a. harfouche processus organisationnel de mise en place des

publicité
LE PROCESSUS ORGANISATIONNEL DE MISE EN PLACE
DES STANDARDS INTERNATIONAUX AU NIVEAU MICRO
Jamil ARIDA – Chargé d’enseignement à la FGM
Antoine HARFOUCHE - Maître de Conférences à l’Université François-Rabelais de
Tours (IAE de Tours)
RESUME
Aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises adoptent et implémentent des dispositifs
de gestion normalisés. L’objectif de cet article est d’étudier les processus
organisationnel d’institutionnalisation des normes ISO et IAS/IFRS au sein d’une
filiale libanaise d’une multinationale. Dans ce contexte, le concept de dualité suppose
qu’une filiale peut subir deux types de pressions : pressions globales et pressions
locales. Notre objectif est d’étudier l’impact de ces deux types de pression sur le
comportement d’adoption des normes au sein d’une organisation. Ainsi, deux études
de cas ont été constituées en se basant sur des entretiens semi-directifs centrés
réalisés à trois reprises sur une période de deux ans auprès des managers et
employés de la filiale libanaise. Les résultats de cette recherche montrent que
l’institutionnalisation d’une norme peut suivre deux types de processus. Le premier
concerne les normes ISO peut être qualifié de processus d’institutionnalisation de
type PUSH. Dans ce cas, les normes ISO sont surtout imposées par la maison-mère
dans le but de se conformer aux pressions globales. Alors que dans le cas des
normes IAS/IFRS, le processus peut être plutôt qualifié de type PULL. En effet, les
normes IAS/IFRS sont imposées par les lois libanaises et résultent donc d’une
pression locale.
MOTS CLES
Théorie néo-institutionnelle ; institutionnalisation ; normalisation ; processus
organisationnel ; ISO ; IAS/IFRS
INTRODUCTION
Aujourd’hui, les dispositifs de gestion normalisés sont devenus au cœur du
fonctionnement des organisations modernes. Leur implémentation croissante au sein
des entreprises suppose un impact sur leur dynamique organisationnelle. En effet,
au-delà de la normalisation des comportements, leur mise en place suppose un
certain apprentissage collectif et un changement institutionnel et organisationnel
conséquent, ce qui modifie les relations entre les différents acteurs et les relations
intra-organisationnelles.
1
L’objectif de cet article est d’étudier le processus organisationnel
d’institutionnalisation des dispositifs de gestion normalisés au sein de la filiale
libanaise d’une multinationale (MNC). Nous nous intéresserons à la manière dont la
filiale libanaise acquière et assimile de nouvelles normes tout en soulignant les
pressions globales et locales auxquelles elle est soumise. Nous soulignerons le rôle
des acteurs dans ce processus tout en focalisant le regard sur la dynamique
organisationnelle qui se crée. Ceci se fera à travers l’exemple de la mise en œuvre
des deux dispositifs normalisés ISO et IAS/IFRS au sein de la filiale libanaise. Ainsi,
dans sa position spécifique entre le global et le local, nous répondrons aux questions
suivantes: Comment une filiale réagit-elle par rapport aux pressions globales et
aux pressions locales concernant l’adoption de dispositifs de gestion
normalisés de type ISO et IAS/IFRS? Quelles sont les dynamiques
organisationnelles qui se créent autour de ces normes ? Quel est le rôle joué
par chaque acteur au sein de la filiale ? Quels sont les processus
d’institutionnalisation suivis ?
La mise en place du dispositif de gestion normalisé s’inscrit dans un contexte social,
politique et culturel précis. Ainsi nous soulignons dans cet article le rôle de la culture
et des politiques organisationnelles et environnementales dans ce processus de
mise en place des deux outils de gestion (ISO et IAS/IFRS).
Dans ce contexte, la théorie néo-institutionnelle se révèle comme un cadre utile pour
expliquer le cas d’une filiale qui subit les influences externes globales et locales et
les influences internes (Kostova et Roth, 2002). La branche étendue de cette théorie
nous permet de prendre en considération le rôle des acteurs au sein de la filiale. Ce
rôle est primordial dans la dynamique organisationnelle qui se développe avant et
durant la mise en place des normes. Notre approche du processus
d’institutionnalisation des dispositifs de gestion situe la recherche au niveau micro.
Ainsi, nous poserons un double regard sur ce phénomène : d’une part, nous
identifierons les facteurs de pressions ; d’autre part, nous observerons les différentes
phases qui constituent le processus d’institutionnalisation de ces dispositifs.
Pour analyser d’une manière dynamique le processus d’institutionnalisation, nous
utiliserons une approche qualitative longitudinale. Ce genre d’approche favorise la
confrontation de la théorie et du terrain. Ainsi, la méthodologie d’étude de cas est
apparue comme la démarche la plus pertinente pour répondre à un tel objectif.
Wacheux (1996) définit cette méthode comme « une analyse spatiale et temporelle
d’un phénomène complexe par les conditions, les évènements, les acteurs et les
implications ». Cette méthode constitue donc le format le plus adapté pour restituer la
complexité de la mise en place des outils de gestion normalisés ISO et IAS/IFRS.
Deux études longitudinales ont été réalisées :
La première étude est relative à la mise en place des normes ISO au sein de
la filiale libanaise et sera d’une durée de 23 mois.
La deuxième considère la mise en place des normes IAS/IFRS au sein de la
même filiale et sera d’une durée de 18 mois.
Les durées des études de cas ont été fixées selon l’agenda de la filiale libanaise. Les
deux cas ont été constitués suite à l’analyse d’entretiens semi directifs centrés
(ESDC) réalisés avec les principaux acteurs de cette mise en place.
Le contexte de cette recherche la rend intéressante et originale pour plusieurs
raisons :
2
La recherche traite le cas de la filiale d’une multinationale. Ce qui nous
permettra de prendre en considération les deux types de pressions globales et
locales. Ceci ajoute donc des pressions peu présentes dans le cas des autres
organisations locales (entreprises nationales, PME/PMI, organisations publiques,
etc.). Nous avons choisi le cas d’une filiale, car selon Farashahi, Hafsi et Molz
(2005), avec la mondialisation, l’environnement des affaires devient de plus en plus
global donnant ainsi de plus en plus d’importance aux multinationales. Leur étude
devient cruciale dans l'analyse institutionnelle de l'organisation. Dans le cas de la
filiale H, les managers doivent raccommoder les exigences de leur maison-mère et
les contraintes et exigences locales. Souvent, ces deux types de pressions ne vont
pas dans le même sens. Il est donc intéressant d’explorer la manière dans laquelle
les différents acteurs vont réagir face à ce contexte.
Nous comparons la mise en place de deux types de normes : les normes ISO
et les normes IAS/IFRS. Ces normes ne possèdent pas les mêmes caractéristiques.
Dans le cas des multinationales, les normes ISO sont souvent imposées par la
maison-mère. Alors que les normes IAS/IFRS sont souvent imposées par les lois
locales. Ces deux cas nous permettront de comparer la dynamique qui se crée
autour de chaque type de norme.
Nous comparons les perceptions, attentes et comportements des
responsables/ managers aux ceux des employés/ouvriers. Par cette comparaison qui
intègre différents niveaux d’analyse, nous souhaitons présenter une vision, la plus
globale possible, sur la mise en place des normes au sein d’une entreprise.
Ces deux études se déroulent au Liban. Elles restent très rares les études
effectuées dans ce pays. De nouvelles dimensions culturelles et politiques peuvent
donc être prises en compte. Ceci permet d’enrichir le contexte de cet article. En effet,
le Liban est considéré comme un carrefour entre l’Occident et l’Orient. Dans ce pays
paradoxe, le local se mélange avec le global dans un contraste unique dans son
genre. Le rôle des forces politiques confessionnelles et tribales est important et pèse
énormément sur le choix des organisations. En effet, ces forces ont réussi à créer
un régime unique dans son genre fondé sur le clientélisme et le sectarisme (Karam
et Catusse, 2009 ; Corm, 2008). Cette atmosphère pèse sur le management des
filiales des multinationales.
Ces quatre spécificités ajoutent plus d’originalité sur un sujet à la base original. En
effet, si les recherches qui s’intéressent au processus d’institutionnalisation des
normes au niveau macro sont nombreuses, elles restent rares celles qui cherchent à
étudier en profondeur l’adaptation de ces normes par une entreprise en particulier.
En effet, la majorité des recherches sur le processus d’institutionnalisation se fait
dans un secteur d’activité précis ou au sein d’une économie précise. Mais
l’institutionnalisation en interne qui correspond à la mise en place des normes au
sein d’une seule organisation reste très peu étudiée.
Dans ce qui suit, nous commencerons par les apports de la branche étendue de la
théorie néo-institutionnelle sociologique et le rôle de l’entrepreneur institutionnel et
des autres acteurs au sein de l’organisation. Ensuite, nous présenterons la spécificité
du cas des filiales. Et nous terminerons la partie théorique de cet article par un
résumé des contraintes auxquelles font face les filiales libanaises. La partie pratique
présentera la méthodologie de cette recherche ainsi que les résultats de nos deux
études terrain. Ces résultats montrent qu’il existe deux types de processus qui seront
comparés dans la dernière partie de cet article.
3
LES
NORMES
A
INSTITUTIONNALISTES
L’AUNE
DES
THEORIES
NEO-
En dehors de la vision déterministe néo-institutionnelle, la branche étendue du néoinstitutionnalisme sociologique propose une vision volontariste qui suppose que les
entrepreneurs institutionnels jouent un rôle crucial dans le changement
organisationnel (DiMaggio, 1988). En effet, le néo-institutionnalisme sociologique
étendu réintroduit les attentes et les besoins des acteurs au cœur de
l’institutionnalisation (Huault et Leca, 2009). Cette nouvelle branche considère que
les institutionnalistes ne doivent pas continuer à s’intéresser uniquement aux
situations qui sont ignorées par les rationalistes et les behavioristes, c'est à dire,
celles dans lesquelles les acteurs ne poursuivent pas leurs propres intérêts
(DiMaggio, 1988). Elle cherche ainsi à inclure tous les types de comportement au
sein de l’institutionnalisme, y compris ceux motivés par les intérêts personnels et par
le pouvoir (Holm, 1995). Ainsi, selon cette théorie, les entrepreneurs institutionnels
se désencastrent (Beckert, 1999) et introduisent le changement au sein de
l’organisation en adoptant des innovations managériales (Zimmerman et Zeit, 2002).
Cette adoption peut changer les méthodes de travail au sein de l’organisation et
conduit ainsi les autres acteurs à résister car leur comportement et leur rationalité
sont conditionnés par les anciennes institutions (Scott, 2001). Notre article cherche à
étudier l’impact des pressions de l’environnement sur le comportement des acteurs
au sein des organisations. Notre vision doit prendre en considération le
comportement volontariste des entrepreneurs institutionnels mais également le
comportement de résistance des autres acteurs. Nous nous intéresserons donc à
cette dynamique organisationnelle qui sera créée autour du paradoxe
changement/résistance qui accompagne une décision de mise en place d’un
nouveau dispositif de gestion.
Le néo-institutionnalisme étendu : Le rôle de l’entrepreneur institutionnel et
des autres acteurs
DiMaggio et Powell (1991) ont introduit plus de volontarisme dans l’analyse
institutionnaliste en intégrant le rôle stratégique des agents. En effet, selon la
branche étendue du néo-institutionnalisme, certains des acteurs au sein de
l’organisation peuvent agir pour modifier les règles du jeu de leur environnement
(Hoffman et Ventresca, 2002) et deviennent ainsi des entrepreneurs institutionnels.
D’autres peuvent rester encastrés dans leur contexte socio-politique et continuer à
protéger leurs habitudes devenues ‘taken-for-granted’.
Cette vision étendue redonne de l’importance aux acteurs au sein d’une théorie néoinstitutionnelle qui selon Allouche et Huault (2003) les a négligés du moins dans ses
fondements. En effet, Hasselbladh et Kallinikos (2000) considéraient que les
explications de la théorie néo-institutionnelle étaient relativement désincarnées dans
la mesure où les attentes et les besoins des acteurs étaient considérés comme une
boîte noire à côté des facteurs inter-organisationnels et institutionnels qui rythment
les comportements organisationnels. Le courant étendu a été donc introduit dans le
but de combler ces lacunes en remettant les agents au cœur du processus
d’institutionnalisation des innovations managériales.
4
Figure 1. Les choix stratégiques des acteurs selon la théorie néoinstitutionnelle
Mais malgré le progrès que ce nouveau courant a conduit, les tentatives
d’introduction du rôle des acteurs au sein du processus d’institutionnalisation ne
concernaient que les managers susceptibles d’exploiter les institutions à leurs profits
(Bourgeois, 2007). Nous considérons qu’il faut réintégrer le rôle de tous les autres
acteurs et non seulement celui des entrepreneurs institutionnels, surtout celui des
autres managers qui refusent de s’allier aux entrepreneurs institutionnels et aussi
celui des employés qui résistent au changement. En effet, la prise en considération
de l’ensemble des acteurs au sein de l’organisation (managers et employés)
permettrait de mieux comprendre la dynamique organisationnelle qui se crée suite à
l’introduction des normes surtout au niveau intra-organisationnel. Cette nouvelle
vision du néo-institutionnalisme étendu permettra donc de traduire la dynamique
intra-organisationnelle à l’œuvre dans la filiale ce qui permet de mieux expliquer le
comportement des différents acteurs et de relier les actions individuelles aux
influences macro-sociales (Huault, 2002).
Le rôle de l’entrepreneur institutionnel
Des études récentes montrent que certains cadres d’une organisation sont
susceptibles d’institutionnaliser des pratiques et de désinstitutionnaliser d’autres pour
accroître ou maintenir leur pouvoir ou leur profit (Huault et Leca, 2009). Selznick
(1957) l’avait affirmé il y a cinq décennies en stipulant que le processus
d’institutionnalisation peut être appréhendé par une démarche volontariste de la part
des décideurs au sein de l’entreprise. DiMaggio (1988) a approfondi cette idée dans
son article séminal de 1988. Selon ce dernier, le processus d’institutionnalisation est
souvent déclenché par des agents organisés qui disposent du pouvoir et des
ressources. Pour des raisons stratégiques, ou parfois influencés par des contraintes
exogènes ou externes, ces derniers connus sous le nom d’entrepreneurs
institutionnels décident à un moment donné de changer les règles du jeu
(Zimmerman et Zeitz, 2002). Ils agissent ainsi en discordance avec les normes
5
institutionnalisées au sein de leur organisation et tentent même de les changer
(Zilber, 2002).
Selon Battilana et al. (2009), les entrepreneurs institutionnels sont des agents de
changement qui remplissent deux conditions : (1) ils initient des changements
radicaux qui rompent avec le modèle institutionnalisé au sein d’une organisation
donnée, et (2) ils participent activement à la mise en œuvre de ces changements.
Ces changements peuvent être ou peuvent ne pas être intentionnels (Battilana et al.
2009). De tels changements pourraient être initiés dans les limites d'une organisation
ou dans des contextes institutionnels plus larges, dans lesquels l'acteur est
embarqué. Dans ce large contexte, les entrepreneurs qui créent des modèles
d'affaires qui divergent des modèles existants pourraient donc être considérés
comme des entrepreneurs institutionnels.
Selon Battilana et al. (2009), il existe deux conditions favorables à l’émergence des
entrepreneurs institutionnels : (1) les caractéristiques du terrain et (2) la position
sociale des acteurs. En effet, selon ces derniers, les caractéristiques du terrain
comme les crises économiques et politiques, les bouleversements sociaux, les
innovations technologiques, les changements réglementaires, ainsi que le degré
d'hétérogénéité et d'institutionnalisation du champ sont des caractéristiques qui sont
susceptibles de favoriser le rôle de l’entrepreneur institutionnel. Mais il faut noter que
la position sociale des acteurs influe leur relation à leur environnement. Ainsi, les
acteurs au sein d’une organisation perçoivent les caractéristiques du terrain
différemment selon leur position sociale. Par exemple, le fait d’avoir été exposé à ces
normes dans d’autres organisations ou à l’étranger pourrait conduire un manager ou
n’importe quel acteur à devenir un entrepreneur institutionnel (Boxenbaum et
Battilana, 2005). L’accès aux ressources est également une condition favorable à
l’entreprenariat institutionnel (Battilana et al. 2009).
Nous pouvons donc déduire que pour réussir le changement organisationnel voulu,
l’acteur doit être capable de se désencastrer (Beckert, 1999) pour regagner en choix
stratégiques (Leca, 2006). Il doit être capable de mobiliser des ressources pour
pouvoir adopter des nouvelles pratiques (DiMaggio, 1988). Ensuite, il pourra
institutionnaliser ces pratiques en convaincant les autres agents de les adopter eux
aussi (Fligstein, 1997). Ces nouvelles pratiques, une fois institutionnalisées, donnent
le pouvoir à ceux qui sont responsables de leur mise en place (Lawrence et al.
2001). Ainsi, elles favorisent certains agents et en défavorisent d’autres (Phillips et
al. 2000). L’entrepreneur institutionnel et ses alliés sont donc récompensés. D’autres
acteurs sont défavorisés. Une dynamique organisationnelle se crée autour de ce
phénomène. Cette dynamique est caractérisée d’un côté par une vision du
changement et d’un autre par une résistance à ce changement.
Entrepreneur institutionnel, filiale et adoption des normes
Dans le cas des filiales, la maison-mère joue souvent un rôle important dans les
décisions stratégiques. En effet, comme nous l’avons bien souligné dans la partie
1.2, la maison-mère est souvent à l’origine de pressions institutionnelles. En général,
ces pressions sont favorables à l’adoption des normes. Au sein de la filiale, certains
acteurs saisissent l’occasion pour changer les règles du jeu en s’alliant à la maisonmère. Une fois, qu’ils gagnent le soutien de la maison-mère, ces entrepreneurs
institutionnels adoptent des stratégies de cadrages pour attirer des alliés potentiels
6
au sein de la filiale (Benford et Snow, 2000). A l’aide d’un fort soutien de la maisonmère, cette coalition va lui permettre d’institutionnaliser de nouvelles pratiques au
sein de la filiale. A moyen et long terme, l’institutionnalisation de ces nouvelles
pratiques accroît son pouvoir au dépend des autres acteurs. En effet, ces nouvelles
pratiques vont exercer un pouvoir et vont conduire les acteurs à agir d’une manière
qu’ils n’auraient pas adoptée sans leur influence (Leca et Huault, 2009).
Comme le précisent Leca et al. (2006), au niveau organisationnel, les entrepreneurs
institutionnels peuvent changer les pratiques organisationnelles (Rao et al. 2000),
les normes, les valeurs ou même les croyances au sein du système organisationnel
de la filiale (Wade-Benzoni et al. 2002). Ils peuvent aussi transformer les relations
inter-organisationnelles dans un secteur ou dans une industrie et influencer ainsi le
taux de survie des organisations (Rao, 1994).
Au niveau individuel, ces entrepreneurs poursuivent plutôt des objectifs liés à la
réalisation ou l'amélioration de leurs propres intérêts (DiMaggio, 1988; Beckert,
1999). Ces motivations découlent de l’échange avec les autres acteurs de
l’organisation (Leblebici, 1991). Elles se traduisent par une augmentation du
contrôle et du pouvoir de leur propre groupe pour pouvoir imposer leur propre vision
du changement (DiMaggio, 1988, 1991).
Ressources, réseaux et pouvoir
Face à de nouvelles exigences du marché ou suite à des pressions institutionnelles,
les institutions en place perdent leur efficacité et rendent ainsi faciles les
interventions des entrepreneurs institutionnels. Une fois les institutions ne
fonctionnent plus, les relations interpersonnelles prennent le relais (Peng 2000). A ce
moment, ceux qui détiennent les ressources et les réseaux détiennent le pouvoir au
sein de l’organisation (Pfeffer et Salancik, 1978). La capacité de ces acteurs à
contrôler l’accès aux ressources dont les autres acteurs ont besoin leur permet de
défendre et même d’accroître leur propre pouvoir. L’imprévisibilité de leur
comportement et l’incertitude qui en résulte peuvent également accroître leur pouvoir
(Crozier et Friedberg, 1977). Le fait qu’ils vont être à l’origine du projet d’adoption ou
de mise en œuvre, ils vont acquérir un rôle central au sein de l’organisation. La
centralité de ces acteurs au sein des réseaux sociaux les rend inéluctables et leur
offre une posture privilégiée.
Parfois, ils sont même capables d’exploiter l’institution à leur profit (Leca et
Naccache, 2006). Ils peuvent retirer un profit individuel dans le respect des règles
institutionnalisées. Mais parfois, ils n’agissent pas uniquement pour maximiser leur
propre profit (Fligstein, 2001) ou leur pouvoir personnel (DiMaggio, 1991).
7
Les entrepreneurs
institutionnels
agissent
Pour augmenter
leurs
propres
profits
personnels
Pour résoudre Pour faire véhiculer Car ils sont motivés
les valeurs que le
un problème
par la philosophie
changement
du changement
imposte
Figure 2. Les raisons d’action des entrepreneurs institutionnels
Comme le montre la Figure 2, parfois, ils sont motivés par les valeurs que le
changement véhicule (Wade-Benzoni et al. 2002), par la philosophie du changement
proposé (Rao, 1998), ou dans une optique de résolution de problèmes (Leblebici et
al. 1991).
Il est important de comprendre comment ces entrepreneurs utilisent leur pouvoir pour
influencer le processus d’institutionnalisation d’une nouvelle innovation managériale.
Cette recherche éprouve donc d’ouvrir cette boîte noire en essayant de comprendre
comment se créent les rapports entre les entrepreneurs institutionnels, les autres
acteurs et les institutions et comment évoluent ces rapports avec le temps.
Processus d’institutionnalisation et entrepreneurs institutionnels
Du point de vue des acteurs, le processus d’institutionnalisation d’un dispositif de
gestion normalisé (les normes) au sein d’une organisation commence souvent par
une volonté de rechercher le professionnalisme. En effet, selon DiMaggio et Powell
(1991), les efforts déployés par les managers pour définir les conditions et méthodes
de leur travail et contrôler la production conduisent à l’adoption de certains
comportements normalisés. C’est pour cette raison les associations professionnelles
considèrent que leur principal objectif est la structuration du champ est le
développement des normes (Greenwood, Suddaby et Hinings, 2002). Selon Tolbert
et Zucker (1983) le rôle des groupes d’influences est crucial car ils permettent un
soutien continu et ceci pour réduire la résistance des groupes d’oppositions. La
réduction de la résistance sociale est importante dans le processus
d’institutionnalisation car les individus doivent venir à accepter une définition
partagée de la réalité sociale et la considérer comme allant de soi.
Le choix d’adopter les normes par les entrepreneurs institutionnels est renforcé par la
rationalité limitée de ces managers (March et Simon, 1958) qui vont considérer ce
choix comme une décision satisfaisante (satisfaying) qui leur permet de prendre des
décisions optimales.
Avec le temps, la mise en application de nouvelles méthodes de travail vont changer
les règles de jeu au sein de la filiale. Ce changement imposera une nouvelle
philosophie d’allocation des ressources. Les entrepreneurs institutionnels seront au
8
cœur de ce changement du fait qu’ils gèreront et accompagneront la mise en
application des nouveaux dispositifs. Ils gagneront peu à peu en pouvoir au sein de
l’organisation
Le rôle des autres acteurs au sein de la filiale
Hormis les entrepreneurs institutionnels dont leur position sociale leur permet de se
désencastrer, il apparait qu’elles restent rares les recherches qui prennent en
considération les autres acteurs de l’organisation.
Pour cela, Bourgeois (2007) a introduit certaines notions des théories des modes
managériales pour enrichir les principes micro du néo-institutionnels. Ainsi, il s’est
inspiré de Midler (1986) qui considérait que les dispositifs de gestion peuvent
constituer un atout pour les autres acteurs surtout si au moment de leur introduction,
les entrepreneurs institutionnels arrivent à justifier que l’utilisation de tels dispositifs
réponde aux besoins d’amélioration du management et de la performance de
l’organisation.
Selon Crozier et Friedberg (1977), l’acteur possède toujours une marge de
manœuvre relative qu’il va exercer en tout moment pour améliorer sa situation.
Bernoux (2003), confirme ceci et précise que ces acteurs construisent leur réponse
en fonction de leur vision globale de l’ensemble des contraintes de leur organisation
et du contexte de l’environnement. Ainsi, chacun selon ses projets, sa position
sociale, ses capacités et ses ressources, contribue à la fois à la stabilité et au
changement organisationnel (Demers, 1999).
Donc suite à une décision d’adoption de nouvelles pratiques, les acteurs vont
influencer le processus d’institutionnalisation de ces pratiques au sein de
l’organisation selon la manière dont ils vont les percevoir. Ceci passe chez certains
par une évaluation des avantages et des inconvénients de cette adoption. Ainsi, si
ces nouvelles pratiques leur offrent plus d’avantages que d’inconvénients, ils vont
considérer sérieusement la possibilité de les adopter. Ensuite, une fois adoptées et
mises en place, les nouvelles pratiques sont institutionnalisées. En cas où les
anciennes pratiques leur procurent plus d’avantages que les nouvelles pratiques
introduites par les nouvelles normes, ils vont essayer de les préserver. Ils vont donc
résister à la mise en place des nouvelles normes. Nous pouvons donc conclure qu’il
existe deux types de réaction suite à la mise en place des nouvelles normes :
L’acceptation des normes ou la résistance consciente ou inconsciente (Perret, 2009)
à cette mise en application.
En effet, certains acteurs au sein de l’organisation vont faire leur choix en s’inspirant
des expériences des entrepreneurs institutionnels faites en pareille situation. Ils
imiteront ainsi le comportement des entrepreneurs car ils le considèrent plus
avantageux (l’isomorphisme de DiMaggio et Powell, 1991) pour eux. Certains vont
même jusqu’à créer des alliances avec les entrepreneurs institutionnels dans le but
de gagner une part du gâteau. Ils s’allient aux entrepreneurs institutionnels et
soutiennent leur démarche pour profiter du changement.
Pour d’autres acteurs, le changement n’est pas vu d’un œil positif. Ils restent
encastrés dans leurs habitudes et dans leurs anciennes méthodes de travail et
refusent tout changement. Ils le font d’une manière inconsciente car ils donnent
beaucoup d’importance aux normes, structures et cultures organisationnelles et
cherchent par tout moyen à maintenir le statu quo en soutenant les procédures et les
9
habitudes qui conduisent les individus et les groupes à résister au changement ; ou
ils le font d’une manière consciente car ils refusent de perdre les avantages que les
anciennes méthodes de travail offraient.
Les deux paragraphes suivants seront consacrés à ces deux types de réaction. La
première stratégie concerne l’acceptation des nouvelles normes (pratiques) et
l’alliance aux entrepreneurs institutionnels. La deuxième concerne la résistance
consciente et inconsciente. Dans certains cas, les entrepreneurs institutionnels
peuvent passer par ces acteurs qui, eux, vont utiliser les ressources pour augmenter
la pression sur les acteurs qui résistent au changement.
Réaction d’acceptation des normes et alliance
Face à une nouvelle norme, certains acteurs vont avoir le sentiment de faire preuve
de rationalité en l’adoptant (Abrahamson, 1996). Influencés par la communication qui
se développe autour de ces normes, ils vont la considérer comme une réponse
crédible à leurs problèmes (Midler, 1986). Dans ce contexte, les acteurs vont se
rapprocher des entrepreneurs institutionnels qui soutiennent le projet et vont s’allier à
ces entrepreneurs. Gamson (1961) supposait que parmi les facteurs expliquant la
formation d’alliance ou de coalition (dans cet article, nous utilisons les deux notions
d’alliance et de coalition comme interchangeables) au sein de l’organisation, on
trouve les bénéfices recherchés par les coalisés ainsi que les ressources dont ils
disposent.
Dans ce cas, les acteurs vont soutenir la mise en application des normes. Ils
défendront cette mise en application des normes et travailleront du côté des
entrepreneurs pour convaincre les indécis de l’utilité d’un tel projet.
Refus des nouvelles normes et résistance au changement
Si la mise en place des nouvelles pratiques managériales n’est pas bien préparée,
l’adoption de celles-ci peut créer un problème de gestion. En effet, selon Perret
(1996), les différentes composantes du contexte organisationnel comme l’histoire de
l’organisation, ses structures et ses systèmes de gestion, sa culture et son système
de pouvoir développent des résistances qui peuvent freiner, voire faire échec à
l’introduction des nouvelles normes et pratiques de gestion.
Selon Bareil (2004), la résistance au changement se manifeste de la part des
employés, des cadres, des gestionnaires et même des dirigeants eux-mêmes. Cette
résistance est exprimée quand les acteurs ne sont pas convaincus de la pertinence
des décisions de changement.
Au niveau des employés, la résistance au changement résulte souvent d’un état de
dissonance cognitive. En effet, avec le temps, l’acteur au sein d’une organisation
développe ses propres méthodes de travail qu’il considère optimales. L’adoption des
innovations managériales implique la mise en place de nouvelles pratiques souvent
incompatibles avec ses anciennes méthodes (Lawrence, 1969). Ce qui lui met la
pression et lui oblige à changer ses méthodes. Ce changement de méthodes crée
une tension désagréable chez l’employé et le pousse à mettre en œuvre des
stratégies inconscientes visant à restaurer un équilibre cognitif et réduire ainsi la
dissonance cognitive. Une personne agissant depuis des années selon une certaine
10
méthode profondément ancrée dans ses habitudes aura donc de difficultés à les
modifier, et a tendance à rejeter les nouvelles méthodes de travail.
Au niveau des managers, tous les membres de la direction ne sont pas
automatiquement convaincus de la pertinence d’un changement (Lewis, 1999). Eux
aussi peuvent donc résister à la mise en place d’une innovation managériale.
Selon Bareil (2004), la résistance au changement peut être individuelle ou collective,
active ou passive. La résistance individuelle est un mécanisme de défense qui sert à
neutraliser l’anxiété qui accompagne le changement. Les groupes aussi peuvent
résister au changement surtout s’ils perdent leurs acquis. Les effets de changement
sur les réseaux informels peuvent provoquer donc des manifestations de résistance
(Bareil, 2004). La résistance active se manifeste par un refus visible (des grèves, des
manifestations, des démonstrations, des sit-in), des critiques, des plaintes, du
sabotage, alors que la résistance passive s’exprime d’une manière indirecte par le
statu quo, la lenteur, les rumeurs et le ralentissement.
Les raisons de la résistance au changement de la part des employés
Au sein d’une organisation, les employés peuvent résister au changement pour
plusieurs raisons. Bareil (2004) a regroupé ces raisons en six catégories : les causes
individuelles, les causes collectives, les causes politiques, les causes liées à la
qualité de mise en œuvre du changement, les causes liées au système
organisationnel en place et au changement lui-même.
-
Au niveau individuel, les caractéristiques sociodémographiques comme l’âge
sont des facteurs positivement corrélés à la résistance au changement. Mais il
existe également d’autres causes comme les traits de personnalité,
l’incompréhension du changement, la peur de perdre certains avantages suite
à ce changement, et un ratio coût/bénéfice élevé.
-
Au niveau collectif, la résistance peut être culturelle (Francesco et Gold,
1998). Elle peut être liée au respect des normes sociales, ou à la recherche
du maintien du caractère sacré de certaines choses en termes de mœurs et
rituels. Parfois, quand une innovation managériale est adoptée, certains
acteurs se regroupent pour s’opposer à la mise en place de cette nouvelle
méthode de travail. Ce regroupement est surtout construit sur des intérêts
communs.
-
Au niveau politique, les employés peuvent résister au changement sous
pression de personnes influentes, ou influencés par les forces politiques ou
syndicales (Bareil, 2004).
-
Au niveau de la mise en œuvre du changement, selon Rondeau (2002),
certaines conditions comme l’orientation, la sensibilisation et l’habilitation
lorsqu’elles sont absentes conduisent à une résistance.
-
Au niveau du système organisationnel, les déterminants de la résistance au
changement sont nombreux. Rondeau (2002) cite le contexte et
l’environnement de l’organisation, sa structure, sa culture et surtout le manque
de leadership au sein de l’équipe dirigeante.
11
-
Parfois, le changement lui-même engendre une résistance de la part des
employés. En effet, parfois, les innovations managériales introduites
impliquent des changements complexes et peu légitimes ce qui fait que le
changement est perçu comme contraire aux valeurs du milieu (Bareil, 2004).
Le cynisme organisationnel
La théorie des organisations présente d’autres attitudes de résistance au
changement comme par exemple le cynisme organisationnel. En effet, le cynisme
organisationnel a été défini par Dean et al. (Dean et al. 1998, traduit par Perret
2009) comme une attitude négative à l’égard de l’organisation. Cette attitude
négative comprend trois dimensions : une croyance que l’organisation manque
d’intégrité, un sentiment négatif envers l’organisation, et des tendances à des
comportements de discrédits l’égard de l’organisation.
Face à ce genre de comportement, Perret (2009) préconise une double réponse :
une intensification de la participation de l’ensemble des acteurs et l’amélioration de la
communication.
Les décisions dans ce cas ne sont plus individuelles mais plutôt collectives et
s’inscrivent ainsi dans un champ organisationnel. Cette notion de champ
organisationnel souligne l’importance du contexte et relie l’action individuelle aux
influences macro-sociales (Huault, 2002).
L’impact de l’adoption des normes sur la dynamique intra-organisationnelle
L’adoption d’un nouveau dispositif de gestion peut avoir plusieurs impacts sur la
dynamique intra-organisationnelle. En effet, l’adoption casse l’équilibre qui existe
déjà au sein de l’organisation. Un changement se crée au-delà des logiques
existantes et un nouvel ordre se met en place. Les entrepreneurs institutionnels
révolutionnent ainsi l’organisation et développent un nouveau modèle en s’appuyant
sur les logiques institutionnelles qui accompagnent le dispositif de gestion adopté.
Ce changement dépend surtout de la volonté des entrepreneurs institutionnels mais
également de l’existence de ressources nécessaires à l’accompagnement du
changement. Les entrepreneurs utilisent ainsi leurs ressources pour cadrer
l’institution qu’ils créent. En effet, la légitimation de la nouvelle logique requiert le
soutien d’autres acteurs (Garud et al. 2002 ; Greenwood et al. 2002). Pour cela, les
entrepreneurs institutionnels doivent utiliser leur talent pour convaincre les alliés
potentiels. Ainsi, une dynamique à double facette est lancée. Cette dynamique se
repose sur d’un côté la construction d’alliance et de coalitions et d’un autre côté sur
la théorisation (Greenwood et al, 2002).
En effet, la théorisation consiste à formuler un problème auquel la nouvelle norme
constitue une solution ou un traitement afin de la présenter comme étant meilleure
que les pratiques existantes (Greenwood et al. 2002). La théorisation passe
nécessairement par la persuasion qui cherche à donner du sens aux nouvelles
normes auprès des acteurs (Maguire et al. 2004). Elle passe également par le
marchandage et la négociation.
Ainsi, certaines personnes vont s’allier aux entrepreneurs et vont ainsi gagner du
pouvoir au dépend des autres qui vont résister et vont en perdre. Dans cette partie,
nous allons résumer les impacts de la mise en place d’une nouvelle norme sur la
12
dynamique à l’intérieur d’une organisation. Nous commencerons par résumer le
changement subi au niveau de la hiérarchie avant de présenter les changements
survenus au niveau des relations entre les acteurs. Nous terminerons cette partie par
les conflits qui sont introduits suite à la mise en place de nouvelles normes.
Changement de la position hiérarchique de certains acteurs
L’adoption d’un nouveau dispositif de gestion normalisé permet à certains acteurs de
gagner en pouvoir, ce qui conduit à un changement dans leur poids au sein de
l’organisation. En effet, le pouvoir acquis va permettre aux entrepreneurs
institutionnels de s’approprier le contrôle des ressources clés au sein de
l’organisation. Ils gagneront ainsi en information, en récompense, en coercition, en
légitimité, en référence et/ou en expertise (French et Raven, 1959).
Cet impact peut améliorer le niveau de satisfaction de certains acteurs mais il peut
également gêner d’autres. L’organisation bénéficiera ainsi des avantages qui
découleront de la satisfaction des acteurs comme par exemple le haut niveau de
motivation de ces derniers, leur meilleure coopération, et leur fidélité à l’entreprise
(Hunt et Nevin, 1974). Mais suite à ce changement de pouvoir, l’entreprise subira le
poids du gène occasionné aux autres acteurs. Ce gène se traduira par moins de
coopération et plus de conflit (Skinner et al. 1992).
Changement dans la nature de la relation entre les différents acteurs
Le changement de pouvoir accompagné d’un changement de méthodes de travail au
sein de l’organisation peut engendrer de nouvelles relations et de nouvelles
interdépendances entre les différents acteurs. Ces nouvelles relations qui relient les
différents acteurs au sein de l’organisation peuvent être résumées par soit une allure
favorable soit une allure défavorable.
Dans le premier cas, nous sommes dans une situation d’entente qui peut conduire à
une coopération. Cette entente se base souvent sur une vision commune de
l’organisation, de ses valeurs, de sa culture, et/ou de sa gouvernance. Cette
coopération peut évoluer en instaurant une logique gagnant-gagnant au sein de
l’organisation. Cette nouvelle logique impose des règles de partage et de
d’obligation.
Dans le deuxième cas, on est dans un cas de conflit et d’opposition. Dans ce cas,
l’acteur vit ses relations d’interdépendance sous le signe de la domination. Il sent de
la frustration quand son avancement vers son objectif est retardé par les autres. Le
cas des conflits sera présenté dans le prochain paragraphe.
Les conflits suite à l’introduction de nouvelles normes
Les acteurs au sein d’une organisation possèdent des objectifs, des ressources et
des valeurs différentes. L’interaction entre ces acteurs génère au quotidien des
conflits. Dans le cas de l’introduction d’une nouvelle innovation managériale, du fait
qu’elle influence les méthodes de travail et le rôle des acteurs, cette introduction est
susceptible de déclencher des conflits entre les acteurs. En effet, l’interaction entre
acteurs désencastrés (les entrepreneurs institutionnels) et autres encastrés (les
acteurs qui refusent le changement et résistent en maintenant le statu quo) génèrera
13
une difficulté à intégrer les différents acteurs dans une vision unique et cohérente du
changement attendu.
Les conflits qui résultent de l’introduction d’une innovation managériale peuvent avoir
différentes raisons. Ils peuvent être le résultat d’intérêts, de valeurs ou d’opinions
divergents. Comme ils peuvent être dus à un conflit d’intérêts, à une tension de rôle
ou à des attentes différentes. Ils naissent surtout à cause d’une négligence ou d’une
passivité de certains acteurs. En effet, au sein de l’organisation, les acteurs agissent
plus par habitude que par respect des règles et des procédures. Tout changement
au niveau de ces habitudes, peut créer une confusion de pouvoirs et un flou dans les
champs de compétence.
LA SPECIFICITE DU CONTEXTE DES FILIALES
Une des spécificités des multinationales comme objet de recherche réside dans le
fait qu’elles peuvent être analysées du point de vue du siège ou de celui des filiales.
Dans cet article, nous avons choisi d’étudier la réaction d’une filiale par rapport aux
pressions de la maison-mère mais également par rapport aux pressions locales. En
effet, selon Farashahi, Hafsi, et Molz (2005), les maison-mères sont devenues les
principales sources de pressions institutionnelles. Ce qui souligne l’importance de ce
domaine. Mais, malgré cet intérêt grandissant, elles restent rares les études qui
s’intéressent à ce sujet. Certains auteurs, comme Kostova et Roth (2002, p. 216)
montrent que si une pratique est mandatée par la maison mère, la filiale est tenue de
se conformer. Ceci implique qu’il existe un domaine intra-organisationnel qui définit
un ensemble de pressions auxquelles les différentes unités de l'organisation doivent
se conformer. Mais en même temps, les filiales étrangères résidant dans différents
pays d'accueil subissent leurs propres pressions institutionnelles locales. Cette
dualité entre le local et le global rend le sujet plus compliqué mais plus intéressant
aussi.
Chaque filiale est confrontée à deux types de pressions isomorphiques distincts et
ont besoin de maintenir à la fois la légitimité dans le pays hôte et au sein de leurs
multinationales. Kostova et Roth (2002 p. 216) se réfèrent à cette situation comme
étant la ‘dualité institutionnelle’. Cette idée de dualité n’est pas nouvelle. En 1991,
Rosenzweig et Singh ont identifié une dualité dans les pressions rencontrées par les
filiales : « Les filiales des multinationales subissent des pressions doubles. Elles
subissent des pressions d’isomorphisme qui proviennent de leur environnement
institutionnel local. Elles sont également confrontées à un impératif de cohérence au
sein de leur maison mère ».
Rosenzweig et Singh (1991) considèrent les multinationales comme un ensemble de
structures et de processus différenciés qui constituent de différentes sous-unités de
l'organisation. Ces structures et processus sont influencés par une variété de forces
de l'environnement, dont certaines sont spécifiques au pays hôte et d’autres sont
plutôt de nature mondiale. En effet, les multinationales sont confrontées à maintenir
leur légitimité et à rester compétitives non seulement dans un seul endroit, mais
plutôt dans tous les endroits où elles opèrent (Farndale et Paauwe, 2007).
14
Parfois, les pressions institutionnelles globales peuvent entrer en conflit avec les
pressions institutionnelles locales. Dans ce cas, la filiale doit équilibrer entre
isomorphisme global et isomorphisme local. Prahalad et Doz (1987) parlent dans ce
cas d’intégration globale et de réactivité locale (global integration and local
responsiveness)
Parmi les pressions globales, Prahalad et Doz (1987) citent :
-
le pouvoir de négation des clients internationaux,
l’intensité concurrentielle de certains concurrents présents dans plusieurs
pays,
-
le besoin en investissement,
-
l'existence d’une innovation technologique,
-
les possibilités d’économie d’échelle et de réduction des coûts,
-
les difficultés d'accès aux matières premières et l'existence d’un besoin global.
Ces pressions entraînent une intégration globale des filiales. Quand les pressions
globales sont fortes, il est normal de voir une tendance à la prédominance du siège
qui transforme les filiales comme de simples exécutantes de leur stratégie. Dans ce
cas, le contexte peut favoriser les idées développées au sein de la maison-mère
(Burgelman et Grove, 1996 ; Hamel, 1996). Ainsi, la maison-mère établit une série de
standards et d’objectifs qu’elle délègue aux départements fonctionnels du siège afin
qu’ils s’occupent de leur mise en place. Selon Romelaer (2005), dans ce cas,
certaines maison-mères mettent en place une structure de type féodal. Dans ce
système, la maison-mère peut s’appuyer sur quelques cadres au sein des filiales à
qui elle leur fait confiance et leur donne du pouvoir. Ils deviennent responsables
devant elle. La confiance règne ainsi sur les relations entre la filiale et la maisonmère.
Parmi les pressions locales, Prahalad et Doz (1987) citent :
les différences de comportement des clients entre le pays de la maison-mère
et le pays hôte (celui de la filiale),
-
le besoin d'adaptation locale des produits et/ou services aux besoins locaux,
-
l’existence de différents types de canaux de distribution,
-
et les pressions locales politico-légales,
-
Les différences culturelles,
Au-delà de ces facteurs, Kostova (1999) propose trois composantes du contexte
local : la composante régulatrice, la composante cognitive et la composante
normative du pays de la filiale. La composante régulatrice reflète les différentes lois
et régulations du pays de la filiale (Scott, 1995). La composante cognitive concerne
la représentation de la réalité qui est partagée par la population. Enfin, la
composante normative consiste en l’ensemble des valeurs et des normes partagées
par les citoyens du pays de la filiale.
Ces pressions locales entraînent l'adaptation des filiales aux conditions locales. Elles
obligent la maison-mère à accepter de délocaliser une grande partie de la décision
dans les pays hôtes. Dans ce cas, la maison-mère est incapable de comprendre
15
totalement la complexité des contextes de ses filiales ce qui la contraint à déléguer
de l’autorité et des responsabilités stratégiques à ses filiales (Beddi, 2006).
La filiale
filiale
Figure 3. La dualité institutionnelle d’une filiale
De plus, la filiale, en acquérant ses propres ressources et expertises, va réduire sa
dépendance vis à vis de la maison-mère (Prahalad et Doz, 1987). La filiale va
essayer de développer de plus en plus sa propre stratégie et ne se reposera plus
seulement sur celle prescrite par la maison-mère. Ce genre de prise d’initiative sera
pour les filiales un des moyens pour accroître leur pouvoir au sein de la
multinationale. Ces initiatives provenant des filiales sont vues avec suspicion et
hostilité par la maison-mère car elles permettraient à la filiale plus d’indépendance.
Cette complexité dans la relation maison-mère/filiales montre que la notion de
dépendance/indépendance qui relie la filiale à son siège est donc la deuxième clé qui
régit les mécanismes de coordination formels et informels d’une multinationale
(Martinez et Jarillo, 1991) (la première est constituée des pressions locales). En effet,
le plus une filiale est dépendante financièrement de sa maison-mère, le moins elle a
de l’autonomie dans la fixation et la détermination de sa stratégie. Cette relation avec
la maison-mère peut conduire la filiale à adopter des innovations managériales sans
conviction et juste sous pression.
Dans le cas où la filiale est indépendante financièrement de sa maison-mère, elle
aura la possibilité dans ce cas de déterminer une stratégie locale. Dans ce contexte,
la recherche de légitimité locale peut conduire la filiale à adopter des normes sous
pressions locales pour devenir isomorphe avec son environnement local. Par
exemple, les lois locales imposent souvent des pratiques que la filiale adopte sous
pressions coercitives (Rosenzweig et Singh, 1991, p. 347).
16
LES CONTRAINTES AUXQUELLES FONT FACE LES FILIALES
LIBANAISES
Les entreprises libanaises sont soumises à des contraintes de plusieurs types qui
déterminent leur position et leur dynamique. Le sens d’évolution vers lequel tendent
ces organisations est fonction des contraintes internes et externes qui agissent sur
elles. Philip Kotler (1971) détermine deux types de facteurs : facteurs sur lesquels
l’entreprise a la possibilité d’exercer un contrôle effectif et facteurs non maîtrisés par
celle-ci. Le macro-environnement tel qu’il est segmenté en domaines économique,
écologique, socioculturel, législatif, technologique et politique, constitue un ensemble
de contraintes fortes qui pondère les choix du décideur. Par ailleurs, des contraintes
liées au microenvironnement comme la pression des clients, la pression des
fournisseurs, la concurrence, les menaces des produits de substitutions et les
menaces des produits des nouveaux entrants sont également décisives sur le choix
des managers. D’autres pressions sont inhérentes à l’entreprise et tiennent de sa
position concurrentielle, de sa structure organisationnelle, de sa culture et de la
position des pouvoirs et sont autant de facteurs déterminant les choix issus d’un
processus de décision que les contraintes de l’environnement. Bien entendu, les
facteurs externes et internes ne sont pas isolés dans le monde de l’entreprise et
leurs actions ne sont pas limitées qu’à l’influence exercée sur le processus de
décision et qu’aux conséquences induites dans l’organisation. En effet, les facteurs
environnementaux et organisationnels sont en interaction, ce qui conduit à
comprendre le milieu de l’entreprise comme un environnement sous contraintes et
dépendances entre acteurs.
Le modèle général que nous adoptons dans cet article est issu des travaux de Burns
et Flam (1987) auxquels on ajoute les principes du néo-institutionnalisme
sociologique. Nous nous intéressons aussi au rôle stratégique des acteurs au sein
de l’organisation. Ce sont donc les théories du néo-institutionnalisme sociologique
étendu qui seront mobilisées surtout pour souligner le rôle des entrepreneurs
institutionnels (Leca, 2006).
Selon Burns et Flam (1987), les acteurs décident de se comporter et se comportent
sous l’influence de contraintes endogènes et exogènes. Les contraintes exogènes
correspondent au contexte socioculturel du pays et de la région, au contexte social et
politico-historique de l’environnement externe de l’organisation. Les contraintes
endogènes inclurent la culture de l’organisation, les normes, les habitudes et les
routines qui sont institutionnalisées au sein de l’organisation, ainsi que les conditions
matérielles. Leur décision et leur comportement sont également influencés par leur
niveau hiérarchique, leur niveau d’étude, leur charisme, leur pouvoir et les
possibilités de contrôle des ressources qu’ils ont au sein de l’entreprise. Leur
décision et leur comportement influencent à long terme ces contraintes endogènes
qui à leur tour, à très long terme, influencent les contraintes exogènes. Nous
considérons ce modèle comme cadre de référence pour notre analyse tout en
l’adaptant au contexte de la filiale sujet de notre recherche.
Dans cet article, nous considérons que l’action d’une filiale n’est pas limitée à un
choix parmi une infinité de possibilités mais plutôt à un choix parmi un nombre
restreint d’options légitimes déterminées par l’ensemble des parties prenantes. En
17
effet, les contextes institutionnels global et local de la filiale créent des pressions qui
restreignent les possibilités qui s’offrent aux décideurs.
En effet, les responsables, managers, directeurs, employés et autres acteurs au sein
d’une filiale se comportent sous l’influence des contraintes endogènes et exogènes
globales et locales.
Les contraintes endogènes incluent la culture de l’organisation, les normes,
les habitudes et les routines qui sont institutionnalisées au sein de l’organisation, les
conditions matérielles et les ressources qu’elle en dispose, ainsi que sa
dépendance/indépendance vis-à-vis de sa maison-mère.
Les contraintes exogènes globales représentent surtout la pression de la
maison-mère. En effet, la stratégie internationale de la multinationale impose parfois
des contraintes supplémentaires qui guident l’action des acteurs au sein de la filiale.
Les contraintes exogènes locales correspondent à celles liées au contexte
socioculturel et légal du pays hôte, au contexte social et politico-historique de
l’environnement externe de la filiale, ainsi qu’aux influences sociales.
Ces pressions institutionnelles font de sorte que la filiale institutionnalise certains
dispositifs de gestion normalisés dans le but de gagner en légitimité internationale et
ceci pour faciliter son accès aux ressources. En effet, en s’alignant aux pressions de
la maison-mère et en prenant en considération l’ensemble des forces
institutionnelles, elle gagne en légitimité auprès de son siège. Mais si les contraintes
globales entrent en conflit avec les contraintes locales, cette dualité va créer des
conflits au sein de la filiale entre acteurs désencastrés et acteurs encastrés. Les
premiers vont soutenir le changement. Ils vont même le guider. Les seconds vont
résister farouchement pour maintenir le statuquo.
Le comportement des acteurs (managers et employés) est influencé par leur niveau
hiérarchique, leur niveau d’étude, leur charisme, leur pouvoir et les possibilités de
contrôle des ressources qu’ils ont au sein de l’entreprise. Il faut également ajouter
leur ambition et leur volonté d’acquérir et/ou d’augmenter leur pouvoir.
Cet article essai d’étudier tous ces facteurs avec une perspective longitudinale. En
effet, ces facteurs peuvent évoluer avec le temps. Ainsi, avec le temps, les managers
et/ou employés d’une filiale peuvent modifier les logiques existantes et s’allient à
d’autres acteurs pour institutionnaliser de nouvelles logiques. Ils modifient ainsi leur
institution en adoptant de nouvelles normes.
Ce dernier point dans notre article est fondé sur les travaux de Zilber (2002) qui a
étudié les centres de crise pour la prise en charge des traumatismes faisant suite à
un viol. Ce dernier a montré que l’institution change par l’action de ses acteurs. Selon
ce dernier, l’institution change avec les significations construites autour des
interprétations que les acteurs font de leurs actions. En effet, dans son étude
ethnographique, Zilber (2002) a montré que la logique institutionnelle de ces centres
a complètement changé des précédentes conceptions féministes vers une
conception beaucoup plus médicale. Les résultats de son étude montrent que ce
changement est dû à l’action et aux pratiques des individus dont la vision est plus
thérapeutique. C’est donc l’expérimentation de la mise en application de certaines
pratiques qui permet d’influencer l’institution.
18
Notre article part de ce constat pour proposer une explication qui éclaircie la
dynamique qui se crée suite à la mise en place des normes au sein de la filiale. La
Figure 4 résume les éléments essentiels de notre recherche.
Figure 4. Le modèle de cet article
19
LA METHODOLOGIE DE RECHERCHE
Dans cette recherche, nous nous situons dans une démarche abductive qui suppose
un aller-retour entre la littérature et le terrain. L’abduction consiste à tirer de
l’observation des conjectures qu’il convient ensuite de tester et de discuter (Koenig,
1993). Elle renvoie à la capacité du scientifique à se mettre en position
d’étonnement, à se laisser guider par la recherche de l’inattendu. L’objectif est de
partir du terrain pour théoriser. La valeur ajoutée de cette méthode est qu’elle nous
permet de compléter la théorie actuelle en se basant sur les données collectées du
terrain. Ainsi, dans une première étape, nous nous sommes appuyés sur la littérature
pour constituer une grille de lecture. Ensuite, comme le proposent Miles et Huberman
(1991), cette grille a été enrichie par les résultats qui ont émergé au fur et à mesure
qu’on avançait dans l’étude du terrain. Ce qui veut dire que les résultats de cette
recherche proviennent à la fois d’une analyse de la littérature et du terrain étudié.
Une théorisation enracinée du processus de mise en place des normes au sein d’une
filiale est alors construite selon la méthodologie suggérée par Glaser et Strauss
(1967). Cette théorie sera effectuée selon une démarche abductive ancrée dans un
positionnement interprétativiste.
Notre recherche utilise ainsi une méthodologie qualitative dans une démarche
exploratoire. Plusieurs allers retours entre théorie et terrain sont effectués dans le but
de comparer les notions théoriques aux pratiques du terrain et ceci pour enrichir et
améliorer les connaissances théoriques du domaine.
Notre approche méthodologique s’appuie sur la collecte et l’analyse de données
qualitatives. Selon Hlady-Rispal (2002, p 49), cette approche « s’intéresse en
profondeur au comment et au pourquoi des faits observables ». Nous avons donc
dans cette recherche une visée compréhensive. Ainsi, nos deux cas ont été
constitués suite à l’analyse d’une série d’entretiens semi directifs centrés. Ces
données ont été recoupées avec d’autres méthodes de collecte. En effet, nous avons
choisi de pratiquer une triangulation des méthodes de collecte des données en ayant
recours à plusieurs sources de preuve : les comptes rendus des réunions, les
archives et les documents publiés par la filiale et par la maison-mère. D'autres
sources de données nous ont été utiles : des entretiens ouverts informels avec la
secrétaire du directeur, avec plusieurs collaborateurs du directeur et des documents
internes à la filiale.
La figure 5 résume le design de collecte et de traitement des données relatif à notre
recherche. Nous pouvons remarquer que nous sommes partis de la littérature qui
existe mais nous avons enrichi cette littérature de données émanant du terrain
libanais.
20
Revue de la littérature de la théorie néo-institutionnelle sociologique étendue
er
Indexage des documents
ère
1
ère
étape étude ISO : Entretiens 1
avec 6 responsables
étape étude ISO : Entretiens 1ère étape IAS/IFRS : Entretiens avec 4 comptables
avec 10 employés de
le DAF et le Chef Comptable
ère
1
Analyse de données secondaires
étape : Analyse des données
recueillies
Codage des
données
ème
2
ème
2
étape étude ISO : Entretiens
avec 6 responsables
ème
2
1 Guide d’entretiens
Guide d’entretiens
ème
2 étape étude ISO :
Entretiens avec 10 employés
ème
2
étape IAS/IFRS : Entretiens
avec 6 comptables
étape : Analyse des données recueillies
Codage des
données
ème
3
Guide d’entretiens
Analyse de données secondaires
Analyse des données recueillies
Codage des
données
Constitution des cas
Figure 5. Le design de la recherche
21
LA MISE EN PLACE DES NORMES ISO
Suite à la revue de la littérature, nous avons commencé par constituer une grille de
lecture. Selon la théorie néo-institutionnelle, notre grille montre que les raisons de
mise en place des normes peuvent être résumées par les trois isomorphismes
mimétique, normatif et coercitif. La littérature également cite fréquemment la
recherche de crédibilité, de légitimité et d’image et enfin la recherche de l’efficacité.
L’analyse des trois tours d’entretiens réalisés auprès des employés et des managers
confirme que ces facteurs étaient bien présents dans le cas de la filiale.
Figure 6 La grille de lecture et les réponses des acteurs
Comme le proposent Miles et Huberman (1991), cette grille a été enrichie par les
résultats qui ont émergé au fur et à mesure qu’on avançait dans l’étude du terrain. La
Figure 6 présente la grille de lecture et les réponses des acteurs.
Les problèmes rencontrés lors de la mise en place des normes ISO
22
La décision d’adoption des normes ISO était mal planifiée. La pression de la maisonmère était claire. De ce fait, cette mise en place était mal perçue par les employés
qui ont supposé qu’il y a une sorte de mauvaise compréhension du contexte libanais.
N’ayant pas vu l’utilité d’une telle démarche, leur implication est restée symbolique.
Quand la direction a décidé d’augmenter la pression pour accélérer la mise en place,
les employés ont fortement résisté. Soutenu par des forces politiques, un manager a
contacté la maison-mère. Suite à sa visite rapide en Europe, il est revenu en tant que
directeur du projet. Sa première réaction était de convoquer les syndicats et de
négocier avec eux un plan de licenciement.
Mise en place perçue non-planifiée, perçue comme une
obligation suite à des pressions globales
Première phase
Perçue comme non-compréhension de contexte local de
la part de la maison-mère
Implication insuffisante du top management
Conformation symbolique aux conditions
Personne ne croyait en sa faisabilité
Deuxième phase
Plus de pression de la part de la direction pour
accélérer la mise en place
Peur du changement et résistance
Les résistants obtiennent le soutien des forces
politiques régionales
Des retards sur des livraisons
La direction a réagi en cherchant le soutien des
forces politiques nationales
La direction a réagi en cherchant le soutien
financier de la maison-mère
Troisième phase
Réduction des postes et licenciement
Accélération de la vitesse dans le but de respecter
les délais
Peur de perdre son travail
Adhésion complète au projet
Respect la philosophie de la norme
Beaucoup d’effort
Quatrième phase
Dynamisme retrouvé
Taken for granted
Routine
Cinquième phase
Histoire de réussite mais à oublier
Nouvelles pressions locales et globales
Figure 7. Les cinq phases et différentes situations rencontrées suite à la mise en place des
normes ISO
23
LA MISE EN PLACE DES NORMES IAS/IFRS
Plusieurs chercheurs ont déjà étudié les raisons d’adoption des normes IAS/IFRS.
Ils les abordent sous des dénominations différentes selon le domaine d’étude du
chercheur. Notre recherche est bien différente des anciennes recherches du fait
qu’elle traite le niveau micro et tende à comprendre la dynamique de normalisation
au sein d’une industrie au Liban.
La revue de la littérature nous propose une grille de raisons qui peut être utilisée
comme un point de départ de notre analyse. En effet, selon Chiapello (2005), Albu,
Albu, et Fekete (2010), Sucher et Jindrichovska (2004) Hope, Jin et Kang (2006),
Tarca (2004), les raisons d’adoption des normes IAS/IFRS se manifestent pour
différentes raisons : sous pression légale (pour les entreprises cotées en bourse), la
recherche du prestige accru, la stabilité, la recherche de légitimité, le soutien social,
la facilité d’accès aux ressources, l’attraction d’un personnel de qualité, la recherche
du professionnalisme, la reconnaissance par les autres acteurs du secteur d’activité,
la possibilité d’attirer des actionnaires étrangers, l’appartenance au groupe
d’entreprises qui a déjà adopté les normes IAS/IFRS. Cette grille est présentée dans
la Figure 8.
Recherche de
professionnalisme
Appartenir à un
groupe
Prestige accru
Sous pression du
secteur d’activité
Sous pression légale
Stabilité
Les raisons d’adoption des normes
IAS/IFRS
Légitimité
Attirer des actionnaires
étrangers
Attraction d’un
personnel de qualité
Accès aux
ressources
Soutien social
Figure 8. La grille de raisons d’adoption des normes IAS/IFRS selon la littérature
Nous nous sommes basés sur cette grille pour étudier le terrain.
Les problèmes rencontrés lors de la mise en place des normes
IAS/IFRS
24
Le plus grand problème était lié aux possibilités d’adaptation de ces normes au
contexte de la filiale. Malgré l’adhésion complète des comptables, le projet a connu
quelques mauvaises applications. Mais, le management avait prévu la majorité des
difficultés. Les directeurs financiers avaient pris les précautions nécessaires pour
bien réussir la mise en place de ces normes. Il y a eu recours à des experts et à des
consultants pour former les comptables à la philosophie et aux grands principes de la
normalisation IAS/IFRS. Les comptables ont par la suite adapté les règles au
contexte de l’entreprise.
Mise en place étudiée et planifiée, perçue comme
imposée par un changement de loi locale
Première phase
Aucune pression globale. La pression de la maisonmère est quasi-inexistante
Implication sérieuse et en continu de la part du
management
Deuxième phase
top
Préparation au changement
Aucune implication des forces politiques régionales
Adhésion complète au projet de la part des comptables
Le recours aux experts et aux consultants
Formation à la philosophie et aux grands principes de la
normalisation IAS/IFRS
Adaptation des règles au contexte de l’entreprise
Respect la philosophie de la norme
Troisième phase
Retour positif - Plus de qualité dans l’information
financière
Routinisation de ces nouvelles pratiques
Histoire de réussite à prendre comme
exemple pour d’autres mis en place
Figure 9. Les trois phases et différentes situations rencontrées suite à la mise en place
des normes IAS/IFRS
CONTRIBUTION : ESSAI DE PROPOSITION D’UN MODELE DE
PROCESSUS
Un grand nombre de recherches académiques s’est intéressé au processus
d’institutionnalisation (Barley et Tolbert, 1997, Kikulis, 2000, Dambrin, Lambert et
Sponem, 2007, Oliver, 1991, Lawrence, Winn et Jennings, 2001, Townley, 2002,
Philips, Lawrence et Hardy, 2004, Burns et Scapens, 2000, Lounnas, 2004,
25
Goodstein, Scott, Dacin, 2002, Colyvas et Powell, 2006). La majorité de ces
chercheurs s’est basée sur la théorie néo-institutionnelle pour expliquer ce
phénomène. Mais à la base, cette théorie s’intéressait surtout aux phénomènes
institutionnels de niveau macro. L’analyse se situait au sein d’une industrie, dans un
secteur ou sur un marché précis. Récemment, des chercheurs de cette école se sont
intéressés au processus d’institutionnalisation au sein des entreprises. Ainsi, le
courant étendu s’est développé pour inclure le rôle des entrepreneurs institutionnels.
Notre recherche s’inscrit dans ce courant et ajoute plus de volontarisme en
expliquant le rôle des autres acteurs de l’organisation. Les paragraphes précédents
ont montré l’importance de ces acteurs dans la mise en place des normes ISO et
IAS/IFRS au sein de la filiale.
Dans ce chapitre, nous présenterons donc les deux processus de mise en place des
normes ISO et IAS/IFRS au sein de cette filiale. Nous décrivons ainsi les différentes
phases de ces deux processus, leur enchaînement et les rôles des différentes parties
prenantes tout au long de ces phases.
Institutionnalisation sous forme de PUSH
Dans notre recherche, le processus d’institutionnalisation PUSH est celui qui
correspond à l’institutionnalisation des normes ISO. Dans ce cas, la décision
d’implantation n’était pas imposée par la loi mais plutôt exigée par la maison-mère.
Cette influence globale est à l’origine d’un processus constitué de cinq phases : la
phase d’initiation, la phase de résistance, la phase d’internalisation, la phase de
légitimation et la phase de désinstitutionalisation.
Ce processus correspond à la mise en place de normes ISO. La mise en place a
résulté surtout d’une pression globale. En effet, c’est surtout la maison-mère qui a
poussé pour implanter ces normes. En effet, comme le montre les entretiens, ce
processus est constitué de cinq phases :
-
La phase d’initiation
-
La phase de résistance
-
La phase d’internalisation
-
La phase de légitimation
-
La phase de désinstitutionalisation
Ces cinq phases ont été traitées dans un article précédent qui a été publié dans le
numéro 23/2011 de la revue Proche Orient Etudes en Management.
Institutionnalisation sous forme de PULL
Ce processus correspond à la mise en place de normes IFRS. Ces normes sont
imposées par les lois locales du pays hôte. La décision d’implantation de ces normes
au sein de la filiale n’était pas volontaire mais plutôt imposée par la loi. En effet, cette
filiale est une entreprise cotée en bourse. Elle est donc obligée de respecter cette
règle. Les entretiens effectués auprès des responsables de la filiale montrent que le
26
processus d’institutionnalisation des normes IFRS est constitué uniquement de trois
phases :
-
La phase d’initiation
-
La phase de légitimation
-
La phase de désinstitutionalisation
Ces trois phases ont été détaillées dans le même article qui a été cité op cite (publié
dans le numéro 23/2011 de la revue Proche Orient Etudes en Management).
Comparaison des deux processus d’institutionnalisation PUSH et
PULL
En comparant les deux processus d’institutionnalisation des normes ISO et
IAS/IFRS, nous trouvons des ressemblances et des dissemblances.
Au niveau des ressemblances, nous pouvons détecter des points communs qui
peuvent être liés à un processus d’institutionnalisation général. Ces ressemblances
sont les suivantes :
Les deux processus débutent suite à des pressions externes. Dans le cas des
normes ISO, la pression venait principalement de la maison-mère. Dans le cas des
normes IAS/IFRS, la pression est plutôt légale. Ceci est en cohérence avec la
littérature néo-institutionnaliste qui souligne l’impact important de l’environnement
institutionnel sur les organisations. En effet, selon cette théorie, les organisations
sont influencées par leur environnement et n’ont qu’un seul objectif : de survivre.
Pour réussir face à ces pressions externes, elles doivent établir leur légitimité. Elles
peuvent donc adopter des dispositifs de gestion normalisés sous pressions
institutionnelles dans le seul but de gagner en légitimité.
Dans le cas d’une filiale, la maison-mère a un rôle primordial. En effet, dans les deux
cas d’étude, le soutien de la maison-mère était indispensable à la réussite de la mise
en place des dispositifs étudiés. Cette conclusion est également dans la logique de
la théorie néo-institutionnelle qui a bien approfondi la relation mère-filiale. En effet,
selon Forsgren et al. (2005) et Etemad et Dulude (1986), le développement de la
filiale est souvent la conséquence d’un engagement de la maison-mère.
L’implication de la direction est importante. Plus l’implication du Top-Management est
importante, plus rapide est la mise en place des normes. Ces résultats ont été
soulignés par Liang et al (2007). En effet, ces derniers ont mobilisé la théorie néoinstitutionnelle pour expliquer l’assimilation des logiciels de gestion intégrés durant la
phase de post-adoption. Leurs résultats montrent que les pressions mimétiques
influencent positivement l’implication du Top-Management des entreprises qui, à
son tour, a un effet positif sur l’assimilation de ces logiciels.
27
La formation et l’implication des employés est fondamentale. Ce résultat est
important du fait que la théorie institutionnelle ne prenait pas en considération le rôle
des salariés dans l’explication du comportement des organisations. Cette notion
d’implication et de formation des employés est donc un apport intéressant qui sera
détaillé plus loin de ce chapitre.
La mise en place d’un nouveau dispositif demande une forte collaboration et une
parfaite coordination entre les différentes équipes de travail au sein de l’entreprise.
Cette collaboration est cruciale.
L’impact de la mise en place n’est pas immédiat. En effet, les résultats de nos deux
études montrent qu’il y a un certain temps d’adaptation qui est nécessaire avant de
profiter des retombées positives des nouveaux dispositifs.
La mise en place d’un dispositif de gestion normalisé crée un changement dans les
habitudes et les méthodes de travail. Ceci ouvre la voie sur des études plus
détaillées sur le processus de changement organisationnel créé suite à l’introduction
de nouvelles normes.
Les dispositifs de gestion normalisés doivent être adaptés aux spécificités de la
filiale. Cette adaptation a fait l’objet de plusieurs recherches institutionnelles. En effet,
le transfert de dispositifs de gestion normalisés nécessite une adaptation au nouveau
contexte en mesure de l’importance des spécificités de l’entreprise.
La dynamique de mise en place est profitable à l’entreprise. En effet, selon l’entretien
effectué avec le DAF de la filiale « tout changement est souvent positif ».
L’impact de la mise en place ne dure pas longtemps. Il faut donc renouveler cette
démarche pour obtenir le résultat escompté.
Au niveau des dissemblances, nous pouvons souligner les points suivants :
Les pressions globales de la maison-mère du cas des normes ISO étaient moins
influentes que les pressions locales du cas des normes IAS/IFRS. En effet, dans le
premier cas, les pressions globales ne s’alignaient pas aux pressions locales. Alors
que la maison-mère exigeait que la filiale soit certifiée au plus vite, les pouvoirs
politiques et religieux libanais exerçaient une pression contraire et refusaient cette
certification. Dans le deuxième cas, les deux pressions de la maison-mère et des
pouvoirs politiques et religieux s’alignaient complètement.
Ces résultats vont dans le même sens des résultats de Beddi et Tixier (2006) qui
avaient souligné que la pression des pouvoirs locaux peut parfois diminuer la
pression de la maison-mère. Elles justifient ces résultats par le fait que les pouvoirs
locaux du pays hôte ont leurs propres objectifs et contraintes surtout quand l’activité
de la filiale est considérée par le pays hôte comme stratégique. Dans le cas du
Liban, la justification n’est pas la même que celle de Beddi et Tixier (2006), mais elle
est plutôt lié au clientélisme qui règne le monde politique et le monde des affaires
libanais (Karam et Catusse, 2009 ; Corm, 2008).
Nous pouvons donc conclure que du fait qu’elles soient plus proches et donc mieux
perçues par les employés de la filiale, les pressions locales ont beaucoup de poids et
peuvent ainsi contrer les pressions globales. Dans ce cas, la maison-mère était
obligée de s’impliquer plus et de mobiliser beaucoup plus de soutien pour pouvoir
contourner les forces locales.
28
Le management de la filiale avait une meilleure réaction dans le cas des normes
IAS/IFRS que dans le cas des normes ISO. En effet, le projet était mieux planifié que
le cas des normes IAS/IFRS. Ceci peut être dû au fait que la décision de mise en
place des normes IAS/IFRS a été faite au niveau de la filiale alors que la mise en
place de normes ISO a été imposée par la maison-mère,
Du fait de la facilité de leur mise en place, les normes IAS/IFRS n’ont pas été
perçues comme ayant eu un fort impact sur le management de la filiale. Alors que
dans le cas des normes ISO, suite aux difficultés de mise en place, il y a eu une
sorte de re-engineering total qui a été perçue à posteriori comme très positive. Les
impacts les plus importants dans le cas des normes IAS/IFRS étaient liés à la qualité
perçue des données et informations comptables et financières et à l’image de la
filiale.
Alors que les impacts perçus des normes ISO ont dépassé l’image pour comprendre
des éléments structurels du management. Toutefois, les effets directs les plus
importants étaient ceux qui permettent à l’entreprise d’améliorer son efficacité,
d’acquérir une meilleure vitesse de réponse, d’améliorer son système de qualité
totale et de mettre en place une philosophie générale d’amélioration continue au sein
de la filiale. D’autres impacts aussi importants ont été cités par les différents acteurs
de la mise en place comme le renforcement de l’esprit collectif qui va même vers un
management plus participatif qui donne à chaque employé plus de reconnaissance
et qui permet à l’entreprise de garder un système transparent qui facilite l’accès à
l’information.
Pressions
1.
externes
Processus
Processus
d’institutionnalisation
d’institutionnalisation
PUSH
PULL
Pression
de
la
1.
maison-mère.
1.
Décision de mise en
légale.
1. Forte implication de la
place sans conviction de la
Réaction
part de la filiale.
du
Top
2.
de la filiale
Réaction des
3.
Direction de la filiale.
2.
Recours
3.
Effort
d’implication
Rôle important des
entrepreneurs
motivation
institutionnels.
employés.
4.
Reengineering total.
1.
Information.
à
l’avis des spécialistes.
Implication
individuelle.
Management
Pression
1.
et
de
des
Information.
29
employés
2.
Incompréhension et
2.
Doutes quant à
l’efficacité.
doute.
3.
Résistance.
3.
Formation.
4.
Formation.
4.
Acceptation.
5.
Acceptation
5.
Erreurs
sous
d’application.
pression.
6.
Participation
à
6.
Adaptation.
la
1.
Meilleures
l’adaptation.
1.
Réduction
de
routine
informations
2.
Plus d’efficacité
3.
Vitesse de réponse
4.
Amélioration
financières
2.
du
système de qualité
5.
Meilleure
image
auprès
des
parties prenantes
Amélioration
continue
Impact sur le
6.
Plus de suivi
Management
7.
Implication collective
de la filiale
visible
8.
Management
participatif
9.
Plus
de
reconnaissance
10.
Plus
de
transparence
11.
Facilité
d’accès
à
l’information
Figure 10. Comparaison des deux types de processus PUSH et PULL
30
CONCLUSION
Jusqu’à ce jour, elles restent rares les recherches néo-institutionnelles qui étudient
en profondeur l’adoption des normes au niveau micro par une entreprise particulière.
Cette recherche étude le processus de mise en place des normes ISO et IAS/IFRS
au sein de la filiale libanaise d’une large multinationale. Elle prend en considération
différents types de facteurs : individuels, organisationnels et situationnels. En plus
des pressions globales et locales, les rôles et les stratégies des individus ont
également été pris en compte. La méthode longitudinale utilisée nous a permis de
voir l’évolution de ces stratégies tout au long de la phase de mise en œuvre. Les
pressions et cultures organisationnelles restent au cœur de notre recherche, ainsi, le
rôle de la maison-mère et la culture de l’entreprise ont été pris en compte dans cette
recherche.
Nous recommandons aux décideurs au sein des multinationales de prendre en
considération les résultats de notre recherche quand ils décident d’introduire des
normes au sein de leurs filiales. En effet, passer directement de la phase
d’introduction à la phase d’intériorisation est possible si l’entreprise implique, informe
et forme ses employés. Cette phase de préparation du terrain nous semble
indispensable pour bien intégrer la norme dans les activités quotidiennes de
l’entreprise. Par conséquent, la dimension humaine et la mobilisation des Middle et
Low Managers dans ce domaine reste un enjeu vital sachant que le succès ou
l’échec de la mise en place dépend pour une large part de l’implication des
employés.
En résumé, l’approche sociologique de la théorie néo-institutionnelle explique une
bonne partie du comportement des entreprises face aux nouveaux dispositifs de
gestion normalisés. Elle ouvre des voies de recherches prometteuses dans ce
domaine. La première voie est d’approfondir cette notion de processus
d’institutionnalisation au sein des entreprises pour éclairer le rôle de l’ensemble les
acteurs. La deuxième voie est d’approfondir le rôle stratégique des entrepreneurs
institutionnels. Reste également la troisième voie liée au rôle des responsables
politiques locaux qui exercent des pressions sur le management des entreprises
locales.
Si la validité externe de la méthode d’étude de cas que nous avons utilisé dans cet
article est limitée, la généralisation des résultats ne constitue pas notre premier
objectif. Nous sommes donc conscients que les résultats présentés dans cette
recherche peuvent dépendre fortement du contexte de l’entreprise filiale. Leur
généralisation requiert une certaine réserve. Nous ne prétendons pas non plus que
c’est la réalité absolue. En effet, les réponses des interviewés sont souvent
subjectives.
31
BIBLIOGRAPHIE
 Abrahamson E. (1996), Management Fashion, Academy of Management review, vol
21, n°1, pp. 254-285.
 Albu,C.N, Albu, N., Fekete, S., (2010), The context of the possible IFRS for SMEs
implementation in Romania. An exploratory study. Accounting and Management
Information Systems, Vol. 9, No. 1, pp. 45 -71
 Bareil, C. (2004). Gérer le volet humain du changement, Montréal : Éditions
Transcontinental et Les Éditions de la Fondation de l'entrepreneurship, 213 pages.
 Barley S., Tolbert P. (1997), Institutionalization and Structuration: Studying the
links between Action and Institution, Organization Studies, Vol 18, N 1, pp. 93-117
 Battilana, J., Bernard, L., Boxenbaum, E. (2009). "How Actors Change Institutions:
Towards a Theory of Institutional Entrepreneurship." The Academy of
Management Annals: 65-107
 Beckert, J. (1999), Agency, Entrepreneurs, and institutional change. The role of
strategic choice and institutionalized practices in organizations, Organization
Studies, volume 20, n: 5, pp. 777-799
 Beddi H., (2004). La relation siège - filiales : confrontation de deux cadres
théoriques avec les cas de six multinationales et identification d'éléments
additionnels, XIIIème conférence de l'Association Internationale de Management
Stratégique (AIMS).
 Beddi H., Tixier J. (2006), Une approche inter-organisationnelle des relations
filiales maison-mère au travers de l’étude des pressions : l’étude de quatre cas de
firmes multinational, Congrès de l’AIMS, Université de Savoie.
 Benford, D., and Snow, D. (2000), «Framing Processes and Social Movements: An
Overview and Assessment»,Annual Review of Sociology 26: 611-639
 Bernoux, Ph. Sociologie du changement dans les entreprises et les organisations –
Paris, Editions du Seuil, 2004, 382 p.
 Bourgeois C., 2007, Entreprise et instrument de management : facteurs d’adoption et
difficultés d’appropriation, thèse doctorat, IAE de Lilles
 Boxenbaum, E. et Battilana, J. Importation as innovation: transposing managerial
practices across fields, - Strategic organization, 2005
 Burgelman, R.A. et Grove, A.S. (1996). "Strategic Dissonance", California
Management Review, vol.38, n°2, Winter 1996, pp. 8-27.
 Burns, T., Flam, H. (1987) The shaping of social organization: Social rule system
theory with applications, Sage publications, (London and Beverly Hills)
 Burns, J., Scapens, R. (2000), Conceptualizing management accounting change: an
institutional framework, Management accounting research, 11, pp.3-25
 Catusse, M. Karam K., (2009) Liban : entre déni des enjeux sociaux et clientélisme
communautaire, Centre tricontinental (CETRI), 2009
 Chiapello, E., (2005), "Les normes comptables comme institution du capitalisme.
Une analyse du passage aux normes IFRS en Europe à partir de 2005", Sociologie
du Travail, juillet-septembre vol. 47, n° 3, pp. 362-382.
32
 Colyvas, J. A. and Powell, W. W. (2006), Roads to institutionalization: The remaking of boundaries between public and private science. Research in
Organizational Behavior, 27, pp. 305-353
 Corm, G (2008) Le Liban confronté à la géopolitique du choc des civilisations et
des ambitions hégémoniques? Revue brésilienne, LIBANO EM REVISTA, n° 2,
octobre 2008
 Crozier, M., Friedberg, E. (1977) L'Acteur et le Système, Les contraintes de
l'action collective, Le Seuil, Paris.
 Dambrin, C., Lambert, C. and Sponem, S. (2007) ‘Control and Change – Analyzing
the Process of Institutionalization’, Management Accounting Research, Vol. 18, ,
pp. 172 – 208.
 Dean, D., L., B. F., Koneru, S., Lee, J. H., Kamath, J., Cutting, C. B., Hand, M., and
Goldberg, J. (1998). Average African-American 3D-CT Skull Images: The
Potential Clinical Importance of Ethnicity and Sex. Journal of Craniofacial
Surgery, 9:348-358.
 Demers, C. (1999). De la gestion du changement à la capacité à changer:
l'évolution de la littérature sur le changement organisationnel de 1945 à
aujourd"hui. Gestion-revue internationale de gestion, automne 1999, 24 (3): 131139.
 DiMaggio P J. (1988), Interest and agency in institutional theory, In Institutional
Patterns and Organizations: Culture and Environment, pp. 3-21, Lynne G. Zucker, ed.
Cambridge.
 DiMaggio, P.; Powell. W. (eds) (1991), The New Institutionalism in Organisational
Analysis, Chicago University Press, Chicago
 Etemad, H.; Dulude, L.S. (1986): “Managing the multinational subsidiary“. Croom
Helm, London.
 Farashahi M., Hafsi T., Molz, R. (2005), Institutionalized norms of conducting
research and social realities: A research synthesis of empirical works from 1983
to 2002, International journal of management reviews, vol. 7, issue 1, pp.1-24
 Farndale, E., et Paauwe, J. (2007). Uncovering competitive and institutional drivers
of HRM practices in multinational corporations, Human Resource Management
Journal, 17(4), 355-375
 Fligstein, N. (1997), Social skill and institutional theory, American Behavioral
Scientist, 40(4):397-405
 Fligstein, N. (2001) 'Social skill and the theory of fields', Sociological Theory, 19:
105-25.
 Forsgren, M., Holm, U. and Johanson, J. (2005). Managing the Embedded
Multinational. Northampton, MA: Edward Elgar.
 Franseco, A.M., Gold, B.A. International Organizational Behavior: Text,
Readings, Cases, and Skills, Prentice-Hall, 1998.
 French, J.R.P and Raven, B., (1959) “The Bases of Social Power” in Cartwright (Ed),
Studies in Social Power, Ann Arbor, Michigan: Institute for Social Research.
33
 Gamson (1961). A theory of Coalition Formation, American Sociological Review,
Vol 26, pp 373-382.
 Garud, R. & Jain, S. & Kumaraswamy, A. 2002. Institutional entrepreneurship in the
sponsorship of common technological standards: The case of Sun Microsystems and
Java. Academy of Management Journal, 45(1): 196-214.
 Greenwood, R., Suddaby, R. and Hinings, C.R. (2002) 'Theorizing change: the role
of professional associations in the transformation of institutionalized fields:
Academy of Management Journal, 45: 58-80.
 Glaser, B. G & Strauss, A. L., 1967. The Discovery of Grounded Theory: Strategies
for Qualitative Research, Chicago, Aldine Publishing Company
 Goodstein,J , Scott,W.R, Dacin, T., (2002), Institutional Theory and Institutional
Change: introduction to the special research forum, Academy of Management
Journal, vol 45, n°1, pp.45-57
 Hamel, G. and Prahalad, C.K. 1996. Competing in the New Economy: Managing
Out of Bounds. Strategic Management Journal, 17(3): 237.
 Hasselbladh, H., Kallinikos, J., (2000). The project of Rationalization: A critique
and reappraisal of Neo-Institutionalism in Organization Studies, Organization
Studies, 21, 4, 697-720
 Hlady-Rispal M., (2002), La méthode des cas, Application à la recherche en
gestion, De Boeck Université.
 Hoffman A.J., Ventresca M. (2002), Introduction. In A.J Hoffman et M. Ventresca
(Eds.), Organizations, policy and the natural environment: Institutional and
strategic perspectives, 1-27. Palo Alto, CA: Stanford University Press.
 Holm, P. (1995), ‘The dynamics of institutionalization: Transformation processes
in Norwegian fisheries’. Administrative Science Quarterly, 40/3: 398-422.
 Hope, O-K., Jin, J. ,Kang, T. (2006), Empirical evidence on jurisdictions that adopt
IFRS, Journal of international accounting research , vol 5, n:2, pp.1-20
 Huault, I. (2002), Paul DiMaggio et Walter W.Powell, des organisations en quête
de légitimité, Les grands auteurs en management, Ed. Ems, pp.99-112
 Huault, I. (2003). Concurrence imparfaite, institutions et GRH (avec J.Allouche),
in J.Allouche (Coord), Encyclopédie des Ressources Humaines, Paris : Vuibert.
 Hunt S. et J. Nevin (1974), Power in channels of distribution: sources and
consequences, Journal of Marketing Research, vol. XI, May, 186-193.
 Kikulis, L. (2000), Continuity and Change in Governance and Decision Making in
National Sport Organizations: Institutional Explanations, Journal of Sport
Management, 14, pp. 293-3
 Koenig, G. (1993), « Production de la connaissance et constitution des pratiques
organisationnelles », Revue de l’AGRH, n° 9, novembre
 Kostova T., Roth K. (2002), Adoption of an organizational practice by subsidiaries
of multinational corporations: institutional and relational effects, Academy of
Management Journal, Vol 45, N 1, pp. 215-233.
34
 Kostova, T. (1999) Transnational transfer of strategic organizational practices: A
contextual perspective, Academy of Management review, vol. 24, n: 2, 308-324
 Kotler, P., and Zaltman, G. (1971) Social Marketing: An Approach to Planned
Social Change, Journal of Marketing Vol. 35, No. 3, Jul., 1971, 3-12
 Lawrence, T.B., Winn, M.I. and Jennings, P.D. (2001) 'The temporal dynamics of
institutionalization', Academy of Management Review, 26: 624-44.
 Lawrence, P.R., (1969). How to deal with Resistance to Change, Harvard Business
Review, 32(3) : 49-57
 Leblebici, H., Salancik, G.R., Copay, A. and King, T. (1991), 'Institutional change
and the transformation of interorganizational fields: an organizational history of
the U.S. radio broadcasting industry', Administrative Science Quarterly, 36: 33363.
 Leca B., Huault I. (2009), Pouvoir. Une analyse par les institutions, Revue
Française de Gestion, vol 35. N°193, pp. 133-149.
 Leca, B. (2006), Pas seulement des « lemmings ». Les relations entre les
organisations et leur environnement dans le néo-institutionnalisme sociologique,
Finance Contrôle Stratégie, vol.9, No 4, pp. 67-86
 Leca, B., Naccache, P. (2006), A Critical Realist Approach to Institutional
Entrepreneurship. Organization, 13(5): 627-651
 Lounnas R. (2004), Théorie des institutions et Applications aux organisations,
Chaire management stratégique international, HEC Montréal.
 Maguire, S. & Hardy, C. & Lawrence, T.B. 2004. Institutional entrepreneurship in
emerging fields: HIV/AIDS treatment advocacy in Canada. Academy of Management
Journal, 47(5): 657-679.
 March, J.G. and Simon H.A., (1958) Organizations, New York, Wiley, 1958.
 Martinez, J. and Jarillo, J. C, (1991) Coordination Demands of International
Strategies. Journal of International Business Studies, Vol. 22, Issue 3, pp. 429-444,
 Midler, C. (1986), Logique de la mode managériale, Annales des mines, gérer et
comprendre, pp.74-85
 Miles, A. M. & Huberman, A. M. (1984), Analysing qualitative data: A source book
for new methods. Bervely Hills, CA : Sage. Traduction française (1991), Analyse des
données qualitatives : Recueil de nouvelles méthodes. Bruxelles: De Boeck.
 Oliver C. (1991), Strategic responses to institutional process, Academy of
Management Review, Vol 16, N°1, pp. 145-179.
 Perret V. (1996), La gestion du changement organisationnel : Articulation de
représentations ambivalentes, 5ème Conférence Internationale de management
stratégique, Mai, Lille.
 Perret, V. (2009), Quand le changement devient soluble ou l’idéologie managériale
du changement organisationnel, dans Golsorkhi, Huault et Leca (Coord), Critique
du management : une perspective française, Chap III.1, 209-231, Presses de
l’Université de Laval.
35
 Pfeffer, J., Salancik, G. R (1978). The external control of organizations: a resource
dependence perspective. New York: Harper et Row.
 Philips, N., Lawrence, T., Hardy, C. (2004), Discourse and institutions, Academy of
management review, vol.29, n:4, pp.635-652
 Phillips, N, Lawrence, T.B. et Hardy, C. (2000), Inter-organizational collaboration
and the dynamics of institutional fields, Journal of Management Studies, 37(1): 2344
 Prahalad, C.K. and Doz, Y L. (1987). The Multinational Mission, Balancing Global
Integration with local Responsiveness. New York: Free Press; London: Collier
Macmillan.
 Rao, H. 1994. The social construction of reputation: Certification contests,
legitimation, and the survival of organizations in the American automobile
industry: 1895-1912. Strategic Management Journal, 15: 29-44.
 Rao, H. 1998. Caveat emptor: The construction of nonprofit consumer watchdog
organizations. American Journal of Sociology, 103(4): 912-961.
 Rao, H., Morrill, C, & Zald, M.N. 2000. Power plays: How social movements and
collective action create new organizational forms. Research in Organizational
Behavior, 22: 239-282
 Romelaer, P., (2005), " l'entretien de recherche, dans Roussel P., Wacheux F.
(eds), 2005, Management des ressources humaines : Méthodes de recherche en
sciences humaines et sociales, De Boeck, pp.101-137
 Rondeau. A. (2002). Transformer l’organisation : vers un modèle de mise en
oeuvre. In, Transformer l’organisation : la gestion stratégique du changement (p. 91112). Collection « Racines du savoir » Gestion revue internationale de gestion.
 Rosenzweig P.M., J.V. Singh (1991), Organizational environments and the
multinational enterprise, Academy of Management Review, vol. 16, N 2, pp. 340361.
 Scott, P. (1995) The Meanings of Mass Higher Education. Buckingham: Open
University Press.
nd
 Scott, R. (2001) Institutions and Organizations. Thousand Oaks, CA: Sage, 2 ed. ,
 Selznick, P. (1957). Leadership in Administration, Evanston, Ill.: Row, Peterson
 Skinner, M. L., Elder, G. H., & Conger, R. D. (1992). Linking economic hardship to
adolescent aggression. Journal of Youth and Adolescence, 21(3), 259-276.
 Sucher, P., Jindrichovska, I. (2004), Implementing IFRS: A Case Study of the
Czech , Accounting in Europe, Vol. I, 2004, 110-141
 Tarca, A. (2004) “International convergence of accounting practices: choosing
between IAS and US GAAP”, Journal of International Financial Management and
Accounting, 15(1): 60-91.
 Tolbert, P. , Zucker, L. (1983), Institutional sources of change in the formal
structure of organizations :The diffusion of civil service reform, Administrative
science quarterly, vol 28, n: 1, pp.22-39
36
 Townley B. (2002), The role of competing rationalities in institutional change,
Academy of Management Journal, vol.45, n°1, pp.163-179
 Wacheux, F. (1996). Méthodes qualitatives et recherche en gestion. Paris :
Économica.
 Wade-Benzoni, K.D., Hoffman, A.J., Thompson, L.L., Moore, D.A., Gillespie, J.J., &
Bazerman, M. H. (2002). Barriers to resolution in ideologically based negotiations:
the role of calues and institutions. The Academy of Management Review, 27 (1),
41-57.
 Zilber, T. (2002) 'Institutionalization as an interplay between actions, meanings
and actors: the case of a rape crisis center in Israel', Academy of Management
Journal, 45: 234-54.
 Zimmerman, M. A. & Zeitz, G.J. 2002. Beyond survival: Achieving new venture
growth by building legitimacy. Academy of Management Review, 27(3): 414-431.
37
Téléchargement