1 - polys-ENC

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Polycopié National des Enseignants de Cardiologie / 2002-2003
ISCHEMIE AIGUE DES MEMBRES INFERIEURS
P. LERMUSIAUX - B. CHARBONNIER CHU Trousseau Tours
I - MECANISMES DE L'ISCHEMIE AIGUE
Lorsqu'un vaisseau principal s'obstrue de deux choses l'une : soit ceci se fait de manière progressive
et le réseau collatéral va pouvoir se développer. L'obstruction sera alors plus ou moins
symptomatique, mais rarement aiguë. Soit l'obstruction est brutale, par exemple dans le cas d'un
embol venant du coeur et allant bloquer une artère saine, ou lors de la survenue d'une hémorragie
dans une plaque d'athérome transformant une plaque peu sténosante en une thrombose, avec
formation de thrombus en amont et en aval. En cas d'obstruction brutale, va se développer une
ischémie aiguë. Le siège de l'obstruction va aussi influencer la symptomatologie clinique. Une
obstruction d'une bifurcation artérielle laissera peu de possibilités à la collatéralité de se développer.
Parmi les causes d'ischémies aiguës, on distingue habituellement l'embolie d'origine cardiaque
survenant sur des artères saines et la thrombose de vaisseaux athéromateux. L'analyse est en fait
souvent beaucoup plus complexe, car des embolies peuvent survenir sur des vaisseaux
athéromateux et une thrombose compliquant une sténose athéromateuse peut envoyer des embols en
aval, créant des embolies d'origine artérielle. C'est dire que l'artériographie est le plus souvent d'une
grande aide pour définir la stratégie thérapeutique.
II - CONSEQUENCES DE L'ISCHEMIE
Conséquences locales :
La revascularisation après une phase d'ischémie aboutit à un oedème musculaire. Les muscles de la
jambe sont entourés d'une aponévrose qui ne peut se distendre. C'est dire que si l'oedème est
important, les muscles vont être comprimés et l'ischémie va persister par un effet de garrot.
L'importance de l'oedème est proportionnelle à la durée de l'ischémie et à sa sévérité. Le moyen
d'éviter ce phénomène de garrot est de réaliser une aponévrotomie. Ceci consiste à pratiquer une
incision cutanée jambière interne et externe, puis à inciser les trois loges aponévrotiques. Il est
parfois nécessaire d'y adjoindre des aponévrotomies de cheville et du pied. La cicatrisation de ces
aponévrotomies est très longue et des greffes seront ultérieurement nécessaires. Il est donc
important d'essayer de refermer ou, tout du moins, de rapprocher les berges cutanées dès la phase
d'oedème aigu passé, en général à partir du troisième jour post-opératoire. Lorsque l'ischémie est
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moins sévère, les aponévrotomies ne sont pas réalisées de principe, mais pourront s'avérer
nécessaires quelques heures plus tard devant une loge antéro-externe tendue et douloureuse.
Conséquences générales :
Lorsque la masse musculaire ischémique est importante et lorsque la revascularisation est tardive, la
lyse des cellules musculaires va libérer la myoglobine qui peut entraîner une tubulopathie rénale
avec anurie. Un lavage de membre en per opératoire et une diurèse forcée vont limiter les
conséquences métaboliques. Le lavage de membre consiste, après avoir clampé l'artère et la veine, à
injecter du sérum physiologique dans l'artère et à le récupérer par une incision réalisée sur la veine.
III - PLAN CHOISI
Le plan habituel d'une question d'internat est de choisir une forme clinique typique, d'envisager des
diagnostics différentiels, de décrire le chapitre traitement sous forme méthodes et indications. En
fait, si le tableau clinique d'ischémie aiguë est stéréotypé, les étiologies sont multiples et le
traitement variable. Il en résulte de nombreuses erreurs de compréhension. Ainsi, tous les malades
se voient traités par sonde de Fogarty, alors que ce type de traitement à des indications spécifiques.
Aussi, nous avons préféré décrire des situations cliniques précises en traitant chacune d'elle sous
forme d'une mini-question.
IV - POINTS IMPORTANTS
A - Les questions que le chirurgien va poser à l'interne de garde
• La gravité de l'ischémie : elle est déterminée par l'examen du membre malade
(sensitivomotrice ou non).
• L'étiologie est évoquée :
a) par l'examen du membre controlatéral (embolie probable si tous les pouls sont perçus,
thrombose athéromateuse ou embolie sur artère pathologique si les pouls distaux sont
absents),
b) par la recherche de troubles du rythme.
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B - Devant un malade souffrant d'une ischémie aiguë des membres inférieurs, le médecin doit
répondre à cinq questions :
1/ faire le diagnostic, ce qui est en règle facile.
2/ déterminer la gravité, ce qui va conditionner l'urgence d'un geste chirurgical.
3/ déterminer la cause, ce qui va conditionner la tactique opératoire.
4/ déterminer le niveau de l'obstruction.
5/ apprécier l'état cardiaque et général du malade.
C - Dans la rédaction d'une question, il faut traiter l'ischémie aiguë et ne pas oublier de
traiter la cause ! ( exemple une valvulopathie emboligène pour éviter la récidive)
D - Questions fréquentes
a) Eléments cliniques en faveur d'une embolie devant une ischémie aiguë :
- absence d'artériopathie controlatérale,
- présence d'une pathologie emboligène (valvulopathie, troubles du rythme),
- sévérité de l'ischémie,
- début très brutal.
b) Eléments cliniques en faveur d'une thrombose athéromateuse :
- présence d'une artériopathie controlatérale,
- antécédents de claudication intermittente,
- existence de facteurs de risque de la maladie athéromateuse,
- amélioration de l'ischémie après introduction de l'Héparine,
- ischémie moins sévère de début plus progressif.
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QUESTION : ISCHEMIE AIGUË DES MEMBRES INFERIEURS
Faire le diagnostic et apprécier le degré d'urgence est la plupart du temps assez facile. Il faut, par
contre, savoir que le traitement chirurgical d'une ischémie aiguë peut être complexe et nécessite
l'avis d'un chirurgien vasculaire expérimenté. Le risque c'est l'amputation, mais aussi un risque vital
en cas de revascularisation tardive d'une ischémie étendue.
1. Diagnostic
Le diagnostic est facile. C'est la survenue d'une douleur de début brutal, associée à un
refroidissement du membre inférieur. A l'inspection, le membre est pâle et à la palpation, il est
froid. Il n'y a plus de pouls capillaire.
2. Déterminer la gravité
C'est examiner le membre atteint pour rechercher un déficit sensitif et/ou un déficit moteur. En cas
de déficit sensitivo-moteur complet du pied, c'est une véritable course contre la montre pour éviter
une amputation ou des séquelles ultérieures.
3. Déterminer la cause
L'interrogatoire précisera l'existence d'une claudication intermittente, de troubles du rythme
("palpitations"), de facteurs de risque (tabac, diabète, hypertension artérielle, cholestérol). C'est
habituellement l'examen du membre inférieur opposé qui va donner la solution. Si tous les pouls
sont perçus et le malade en arythmie complète, il s'agit probablement d'une embolie. Si les pouls
poplités et distaux ne sont pas perçus, les artères sont athéromateuses et, qu'il s'agisse d'une embolie
sur artères athéromateuses ou d'une thrombose athéromateuse, la stratégie chirurgicale sera
sensiblement la même.
4. Déterminer le niveau
Si le pouls fémoral n'est pas perçu, l'obstacle est en amont (artère iliaque) et/ou sur l'artère fémorale.
Si le pouls fémoral est bien battant, l'obstacle est en aval sur l'axe fémoro-poplité.
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En résumé, le diagnostic d'ischémie est souvent évident :
• Deux questions pour déterminer la gravité :
« Est-ce que vous sentez lorsqu'on touche votre pied ? »
« Est-ce que vous pouvez bouger vos orteils ? »
• Palper les pouls distaux du membre sain pour savoir si les artères sont saines ou
athéromateuses, ausculter le coeur pour trouver une valvulopathie et apprécier le rythme
cardiaque régulier ou non.
5. Conduite à tenir
Si l'on est au domicile du malade, celui-ci doit être immédiatement transféré dans une unité de
chirurgie vasculaire. Une injection d'Héparine est classiquement préconisée. Cette attitude est
discutable si le délai de transfert vers l'unité de chirurgie est réduit, car ceci empêchera la réalisation
d'une anesthésie loco-régionale.
Dès lors que le malade est hospitalisé, un bilan pré-opératoire ciblé est demandé. L'ECG est
systématique pour déceler les troubles du rythme. L'écho-doppler n'apporte que peu d'éléments
supplémentaires par rapport à l'examen clinique et risque de retarder la prise en charge
thérapeutique.
L'artériographie est un examen essentiel, sauf dans le cas d'une ischémie sensitivo-motrice
complète. Dans ce cas, il n'y a plus de circulation sanguine et le produit de contraste ne circulera
pas non plus.
Dans les autres cas, l'artériographie va permettre :
1) de préciser la cause de l'ischémie :
a) embolie avec l'aspect typique d'arrêt cupuliforme,
b) thrombose avec artères irrégulières, calcifiées. Il s'agit souvent d'une thrombose
complète de l'axe iliaque ou de l'axe fémoro-poplité,
c) embolie sur artères pathologiques,
d) causes plus rares.
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2) de déterminer le siège exact de la thrombose et en cas d'embolies, l'existence d'embolies
asymptomatiques dans d'autres territoires,
3) de choisir la voie d'abord et déterminer la tactique opératoire.
4) de débuter la thérapeutique si l'on décide une fibrinolyse.
Après l'artériographie, et si une intervention immédiate sous anesthésie loco-régionale n'est pas
retenue, un traitement par Héparine intraveineuse est débuté, après que le bilan biologique ait été
prélevé. Le traitement ultérieur dépendra de la cause.
6. Conduite à tenir en fonction de l’étiologie
a - Il s'agit d'une thrombose athéromateuse
Habituellement, l'ischémie aiguë n'est pas sensitivo-motrice ou accompagnée d'un déficit très
modéré et le début est relativement progressif. Il existe une artériopathie controlatérale et l'on
retrouve parfois la notion d'une claudication intermittente. Il existe des facteurs de risques de la
maladie athéromateuse, le coeur est en rythme sinusal. Le traitement par Héparine et vasodilatateurs, le contrôle d'une déshydratation, d'une anémie ou d'une insuffisance cardiaque vont
apporter une amélioration en quelques heures, car la collatéralité existe. Les choses peuvent même
rentrer dans l'ordre, le patient devenant claudicant ou asymptomatique s'il s'agit d'un malade âgé
marchant peu. Soit l'ischémie va persister sous forme d'une ischémie critique. Dans ce cas, une
revascularisation sera indiquée :
* chirurgicale
• S'il s'agit d'une thrombose iliaque, une revascularisation pourra être réalisée par pontage direct
aorto-fémoral ou pontage extra anatomique fémoro-fémoral ou axillo-fémoral en fonction de l'état
général du malade. L'aponévrotomie est exceptionnellement nécessaire.
• S'il s'agit d'une thrombose fémoro-poplitée, un écho-doppler sera demandé pour rechercher un
matériel veineux, essentiellement la veine saphène interne pour réaliser un pontage fémoro-jambier.
Une aponévrotomie est parfois réalisée en cas d'ischémie très sévère. Elle peut souvent être sous
cutanée.
* fibrinolyse
Il est parfois possible de débuter le traitement par fibrinolyse intra-artérielle avec l'urokinase ou
l'alteplase (rtpa). En effet, la thrombose d'un court segment artériel va être majorée par la formation
d'un caillot fibrino-cruorique d'amont et d'aval, celui-ci se propageant jusqu'aux premières
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collatérales perméables. La fibrinolyse va, lorsqu'elle est efficace, lyser ce caillot. Il ne restera alors
qu'une thrombose artérielle limitée, qui pourra être traitée par angioplastie par ballonnet avec
éventuelle mise en place d'un stent. La fibrinolyse peut être remplacée ou associée à une
thromboaspiration à travers un cathéter placé dans le thrombus.
A distance, un doppler des troncs supra-aortiques et un bilan coronarien adapté seront réalisés, car
l'atteinte athéromateuse est souvent polyartérielle. Un traitement antiagrégant plaquettaire est
indiqué. Il n'y a pas, en dehors d'une pathologie cardiaque qui le justifierait, d'indication à un
traitement anticoagulant oral.
b - Il s'agit d'une embolie sur artères saines
Dans la forme typique, le début est le plus souvent très brutal et l'ischémie sévère. Il n'y a pas
d'artériopathie controlatérale et il existe une pathologie emboligène (valvulopathie, troubles du
rythme).
L'artériographie objective un arrêt cupuliforme typique et recherche des embolies dans d'autres
territoires. Une désobstruction chirurgicale est toujours réalisée d'autant plus rapidement que
l'ischémie est sévère.
La sonde de Fogarty est un cathéter muni d'un ballon gonflable à son extrémité. Elle est introduite
après un petit abord artériel, descendue dans l'arbre artériel, en aval du thrombus. Le ballon est alors
gonflé éventuellement avec un peu de produit de contraste pour suivre sa progression sous scopie,
puis la sonde est remontée, le ballon ramenant les embols et le thrombus qui s'est formé au contact.
Une artériographie de contrôle sur table vérifie l'absence de thrombus résiduel. La voie d'abord
dépend du siège de l'embolie. S'il existe un embol dans l'artère iliaque, fémorale ou dans la fémorale
profonde, l'abord se fait au triangle de scarpa. Si l'embol est au niveau poplité, sans embol dans la
fémorale profonde, un abord de l'artère poplitée, par voie jambière interne, respectant la veine
saphène interne, va permettre l'ablation du thrombus et de diriger électivement la sonde dans les
trois axes de jambe. Une artériographie per-opératoire vérifie la qualité de la désobstruction
réalisée. La réalisation d'aponévrotomie doit toujours être discutée. L'embol est systématiquement
adressé en anatomopathologie (et en bactériologie en cas de contexte fébrile).
Il faut savoir que certains malades sont vus très tardivement en raison de formes peu
symptomatiques. Dans ces cas, il est difficile de porter l'indication chirurgicale. Une thrombectomie
par abord direct est cependant souvent réalisable même après plusieurs jours. A l'inverse, certains
malades sont vus au-delà de la sixième heure dans un tableau d'ischémie sensitivo-motrice
irréversible. Il faudra alors poser la difficile indication d'une amputation d'emblée pour sauver la vie
du malade.
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En post-opératoire, le malade est maintenu sous Héparine non fractionnée à dose efficace (en
partant sur la base de 500 U.I./kg/24h) pour obtenir un TCA entre deux et trois fois le témoin. Le
relais par anticoagulants oraux est immédiatement débuté.
Un bilan cardiaque sera réalisé. Certaines causes sont évidentes, telle une arythmie complète par
fibrillation auriculaire. Dans les autres cas, un Holter pourra déceler des troubles du rythme
paroxystiques. L'échographie recherchera un thrombus intracardiaque et précisera une dilatation de
l'oreillette gauche et une valvulopathie mitrale. L'échographie éventuellement complétée par une
échographie transoesophagienne est aussi indispensable en cas d'embolies chez un malade porteur
d'une prothèse valvulaire ou en cas de suspicion d'endocardite.
L'échographie pourra enfin déceler un anévrysme ventriculaire ou une zone akinétique post
infarctus, une tumeur (myxome). Un bilan cardiaque complet n'a réellement d'intérêt que si le
malade est en état général suffisant pour subir une chirurgie cardiaque sous circulation
extracorporelle, en cas de découverte d'une pathologie le justifiant. Il faut savoir que le bilan
cardiaque est parfois normal même en faisant appel à l'échographie transoesophagienne.
En cas de bilan normal, il peut s'agir d'une embolie d'origine cardiaque, mais il peut aussi s'agir
d'une embolie d'origine extra-cardiaque. Dans ce cas, il est parfois difficile de choisir entre
anticoagulants oraux ou anti-agrégants. Cela dépendra notamment de l'âge et de l'état général du
malade.
c - Embolies sur artères pathologiques
Le malade est souvent âgé et il existe des lésions athéromateuses fémoro-jambières souvent
asymptomatiques. Il existe une pathologie mitrale et/ou une AC/FA.
L'embolie va bloquer la collatéralité et il va en résulter une ischémie souvent très sévère. Le passage
d'une sonde de Fogarty risque d'aggraver les choses en décollant des plaques ou en créant une
dissection artérielle. Il faudra donc souvent s'orienter vers un pontage. C'est un des rares cas où il
faudra réaliser un pontage en urgence parfois associé à des aponévrotomies. Le pronostic de
sauvetage de membres est réservé.
d - Etiologies plus rares
Le problème posé par les maladies plus rares est que l'on en fera le diagnostic que si on les
recherche de manière systématique.
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* Complications d'un anévrysme poplité
L'ischémie aiguë représente une complication commune et dangereuse des anévrysmes poplités non
traités et est souvent révélatrice de la maladie.
L'anévrysme de l'aorte menace la vie du malade par rupture, l'anévrysme poplité menace le membre
du malade par embolie et thrombose.
• Parfois l'anévrysme poplité se thrombose sans détruire le lit d'aval. Il pourra alors être traité de
manière classique par exclusion greffe.
• Ailleurs, l'anévrysme poplité va emboliser à bas bruit et va détruire successivement les trois
artères de jambe. Ce jour-là, le débit d'aval va devenir très faible et l'anévrysme va se
thromboser. On est alors face à un malade en ischémie aiguë avec, à l'artériographie, un désert
vasculaire. Le diagnostic doit être évoqué car cela a des conséquences thérapeutiques.
On est orienté si les autres pouls artériels sont larges et très battants, si l'on palpe un anévrysme
aortique, un anévrysme poplité controlatéral ou si la palpation du creux poplité du membre
ischémique permet de retrouver une tuméfaction non battante. Dans ce cas, l'échographie est
l'examen qui permet de confirmer le diagnostic.
• Dans d'autres cas enfin, l'anévrysme poplité est perméable, battant et facilement palpable et
l'ischémie est due à la destruction du lit d'aval.
Ces deux dernières formes sont de mauvais pronostics.
Depuis quelques années, un traitement par fibrinolytique intra-artériel pré-opératoire est proposé
pour rétablir la perméabilité des artères poplitées et jambières. Il n'est pas toujours efficace. Il est
habituel d'utiliser l'urokinase ou l'altepase (rtpa). Ce traitement nécessite des contrôles
angiographiques et biologiques réguliers et il est préférable que le malade soit hospitalisé en soins
intensifs. Le radiologue doit être prévenu d'une possible fibrinolyse pour choisir la meilleure voie
d'abord pour la mise en place d'un cathéter. Ce traitement n'est pas réalisé en cas d'ischémie
sensitivomotrice, car il n'est efficace qu'en quelques heures. Il peut alors s'agir d'une indication à
une fibrinolyse per-opératoire.
* Thrombose de pontage
Il s'agit le plus souvent de la thrombose d'un pontage prothétique. En effet, les pontages veineux se
thrombosent le plus souvent de manière progressive avec un risque d'ischémie aiguë qui est faible.
Le mécanisme de la thrombose d'un pontage est en général un bas débit, lui même secondaire à une
sténose au niveau de l'anastomose distale par hyperplasie myointimale ou par évolution de la
maladie athéromateuse d'amont ou d'aval. Certains pontages se thrombosent sans qu’il existe une
anomalie anastomotique ou une progression de la maladie athéromateuse d’aval. Il peut s’agir d’une
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compression positionnelle ou d’un épisode de bas débit d’origine cardiaque. En cas de pontage
réalisé avec une veine, il peut s'agir d'une sténose ou de sténoses localisées sur le greffon ou d'une
véritable maladie du greffon (rétrécissement global de la veine). Il est impossible de définir une
attitude globale, car tout va dépendre du degré de l'ischémie, du type de pontage, de son ancienneté.
Schématiquement, il est possible de désobstruer le pontage avec une sonde de Fogarty, faire une
artériographie sur table qui va révéler la sténose d'aval, celle-ci pouvant alors être corrigée par un
patch, en prolongeant le pontage, ou par angioplastie. Une autre approche consiste à réaliser une
fibrinolyse par voie artérielle (urokinase, altéplase). Celle-ci va souvent permettre de « réanimer »
le pontage et de découvrir la sténose d'aval qui sera alors traitée par angioplastie endoluminale ou
chirurgicalement.
Dans d'autres cas, on s'orientera vers la réalisation d'un nouveau pontage, ou d'un pontage extraanatomique.
* Dissection aortique
L'ischémie aiguë est rare dans les dissections aortiques. En général le diagnostic est évident, car la
dissection est au premier plan signant l'étiologie de l'ischémie aiguë. Parfois cependant, l'ischémie
aiguë est révélatrice et c'est l'interrogatoire qui retrouve la notion d'une douleur thoracique.
L'angioscanner ou l'angiographie par résonance magnétique confirme le diagnostic. L'ischémie des
membres inférieurs peut souvent être traitée par un pontage axillo-fémoral ou un pontage croisé,
voire par une fenestration par voie endovasculaire ou une dilatation stent en fonction du mécanisme
de l'ischémie. Le traitement de la dissection elle même dépend de son type anatomique.
* Thrombose aortique
Il s'agit d'une ischémie aiguë bilatérale avec marbrures remontant jusqu'à l'ombilic et disparition des
pouls fémoraux. Il faut connaître la possibilité de formes trompeuses où les signes neurologiques
sont au premier plan, allant des paresthésies à la paraplégie franche, pouvant faire orienter le
diagnostic vers une pathologie médullaire. Il peut s'agir d'une embolie du carrefour aortique, mais
plus fréquemment d'une thrombose aortique. Celle-ci vient compliquer un athérome aortique
occlusif ou une dissection, mais il faut connaître l'existence de thromboses aortiques secondaires à
un état d'hypercoagulabilité. Enfin, il s'agit souvent de la thrombose d'une prothèse aorto-bifémorale. La mortalité de la chirurgie des occlusions aortiques est importante se situant autour de
50 %. Ceci est dû à l'état général du malade (insuffisance cardiaque), à l'existence d'une possible
oblitération sus rénale, à l'atteinte concomitante des artères rénales et digestives. La rhabdomyolyse,
la survenue d'une hyperkaliémie et d'une acidose métabolique sont responsables de complications
rénales graves.
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* Embolie ne venant pas du coeur
Parfois le diagnostic d'embolie est évident à l'artériographie (arrêt cupuliforme, territoires
multiples), mais le bilan cardiaque est normal. Il faudra réaliser, si l'état général du malade laisse
penser qu'il pourra subir une chirurgie conventionnelle ou endoluminale de l'aorte thoracique ou
abdominale, un angioscanner complet de l'aorte et une échographie transoesophagienne. En effet,
l'origine de l'embolie peut être un anévrysme de l'aorte thoracique ou abdominale ou des plaques
athéromateuses ulcérées de l'aorte thoracique. Si l'indication chirurgicale n'est pas retenue sur l'aorte
en raison du risque opératoire, il sera difficile de choisir entre anticoagulants oraux et anti-agrégants
( en l'absence d'étude). Il faudra tenir compte de l'âge et de l'état général du malade.
* Ischémie d'origine médicamenteuse
• La survenue d'une ischémie aiguë chez un malade traité par Héparine non fractionnée, ou de
manière exceptionnelle par une Héparine de bas poids moléculaire, doit faire évoquer de manière
systématique une thrombopénie induite par l'Héparine. L'ischémie survient habituellement entre le
cinquième et le quinzième jour après le début du traitement. Le diagnostic est pratiquement affirmé
devant la chute des plaquettes et des tests immuno-enzymatiques (test ELISA) seront réalisés. La
participation d'un spécialiste en hémostase est indispensable pour encadrer le geste chirurgical. Le
pronostic de sauvetage de membre est réservé.
• Une ischémie peut s'observer lors de la prise de dérivés de l'ergot de seigle. Habituellement, le
diagnostic est évoqué chez une malade migraineuse entre 30 et 40 ans. Les signes sont souvent
bilatéraux. Le traitement est le plus souvent médical, associé bien sûr à la suppression de l'agent
causal.
* Citons d'autres causes rares
Les embolies paradoxales (phlébite avec foramen oval perméable), artère poplitée piégée,
l'anévrysme sur artère sciatique persistante.
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Objectifs
Niveau
1
Identifier par l'examen clinique la gravité d'une ischémie aiguë
+
Identifier les éléments cliniques en faveur d'une embolie artérielle
+
Identifier les éléments cliniques en faveur d'une thrombose artérielle
+
2
+
Intérêts de l'artériographie
Traitement d'une embolie sur artères saines
+
Enumérer les étiologies d'une ischémie aiguë
+
Identifier par l'examen clinique une thrombose aortique
+
+
Anévrysme poplité compliqué : préciser les mécanismes de l'ischémie
Savoir prescrire un bilan cardiaque devant une ischémie d'origine embolique
3
+
Connaître l'intérêt de l'aponévrotomie de jambe
+
Thrombose d'un pontage : énumérer les étiologies possibles
+
12
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