Physiologie du muscle squelettique

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Physiologie du muscle squelettique
I. Travail musculaire excentrique
I.1 Introduction
Le terme de contraction musculaire excentrique peut être défini comme l'application au
muscle d'une force externe, accompagnée d'une montée en tension pendant
l'allongement physique de l'unité tendo-musculaire. Il est défini également parfois
comme travail négatif, travail de freinage ou décélération ou encore comme "absorption
des chocs".
De longue date, il a été relaté des fonctionnements majoritairement excentriques, dans
le membre inférieur, faisant référence au dysfonctionnement du tendon rotulien, ainsi
que dans le membre supérieur pour la coiffe des rotateurs. Egalement, le rôle des
charges excentriques en tant qu'origine d'accidents musculaires a été souligné depuis
longtemps et les programmes d'entraînements préventifs excentriques, sont connus
depuis près de 20 ans.
A cette même époque, le concept du déficit critique est identifié par Benett, dans le
cadre de nombreuses tendinopathies et en particulier pour la "douleur antérieure du
genou". Le déficit critique est le pourcentage obtenu en divisant la valeur du couple
excentrique d'un groupe musculaire par le couple concentrique du même muscle. Un
rapport inférieur à 1 est considéré comme déficitaire. C'est d'ailleurs sur cette base
que Stanish a décrit son protocole de rééducation de la tendinopathie, basé sur le
principe de la progressivité.
Le travail excentrique est par ailleurs de plus en plus utilisé pour tenter de pallier au
déficit musculaire lié au processus de vieillissement, de même qu'une autre propriété
importante de l'entraînement majoritairement excentrique paraît être l'amortissement
efficace des compressions du cartilage articulaire liées aux impulsions de la vie active et
du sport en particulier.
I.2 Principes physiologiques et contrôle moteur de l'activité musculaire excentrique
Des études d'unité motrice ont eu pour résultat, dans les années 80, de décrire un
modèle permettant de comprendre le principe du recrutement du muscle, dénommé
principe de la taille. Selon ce principe, les petites unités motrices ont le seuil
d'activation le plus bas et sont de fait activées par de faibles efforts. Ce n'est que lors
de contractions plus intenses, avec des charges plus importantes, que le recrutement
implique alors les plus grosses unités motrices.
Il existe bien entendu des exceptions au principe de recrutement par la taille, qui sont
constituées en particulier des séquences de recrutement avec la stimulation électrique
musculaire et, surtout, en connexion avec l'activité excentrique.
L'idée que les fibres rapides jouent un rôle particulier et primordial dans l'activité
excentrique, est corroborée par la répartition des dommages cellulaires observés après
un exercice excentrique. Le dommage est le plus rapporté sur les fibres de type II. Ces
dernières sont donc intrinsèquement plus exposées aux blessures résultant de
l'excentrique et de plus, elles sont recrutées préférentiellement dans ce type
d'activité.
Sur le plan de l'activation neurologique, on sait depuis longtemps que, pour une force
musculaire donnée, l'activité EMG intégrée est nettement plus basse pendant l'activité
excentrique que durant l'activité concentrique, ce qui conforte l'idée que durant
l'excentrique, la charge est supportée par moins d'unités motrices, autrement dit que la
force produite par fibre ou par unité de section est plus grande.
L'adaptation à l'exercice excentrique est également classique, "la protection"
apparaissant quelques 5 à 7 jours après un premier entraînement excentrique, pouvant
durer jusqu'à 4 à 6 mois. La stimulation de la synthèse de différentes protéines
musculaires, liées ou non à la transmission des forces à l'intérieur de la cellule lésée,
comme aux cellules adjacentes, a clairement été démontrée. En particulier, la titine et la
desmine sont particulièrement sensibles à ce type de travail et leur taux de synthèse
accrue est bien démontré après entraînement excentrique.
La force produite pendant ce type de mouvement, est évidemment considérablement
plus grande que la force isométrique et varie avec la vitesse. Lorsque la vitesse
d'étirement s'accroît, la force tend vers un plateau, atteignant une valeur d'environ 1.8
fois la force isométrique en moyenne. Cette valeur est évidemment à moduler selon le
type de muscle et sa composition en fibres musculaires (figure 11).
L'augmentation de force en excentrique est expliquée d'après le modèle de Huxley :
durant l'étirement, les portions compliantes S2 de la myosine vont être étirées au-delà
de ce qui est normalement le cas durant la contraction isométrique. Si l'étirement est
relativement lent, une certaine proportion des ponts actino-myosines, va encore pouvoir
réaliser tout le cycle d'attachement, rotation et détachement (figure 12).
Cependant, lorsque la
vitesse d'étirement s'accroît, moins de ponts compléteront le cycle et, en fonction du
degré d'étirement, ils pourront se rompre de façon forcée. Ainsi, plus la vitesse
d'étirement augmente, plus le nombre de ponts va diminuer, mais ceux qui restent
attachés vont maintenir une force plus importante.
En terme d'hydrolyse de l'ATP durant la contraction excentrique, il est facile de
comprendre que, la rupture se faisant de façon mécanique, le détachement est forcé
avant l'étape de la dissociation ATP-dépendante et ce détachement forcé ne requiert
quasiment pas d'ATP. Ainsi, l'hydrolyse de l'ATP est très faible durant les contractions
en étirement (figure 13).
Ceci explique "le rendement" très élevé de la
contraction excentrique, même si le concept de rendement au sens strict d'un muscle
étiré n'a guère de sens, puisque aucun travail positif n'est généré par le muscle, il ne
s'agit que d'un travail de résistance.
Ce très faible taux d'hydrolyse de l'ATP en cas d'activité excentrique est confirmé par
tous les travaux qui ont déterminé, à une intensité de travail comparable, qu'il fallait
environ 70% de moins d'oxygène pour l'excentrique que pour le concentrique. D’une
perspective différente, la consommation d'oxygène par unité d'activité musculaire a une
valeur 3 fois plus importante quand il s'agit d'activité concentrique. De plus, il a été
montré que l'entraînement excentrique n'est pas limité par des facteurs circulatoires
ou respiratoires et qu'un travail majoritairement excentrique ne produit pas d'effet
prononcé d'entraînement du système cardio-respiratoire.
I. 3 Cycle étirement-raccourcissement
Durant un tel cycle, appelé aussi travail pliométrique (stretch-shortening-cycle des
anglo-saxons), il existe un potentiel de stockage et d'utilisation de l'énergie élastique
qui va avoir un effet potentialisateur sur la contraction concentrique qui va suivre. En
effet, un transfert d'énergie potentielle à partir des éléments élastiques séries,
permet de produire ensuite une plus grande intensité de force contractile positive. Afin
d'optimiser ce cycle étirement-raccourcissement, les conditions d'exécution doivent
comprendre une vitesse d'étirement rapide, une inversion aussi courte que possible du
mouvement de l'excentrique vers le concentrique, ainsi qu'une amplitude plutôt
restreinte.
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