jacques winter

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J W . G e s ti on d e Fo r tu n e s
J a c q u e s W i n te r
RUE DE NEUCHATEL 1, 1400 YVERDON-LES-BAINS
TÉLÉPHONE : 024 423 53 70
Lettre boursière aux investisseurs/ No 2.
Juin 2003
La psychologie des marchés
La chose la plus difficile à effectuer pour la plupart des investisseurs est de rester liquide alors
que le marché monte. En effet, il est émotionnellement beaucoup plus facile d’être « dans »
un marché qui baisse plutôt que d’être « en-dehors » d’un marché haussier. Ceci n’est pas
seulement une vérité pour les investisseurs privés ; beaucoup de professionnels sentent une
énorme pression d’être investi dans chaque période haussière, si brève soit-elle. D’où une
grande méfiance de la part des gérants de fonds de détenir une part importante de liquidités
malgré la baisse boursière des trois dernières années.
Très souvent, une réponse émotionnelle lors d’un mouvement boursier nous pousse à une
action opposée à ce que nous devrions faire. D’un point de vue objectif (non émotionnel), il
est plus agréable d’être « en-dehors » tout en souhaitant faire partie du train, plutôt qu’à
l’intérieur en regrettant d’y être. Il est en effet plus facile de se refaire d’une opportunité
manquée, alors qu’il est toujours très difficile de rattraper le terrain perdu lors d’une perte
importante.
Lors des cinq hausses correctives du marché baissier depuis 2000, la « peur » de ne pas
participer à celles-ci a généré d’énormes pertes aux investisseurs. Cette psychologie devrait
continuer à les pénaliser dans les années à venir.
Lors d’un marché haussier, « M. Marché » fait tout ce qu’il peut pour ne permettre qu’à un
minimum de personnes d’en profiter. « Il » est très fort à rendre le maximum d’investisseurs
enthousiastes après une forte hausse, et les faire paniquer après une baisse corrective.
Son travail est facilité par la nature humaine d’extrapoler la tendance la plus récente ainsi que
de se sentir très à l’aise en compagnie de la majorité de ses congénères.
Le dernier exemple en date est la hausse du marché de l’or. Le récent mouvement haussier du
métal jaune a culminé à $ 390 au début février, alors que les analystes les plus sceptiques
commençaient à sortir des commentaires positifs sur son potentiel. Ces mêmes analystes ont
tourné leur veste fin mars après la saine correction sur son support de $ 320 (voir
commentaire dans la « lettre boursière aux investisseurs/No 1). Depuis lors, les cours sont
progressivement remontés, proches de leurs anciens sommets, consolidant entre $ 350 et $
370. Ce ne sera certainement pas avant que le cours repasse au-dessus de $ 400 que l’intérêt
général reviendra et annoncera une nouvelle période de correction. Nous ne sommes qu’au
tout début d’une longue hausse de l’or qui devrait amener son cours au-delà de celui qui
prévalait au début des années 80. Malheureusement, peu d’investisseurs participeront, trop
préoccupés qu’ils sont, par les mouvements à court terme dus
aux fluctuations
psychologiques.
A l’opposé, « M. Marché » est également très à l’aise pour faire en sorte que la majorité des
participants restent investis dans les périodes de baisses prolongées, et même, à leur faire
investir encore plus au sommet de chaque rebond. Cela a été le cas depuis trois ans. Avec
comme exemple le plus flagrant, les « nouveaux marchés » qui pour certains ont perdu
jusqu’à 90 % de leur valeur, entraînant plus d’investisseurs avec chaque rebond passager.
-2Combien d’investisseurs ont gagné de l’argent avec le marché japonais ? Qui a profité de la
hausse des années 70 et 80 et qui a vu l’indice Nikkei culminé à 40'000 en décembre 1989 ?
Qui n’a pas acheté proche du sommet, alors que les analystes prévoyaient 100'000 pour la fin
de la décennie ?
Je souhaite aujourd’hui tirer quelques parallèles intéressants entre l’évolution du Nikkei
depuis son sommet de 1989 jusqu’à nos jours, avec celui du marché américain entre 2000
(son sommet) et les dix à quinze prochaines années. Bien qu’il soit évident que des
particularités existent entre différentes périodes et économies, nous pouvons constater de
grandes similitudes entre le Nikkei et le SP500 lors des trois dernières années. (Le grand
spéculateur boursier du début du siècle dernier, Jesse Livermore, disait : « Nulle part l’histoire
ne se répète aussi souvent et uniformément qu’à Wall Street »).
Après avoir flirté avec sa moyenne mobile des 200 jours depuis son sommet de décembre
1989, le Nikkei l’a cassée approximativement après la même période de baisse que vient de
connaître le SP500. Quand le Nikkei a cassé de manière évidente sa moyenne 200, la
moyenne 50 est passée au-dessus de celle des 200 (appelée « golden cross » par les
techniciens), mouvement qui vient d’être accompli par le SP500.
Plutôt que la fin de la baisse annoncée par cette configuration technique, le Nikkei a atteint,
dans les semaines qui suivirent, un sommet qu’il aura fallu attendre plus de trois ans pour
l’égaler à nouveau. De plus, l’indice a fluctué entre 21200 atteint en mai 1993 et 14000
pendant les huit années suivantes, soit jusqu’en 2001, avant de casser la résistance et tomber
jusque vers 8000.
Malheureusement la cassure de la
MA 200 n’a pas marqué le début
d’un nouveau marché haussier.
Similitude ?
-3De plus, les brefs passages de l’indice japonais au-dessus de la résistance de sa formidable
formation « tête épaule » n’ont pas empêché le marché de se diriger sur son objectif final.
Il en est actuellement de même avec le SP500 qui est en train de venir tester par le bas cette
même structure « tête épaule ».
La résistance de la ligne de cou a été
brièvement dépassée plusieurs fois, mais a
empêché toute hausse depuis plus de 10 ans.
-4-
Pour ceux qui pensent que nous sommes les témoins de la fin de la baisse du marché des
actions, les points évoqués ci-dessus permettront de faire quelques réflexions. Peut-être que,
tant pour les baissiers que pour les haussiers, les périodes d’investissement les plus difficiles
sont encore devant nous. Cela ne signifiera vraisemblablement pas une destruction des prix ;
celle-ci s’est déjà produite, mais plutôt confusion et frustration.
Il y a environ un mois, Barton Biggs de Morgan Stanley a écrit un article relativement
optimiste sur la bourse, basé largement sur le fait qu’un grand nombre de gérants de fonds de
pension étaient sous-investis en actions. Tout comme les gérants de fonds d’actions, ils ne
sont pas payés pour analyser les marchés de manière indépendante, mais pour maintenir une
performance relative similaire à la concurrence. Cette dernière hausse a certainement ravivé
des craintes parmi les investisseurs institutionnels qui craignent de ne pas répliquer la
performance de leur benchmark. N’est-ce pas de cette manière que de larges caisses de
pension se sont retrouvées en situation difficile suite à l’euphorie des années 90 en suivant
aveuglément le troupeau ?
JW. Gestion de Fortunes
Jacques Winter, 13 juin 2003
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