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Dessous des Cartes : Quels enjeux de sécurité en Asie-Pacifique ?
Jean-Christophe Victor,
présentateur
Aujourd’hui, nous allons aller de l’autre côté de la planète, car la région Asie-Pacifique est depuis une
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dizaine, peut-être une quinzaine d’années, le nouveau centre de l’économie mondiale, le lieu d’une
nouvelle course aux armements conventionnels et de nouvelles tensions stratégiques entre la Chine et
le Japon. Alors à l’aide de quelques cartes de cette région, nous allons essayer de comprendre quels
sont les enjeux autour de ce nouveau centre de l’économie et de la politique mondiale.
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Alors de quoi et d’où parle-t-on exactement ? L’Asie-Pacifique recouvre géographiquement l’océan
Pacifique bien sûr, l’Asie de l’Est, les États-Unis, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les îles
du Pacifique, notamment la Papouasie-Nouvelle-Guinée et Fidji. Les autres riverains du Pacifique,
c’est-à-dire les États d’Amérique centrale et latine, l’Extrême-Orient russe, mais aussi l’Inde
interagissent avec la région Asie-Pacifique, mais ils ne sont pas pris en compte dans notre réflexion
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cartographique d’aujourd’hui, car ce concept d’Asie-Pacifique en fait est assez récent. Il est apparu
dans les années 60, venant comme légitimer l’implication des États-Unis dans les affaires asiatiques.
Donc, l’Asie-Pacifique, dans cette acception en 2013, représente plus d’un tiers de la population
mondiale, elle forme plus de la moitié du PIB mondial, puisqu’on y trouve trois des plus grandes
puissances économiques du monde - les États-Unis, la Chine, le Japon - mais aussi parce que dans
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cette gion se trouvent de vastes zones de coopération économique ou de libre-échange : lASEAN*
dont on voit ici les États membres et qui forme la principale organisation économique, politique et
culturelle en Asie du Sud-Est ; il y a l’APEC - Coopération économique de l’Asie-Pacifique - créée en
1989 et qui est un forum intergouvernemental qui regroupe 20 États de la zone - dont on voit ici les
capitales - plus Hong-Kong ; et enfin, en court d’élaboration, le partenariat transpacifique qui pourrait
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réunir douze États de la zone, mais sans intégrer la Chine.
Le commerce maritime entre les côtes américaines et asiatiques est évidemment majeur, notamment
en mer de Chine ridionale transite la moitié du tonnage marchand international. On a donc une
très forte intensité des échanges commerciaux entre les États de la région. Or, elle s’accompagne d’un
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fort accroissement des dépenses militaires. Voici quelques chiffres qui concernent précisément les
dépenses pour les forces armées, la production et le commerce des armes conventionnelles selon le
SIPRI** pour l’année 2000 en Amérique du Nord, en Asie de l’Est et en Océanie. Et puis, voici
maintenant les chiffres en 2012. Eh bien, en Asie de l’Est, on voit que les penses militaires ont
doublé ces douze dernières années. Et tout cela peut sembler contradictoire puisqu’en principe le
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commerce est censé rapprocher.
Allons voir de plus près en Asie de l’Est. Regardez ce graphique : l’évolution des penses militaires
du Japon, puis de la Corée du Sud, de Taïwan et de la Chine. Ces pays sont les principaux acteurs de
l’effort de défense dans la région, et on voit que la Chine est passée très loin devant. Les dépenses
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militaires chinoises sont en effet passées de 37 milliards de dollars en 2000 à 166 milliards de dollars
en 2012. Donc, elles n’ont pas doublé ces douze dernières années, mais, en fait, elles ont quadruplé.
Aujourd’hui, la Chine est devenue le 2e budget militaire du monde avec presque 10 % des dépenses
militaires mondiales, soit loin derrière les États-Unis qui en représentent près de 40 %. Pékin affecte
ce budget en croissance pour moderniser son armée, notamment sa marine. À l’ouest, elle étend ses
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activités militaires dans l’océan Indien, car elle dépend des routes maritimes qui la relient au Moyen-
Orient et à l’Afrique pour ses approvisionnements en matières premières, énergétiques et minérales.
Or, l’océan Indien est dominé depuis longtemps par des puissances qui ne sont pas de la gion,
notamment par les marines américaine, anglaise et française. À l’est maintenant, la Chine étend ses
activités miliaires dans le Pacifique et plus particulièrement en mer de Chine orientale et méridionale
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qui sont vues par Pékin comme sa zone d’influence historique. C’est une représentation héritée de la
Chine impériale qui exerçait sa suzeraineté sur tout le pourtour de la mer de Chine. Et ce legs
historique fait qu’aujourd’hui la Chine s’oppose à Taïwan, autour des îles Pratas - nommées Dongsha
en chinois - au Japon, autour des îles Senkaku - ou Diaoyu en chinois. La Chine fait patrouiller des
navires miliaires dans les eaux territoriales japonaises et vient parfois violer l’espace aérien japonais.
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En novembre 2013, Pékin a déclaré unilatéralement cet espace comme zone aérienne d’identification
chinoise, c’est-à-dire que tout aéronef doit s’identifier préalablement. Il y a aussi au Vietnam
l’opposition autour des îles Paracels - ou Xisha en chinois - et enfin les îles Spratly - Nansha en chinois
- qui sont revendiquées par la Chine donc, Taïwan, le Vietnam, les Philippines, la Malaisie et le
Sultanat de Brunei. Cette mer de Chine est une zone riche en pétrole, en gaz naturel, en ressources
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halieutiques. On est , on l’a vu, sur une voie maritime très importante pour le commerce maritime
mondial et l’île de Hainan abrite la grande base de sous-marins lanceurs d’engins chinois.
Les nouveaux dirigeants chinois ont affirmé publiquement qu’ils souhaitaient que la Chine devienne
une grande puissance maritime et dans les faits, on constate qu’il y a développement d’une force
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navale chinoise diversifiée. Aujourd’hui, la Chine dispose d’environ 60 sous-marins, d’un porte-avions
de conception soviétique acheté à l’Ukraine. Les premiers porte-avions de conception chinoise
pourraient être opérationnels avant 2020. kin développe un missile balistique antinavire - je cite -
« tueur de porte-avions », capable d’atteindre les forces navales américaines dans le Pacifique. Mais
cela dit, les militaires chinois ne maîtriseraient pas encore les systèmes satellitaires permettant de
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suivre les cibles et de guider ce type de missiles. sultat, la posture chinoise et la montée en
puissance des dépenses militaires chinoises, plus 314 % en 10 ans, ont entraîné une course aux
armements en Asie du Sud-Est. On note que sur la même période, le taux de croissance des dépenses
militaires est de 131 % au Vietnam, 125 % en Indonésie, 84 % au Cambodge, 61 % en Thaïlande,
35 % en Malaisie et 30 % aux Philippines.
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Maintenant, autre dossier majeur dans la région Asie-Pacifique qui s’ajoute à cette course aux
armements conventionnels, c’est l’évolution de l’arsenal nucléaire nord-coréen. La Corée du Nord a
procédé à son 3e essai nucléaire en février 2013, après ceux de 2009 et de 2006. Ces essais sont
accompagnés depuis plusieurs années, on le sait, de la mise au point de missiles nord-coréens à
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courte, moyenne et maintenant à longue portée. Regardez sur la carte la portée de ces missiles. Il y a
le missile Musudan, plus de 3000 km, qui est opérationnel, le missile Taepodong-2, plus de 6000 km,
qui est en développement. La Corée du Sud et le Japon peuvent ainsi en devenir les cibles, ainsi que
de nombreuses bases ou facilités américaines dans le Pacifique. On repère sur la carte les principales
bases américaines de Guam et Okinawa et c’est à Hawaï qu’est basé le Commandement du Pacifique,
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c’est-à-dire USPACOM. Cette vulnérabilité potentielle renforce Washington dans son intention de
déployer son système de défense antimissile, ou appe autrement bouclier antimissile, sur la côte
ouest des États-Unis, mais aussi en Asie. Regardez dans le tail les divers déploiements. Sur l’île de
Guam, une batterie antimissile conçue pour intercepter des missiles pouvant aller jusqu’à 3000 km de
portée. Dans le Pacifique occidental entre le Japon et la Chine, avec les patrouilles de deux destroyers
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antimissiles depuis le printemps 2013. Au Japon, le premier radar du bouclier antimissile implanté en
2006 dans le nord du Japon sera complété en 2014 par un second radar déployé sur la côte au centre
du pays. De plus, les Philippines pourraient faire revenir les États-Unis sur la base aéronavale de Subic
Bay au nord de Manille : elle fut l’une des plus grandes bases navales américaines en Asie pendant la
guerre du Vietnam et aujourd’hui, elle serait bien positionnée pour suivre la trajectoire des missiles
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balistiques lancés depuis la Corée du Nord ou depuis la base chinoise de Hainan.
En 2012, sur la base australienne de Darwin, Washington a envoyé 250
Marines
américains, c’est un
effectif qui devrait passer à 1000 hommes en 2014, ce qui fait que les alliés traditionnels de
Washington, mais aussi bien de nouveaux États, demandent donc un renforcement de la présence
militaire américaine dans la région. En 2012, les États-Unis ont même pu réimplanter des facilités
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militaires au Vietnam, à Cam Ranh Bay, dont ils avaient été chassés lors de la défaite américaine au
Vietnam en 1973. Résultat, aujourd’hui, 60 % des forces aériennes extérieures américaines se
trouvent dans la région Asie-Pacifique et 60 % de leurs forces navales devraient y être basées d’ici
2020, soit 8 navires de plus qu’actuellement selon les déclarations du secrétaire d’État à la Défense,
Chuck Hagel, en juin 2013, à l’occasion d’un sommet sino-américain en Californie.
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Alors, on l’a compris, face à cette montée en puissance militaire de la Chine, mais aussi devant
l’importance commerciale et économique de cette région du monde, les États-Unis ont décidé de
pivoter. Alors, pivoter cela veut dire faire basculer le centre de gravité de la stratégie et de la politique
étrangère américaine d’un monde atlantico-centré, tourné vers l’Europe et le Moyen-Orient, vers un
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monde pacifico-centré, beaucoup plus tourné vers l’Asie, parce que , il y a bien sûr la Corée du
Nord, mais il y a aussi la Chine qui a une posture tout à fait schizophrénique. D’une part, une
économie chinoise totalement mondialisée avec une grande interdépendance avec les économies
japonaise, européenne, américaine ; et de l’autre, Pékin qui affiche ce besoin d’une montée en
puissance militaire, de jouer sur la corde nationale, voire nationaliste, pour flatter l’opinion publique
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chinoise qui est en fait de plus en plus critique vis-à-vis du pouvoir central chinois. Alors, quand on
voit les actions des autres États en Asie, il n’est pas sûr que ce calcul de Pékin soit finalement d’une
grande subtilité.
Biblio
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Vous pouvez lire les rapports du GRIP qui concernent la gion Asie-Pacifique, c’est un groupe de
recherche que nous aimons bien qui est basé à Bruxelles. Vous pouvez lire
La Chine est-elle une
menace militaire ?
de Pierre Picquart aux Éditions Favre,
L’Asie-Monde : chroniques sur l’Asie et le
Pacifique
aux Éditions du CNRS, et puis
La tentation de l’Orient - Une nouvelle politique américaine
en Asie-Pacifique
de Barthélémy Courmont aux Éditions Septentrion.
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*
ASEAN (ou ANASE) = Association des nations de l'Asie du Sud-est
** SIPRI = Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (en anglais : Stockholm International
Peace Research Institute)
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