La France tentée par le « bon tyran

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La France tentée par le « bon tyran »
?
Les Français tiennent-ils vraiment à la démocratie
?
Voilà une question intéressante du point de vue du storytelling, parce que la
réponse est de nature à transformer sérieusement les histoires que nous
vivons.
En 2009, sur France Inter, Pierre Rosanvallon, historien et professeur au
Collège de France, également président de l’association La République des
idées, déclarait que la démocratie ne se résume pas au vote, mais que sans
vote il n’y a pas de démocratie. Dans le contexte de la campagne électorale
qui vient de se terminer, cette phrase prend tout son sens !
Que dire, alors lorsque l’on constate 26 % d’abstention et 12% de bulletins
blancs ou nuls aux dernières élections présidentielles ?
L’abstention électorale devient, certes, un mal récurrent mais un tel score,
jamais atteint lors d’une élection présidentielle, est le signe d’un malaise,
d’une déficience de notre système institutionnel et une forme de rejet
extrêmement fort .
Ne peut-on pas soupçonner également de la part des Français une tentation
sourde de renoncer à la démocratie pour appeler à l’avènement de ce qu’on
appelait dans la Rome et surtout la Grèce antique un « bon tyran » ?
Qu’il y ait ou non un « bon tyran » potentiel prêt à prendre le job, ça c’est
une autre question.
Mais qu’est-ce qu’un bon tyran ?
Initialement, tyran signifiait « maître », « chef ».
Dans la Grèce antique, le « bon tyran » est apprécié par le peuple, qui le
soutient (même si le contraire n’aurait rien changé à l’ordre des choses).
Le tyran Cypsélos de Corinthe pouvait, paraît-il, se promener
sans gardes en pleine ville sans risquer quoi que ce soit. Aucun
dirigeant d’aujourd’hui ne pourrait se le permettre. Le fils de
Cypsélos, le tyran Périandre, est même classé parmi les 7 Sages
de la Grèce antique, lui dont la devise était « prudence en
toute chose ».
Et si Jules César portait le titre de dictateur, c’est bien parce que le
peuple romain, plein d’admiration, le lui avait décerné.
Un bon tyran était à l’époque un chef qui régnait sans partage et parfois par
la terreur (Cypsélos et Périandre liquidèrent les aristocrates), mais faisait
le bien autour de lui.
Cypsélos est par exemple connu pour avoir réparti les terres agricoles de
manière plus équitable. Périandre supprima les impôts à Corinthe tout en
réalisant des grands travaux.
Sans que cela ne soit en rien rassurant, ne peut-on pas voir dans
l’indifférence populaire face à des propositions ou décisions
gouvernementales jugées liberticides par les parties adverses mais en tout
cas marquées par la volonté de redonner de la vigueur à la valeur
« autorité », l’amorce d’un appel du pied pour aller encore plus loin ?
Resterait encore, donc, à trouver quelqu’un qui accepterait d’être ce bon
tyran.
Aristote observait déjà que lorsque le peuple se sent menacé
dans sa suprématie il se choisit un protecteur et les oligarques
(lorsqu’un groupe restreint d’individus concentre le pouvoir) un
tyran.
Platon ajoutait que « tout excès provoque une réaction en sens contraire »,
une tyrannie naissant donc d’une grande liberté.
Les qualités du bon tyran :
ses partisans sont plus nombreux que ses détracteurs, il protège son peuple
en persuadant riches et pauvres que leur salut dépend de son maintien au
pouvoir et il évitera la haine et le mépris en récompensant lui-même ceux qui
le mérite et en laissant châtier par d’autres.
Machiavel conseillait aussi au tyran d’être intelligemment cruel, c’est-àdire juste au début pour assurer la prise de pouvoir sans poursuivre, en
laissant place à une politique recherchant le bien des sujets.
Parmi les tactiques proposées par Machiavel : la délégation de la cruauté à
un expert en la matière, exécuté dès sa tâche accomplie, pour le remplacer
par de vrais organes de justice.
Autres conseils de Machiavel : paraître pitoyable, être fidèle, intègre,
humain, religieux… en étant prêt à faire le contraire si nécessaire.
Autre habileté encore, soulignée par l’Académicien et homme de
la droite extrême Jacques Bainville, en parlant du dictateur
athénien Périclès : « son habileté consista à persuader le
peuple qu’il se gouvernait lui-même alors qu’en réalité ce qui
lui était proposé avait été filtré de tout antagonisme ».
Gare pourtant à celui qui accepterait le rôle de bon tyran : à la fin de
l’histoire, les tyrans sont la plupart du temps assassinés.
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