Ischémie aiguë des membres inférieurs

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ISCHEMIE AIGUË DES MEMBRES INFERIEURS
P. LERMUSIAUX - B. CHARBONNIER CHU Trousseau Tours
POUR COMPRENDRE
1. MECANISMES DE L'ISCHEMIE AIGUË
Lorsqu'un vaisseau principal s'obstrue de deux choses l'une : soit ceci se fait de manière
progressive et le réseau collatéral va pouvoir se développer. L'obstruction sera alors plus
ou moins symptomatique, mais rarement aiguë. Soit l'obstruction est brutale, par
exemple dans le cas d'un embol venant du coeur et allant bloquer une artère saine, ou
lors de la survenue d'une hémorragie dans une plaque d'athérome transformant une
plaque peu sténosante en une thrombose, avec formation de thrombus en amont et en
aval. En cas d'obstruction brutale, va se développer une ischémie aiguë. Le siège de
l'obstruction va aussi influencer la symptomatologie clinique. Une obstruction d'une
bifurcation artérielle laissera peu de possibilités à la collatéralité de se développer.
Parmi les causes d'ischémies aiguës, on distingue habituellement l'embolie d'origine
cardiaque survenant sur des artères saines et la thrombose de vaisseaux athéromateux.
L'analyse est en fait souvent beaucoup plus complexe, car des embolies peuvent survenir
sur des vaisseaux athéromateux et une thrombose compliquant une sténose
athéromateuse peut envoyer des embols en aval, créant des embolies d'origine artérielle.
C'est dire que l'artériographie est le plus souvent d'une grande aide pour définir la
stratégie thérapeutique.
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2. CONSEQUENCES DE L'ISCHEMIE
Conséquences locales :
La revascularisation après une phase d'ischémie aboutit à un oedème musculaire. Les
muscles de la jambe sont entourés d'une aponévrose qui ne peut se distendre. C'est dire
que si l'oedème est important, les muscles vont être comprimés et l'ischémie va persister
par un effet de garrot. L'importance de l'oedème est proportionnelle à la durée de
l'ischémie et à sa sévérité. Le moyen d'éviter ce phénomène de garrot est de réaliser une
aponévrotomie. Ceci consiste à pratiquer une incision cutanée jambière interne et
externe, puis à inciser les trois loges aponévrotiques. Il est parfois nécessaire d'y
adjoindre des aponévrotomies de cheville et du pied. La cicatrisation de ces
aponévrotomies est très longue et des greffes seront ultérieurement nécessaires. Il est
donc important d'essayer de refermer ou, tout du moins, de rapprocher les berges
cutanées dès la phase d'oedème aigu passé, en général à partir du troisième jour post
opératoire. Lorsque l'ischémie est moins sévère, les aponévrotomies ne sont pas
réalisées de principe, mais pourront s'avérer nécessaires quelques heures plus tard
devant une loge antéro-externe tendue et douloureuse.
Conséquences générales :
Lorsque la masse musculaire ischémique est importante et lorsque la revascularisation
est tardive, la lyse des cellules musculaires va libérer la myoglobine qui peut entraîner
une tubulopathie rénale avec anurie. Un lavage de membre en per opératoire et une
diurèse forcée vont limiter les conséquences métaboliques. Le lavage de membre
consiste, après avoir clampé l'artère et la veine, à injecter du sérum physiologique dans
l'artère et à le récupérer par une incision réalisée sur la veine.
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3. PLAN CHOISI
Le plan habituel d'une question d'internat est de choisir une forme clinique typique,
d'envisager des diagnostics différentiels, de décrire le chapitre traitement sous forme
méthodes et indications. En fait, si le tableau clinique d'ischémie aiguë est stéréotypé,
les étiologies sont multiples et le traitement variable. Il en résulte de nombreuses erreurs
de compréhension. Ainsi, tous les malades se voient traités par sonde de Fogarty, alors
que ce type de traitement à des indications spécifiques. Aussi, nous avons préféré
décrire des situations cliniques précises en traitant chacune d'elle sous forme d'une miniquestion.
4. POINTS IMPORTANTS
4.1. Les questions que le chirurgien va poser à l'interne de garde
• La gravité de l'ischémie : elle est déterminée par l'examen du membre malade
(sensitivomotrice ou non).
• L'étiologie est évoquée :
a)
par l'examen du membre controlatéral (embolie probable si tous les pouls sont
perçus, thrombose athéromateuse ou embolie sur artère pathologique si les pouls
distaux sont absents),
b) par la recherche de troubles du rythme.
4.2. Devant un malade souffrant d'une ischémie aiguë des membres inférieurs, le
médecin doit répondre à cinq questions
1/ faire le diagnostic, ce qui est en règle facile.
2/ déterminer la gravité, ce qui va conditionner l'urgence d'un geste chirurgical.
3/ déterminer la cause, ce qui va conditionner la tactique opératoire.
4/ déterminer le niveau de l'obstruction.
5/ apprécier l'état cardiaque et général du malade.
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4.3. Dans la rédaction d'une question, il faut traiter l'ischémie aiguë et ne pas
oublier de traiter la cause ! ( exemple une valvulopathie emboligène pour éviter la
récidive).
4.4. Questions fréquentes
a) Eléments cliniques en faveur d'une embolie devant une ischémie aiguë :
- absence d'artériopathie controlatérale,
- présence d'une pathologie emboligène (valvulopathie, troubles du rythme),
- sévérité de l'ischémie,
- début très brutal.
b) Eléments cliniques en faveur d'une thrombose athéromateuse :
- présence d'une artériopathie controlatérale,
- antécédents de claudication intermittente,
- existence de facteurs de risque de la maladie athéromateuse,
- amélioration de l'ischémie après introduction de l'Héparine,
- ischémie moins sévère de début plus progressif.
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QUESTION : ISCHEMIE AIGUË DES MEMBRES INFERIEURS
Faire le diagnostic et apprécier le degré d'urgence est la plupart du temps assez facile.
Il faut, par contre, savoir que le traitement chirurgical d'une ischémie aiguë peut être
complexe et nécessite l'avis d'un chirurgien vasculaire expérimenté. Le risque c'est
l'amputation, mais aussi un risque vital en cas de revascularisation tardive d'une ischémie
étendue.
1. Diagnostic
Le diagnostic est facile. C'est la survenue d'une douleur de début brutal, associée à un
refroidissement du membre inférieur. A l'inspection, le membre est pâle et à la
palpation, il est froid. Il n'y a plus de pouls capillaire.
2. Déterminer la gravité
C'est examiner le membre atteint pour rechercher un déficit sensitif et/ou un déficit
moteur. En cas de déficit sensitivo-moteur complet du pied, c'est une véritable course
contre la montre pour éviter une amputation ou des séquelles ultérieures.
3. Déterminer la cause
L'interrogatoire précisera l'existence d'une claudication intermittente, de troubles du
rythme ("palpitations"), de facteurs de risque (tabac, diabète, hypertension artérielle,
cholestérol). C'est habituellement l'examen du membre inférieur opposé qui va donner
la solution. Si tous les pouls sont perçus et le malade en arythmie complète, il s'agit
probablement d'une embolie. Si les pouls poplités et distaux ne sont pas perçus, les
artères sont athéromateuses et, qu'il s'agisse d'une embolie sur artères athéromateuses ou
d'une thrombose athéromateuse, la stratégie chirurgicale sera sensiblement la même.
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4. Déterminer le niveau
Si le pouls fémoral n'est pas perçu, l'obstacle est en amont (artère iliaque) et/ou sur
l'artère fémorale. Si le pouls fémoral est bien battant, l'obstacle est en aval sur l'axe
fémoro-poplité.
En résumé, le diagnostic d'ischémie est souvent évident :
• Deux questions pour déterminer la gravité :
« Est-ce que vous sentez lorsqu'on touche votre pied ? »
« Est-ce que vous pouvez bouger vos orteils ? »
• Palper les pouls distaux du membre sain pour savoir si les artères sont saines ou
athéromateuses, ausculter le coeur pour trouver une valvulopathie et apprécier le
rythme cardiaque régulier ou non.
5. Conduite à tenir
Si l'on est au domicile du malade, celui ci doit être immédiatement transféré dans une
unité de chirurgie vasculaire. Une injection d'Héparine est classiquement préconisée.
Cette attitude est discutable si le délai de transfert vers l'unité de chirurgie est réduit, car
ceci empêchera la réalisation d'une anesthésie loco-régionale.
Dès lors que le malade est hospitalisé, un bilan pré-opératoire ciblé est demandé. L'ECG
est systématique pour déceler les troubles du rythme. L'écho-doppler n'apporte que peu
d'éléments supplémentaires par rapport à l'examen clinique et risque de retarder la prise
en charge thérapeutique.
L'artériographie est un examen essentiel, sauf dans le cas d'une ischémie sensitivomotrice complète. Dans ce cas, il n'y a plus de circulation sanguine et le produit de
contraste ne circulera pas non plus.
Dans les autres cas, l'artériographie va permettre :
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1) de préciser la cause de l'ischémie :
a) embolie avec l'aspect typique d'arrêt cupuliforme,
b) thrombose avec artères irrégulières, calcifiées. Il s'agit souvent d'une thrombose
complète de l'axe iliaque ou de l'axe fémoro-poplité,
c) embolie sur artères pathologiques,
d) causes plus rares.
2) de déterminer le siège exact de la thrombose et en cas d'embolies, l'existence
d'embolies asymptomatiques dans d'autres territoires,
3) de choisir la voie d'abord et déterminer la tactique opératoire.
4) de débuter la thérapeutique si l'on décide une fibrinolyse.
Après l'artériographie, et si une intervention immédiate sous anesthésie loco-régionale
n'est pas retenue, un traitement par Héparine intraveineuse est débuté, après que le bilan
biologique ait été prélevé. Le traitement ultérieur dépendra de la cause.
6. Conduite à tenir en fonction de l’étiologie
6.1. Il s'agit d'une thrombose athéromateuse
Habituellement, l'ischémie aiguë n'est pas sensitivo-motrice ou accompagnée d'un
déficit très modéré et le début est relativement progressif. Il existe une artériopathie
controlatérale et l'on retrouve parfois la notion d'une claudication intermittente. Il
existe des facteurs de risques de la maladie athéromateuse, le cœur est en rythme
sinusal. Le traitement par Héparine et vaso-dilatateurs, le contrôle d'une
déshydratation, d'une anémie ou d'une insuffisance cardiaque vont apporter une
amélioration en quelques heures, car la collatéralité existe. Les choses peuvent
même rentrer dans l'ordre, le patient devenant claudicant ou asymptomatique s'il
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s'agit d'un malade âgé marchant peu. Soit l'ischémie va persister sous forme d'une
ischémie critique. Dans ce cas, une revascularisation sera indiquée :
a) chirurgicale
• S'il s'agit d'une thrombose iliaque, une revascularisation pourra être réalisée par
pontage direct aorto-fémoral ou pontage extra anatomique fémoro-fémoral ou
axillo-fémoral en fonction de l'état général du malade. L'aponévrotomie est
exceptionnellement nécessaire.
• S'il s'agit d'une thrombose fémoro-poplitée, un écho-doppler sera demandé pour
rechercher un matériel veineux, essentiellement la veine saphène interne pour
réaliser un pontage fémoro-jambier. Une aponévrotomie est parfois réalisée en
cas d'ischémie très sévère. Elle peut souvent être sous cutanée.
b) fibrinolyse
Il est parfois possible de débuter le traitement par fibrinolyse intra-artérielle avec
l'urokinase ou l'alteplase (rtpa). En effet, la thrombose d'un court segment artériel
va être majorée par la formation d'un caillot fibrino-cruorique d'amont et d'aval,
celui-ci se propageant jusqu'aux premières collatérales perméables. La
fibrinolyse va, lorsqu'elle est efficace, lyser ce caillot. Il ne restera alors qu'une
thrombose artérielle limitée, qui pourra être traitée par angioplastie par ballonnet
avec éventuelle mise en place d'un stent. La fibrinolyse peut être remplacée ou
associée à une thromboaspiration à travers un cathéter placé dans le thrombus.
A distance, un doppler des troncs supra-aortiques et un bilan coronarien adapté
seront réalisés, car l'atteinte athéromateuse est souvent polyartérielle. Un traitement
antiagrégant plaquettaire est indiqué. Il n'y a pas, en dehors d'une pathologie
cardiaque qui le justifierait, d'indication à un traitement anticoagulant oral.
6.2. Il s'agit d'une embolie sur artères saines
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Dans la forme typique, le début est le plus souvent très brutal et l'ischémie sévère. Il
n'y a pas d'artériopathie controlatérale et il existe une pathologie emboligène
(valvulopathie, troubles du rythme).
L'artériographie objective un arrêt cupuliforme typique et recherche des embolies
dans d'autres territoires. Une désobstruction chirurgicale est toujours réalisée
d'autant plus rapidement que l'ischémie est sévère.
La sonde de Fogarty est un cathéter muni d'un ballon gonflable à son extrémité. Elle
est introduite après un petit abord artériel, descendue dans l'arbre artériel, en aval du
thrombus. Le ballon est alors gonflé éventuellement avec un peu de produit de
contraste pour suivre sa progression sous scopie, puis la sonde est remontée, le
ballon ramenant les embols et le thrombus qui s'est formé au contact. Une
artériographie de contrôle sur table vérifie l'absence de thrombus résiduel. La voie
d'abord dépend du siège de l'embolie. S'il existe un embol dans l'artère iliaque,
fémorale ou dans la fémorale profonde, l'abord se fait au triangle de scarpa. Si
l'embol est au niveau poplité, sans embol dans la fémorale profonde, un abord de
l'artère poplitée, par voie jambière interne, respectant la veine saphène interne, va
permettre l'ablation du thrombus et de diriger électivement la sonde dans les trois
axes de jambe. Une artériographie per-opératoire vérifie la qualité de la
désobstruction réalisée. La réalisation d'aponévrotomie doit toujours être discutée.
L'embol est systématiquement adressé en anatomopathologie (et en bactériologie en
cas de contexte fébrile).
Il faut savoir que certains malades sont vus très tardivement en raison de formes
peu symptomatiques. Dans ces cas, il est difficile de porter l'indication chirurgicale.
Une thrombectomie par abord direct est cependant souvent réalisable même après
plusieurs jours. A l'inverse, certains malades sont vus au delà de la sixième heure
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dans un tableau d'ischémie sensitivo-motrice irréversible. Il faudra alors poser la
difficile indication d'une amputation d'emblée pour sauver la vie du malade.
En post opératoire, le malade est maintenu sous Héparine non fractionnée à dose
efficace (en partant sur la base de 500 U.I./kg/24h) pour obtenir un TCA entre deux
et trois fois le témoin. Le relais par anticoagulants oraux est immédiatement débuté.
Un bilan cardiaque sera réalisé. Certaines causes sont évidentes, telle une arythmie
complète par fibrillation auriculaire. Dans les autres cas, un Holter pourra déceler
des troubles du rythme paroxystiques. L'échographie recherchera un thrombus
intracardiaque et précisera une dilatation de l'oreillette gauche et une valvulopathie
mitrale.
L'échographie
éventuellement
complétée
par
une
échographie
transoesophagienne est aussi indispensable en cas d'embolies chez un malade
porteur d'une prothèse valvulaire ou en cas de suspicion d'endocardite.
L'échographie pourra enfin déceler un anévrysme ventriculaire ou une zone
akinétique post infarctus, une tumeur (myxome). Un bilan cardiaque complet n'a
réellement d'intérêt que si le malade est en état général suffisant pour subir une
chirurgie cardiaque sous circulation extracorporelle, en cas de découverte d'une
pathologie le justifiant. Il faut savoir que le bilan cardiaque est parfois normal
même en faisant appel à l'échographie transoesophagienne.
En cas de bilan normal, il peut s'agir d'une embolie d'origine cardiaque, mais il peut
aussi s'agir d'une embolie d'origine extra-cardiaque. Dans ce cas, il est parfois
difficile de choisir entre anticoagulants oraux ou anti-agrégants. Cela dépendra
notamment de l'âge et de l'état général du malade.
6.3. Embolies sur artères pathologiques
Le malade est souvent âgé et il existe des lésions athéromateuses fémoro-jambières
souvent asymptomatiques. Il existe une pathologie mitrale et/ou une AC/FA.
L'embolie va bloquer la collatéralité et il va en résulter une ischémie souvent très
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sévère. Le passage d'une sonde de Fogarty risque d'aggraver les choses en décollant
des plaques ou en créant une dissection artérielle. Il faudra donc souvent s'orienter
vers un pontage. C'est un des rares cas où il faudra réaliser un pontage en urgence
parfois associé à des aponévrotomies. Le pronostic de sauvetage de membres est
réservé.
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6.4. Etiologies plus rares
Le problème posé par les maladies plus rares est que l'on en fera le diagnostic que si
on les recherche de manière systématique.
6.4.1. Complications d'un anévrysme poplité
L'ischémie aiguë représente une complication commune et dangereuse des
anévrysmes poplités non traités et est souvent révélatrice de la maladie.
L'anévrysme de l'aorte menace la vie du malade par rupture, l'anévrysme
poplité menace le membre du malade par embolie et thrombose.
• Parfois l'anévrysme poplité se thrombose sans détruire le lit d'aval. Il
pourra alors être traité de manière classique par exclusion greffe.
• Ailleurs, l'anévrysme poplité va emboliser à bas bruit et va détruire
successivement les trois artères de jambe. Ce jour là, le débit d'aval va
devenir très faible et l'anévrysme va se thromboser. On est alors face à un
malade en ischémie aiguë avec, à l'artériographie, un désert vasculaire. Le
diagnostic doit être évoqué car cela a des conséquences thérapeutiques.
On est orienté si les autres pouls artériels sont larges et très battants, si
l'on palpe un anévrysme aortique, un anévrysme poplité controlatéral ou
si la palpation du creux poplité du membre ischémique permet de
retrouver une tuméfaction non battante. Dans ce cas, l'échographie est
l'examen qui permet de confirmer le diagnostic.
• Dans d'autres cas enfin, l'anévrysme poplité est perméable, battant et
facilement palpable et l'ischémie est due à la destruction du lit d'aval.
Ces deux dernières formes sont de mauvais pronostics.
Depuis quelques années, un traitement par fibrinolytique intra-artériel préopératoire est proposé pour rétablir la perméabilité des artères poplitées et
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jambières. Il n'est pas toujours efficace. Il est habituel d'utiliser l'urokinase
ou l'altepase (rtpa). Ce traitement nécessite des contrôles angiographiques et
biologiques réguliers et il est préférable que le malade soit hospitalisé en
soins intensifs. Le radiologue doit être prévenu d'une possible fibrinolyse
pour choisir la meilleure voie d'abord pour la mise en place d'un cathéter. Ce
traitement n'est pas réalisé en cas d'ischémie sensitivomotrice, car il n'est
efficace qu'en quelques heures. Il peut alors s'agir d'une indication à une
fibrinolyse per opératoire.
6.4.2. Thrombose de pontage
Il s'agit le plus souvent de la thrombose d'un pontage prothétique. En effet,
les pontages veineux se thrombosent le plus souvent de manière progressive
avec un risque d'ischémie aiguë qui est faible.
Le mécanisme de la thrombose d'un pontage est en général un bas débit, lui
même secondaire à une sténose au niveau de l'anastomose distale par
hyperplasie myointimale ou par évolution de la maladie athéromateuse
d'amont ou d'aval. Certains pontages se thrombosent sans qu’il existe une
anomalie anastomotique ou une progression de la maladie athéromateuse
d’aval. Il peut s’agir d’une compression positionnelle ou d’un épisode de bas
débit d’origine cardiaque. En cas de pontage réalisé avec une veine, il peut
s'agir d'une sténose ou de sténoses localisées sur le greffon ou d'une
véritable maladie du greffon (rétrécissement global de la veine). Il est
impossible de définir une attitude globale, car tout va dépendre du degré de
l'ischémie, du type de pontage, de son ancienneté. Schématiquement, il est
possible de désobstruer le pontage avec une sonde de Fogarty, faire une
artériographie sur table qui va révéler la sténose d'aval, celle-ci pouvant
alors être corrigée par un patch, en prolongeant le pontage, ou par
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angioplastie. Une autre approche consiste à réaliser une fibrinolyse par voie
artérielle (urokinase, altéplase). Celle ci va souvent permettre de
« réanimer » le pontage et de découvrir la sténose d'aval qui sera alors traitée
par angioplastie endoluminale ou chirurgicalement.
Dans d'autres cas, on s'orientera vers la réalisation d'un nouveau pontage, ou
d'un pontage extra-anatomique.
6.4.3. Dissection aortique
L'ischémie aiguë est rare dans les dissections aortiques. En général le
diagnostic est évident, car la dissection est au premier plan signant
l'étiologie de l'ischémie aiguë. Parfois cependant, l'ischémie aiguë est
révélatrice et c'est l'interrogatoire qui retrouve la notion d'une douleur
thoracique. L'angioscanner ou l'angiographie par résonance magnétique
confirme le diagnostic. L'ischémie des membres inférieurs peut souvent être
traitée par un pontage axillo-fémoral ou un pontage croisé, voire par une
fenestration par voie endovasculaire ou une dilatation stent en fonction du
mécanisme de l'ischémie. Le traitement de la dissection elle même dépend
de son type anatomique.
6.4.4. Thrombose aortique
Il s'agit d'une ischémie aiguë bilatérale avec marbrures remontant jusqu'à
l'ombilic et disparition des pouls fémoraux. Il faut connaître la possibilité de
formes trompeuses où les signes neurologiques sont au premier plan, allant
des paresthésies à la paraplégie franche, pouvant faire orienter le diagnostic
vers une pathologie médullaire. Il peut s'agir d'une embolie du carrefour
aortique, mais plus fréquemment d'une thrombose aortique. Celle-ci vient
compliquer un athérome aortique occlusif ou une dissection, mais il faut
connaître l'existence de thromboses aortiques secondaires à un état
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d'hypercoagulabilité. Enfin, il s'agit souvent de la thrombose d'une prothèse
aorto-bi-fémorale. La mortalité de la chirurgie des occlusions aortiques est
importante se situant autour de 50%. Ceci est dû à l'état général du malade
(insuffisance cardiaque), à l'existence d'une possible oblitération sus rénale,
à l'atteinte concomitante des artères rénales et digestives. La rhabdomyolyse,
la survenue d'une hyperkaliémie et d'une acidose métabolique sont
responsables de complications rénales graves.
6.4.5. Embolie ne venant pas du coeur
Parfois le diagnostic d'embolie est évident à l'artériographie (arrêt
cupuliforme, territoires multiples), mais le bilan cardiaque est normal. Il
faudra réaliser, si l'état général du malade laisse penser qu'il pourra subir une
chirurgie conventionnelle ou endoluminale de l'aorte thoracique ou
abdominale, un angioscanner complet de l'aorte et une échographie
transoesophagienne. En effet, l'origine de l'embolie peut être un anévrysme
de l'aorte thoracique ou abdominale ou des plaques athéromateuses ulcérées
de l'aorte thoracique. Si l'indication chirurgicale n'est pas retenue sur l'aorte
en raison du risque opératoire, il sera difficile de choisir entre anticoagulants
oraux et anti-agrégants ( en l'absence d'étude). Il faudra tenir compte de l'âge
et de l'état général du malade.
6.4.6. Ischémie d'origine médicamenteuse
• La survenue d'une ischémie aiguë chez un malade traité par Héparine
non fractionnée, ou de manière exceptionnelle par une Héparine de bas
poids moléculaire, doit faire évoquer de manière systématique une
thrombopénie induite par l'Héparine. L'ischémie survient habituellement
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entre le cinquième et le quinzième jour après le début du traitement. Le
diagnostic est pratiquement affirmé devant la chute des plaquettes et des
tests immuno-enzymatiques (test ELISA) seront réalisés. La participation
d'un spécialiste en hémostase est indispensable pour encadrer le geste
chirurgical. Le pronostic de sauvetage de membre est réservé.
• Une ischémie peut s'observer lors de la prise de dérivés de l'ergot de
seigle. Habituellement, le diagnostic est évoqué chez une malade
migraineuse entre 30 et 40 ans. Les signes sont souvent bilatéraux. Le
traitement est le plus souvent médical, associé bien sûr à la
suppression de l'agent causal.
6.4.7. Citons d'autres causes rares
Les embolies paradoxales (phlébite avec foramen oval perméable), artère
poplitée piégée, l'anévrysme sur artère sciatique persistante.
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ISCHEMIE AIGUE DES MEMBRES INFERIEURS
Objectifs
Niveau
1
Identifier par l'examen clinique la gravité d'une
ischémie aiguë
+
Identifier les éléments cliniques en faveur d'une
embolie artérielle
+
Identifier les éléments cliniques en faveur d'une
thrombose artérielle
+
2
Intérêts de l'artériographie
Traitement d'une embolie sur artères saines
+
+
Enumérer les étiologies d'une ischémie aiguë
+
Identifier par l'examen clinique une thrombose aortique
+
Anévrysme poplité compliqué : préciser les
mécanismes de l'ischémie
Savoir prescrire un bilan cardiaque devant une
ischémie d'origine embolique
3
+
+
Connaitre l'intérêt de l'aponévrotomie de jambe
+
Thrombose d'un pontage : énumérer les étiologies
possibles
+
17
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