L’EGLISE CATHOLIQUE GABONAISE ET L’EDUCATION DES JEUNES A
LA LUMIERE DU DISCOURS OFFICIEL
La présente réflexion nous a été inspirée par le discours prononcé par
Paul Mba Abessole, Président du Rassemblement Pour le Gabon (RPG), lors de
la cérémonie de présentation des vœux des militants de son Parti, le 16 février
2013.
A cette occasion, le leader du RPG avait déclaré : « Aujourd’hui, nous
devons donner à tous des chances égales…Notre problème de fond est celui de
la formation. A cet égard, pour préparer l’avenir, notre attention doit porter
particulièrement sur les enfants d’origine modeste, filles ou garçons qui sont les
plus nombreux. Ceux de ma génération savent que les collèges secondaires
catholiques : Bessieux, Immaculée Conception, Quaben, Saint Gabriel, Val
Marie, Jésus Marie, etc. ont été fondés, avant tout, pour les enfants d’origine
modeste. Et les gouvernements des premières années de l’indépendance dont
les moyens étaient très limités leur accordaient des subventions pour leur
fonctionnement, de sorte que les enfants qui y entraient ne payaient pas les
frais de scolarité. Ces établissements sont actuellement inaccessibles aux
enfants des démunis qui se demandent, les larmes aux yeux, où est passé
l’enseignement catholique. Que s’est-il donc passé, depuis 1990 ? Que d’enfants
doués sacrifiés ! Une conscience religieuse peut-elle rester indifférente devant
cette situation ? ».
Avant de revenir sur les propos de Paul Mba Abessole, il nous faut
convoquer certains discours officiels de l’Eglise Catholique, à l’instar du Concile
Vatican II, plus particulièrement la Constitution pastorale, Gaudium et Spes,
Gravissimum Educationis relatif à l’éducation chrétienne et les interventions de
l’Evêque de Rome, le Pape François. Cette démarche pourrait nous permettre
de nous faire une tête sur les orientations de l’Eglise et de mieux apprécier
l’attitude de l’Eglise catholique gabonaise.
Pourquoi Vatican II ? Deuxième Concile Œcuménique du Vatican, Vatican
II est le 21ème concile considéré comme l’événement le plus marquant de
l’histoire de l’Eglise Catholique au XXème siècle qui symbolise une ouverture au
monde moderne et à la culture.
Par ailleurs, la relation de l’Eglise au monde moderne est l’objet de la
constitution pastorale, Gaudium et Spes. La Constitution pastorale marque un
tournant dans la vie de l’Eglise. Celle-ci passe d’une relation avec le monde
moderne faite essentiellement de méfiance à une relation de solidarité avec les
hommes.
Les premières lignes du Gaudium et Spes sont célèbres :
« Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce
temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et
les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien
de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. »
Gaudium et Spes affirme la nécessité du développement, dans la mesure
l’homme doit renforcer sa maîtrise sur la création et instituer un ordre
politique, économique et social au service de l’homme.
S’agissant du Gravissimum Educationis qui a tenu compte de l’extrême
importance de l’éducation dans la vie de l’homme, la formation des jeunes
revêt une véritable urgence. Au regard de la mission qui lui a été confiée par le
Christ, « notre Sainte Mère l’Eglise doit se soucier de la vie humaine dans son
intégralité, et même de la vie terrestre en tant qu’elle est liée à la vocation
céleste ; aussi-a-t-elle un rôle à jouer dans le progrès et le développement de
l’éducation. C’est pourquoi le Concile proclame quelques principes
fondamentaux sur l’éducation chrétienne, surtout dans les écoles. »
Consciente du fait que tous les hommes jouissant de la dignité de
personnes ont un droit inaliénable à une éducation, l’Eglise, à travers le
Gravissimum Educationis, reconnaît que « le but que poursuit la véritable
éducation est de former la personne humaine dans la perspective de sa fin
suprême, en même temps que du bien des sociétés dont l’homme est membre…
Il faut donc aider les enfants et les jeunes gens…à développer harmonieusement
leurs aptitudes physiques, morales, intellectuelles, à acquérir graduellement un
sens plus aigu de leur responsabilité, tant dans l’effort soutenu pour mener
droit leur vie personnelle que dans la poursuite de la vraie liberté… Qu’ils
reçoivent, en outre, une formation à la vie en société… qui les rende capables de
s’insérer de façon active dans les différents groupes de la communauté
humaine… »
Le Concile demande aussi instamment à tous ceux qui gouvernent les
peuples ou dirigent l’Education de prendre garde que jamais la jeunesse ne soit
frustrée de ce droit sacré. La responsabilité de l’éducation concerne, à un titre
particulier l’Eglise. C’est ainsi que « comme Mère, elle est tenue d’assurer
l’éducation qui imprégnera toute leur vie de l’Esprit de Dieu ». Aussi ce Concile
exhorte-t-il avec force les pasteurs et tous les fidèles à n’épargner aucun
sacrifice pour aider les écoles catholiques à remplir chaque jour plus fidèlement
leur tâche.
S’agissant du Pape François, il se réfère souvent à Saint François d’Assise,
symbole de la paix, d’austérité et d’assistance aux pauvres. Aussi place-t-il la
pauvreté au cœur de son pontificat.
C’est ainsi que face à des milliers de représentants de la presse
mondiale, le pape François s’est fait l’avocat d’une « Eglise pauvre pour les
pauvres ».
Il n’a de cesse de dénoncer l’égoïsme qui menace la vie humaine et la
famille. A ce sujet, l’homélie de sa messe d’installation a été centrée sur la
nécessité de « protéger », de « respecter » et de « servir » chaque personne et
d’en être des gardiens. « Quand l’homme manque à cette responsabilité, quand
nous ne prenons pas soin de la création et des frères, alors la destruction trouve
une place et le cœur s’endurcit», avertit l’Evêque de Rome.
S’agissant particulièrement de la formation des hommes, le Père
Libermann, fondateur de la Congrégation du Saint Esprit avait insisté tant et
plus sur l’éducation morale et intellectuelle que ses missionnaires devaient
donner aux peuples évangélisés. Cette formation, réservée à tout le monde et
plus particulièrement aux cadres de l’Eglise, devait leur permettre d’acquérir
un profil de meneurs d’hommes dotés d’une détermination exceptionnelle.
Au regard de tout ce qui précède, que fait l’Eglise catholique gabonaise
pour être en phase avec les orientations données par Vatican II et les positions
du nouveau Pape relativement aux jeunes issus des familles pauvres ?
Si les écoles catholiques étaient ouvertes à l’ensemble des jeunes
gabonais dès les premières années de l’indépendance, leurs portes ont
commencé se fermer aux jeunes des familles pauvres au cours des années 70.
En effet, c’est en ce moment que ces établissements scolaires ont exigé
des frais d’inscription qui n’étaient pas à la portée des travailleurs payés au
SMIG fixé à cette époque à 17000 FCFA. Nous signalons, à ce sujet, que cette
augmentation des frais d’inscription a été à l’origine d’une crise au Collège
Bessieux durant l’année scolaire 1974-1975. Les frais d’inscription étaient
passés de 8000 FCFA à 25000 FCFA, alors que le SMIG était de 17000 FCFA. Les
salles de classe se sont vidées à près de 80%, car les élèves qui ne s’étaient pas
acquittés de leurs frais étaient chassés. Face à cette situation, les élèves
avaient adressé une pétition à la Direction nationale de l’enseignement
catholique pour protester contre cette décision qu’ils jugeaient inique et
inhumaine. On eut droit à une confrontation entre le Directeur national de
l’enseignement catholique, le Directeur du Collège Bessieux et les élèves. Le
montant des frais fut revu à la baisse (12500 FCFA).
Mba Abessole aurait dire : « Que s’est-il donc passé depuis 1974 ? ».
En dépit des subventions accordées à l’Enseignement catholique et la prise en
charge totale des personnels enseignants par l’Etat, les frais de scolarité ne
cessent de s’accroître de manière fulgurante. De 8000 FCFA au début des
années 70, ils dépassent présentement 125000 FCFA, dans le premier cycle du
secondaire. C’est ainsi que les portes se sont définitivement fermées aux
enfants issus des familles pauvres. L’Eglise catholique gabonaise semble
tourner le dos aux orientations de Vatican II qui demande instamment à tous
ceux qui gouvernent les peuples ou dirigent l’Education de prendre garde que
jamais la jeunesse ne soit frustrée de ce droit sacré, dans la mesure les
jeunes constituent l’espérance de l’Eglise. Les responsables de l’enseignement
catholique du Gabon ne semblent accorder aucune importance au fait qu’ils ne
doivent épargner aucun sacrifice pour aider les écoles catholiques à remplir
chaque jour plus fidèlement leur tâche. En augmentant abusivement les frais
de scolarité, on exclut et un grand nombre d’enfants du système. Cette
pratique ne peut donc permettre la construction d’une « Eglise pauvre pour les
pauvres », comme le souhaite le Pape François. En fermant la porte de ses
écoles aux enfants issus des familles pauvres, l’enseignement catholique
gabonais manque à sa responsabilité qui est la sienne, à savoir : protéger,
respecter et servir chaque personne. De ce fait, il fait place à la destruction et à
l’endurcissement des cœurs.
En définitive, les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des
hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, ne
sont plus aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des
responsables de l’Eglise Catholique du Gabon. Ne dit-on pas qu’une église
locale vaut ce que vaut sa capacité d’éducation ?
L’Eglise catholique gabonaise devrait se ressaisir en se mettant au
diapason des orientations du Vatican relatives aux missions de l’Enseignement
catholique, pour une meilleure relation de solidarité avec le peuple gabonais.
Elle ouvrira alors l’horizon de l’espérance face à tant de traits de ciel gris.
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