouvelles alliances, depuis
toujours nouées, longtemps méconnues, entre l’histoire des hommes, de leur
société, de leurs savoirs, et l’aventure exploratrice de la nature » Ilya Prigogine
(scientifique belge d’origine russe, prix Nobel de chimie en 1977. Prigogine parle
de la «redécouverte du temps» dans le domaine de la physique. Newton et
Einstein avaient considéré que cette dimension n'existait pas en dehors de
l'esprit humain.) … et de clarification.
A l’instar des pionniers de l’approche systémique ( séminaires de la Josiah Macy
Fondation à New York entre 1946 et 1953, les anthropologues Mead et Bateson,
le sociologue Lazarsfeld, le psychologue Kurt Lewin, les neurophysiologistes
Rosenblueth et MacCulloch, le biologiste von Bertalanffy, les mathématiciens
Wiener et Von Neumann, l’ingénieur Bigelow, le physicien von Foerster, le
psychiatre Watzlawick…), il nous est apparu intéressant d’ouvrir la
problématique des enfants qualifiés de roi ou tyran à différentes disciplines :
(familiale systémique certes mais aussi médicale, psychanalytique, sociologique ;
nous aurions pu inviter politologue, mathématicien, physicien…). Toutefois, pour
chacune de ces disciplines, nous avons eu le souci de préserver sa logique
intrinsèque, sa cohérence, sa terminologie.
Nous risquerons pour commencer une modélisation médicale de cette
problématique. Il ne s’agit pas d’un choix épistémologique mais plutôt d’un
exercice de réflexion.
La deuxième ouverture que nous avons choisie pour cette matinée, est la lecture
psycho dynamique.
Paule Dechany, psychologue, nous livrera quelques grandes lignes de ce « lien
tyrannique » dans une approche d’inspiration psychanalytique.
Plan :
1. Introduction
2. Quelques définitions
3. Différenciation enfant roi, enfant tyran
7
4. Modélisation « médicale » de « l’enfant tyran »
5. Conclusion
Introduction
« Enfant roi », « enfant tyran » sont des formulations métaphoriques
empruntées au politique. La médecine via la pédopsychiatrie s’intéresse de façon
croissante à ce concept. De même, le « syndrome » ADHD (Attention-Deficit
Hyperactivity Disorder, trouble déficitaire de l’attention et hyperactivité) a
trouvé récemment sa place dans le DSM IV, manuel diagnostique et statistique
des troubles mentaux.
D’où viennent ces expressions si fréquemment évoquées ? Il semblerait que
l’auteur premier soit aujourd’hui oublié dans la foultitude des intéressés…
A trop en parler, les termes finissent par perdre de leur sens, banalisés ou
dramatisés, dénommant toutes sortes de situations où l’adulte en charge
d’enfant - le parent, l’enseignant, le thérapeute- se trouve un moment en
difficulté d’autorité. S’agit-il d’éduquer ou de soigner ?
Par ailleurs, nous entendons souvent « Enfant roi » ou « enfant tyran »
indifféremment employés l’un pour l’autre. Si politiquement les termes font
référence à des situations bien différentes, n’en est il pas de même pour les
modalités relationnelles qu’ils illustrent ?
La formulation « enfant tyran » dissone. En effet, elle dénonce tout autant
qu’elle incite un rapport de force, une escalade violente pour la prise de pouvoir.
Cette formulation pourrait cristalliser une vision manichéenne des rapports
filiaux, parentaux. L’enfant qualifié de tyran étant connoté péjorativement, le
parent (ou l’enseignant) se voit attribué par la même, le statut de victime
impuissante. Au final, chaque génération se trouve du même coup disqualifiée,
dénoncée. Comment aborder cette problématique en l’intitulant avec
objectivité ?… « Enfant au comportement tyrannique, enfant qui pousse à bout.. »
En prononçant ces termes « enfant tyran », le thérapeute se voit complice de la
mise en scène mélodramatique du coup d’état. Ne risque t’il pas ainsi de glisser
de son trône de « neutralité bienveillante » ?
Ces termes se positionnent d’un point de vue épistémologique de façon ambigüe.
Ils suscitent quasi chaque fois une analyse sociologique mais font allusion tout
autant au pathologique, au médical notamment par la terminologie employée. On
8
lit couramment dans les articles, « symptôme » de l’enfant roi quel que soit la
profession de l’auteur.
A ce stade, est-il pertinent d’évoquer un « syndrome » de l’enfant tyran ? Nous
proposons quoi qu’il en soit de développer autant que faire ce peut cette idée, à
la manière d’une « mise en scène » médicale du concept.
Définitions (Petit Robert)
Syndrome :(du latin sundromê : réunion)
- Association de plusieurs symptômes (signes observables), signes ou anomalies
constituant une entité clinique reconnaissable soit
1) par l’uniformité des manifestations morbides
2) soit par le fait qu’elle traduit l’atteinte d’un organe ou d’un système
bien défini (ex. Syndrome clinique, syndrome biologique)
3) Ensemble des signes révélateurs d’une situation jugée mauvaise.
Enfant : (du latin infans « qui ne parle pas »)
-
Etre humain dans l’âge de l’enfance (référence à une période de
la vie de l’être humain antérieure à l’âge adulte)
Personne qui a conservé dans l’âge adulte des sentiments des
traits propres à l’enfance.
Etre humain à l’égard de sa filiation, fils ou fille.
Par ext. Descendant.
Fig. Produit, ce qui vient de.
Tyran :(du latin tyrannus ou du grec turannos) qui veut dire « maître ».
-
chez les grecs, celui qui s’emparait du pouvoir par la force.
Usurpateur de l’autorité royale, du pouvoir
Personne qui, ayant le pouvoir suprême, l’exerce de manière absolue,
oppressive
Personne autoritaire qui impose sa volonté, abuse de son pouvoir.
Roi (du latin rex, regis, qui signifie, roi, chef)
-
Chef d’état (de certains pays accédant au pouvoir souverain à vie par
voie héréditaire ou plus rarement élective)
9
-
Fig. Homme qui règne quelque part, dans un domaine
Chef, représentant éminent d’un groupe ou d’une espèce
Commentaire : contrairement au roi qui peut être un bon ou un mauvais roi, le
tyran a communément une connotation péjorative (on juge son action nuisible,
liberticide, violente, destructrice, abusive). Le roi, lui a obtenu son statut
légitimement, de droit politique, voire divin. Le tyran arrache son pouvoir par la
force et n’en use que pour anéantir ses sujets.
Anecdote historique (à méditer..) : le mot tyran n’a pas toujours eu un sens
péjoratif. Parmi les premiers tyrans officiels de l’histoire, Polycrate, à Samos, île
orientale de la mer Egée, est arrivé au pouvoir au VIe siècle avant notre ère, sur
la base de révoltes populaires contre les régimes aristocratiques. S’il exerçait
seul son pouvoir après l’avoir pris “illégalement”, il bénéficiait toutefois du
soutien du peuple. Ces premiers tyrans n’étaient pas nécessairement
psychopathes et incarnaient un progrès par rapport aux régimes antérieurs. Ils
furent une transition vers la démocratie.
Différenciation enfant roi, enfant tyran
Le concept d’enfant-roi fait référence manifestement à une évolution
sociologique au minimum, tout au plus, à un « symptôme » de la relation parentenfant.
L’enfant tyran pourrait être considéré comme un « syndrome » de l’individu.
Dans ce dernier cas, on quitterait le large champ de la norme pour passer dans le
pathologique.
Si l’on fait référence à un trouble psychopathologique de l’enfance et
l’adolescence, il serait nécessaire de s’atteler à une triple approche :
-
de
descriptive, phénoménologique, dégagée de toute interprétation ou
jugement
développementale
et relationnelle
Le normal et le pathologique sont séparés par des frontières statistiques,
normatives, développementales et adaptatives, qu’il est souvent difficile d’établir
en pratique et qui, toujours, impliquent un jugement moral.
Plusieurs auteurs cependant ne doutent pas de la continuité de ces 2
manifestations : l’enfant roi sans rétablissement de l’autorité parentale
deviendrait un enfant tyran (Didier Pleux, Marianne Debry…)
10
Cependant, distinguer ces 2 notions présente un intérêt clinique :
-
-
apprécier le degré de gravité (dans l’idée d’une continuité)
tenter de repérer d’autres facteurs que la démission-soumission
parentale ou l’air du temps sociétal, à la dérive comportementale de ces
enfants dits tyranniques (ces attitudes étant parfois le signe précurseur
d’une pathologie notamment psychiatrique chez l’enfant)
éviter de dramatiser une situation simple qui reste souple et ouverte ou
au contraire de banaliser une situation ancrée, enkystée au pronostic
sombre.
Bref, à l’instar du politique, ne pas « mettre dans le même panier » le roi et
le tyran entraînera un effort intellectuel de discernement, d’approfondissement
des observations, d’ouverture et de rigueur dans les hypothèses et de
propositions pertinentes pour les dispositifs visant à dénouer la problématique.
La situation d’enfant roi est vécue avec plus ou moins de d’agrément par les
différents membres de la famille. Celle d’enfant tyran est toujours subie avec
une terrible souffrance par l’ensemble de la famille.
Mise en scène médicale : psychopathologie de l’enfant au comportement
tyrannique
En tant que science médicale, la psychiatrie infantile n’a qu’une brève histoire
(qui débute fin XIXème). Elle trouve ses racines dans un passé riche en
expériences pédagogiques et éducatives.
Une nouvelle pathologie ?
La pédopsychiatrie est une science médicale en plein essor. Des connaissances se
sont développées très rapidement au cours de ces dernières décennies et encore
aujourd’hui.
Régulièrement des problématiques infantiles observées sont
reprises comme des entités pathologiques, des syndromes. On note de la part
des pédopschycholoques et psychiatres de l’enfant un intérêt croissant pour les
troubles de l’attachement et leur pathogénicité. Récemment, l’introduction du
diagnostic de ADHD dans le DSM IV, l’expansion des troubles alimentaires de
l’adolescente…
Existe-t-il des études cliniques sur le sujet ?
11
Très peu. Relevons toutefois l’étude comparative de Pierrette Witkowski visant à
identifier de manière rigoureuse les caractéristiques des familles d’enfants
tyrans. Elle a comparé 22 familles qui ont consulté en pédopsychiatrie pour un
enfant ou un adolescent définit comme violent par ses proches.
Données épidémiologiques ? Incidence dans la population infantile, répartition
géographique, tranches d’âges les plus concernées, sex ratio ?
Quels contextes neurobiologiques imaginer ? Vulnérabilité biologique ?
Les relations sociales et plus globalement les expériences que l’enfant traverse
influencent le fonctionnement de son système nerveux central et vice versa.
Les différences individuelles observables dés la petite enfance dans la gestion
de diverses situations affectives, sociales, et instrumentales reflètent l’activité
complémentaire de trois systèmes neurobiologiques :
-
système d’inhibition comportementale
système d’activation comportementale
système général d’éveil et de vigilance.
Sur le plan cérébral, ces systèmes sont associés à un groupe de structures dont
les principales sont l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, le système
limbique et le cortex préfrontal.
Les neurones miroirs sont souvent présentés comme une découverte majeure des
neurosciences. Ces neurones miroirs sont supposés jouer un rôle dans la
socialisation notamment à travers l'empathie, mais également pour
l'apprentissage avec la capacité d'imitation. L'identification de neurones miroirs
au cours des années 1990 est due à l'équipe de Giacomo Rizzolatti, directeur du
département de neurosciences de la faculté de médecine de Parme.
Les neurotransmetteurs. Les médecins utilisent des psychotropes y compris
chez les enfants pour traiter certains troubles du comportement tels la rilatine
(méthylphénidate, stimule le système nerveux central, de type amphétaminique,
en conséquence d'une augmentation de la libération de dopamine au niveau
central, des neuroleptiques notamment sédatifs, certains SSRI.
Définition du syndrome (description clinique) :
Définition de l’enfant tyran d’après Pierrette Witkowski : « l’enfant qui réussit,
sur une longue période, à imposer ses propres règles de fonctionnement à sa
12
famille en exerçant des actions interprétées par son ou ses parents comme
autant de pressions psychologiques et/ou d’agressions physiques ».
L’enfant tyran ne se définit pas par la gravité de ses actes mais par leur
constance dans le temps (multitude de petits acquis quotidiens (conquêtes) au
détriment de l’autorité de l’adulte) et dans l’espace (autant à l’école qu’à la
maison ou dans les activités parascolaires, notamment quand il est question de
discipline).
1. symptômes « tyranniques » :
-
o comportement coercitif (impose sa loi aux adultes et à ses pairs,
manipule, séduit, exige, menace, attaque, contraint)
o attribution externes (autrui ou l’environnement est la cause des
problèmes, se présente comme une victime, nie toute responsabilité
dans les actes qui lui sont reprochés)
o intolérances aux frustrations (refus des règles et contraintes,
colères terribles quand est confronté à la frustration)
o omnipotence (n’accepte aucun ordre, décide de tout en fonction de
son propre plaisir, de satisfactions immédiates)
suscite la peur chez l’adulte en usant éventuellement de violence
provoque l’adulte, le tutoie, voire l’insulte
passages à l’acte transgressifs, violents
2. symptômes « hyperactifs » et « déficitaires »
-
se disperse dans ses activités, se démotive vite
apparaît « hyperactif », fuit l’ennui
conduites sexuelles précoces
attirance pour l’alcool ou les produits euphorisants
apparaît insensible mais pas heureux, toujours insatisfait
insécurisé, inhibé, dépendant
éprouve des difficultés à choisir, à s’expliquer, se dévoiler
S’inscrirait dans le chapitre des troubles du comportement social de l’enfant et
de l’adolescent.
Le DSMIV en distingue 2 types : le « trouble oppositionnel avec provocation »
(comportement d’opposition, de provocation et de transgression conduisant
régulièrement à des conflits marqués avec l’entourage et le « trouble des
conduites » (id plus violations répétées des droits fondamentaux d’autrui et des
normes sociales). L’évocation des symptômes met plus l’accent sur le
comportement agressif voire violent que sur la relation de pouvoir.
13
Facteurs favorisants :
Contexte environnemental : séparation précoce du couple parental, trouble
psychique chez un des parents (dépression de la mère...)
Enfant lui-même (maladies graves, déficit mental, handicap physique, position
particulière dans la fratrie...)
Diagnostics différentiels :
Troubles obsessionnels compulsifs, psychose infantile, dépression de l’enfant,
maniaco-dépression, ADHD, phobie scolaire, trouble alimentaire…
Comorbidité :
Toxicomanie, alcoolisme, trouble alimentaire…
Pronostic :
Troubles de personnalité : antisociale (« Individualiste intégriste de demain »
(cf. article Isabelle Buot-Bouttier) borderline, obsessionnelle compulsive,
paranoïaque,…
Psychose+++ (attention peut être un signe précurseur de psychose ?)
Dépression majeure
Assuétudes
Conclusion :
Danger de la médicalisation excessive :
« La psychiatrie américaine, dans ses traités de diagnostic, aime évoquer les
enfants hyperactifs, au point d'avoir créé, à leur usage, une maladie spécifique.
Ils sont massivement traités à coup de thérapies comportementales et de
psychotropes. Mais ne s'agit-il pas, tout simplement, d'enfants à qui les parents
n'ont jamais osé dire non? »
Une violente polémique a été soulevée en France suite à la publication d’une
expertise collective sur « Les troubles des conduites chez l’enfant » par
l’INSERM. Cette expertise « préconisait le repérage des perturbations du
comportement dès la crèche et l'école maternelle ».
Les chercheurs présentaient comme pathologiques «des colères et des actes de
14
désobéissance», et les présentaient comme «prédictifs» d'une délinquance. Le
concept des troubles de conduite dès l'enfance pourrait, selon l'INSERM, être
un des facteurs de risque de la délinquance. Dans une expertise de plus de 400
pages, on apprendra comment dépister ces troubles et comment les traiter,
parfois avec des médicaments. Non, vous n'êtes pas dans le monde d'Orwell !
Biologisme, règne du normatif, absence de toute analyse du contexte social,
politique, économique, culturel. Au détriment de l'éthique, de la déontologie, du
doute même. Quand on médicalise la délinquance...
Issu des classifications cliniques anglo-saxonnes des troubles mentaux (le DSM
IV), le concept de « troubles de conduite » s'exprimerait « par une palette de
comportements très divers, qui vont des crises de colère et de désobéissance
répétées de l'enfant difficile aux agressions graves comme le viol, les coups et
blessures et le vol du délinquant. Sa caractéristique majeure est une atteinte
aux droits d'autrui et aux normes sociales ». Nous y voilà. La question est donc
de savoir comment détecter au plus tôt les symptômes laissant présager du
futur germe de la délinquance et de comportement antisocial à l'âge adulte.
Nous ne sommes pas si loin des théories médicales déterministes de la fin du
XIXe siècle sur le criminel-né. L'institut national, comme dans un précédent
travail réalisé en 2002 qui affirmait qu'un enfant sur huit souffrait d'un trouble
mental, nous affirme aujourd'hui qu'entre 5 % et 9 % des jeunes de 15 ans
seraient atteints de troubles de conduite et qu'un dépistage précoce des
symptômes de ces troubles pourrait être mis en place à partir de 36 mois en
France. On apprend également à manier le concept de trouble oppositionnel avec
provocation, pathologie psychiatrique associée aux troubles de conduite, au
même titre que le déjà connu trouble de l'hyperactivité.
Certains experts préconisent, après avoir dépisté et diagnostiqué un trouble des
conduites, le recours aux traitements psychotropes mais seulement pour les
maladies associées car il n'existe pas de médicament pour les troubles de
conduite. Il en existe néanmoins pour les troubles de l'hyperactivité, comme la
Ritaline, les neuroleptiques pour traiter l'agressivité aiguë et les
thymorégulateurs pour le traitement de la dépression.
La psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent est un chantier dans lequel les
connaissances évoluent constamment ; l’incertitude reste aujourd’hui de mise
dans bien des domaines, nos connaissances restent largement à parfaire !
15
Bibliographie :
 Debry Marianne, (2005): L’enfant tyran et ses parents, quand la tyrannie
en cache une autre, 56 p.
 Dumas Jean E., (2002) : « Psychopathologie de l’enfant et de
l’adolescent », de boeck
 Olivier Christiane, (2002): Enfants-rois, plus jamais ça, Albin Michel
 Pleux Didier, (2002) : De l’enfant - roi à l’enfant – tyran, Editions Odile
Jacob (broché et poche)
 Roussel Louis, (2001) : l’Enfance Oubliée, Paris, Odile Jacob
16
Une lecture psycho - dynamique du lien tyrannique
Paule Dechany
Diapositives 52 à 56
1) INTRODUCTION :
Essai de compréhension et de modélisation concernant la genèse, le
développement et les logiques du lien tyrannique des jeunes enfants « qui
poussent à bout ».
o Une 1ère série d’hypothèses concerne la quête de l’objet perdu.
Les comportements de provocation, d’opposition agressive, destructrice,
tyrannique sont vus comme des manières de répondre à des expériences de
perte précoce et de désespoir.
L’enfant doit créer un parent défaillant et retrouver l’objet aimé et perdu.
o Une 2ème série d’hypothèses concerne la manière dont le lien tyrannique
témoigne de la résistance de l’enfant devant l’héritage imposé par les
parents.
Cet héritage est constitué par les besoins infantiles du parent qui n’ont pas
suffisamment reçu de réponses dans l’histoire du parent.
o Une 3ème série d’hypothèses concerne la limite interne à la pulsionnalité.
Le lien tyrannique signale un échec dans l’intégration de la limite.
La limite interne aux pulsions suppose l’intégration d’un sur-moi et l’éprouvé
d’un sentiment de culpabilité.
2) DESCRIPTION ET CONTEXTE :
Il s’agit de jeunes enfants qui ne présentent pas de grave désorganisation dans
leur personnalité et dont l’environnement n’est pas particulièrement carencé.
Cependant, certaines constellations familiales conduisent l’enfant à entretenir
un lien à l’objet de nature tyrannique.
Ces enfants pourraient devenir plus tard des « états- limites ».
1ERE
HYPOTHESE
: TYRANNIE
ET QUETE DE L’OBJET
L’enfant « qui pousse à bout » agit comme s’il n’était pas convaincu que l’adulte
tient à lui et l’investit vraiment.
17
1 La tendance antisociale
C’est WINNICOTT avec sa notion de « tendance antisociale » qui peut nous
aider à comprendre une telle situation.
WINNICOTT pense qu’à l’origine de la tendance antisociale, il y a une perte de
quelque chose de positif qui conduit l’enfant à vivre l’expérience selon laquelle la
destruction de l’objet est l’effet de la destructivité de l’enfant.
L’enfant répète la destruction non pour détruire mais pour vérifier que l’objet
peut survivre.
Si l’objet résiste, il y aura accès au désespoir car derrière la recherche de
l’objet perdu, il y a une recherche sous tendue par l’espoir de le retrouver
vivant, entier (espoir répétitivement déçu), il y a toujours un noyau de désespoir.
En maintenant une relation d’objet tyrannique, le sujet se défend d’une
expérience de désespoir.
2 Le contrat masochiste
DELEUZE décrit l’image maternelle masochiste (véritable maître dans la relation
victime / bourreau) comme une image froide, à la sensualité congelée et cruelle.
Le masochisme est une perversion du narcissisme à travers laquelle le sujet
s’aime en se détruisant à travers laquelle le sujet entretient l’amour maternel en
le mettant en échec.
Il semble que ce contrat scelle aussi la relation de type tyrannique qui unit un
parent à un enfant qui pousse à bout.
EN RESUME :
L’enfant qui pousse à bout cherche à retrouver l’objet aimé, la mère aimante qu’il
a perdue. Si l’environnement ne résiste pas à la destructivité de l’enfant il
confirme la perte et conduit l’enfant à répéter des comportements de
destructivité pour échapper à l’éprouver du désespoir et du néant.
3 Le traitement de la culpabilité
Tout en recherchant l’objet d’amour, l’enfant cherche aussi à soulager la
culpabilité issue du sentiment d’avoir détruit l’objet.
18
Ainsi, l’enfant cherche la punition pour soulager un sentiment inconscient de
culpabilité.
Il se fait punir parce qu’il se sent coupable et la punition apaise la culpabilité.
4 La jouissance du triomphe et de la vengeance
La recherche de l’objet perdu et le besoin de punition pour avoir détruit l’objet
perdu peuvent provoquer un sentiment de jouissance du fait de triompher de
l’objet et d’être au centre de l’attention.
La jouissance peut aussi concerner un sentiment de vengeance.
La violence adressée à l’objet peut se retourner contre soi et la jouissance être
plus forte que la détresse que génère la destructivité.
2ERE
HYPOTHESE
1
: TYRANNIE
Le symptôme
parentaux
ET TRAITEMENT DES EFFETS DE L’HERITAGE
comme
résistance
aux
besoins
narcissiques
L’hypothèse développée ici est que la configuration de l’enfant qui pousse à bout
est aussi celle de l’enfant qui résiste devant l’héritage ( cet héritage est
constitué par les besoins infantiles des parents qui n’ont pas suffisamment été
reconnus) imposé par les parents.
FREUD a mis en évidence la mission narcissique de l ‘enfant visant à assurer
l’immortalité du narcissisme parental et CICCIONE y ajoute la mission de
réparation de l’histoire parentale tandis que PIERA ANLAQUIER propose la
notion de « contrat narcissique ».
Celui-ci concerne non seulement le narcissisme des parents mais aussi le
narcissisme du groupe social.
L’enfant hérite non seulement des besoins infantiles du parent mais aussi des
fantasmes construits par le parent à partir des expériences traumatiques. Le
symptôme développé peut être considéré comme le témoin d’une transmission et
comme le témoin de la manière dont l’enfant lutte contre l’héritage transmis et
se débat avec le fantasme transmis.
2
Héritage narcissique, fantasmatique, imagaïque et incestualité
L’héritage des fantasmes et la pression des besoins narcissiques parentaux
peuvent parfois donner un caractère fortement incestueux au tiers parent /
enfant.
19
La tyrannie peut alors être vue comme une réponse à l’incestualité, la tyrannie
mettant en scène l’incestualité tout en la combattant.
3ERE
HYPOTHESE
: LA
LIMITE INTERNE A LA PULSIONNALITE
1 Quelques métaphores de la limite
o L’enveloppe psychique : tout se passe comme si l’enfant n’avait
pas construit suffisamment une enveloppe contenant dont le but
est de parer aux agressions et de donner le sentiment d’être
rassemblé.
o L’objet support : tout se passe comme si l’enfant n’avait pas
suffisamment intériorisé un objet support, un objet qui donne la
sécurité au-dedans.
o L’objet combiné bon : il s’agit d’un objet interne sécurisant qui
articule les pôles de la bisexualité psychique et les fonctions
maternelles et paternelles. Les qualités de solidité et de
résistance de l’enveloppe psychique se rapportent au pôle
paternel. Les qualités de réceptivité et de souplesse se
rapportent au pôle maternel. L’objet combiné bon articule
fermeté et souplesse, autorité et compréhension.
o L’objet attracteur : l’objet contenant attire la vie pulsionnelle et
émotionnelle du bébé. Il rassemble ainsi sa sensualité éparse et
crée les conditions de maintien d’une « consensualité »
MELTZER. Un enfant qui n’a pas de limites est souvent un enfant
qui non seulement ne peut se retenir mais aussi un enfant qui est
aussi violemment et vertigineusement attiré par l’objet, par
l’autre.
2 L’intégration du surmoi et l’éprouvé de culpabilité
Renoncer à la tyrannie s’opère grâce à l’éprouvé du sentiment de culpabilité,
lequel suppose l’intégration du surmoi. Mélanie KLEIN a montré comment ce
surmoi commence à s’intérioriser très tôt avec l’introjection de la mère
nourricière et comment la relation moi-surmoi est du type de la relation mèreenfant.
CLEOPATRE ATHANASSION fait la distinction entre le surmoi toujours
protecteur dont la fonction est de surveiller les activités du moi et les fonctions
internes et tout ce qui se fait passer pour surmoi et qui ne l’est pas mais qui est
l’expression de parties narcissiques, sévères, cruelles et tyranniques. Ce qui va
20
rendre compte du travail de protection du surmoi, de contenance de la
pulsionnalité c’est le sentiment de culpabilité.
La culpabilité témoigne d’un souci pour l’objet et d’un désir de réparation. C’est la
culpabilité de la position dépressive par laquelle le sujet renonce à la jouissance
narcissique, de l’objet.
WINNICOTT parle de stade de l’inquiétude.
Rôle de l’objet dans l’intégration du surmoi et la transformation de la
violence
Une attitude ferme et compréhensive peut être rassurante et faire vivre à
l’enfant une expérience selon laquelle la destructivité n’a pas détruit et peut
donc être contenue et transformée donc favoriser la symbolisation. On passe
ainsi de l’agi violent au symbolisé dans le jeu.
GENEVIEVE HAAG souligne la triple action de la mère :
 Limiter la destructivité en imposant la limite de la peau
 Transformer une pulsion destructrice
 Théâtraliser la violence pulsionnelle dont l’agi est destructeur mais dont le
fantasme est permis cette théâtralisation est une forme de symbolisation.
Si la destructivité n’est pas transformée, cela peut amener une confusion qui
s’accompagne d’un débordement émotionnel.
L’enfant agit violemment pour échapper à la confusion et va chercher la
contenance par la violence. Ce sont toujours des blessures narcissiques qui
génèrent des angoisses persécutoires confusionantes lesquelles déclenchent
des crises de viole
Modélisation Famille Enfant-Roi, Famille Enfant-Tyran
Janine Renier et Michèle Kramer
Présentation des diapositives 57 à 89
Article dans Revue Thérapie Familiale, Genève
21
La Résonance
Quelles pistes thérapeutiques pour Julien et sa famille ?
Avec des participants du groupe en séance plénière
Hannelore Schrod
Nathalie Famerée, Marc Fontaine, Franca Gianuzzi
Diapositives 90 à 108
A.- EN GUISE D’INTRODUCTION CONSTRUISONS UNE METAPHORE
Celle du Prince, du Roi, de l’Enfant Prince, des Parents Rois, de l’Enfant Roi
de l’Enfant Tyran
Plaidoyer pour des Enfants Princes au pays des Parents Rois, mort à la
tyrannie.
Le prince
L’enfance est un symbole d’innocence. Il représenterait l’état antérieur à
la faute dont l’état édénique symbolisé en diverses traditions par le retour à
l’état embryonnaire dont l’enfance demeure proche.
L’enfant est spontané, paisible, concentré, sans intentions ni arrièrepensées, Il est l’état préalable à l’obtention de la connaissance. Dans la tradition
chrétienne, les anges sont souvent représentés sous les traits d’enfants, en signe
d’innocence, de pureté.
Dans l’évolution psychologique de l’homme, les attitudes puériles ou
enfantines, qui ne se confondent en rien avec le symbole enfant, marquent des
périodes de régression ; à l’inverse, l’image de l’enfant peut indiquer une victoire
sur la complexité et l’anxiété, la conquête de la paix intérieure, de la confiance
en soi.
Le prince symbolise quant à lui la promesse d’un pouvoir suprême, la
primauté parmi ses pairs, quel que soit le domaine envisagé, il exprime d’autre
part les vertus royales à l’état d’adolescence non encore maîtrisées ni exercées
Une idée de jeunesse et de rayonnement est liée à celle de prince. Il fait plus
figure de héros que de sage. A lui appartiennent les grandes actions plus que le
maintien de l’ordre. Le prince et la princesse sont l’idéalisation de l’homme et de
la femme dans le sens de la beauté, de l’amour, de la jeunesse, de l’héroïsme. Le
prince symbolise la métamorphose d’un moi inférieur en un moi supérieur par la
22
force de l’amour. La qualité de prince est la récompense d’un amour total c’està-dire absolument généreux. Il peut arriver que le porteur de la lumière ne
répande plus que l’ombre. C’est la corruption du meilleur qui devient le pire.
Le Roi
Le Roi quant à lui est conçu comme une projection du moi supérieur, un
idéal à réaliser. Il devient une valeur éthique et psychologique. Son image
concentre sur elle les désirs d’autonomie, le gouvernement de soi-même, de
connaissances intégrales, de conscience. Le Roi est l’archétype de la perfection
humaine et il mobilise toutes les énergies spirituelles pour se réaliser, mais cette
image peut se pervertir en celle d’un tyran, où l’expression d’une volonté de
puissance mal contrôlée.
Un bon Roi est celui qui assure la prospérité de ses sujets. Les impôts et
les tribus montent vers lui et il les distribue en dons et générosités. Il est
distributeur et le mauvais Roi est celui qui lève les impôts sans accorder aucune
compensation. Sous un tel règne, toute fécondité de la terre, des plantes et
des animaux disparaît.
L’existence du roi est indispensable de par même son rôle d’équilibrateur
et de distributeur à la cohérence sociale.
En considérant ces quelques définitions : la perspective éducative ou
thérapeutique ne serait-elle pas d’inscrire l’enfant-roi dans une perspective
d’Enfant Prince afin de lui éviter une décompensation vers la tyrannie ? L’Enfant
Prince, protégé par des Parents Rois qui assurent la prospérité de leurs sujets
pourraient alors trouver un juste équilibre entre l’investissement narcissique et
l’investissement de la relation d’objet. Les Parents Rois pourraient service de
modèles identificatoires et permettre ainsi à leurs Enfants Princes de les
destituer en tant que modèles avant de se les réapproprier dans une dynamique
constructive axée sur le lien d’altérité. Ce travail d’autonomisation et de
différenciation est bien entendu essentiel. Les dynamiques d’Enfants Tyrans ne
naissent-elles pas d’une crainte à jouer et assumer le rôle de Roi, laissant ainsi
l’enfant à sa toute-impuissance dans un monde insécurisant où les angoisses
d’anomie, d’abandon, de non-constitution de soi sont légion.
23
B. – LA DEMANDE DE LA CONSULTATION
Comme dans toute consultation au sein de nos services, la première étape
consiste à écouter, analyser et clarifier la demande. Les situations que nous
rencontrons peuvent être très diverses ; cela peut aller des parents demandeurs
en grande difficulté avec leur enfant, aux parents qui viennent par obligation
envoyés par un tiers.
Dans les situations d'Enfant Roi, et encore de manière plus marquée pour
les situations d'Enfant Tyran, nous constatons que la demande est très souvent
portée par un tiers : école, PMS, services sociaux, SAJ, SPJ, médecin traitant, …
La prise en charge de telles situations nécessite un temps de reclarification de
la demande et de ré appropriation de celle-ci par la famille.
C. – LE TRAVAIL AVEC LES SITUATIONS D’ENFANT ROI ET D’ENFANT
TYRAN
Comme dans toute consultation familiale, il est important dans un premier
temps de comprendre la dynamique relationnelle qui occupe parents et enfants,
d’émettre des hypothèses concernant les raisons de l’établissement de celle-ci.
Voici d’ailleurs quelques hypothèses de base en vue d’étayer nos réflexions
concernant la place du thérapeute dans la problématique de l’enfant r
Les hypothèses de base en vue d'étayer nos réflexions concernant la place
du thérapeute dans la problématique de l'Enfant Roi
Nous aimerions vous parler tout d'abord du tout petit enfant, du bébé qui
n'a pas encore huit mois, qui vit avec son entourage (plus particulièrement avec la
personne qui lui administre les soins) dans une relation que l'on pourrait qualifier
d'anaclitique. Il s'agit d'une relation à deux où l'enfant est dépendant d'un de
ses parents, qui est le plus souvent la maman. L'enfant et son parent sont alors
dans une symbiose. Il n'y a pas encore de vécu d'intervention d'un tiers, donc
pas de vécu de triangulation. Pour l'enfant, la mère est indispensable et les
sentiments de dépendance vis-à-vis d'elle sont à leur comble. L'enfant n'a alors
pas encore intégré la notion de permanence de l'objet.
C'est aussi un moment où l'enfant ne tolère aucune frustration. La
satisfaction des besoins doit être immédiate. Il ne supporte aucun délai. Il est
dans l'ici et maintenant.
24
Vers huit mois, l'enfant va vivre ses premiers processus de séparation,
d'individuation. En même temps que la permanence de l'objet s'installe, naît
l'angoisse de l'étranger. La peur suscitée par la séparation, cette angoisse
anaclitique ou d'abandon est prégnante. Il s'agit d'une angoisse également
caractéristique des états limites, des névroses d'abandon, de certains éthyliques
et certaines toxicomanes, lesquels remplacent l'objet humain par une drogue
toujours disponible.
Aussi, afin de conserver l'objet anaclitique, si fragile et si vital pour
l'enfant, ce dernier doit le protéger des sentiments de haine et de destruction
qui ne manquent jamais de surgir lorsque l'objet fait défaut. Pour détourner
alors cette agressivité, afin de faire triompher la seule relation d'amour,
l'enfant recourt à la projection, au clivage, au déni et à l'idéalisation. Il entrave
dès lors l'intégration à la fois des bonnes et des mauvaises images des autres et
de soi, ce qui aboutit à une perception fausse, incomplète, floue des autres et de
soi et à des sensations de vide caractéristiques.
L'enfant tyran et ses parents semblent être figés dans ce type de relation
archaïque, duelle, où se vivent les prémices des processus de séparation mais où
la séparation reste source d'angoisse et où le tiers apparaît comme menaçant.
Tout comme le fonctionnement de l'enfant de huit mois, l'enfant roi ou l'enfant
tyran est dans le passage à l'acte, dans l'ici et maintenant, dans l'intolérance à la
frustration. Il n'est pas confronté à l'angoisse de castration, et il n'est pas
dans un processus de renoncement au sentiment de toute puissance. Aussi,
l'enfant roi ou l'enfant tyran semble être avec l'autre dans des relations
oscillant entre
harmonie, grande proximité et échanges agressifs, voire
destructeurs.
Si les hypothèses concernant la dynamique familiale pose la problématique
au niveau de la relation anaclitique et duelle, idéalement, l'objectif
thérapeutique serait d'accompagner les situations vers une relation triangulaire.
Le cadre contenant devrait alors être un support à des processus de
symbolisation, d'autonomisation, de différentiation, d'individuation, de prise de
conscience constructive de soi dans un rapport d'intégrité et d'altérité, en
permettant à chaque membre de la famille, parents et enfants, d'acquérir une
capacité d'ambivalence, c'est-à-dire de prise de conscience de soi et de l'autre
dans un contexte de respect des identités et des différences générationnelles.
Ces réflexions nous amènent à réfléchir au cadre de travail à proposer aux
familles et à leur enfant ainsi qu’aux différentes possibilités thérapeutiques.
25
D. – LA PLACE DU THERAPEUTE
Quelle que soit la prise en charge et le cadre contenant que nous
proposons aux familles, notre pratique nous amène à réfléchir sur les
représentations que celles-ci ont de nous.
Les familles sont déroutantes par leurs oscillations rapides qui les
amènent tantôt à idéaliser le thérapeute, tantôt à le dévaloriser.
Dans les situations où les parents sont en difficulté dans leur rôle
d’éducateur, nous voient-ils comme le bon éducateur, le redresseur, le sauveur, le
coach manager, l’agent de police, le juge, ou encore le parent, le grand-parent
bienveillant. Une réflexion s’impose donc sur la position que nous décidons nousmême d’occuper, consciemment ou pas, car n’oublions pas qu’il s’agit toujours
d’une « rencontre ». Les familles viennent avec les représentations qu’elles ont
de nous. Les thérapeutes agissent ou sont agis par leur résonance personnelle.
La résonance n’est pas un fait objectif, elle naît de la construction
mutuelle du réel qui s’opère entre celui qui la nomme et le contexte dans lequel il
se découvre en train de la nommer.
La notion de résonance est intimement liée à la personnalité du
thérapeute, à son affinité, à son histoire. Elle se développe en lien avec la
famille consultante et l’identité de cette dernière.
D’après Mony Elkaim, les résonances sont constituées d’éléments
semblables, communs à différents systèmes en intersection.
La résonance se manifeste dans une situation où la même règle s’applique à
la fois :
 à la famille,
 à la famille d’origine du thérapeute,
 à l’institution où le patient est reçu,
 au groupe de supervision.
Le vécu des thérapeutes dans le contexte des prises en charge de
situations d’enfant roi ou d’enfant tyran peut s’apparenter à un sentiment
d’impuissance, à de l’agacement, du rejet, de l’agressivité voire de la
violence. Ce vécu peut voyager vers l’un ou l’autre membre de la famille (de
l’enfant à l’un ou l’autre parent), d’un moment à un autre de la thérapie ou
de la séance.
26
La prise de conscience de ces phénomènes ressentis et observés nous
donne des informations précieuses sur le mode de relations qui circulent au
sein de la famille, ainsi que sur le type d’approche à mettre en place. Dans
l’exemple où le vécu du thérapeute touche à un sentiment de violence, on
peut examiner l’hypothèse que cette violence circule au sein de la famille,
voire même au sein des relations intergénérationnelles.
E. – Enfant Roi – Enfant Tyran et possibilités thérapeutiques
Plusieurs pistes en fonction des hypothèses du fonctionnement familial
peuvent être envisagées en fonction des hypothèses du fonctionnement familial :
Une thérapie familiale et Enfant Tyran
Fréquemment le symptôme de l’enfant révèle une souffrance familiale. Le
symptôme prend un sens au niveau transgénérationnel, lequel renvoie à des
problématiques non élaborées chez des parents ou chez l’un d’entre eux. La
violence de l’Enfant Tyran qui s’exprime à travers son symptôme nous a souvent
incités à travailler avec le système familial pour donner une autre compréhension
à la problématique vécue par la famille.
Une thérapie familiale et Enfant Roi
Nous envisageons moins fréquemment une thérapie familiale dans la
problématique de l’Enfant Roi, privilégiant une prise en charge du couple
parental et éventuellement une thérapie individuelle de l’enfant. En effet, il est
important de renforcer les parents, et ce travail entrepris devant les enfants
risque de les affaiblir un peu plus. Certains enfants peuvent se servir
ultérieurement contre leurs parents de ce qui a été dit en séance.
Un accompagnement familial (guidance familiale)
La clinique psychiatrique de l’enfant aborde des aspects liés au
développement de l’enfant et à la parentalité. La dimension éducative peut être
concernée, mais il ne s’agit nullement d’infantiliser les parents mais bien d’opérer
en co-construction, une recherche de nouveaux repères.
27
Un accompagnement du couple parental
Une guidance du couple parental nous paraît spécialement indiquée dans les
problèmes d’autorité parentale et de structuration familiale, caractéristiques de
la problématique de l’Enfant Roi. Il s’agit de proposer aux parents un lieu de
réflexion sur leurs valeurs éducationnelles et favoriser l’émergence des
attitudes en commun.
Une thérapie de couple
Cette proposition thérapeutique renvoie à l’hypothèse que le symptôme de
l’enfant occulte des difficultés conjugales qui concernent fréquemment l’intimité
du couple et la non-séparation envers la génération des parents ou encore un
conflit conjugal caché.
Cette indication peut se poser aussi bien dans la problématique de l’Enfant
Roi que de l’Enfant Tyran.
Une thérapie individuelle d’un parent
Dans les séparations du couple parental la notion de la dette relationnelle
envers l’enfant peut lui donner un pouvoir trop important
Cette notion de dette relationnelle s’exprime à travers des sentiments de
culpabilité chez les parents et s’inscrit souvent dans des relations non résolues
avec leurs propres parents.
Quand le surinvestissement de l’enfant, l’impossible autorité renvoie à un
problème de fond qui est propre au parent.
Une thérapie individuelle de l’enfant
Proposition d’un cadre contenant pour l’enfant ainsi qu’un espace qui
permet l’élaboration des processus de symbolisation, de différenciation,
d’autonomisation, d’individuation (rapport d’altérité – accès d’ambivalence).
Cet espace individuel s’avère souvent nécessaire pour aider l’enfant à quitter
sa position de toute-puissance.
Des prises en charge multiples
Collaboration entre professionnels d’une même équipe
Une thérapie de l’enfant parallèlement à une thérapie de couple, de famille
ou thérapie individuelle d’un parent peut permettre de créer cet espace
28
nécessaire à une différenciation et à une installation des frontières entre les
générations. Nous mettons souvent en place des prises en charge multiples (avec
des thérapeutes différents) pour ce type de problématique, partant
d’hypothèses que les espaces relationnels sont trop imbriqués et que la
séparation des espaces thérapeutiques peut déjà aider à un niveau analogique.
Collaboration entre professionnels de différentes institutions
Mise en place d’une collaboration avec les services extérieurs concernés par
la problématique (école, SAJ, SPJ, AMO, …).
Il est utile d’observer une nécessaire vigilance dans cette collaboration, même si
cela n’est pas spécifique aux familles qui nous occupent. Il n’est jamais inutile de
rappeler que le cadre d’intervention doit être clairement défini afin d’éviter la
confusion des rôles et le manège des disqualifications stériles souvent en miroir
avec le fonctionnement familial d’ailleurs.
F. – Outils thérapeutiques
Génogramme
Le Génogramme travaillé avec la famille s’avère d’une aide précieuse. Il
nous donne un accès « parlant » à l’axe transgénérationnel et permet à la famille
de visualiser à la fois les structures familiales, les transmissions, les répétitions
ainsi que les changements potentiels et les ressources.
A travers le
Génogramme la famille peut s’interroger sur ses Mythes et spécialement ceux qui
touchent à l’éducation des enfants et à l’autorité.
Nous avons formulé l’hypothèse que l’Enfant Tyran s’inscrit dans une
problématique transgénérationnelle de la violence et dans la transmission
paradoxale et transgénérationnelle des traumatismes.
Le Génogramme peut ouvrir cet espace d’interrogation sur la violence et
sur sa fonction dans la famille.
Génogramme Imaginaire (13)
Le Génogramme imaginaire s’avère intéressant dans la recherche des
ressources extra-familiales. Mettant en avant-plan des personnes capables de
fournir une aide dans la thématique qui préoccupe la famille mais pouvant aussi
29
montrer une grande solitude. Solitude du système familial que nous avons
souvent constatée dans notre travail thérapeutique et qui touche les deux
tableaux cliniques (Enfant Roi, Enfant Tyran)
Sculpture Familiale
La sculpture familiale est un outil spécialement apprécié par les enfants
qui leur permet de modeler les corps avec tout l’aspect ludique de l’outil. Nous
apprécions la sculpture familiale pour cette possibilité de faire sentir dans le
corps des sensations de confort, de sécurité, d’inconfort, de malaise, de crainte
… Cette approche « à travers le corps » fait vivre la famille dans l’ici et
maintenant des émotions souvent difficilement accessibles ou intellectualisées.
Mais nous restons très réservés sur l’emploi de cet outil dans la problématique
de l’Enfant Tyran qui pourrait « éveiller » des passages à l’acte en séance.
Test Fast (8)
Le test de FAST s’y prête bien aussi dans le travail avec les enfants pour
visualiser le fonctionnement familial et confronter la famille à ses compétences
de négociation.
Cet outil peut s’utiliser dans presque toutes les situations familiales mais
peut-être considéré comme moins impliquant que la sculpture familiale.
Jeu De L’oie Systémique
Le jeu de l’oie fait partie des objets flottants développés par Evelyne REY
et Philippe VAILLE (2)
Le jeu de l’oie ouvre la dimension historique de la famille en associant aux
différents éléments historiques le vécu personnel de chaque membre de la
famille.
Cet outil permet de travailler la complexité du système familial et de
toucher aussi la dimension des Mythes familiaux.
Mais l’outil important est le thérapeute lui-même avec ses
capacités d’empathie, son analyse de ses propres résonnances
et son attitude de multi partialité
30
Plaidoyer pour Julien et sa famille
Une option thérapeutique parmi d’autres
Michèle Kramer
Diapositives 109 à 110
.Mes
résonances
Le premier entretien avec Julien et sa famille m’a particulièrement et
sans doute personnellement interpellée Les propos de Julien faisant référence à
des idées suicidaire : « j’irai à l’école jusqu’à l’âge de 18 ans pour faire plaisir à
mes parents (on peut ajouter et aussi à la société qui institue l’obligation
scolaire jusqu’à 18 ans) et après j’irai rejoindre ma Mami m’ont très fort
touchées et cela quasi instinctivement.
Ma peur que Julien ne soit en danger suicidaire a d’emblée orienter mon
intervention ; celle de travailler uniquement en famille sans proposer que Julien
soit vu seul. Je souhaitais sans doute que mes inquiétudes se communiquent
rapidement aux parents afin de les rendre plus vigilants avant toute chose.
Ce faisant, J’ai eu plusieurs fois le sentiment d’être réduite à
l’impuissance compte tenu du fait que l’inquiétude était essentiellement la mienne
compte tenu de la banalisation de Luc et Catherine.
Ce sentiment d’impuissance dans la prise en charge des familles est
d’autant plus grand qu’il nous renvoie toujours tous inconsciemment à notre
propre famille, et ici, en ce qui me concerne à ma propre représentation du
monde faite d’un univers où notre enfant est notre roi, celui pour qui s’il le fallait
nous donnerions notre vie. (Lien avec exposé sur la résonance)
Travail en coordination
La psychologue du PMS a évidemment d’emblée orienté mes
appréhensions également avant même le premier entretien (rappel jeu de rôle).
Les propos de Julien s’expriment en effet aussi à l’école et Madame
Denis insiste pour que Julien recommence son année dans la même école car le
problème fondamental serait une dépression de Julien !!
31
Changer d’école ne ferait que déplacer le problème et sans doute
l’intensifier dans la mesure où Julien pourrait être entraîné encore plus à
multiplier les provocations afin de concerner un milieu scolaire qui ne le
connaîtrait pas encore.
Son indication d’une thérapie familiale est dictée essentiellement par
l’attitude éducative des parents qui oscillent en permanence entre des punitions
disproportionnées qu’ils ne savent de toute façon pas tenir ou un laxisme difficile
à comprendre face à des passages à l’acte inquiétants de Julien (cela
n’empêchera pas l’école de mettre Julien dehors en octobre alors que le
redoublement est accepté par la famille !!!)
En y réfléchissant, c’est sans doute dès cet instant que j’ai pu faire
preuve d’une empathie multidirectionnelle en vers tous les membres de la famille
compte tenu du manque de respect qui pouvait être ressenti tant par la famille
que par moi-même = en ce qui me concerne, commencer une prise en charge fin
juin, suivre l’indication du PMS pour qu’en octobre ( inscriptions des élèves
clôturées pour l’école), l’école ne tienne pas compte de la collaboration de la
famille qui a accepté une consultation difficile.
Thérapie familiale
C’est à partir de cet instant qu’une relation de confiance constructive a
pu réellement s’installer avec l’ensemble de la famille et me permettre ainsi
d’avoir accès à l’histoire familiale qui a participé à réduire la famille à
l’impuissance et à l’avènement du comportement tyrannique de Julien (lien avec
exposé Janine et moi).
Prises en charge multiples
Thérapie individuelle
Au fur et à mesure des entretiens, sans doute ai-je pu ainsi mieux
trouver les mots pour exprimer à chacun à quel point je comprenais qu’il était
vital pour eux que Julien trouve lui-même ses limites et proposer une thérapie
individuelle centrée sur cet objectif qui sera acceptée par chacun avec de la part
de Julien, un avertissement à prendre en considération : il faut que sa tête me
plaise (en faisant référence à mon collègue thérapeute individuel)
32
Thérapie de couple
Le mythe de l’accord à tout prix a naturellement fait que des entretiens
de Luc et Catherine, seuls chez moi continuent ; l’objectif défini ne concernant
que leur relation parentale. Ce faisant, et mine de rien, j’ai pu assez rapidement
avoir accès aux conflits niés et donc inconscients qui existaient entre eux de
par l’histoire familiale (lien avec exposé Janine et moi)
Evaluations conjointes régulières
La réflexion de Julien : il faut que sa tête me plaise m’a parue
suffisamment importante que pour proposer une rencontre me permettant de
présenter mon collègue psychologue à tous et à Julien en particulier dans le
cadre d’un entretien de famille en sa présence afin de permettre la mise en
route éventuelle du nouveau processus thérapeutique proposé. Celui-ci était
cependant subordonné à l’accord de Julien (c’est lui qui devait décider)
Lors de cet entretien, il fut question des limites du secret professionnel
judicieusement expliqué par mon collègue ce à quoi Julien répondra, « Bien - sur,
si je vous annonce que je vais cambrioler une banque, il faudra que vous le disiez
à mes parents ! ». Cette provocation nous a naturellement permis de mettre en
place la poursuite régulière d’entretiens d’évaluations réunissant tout le monde,
tous les trois mois. De plus, ils peuvent aussi être précipités selon les
circonstances, à la demande de mon collègue après que son inquiétude soit
d’abord travaillée avec Julien
Conclusion
Aujourd’hui, le travail continue et les parents de Julien ont également
demandé eux-mêmes une consultation individuelle pour Maxime pour prévenir
l’apparition des mêmes problèmes que Julien. Une réflexion de Luc mérite d’être
soulignée : « j’avais confondu « autorité » et « fermeté ».
33
Conclusions générales
Hannelore Schrod
Diapositives 111 à 112
Ainsi donc dans notre société, infiniment complexe, les enjeux de la parentalité
sont voués à toute une série de paradoxes que Françoise Hurstel (9) résume dans
les questions suivantes :

Comment conjuguer égalité citoyenne des enfants et des parents avec la
nécessité d’une différence des générations ?

Comment penser la question de la transmission ?
- Qui suppose une différence de position entre enfants et parents
- Un changement de statut des enfants vus comme des personnes avec
parole à respecter
- Dans une crise globale de l’autorité qui pousse les parents à interdire de
« frustrer »

Comment penser la place de l’enfant (issu du désir conjugal) ?
Si nous voulons tenter d’ébaucher une réponse très partielle à ce
questionnement, un détour plus philosophique s’impose :
« L’enfant est égal et différent de l’adulte »
Pierre-Henri Tavoillot (17) nous dit que l’enfant est égal parce qu’il est à la
fois membre à part entière du genre humain, mais il est différent parce qu’il est
dépendant.
Si on met en évidence l’égalité on place l’enfant dans la position du quasi adulte
et on nie alors sa condition d’être en devenir.
Si au contraire on privilégie surtout la différence on enferme l’enfant dans
l’enfance.
La co-existence des deux aspects permet une évolution de la position de
l’enfant vers celle de l’adulte. En l’absence de cette co-existence, l’enfant risque
de devenir un roi qui n’a besoin ni d’être éduqué, ni de grandir.
L’hypothèse de la nécessité de l’éducation postule la différence des
générations et implicitement celle de l’autorité parentale. Mot mal aimé à notre
époque ainsi que nous l’avons longuement évoqué, étant donné qu’il est
fréquemment assimilé à de l’abus de pouvoir.
34
S’il y a des enfants-rois, c’est qu’il y a des adultes qui les mettent à une place
de roi, et acceptent d’être leurs serviteurs. On peut se poser la question du
« pourquoi de cette attitude » ?
L’enfant-roi peut être vu comme une projection narcissique des parents. Il
devient alors le dépositaire des aspects régressifs des parents. Dans une
formule un peu provocante : « on pourrait dire que les enfants sont de plus en
plus adultes ; les adultes sont de plus en plus enfants ».
Nous étions séduites par les réflexions de Simone Korff (10) dans son livre
« Plaidoyer pour l’enfant-roi » où elle met en évidence que les enfants ne sont
pas si rois que cela.
Notre société est marquée par la toute puissance du désir, qui rend difficile la
tâche parentale qui consiste à mettre des limites. Cependant, au même moment,
certaines demandes des enfants, autrefois perçues comme légitimes, sont
aujourd’hui repoussées.
Exemples :
« Tu peux venir me chercher à l’école à 16h30 ? »
« Je n’aime pas la nounou qui me garde. »
« Je voudrais voir papa plus souvent. »
« Je n’aime pas partager ma maison avec les enfants de ton nouvel ami … »
Le discours social plutôt dévalorisant et alarmiste sur l’enfant-roi renvoie
plutôt à la déresponsabilité des adultes en niant les différences des statuts.
Pourrions-nous pourtant en revenir à une conception ancienne de l'enfant
comme un être "inférieur" soumis à la clairvoyance de ses parents ? Non, bien
sûr ! Notre travail thérapeutique doit favoriser l’émergence de solutions propres
à chaque famille et reconnaître, renforcer les ressources du système familial.
Quant au phénomène de l'Enfant-Tyran, si nous nous basons sur l’analyse que
nous venons de tenter de développer, il est nettement moins répandu, la
souffrance qu’il recouvre mérite toute notre attention au niveau thérapeutique.
35
Bibliographie
Diapositives 113 à 120
 Barudy J. (1997) : La douleur invisible de l'enfant. Approche écosystémique de la maltraitance, Erès Ramonville Saint Agne
 Chartier J.-P. (2005) : La famille mise à mal : les parents martyrs.
Topique, L’Esprit du temps pp. 121 à 127
 Chartier J.-P., Chartier L. (2002) : Les parents martyrs, passions,
haines et vengeances d’adolescents, Petite Bibliothèque Payot, Paris
 Ciccone A., lbert, Resnik S., Kaës R., Gambel Y., Catoire G., Meltzer D.
(2003) : Psychanalyse du lien tyrannique, Dunod, Inconscient et Culture,
Paris
 de Becker E., Lescalier-Grosjean I., Tilmans-Ostyn E. (2005) : La
‘famille/enfant-roi’ et la thérapie familiale, in Enfant- tyran, parents
coupables ? Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de
réseaux, 34, 1, pp. 13 à 34
 Debry M., (2005) :L’enfant tyran et ses parents, quand la tyrannie en
cache une autre, 56 pp.
 Dumas Jean E., (2002) : « Psychopathologie de l’enfant et de
l’adolescent », de boeck
 Ehrenberg A. (1998) : La fatigue d’être soi, Odile Jacob, Mayenne, à
partir de l’ouvrage L'individu incertain Pluriel, Hachette, Paris
 Esterez M., Andrianne D., Duchateau D., Dumez J., Fanon M., Fontana L.,
Hombleu P., Lecocq A., Monfort E., Trost S. (Année académique 20072008) : Psychopathologie relationnelle, l’adolescence, Rapport d’un travail
de groupe (Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education, Service
de Psychologie systémique du Professeur D’Amore S.- ULG- Liège
 Gauchet M. :
http://gauchet.blogspot.com/2006/05/bibliographie-et-mdiagraphie1971-2006.html
 Godechal J. (2007) : Le Mythe Familial, travail réalisé dans le cadre de la
formation au CFTF, Liège
 Hurstel F. (1997) : La déchirure paternelle, Puf, collection, l’Educateur,
Paris
 Korff Sausse S. (2006) : Plaidoyer pour l’enfant-roi, Hachette
littératures
 Naouri A. (2005) : Les pères et les mères, Odile Jacob, Mayenne
 Olivier C., (2002) : Enfants-rois, plus jamais ça, Albin Michel
 Petitot F. (2002) : De l’enfant-roi à l’enfant-victime : l’enfant oublié, in
Avatars et désarrois de l’enfant-roi, Col. Temps d’Arrêt, avec l’aide du
36










Ministre de l’Aide à la Jeunesse et de la Santé de la Communauté
française de Belgique : http://www.yapaka.be/index.php?node_id=51
Platteau G. (2005) : Je n’ai pas besoin de mots pour décider : l’emprise de
l’enfant sur le parent, in Enfant-Tyran, parents coupables ? Cahiers
critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 34, 1, pp. 35 à
52
Pleux D., (2002) : De l’enfant - roi à l’enfant – tyran, Edition Odile Jacob
(broché et poche)
Racamier P.-C. (1995) : L'inceste et l'incestuel, in dans les archives
Carnet Psy, article rédigé par le Pr. Lebovici S.
Racamier P.-C. (1995) : L'inceste et l'incestuel, Éditions du Collège,
Paris.
Renier J., Schrod H. (2008) : l’enfant-roi et sa famille, l’enfant-tyran et
sa famille, leurs environnements, Thérapie Familiale, Médecine & Hygiène,
prochainement disponible, Genève
Roussel L. (2001) : l’Enfance Oubliée, Paris, Odile Jacob,
Tavoillot P.-H. (2004) : Faut-il décapiter l’enfant-roi ? Journal le
Point, 10/06/04 - N°1656 - pp 114
Théry I. (1998) : Couple, filiation et parenté aujourd’hui. Le droit face
aux mutations de la famille et de la vie privée, Odile Jacob, Mayenne
Witkowski P. (2005) : Il est interdit d’obéir ou les dictatures familiales
dont les tyrans sont des enfants, in Enfant-Tyran, parents coupables ?
Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 34, 1,
pp. 53 à 67
Yonnet P. (2006) : Le recul de la mort, avènement de l'individu
contemporain, Gallimard, Paris.
37
Téléchargement