Les différents types d’organisation économique : la régulation planifiée Deux formes de régulation planifiée, mise en place à côté du marché, mécanisme-clé de la régulation du système capitaliste : autoritaire et centralisée en Russie et dans les démocraties populaires, indicative à l’Ouest pour apporter une réponse aux imperfections du marché comme aux urgences de l’après-guerre. 1. La planification centralisée La planification comme réponse à la régulation par le marché Une rupture voulue par l’analyse marxiste : rompre avec le système capitaliste nécessite la mise en place d’un nouveau rapport de forces qui ne soit plus fondé sur l’exploitation et d’une satisfaction des besoins qui ne soit plus fonction d’un échange marchand, mais d’une définition a priori des besoins par la société elle-même, selon le principe « à chacun selon ses besoins » (aaaaah ! il est là le paradoxe : où sont les besoins dans le secteur A ?). C’est aussi pour se conformer à la vision marxiste que les socialistes ont dans un premier temps renoncé à la monnaie, symbole de l’exploitation capitaliste. La régulation planifiée est imposée par les circonstances : sa première manifestation est le communisme de guerre (17-21) : rationnement, réquisitions autoritaires et suppression de la monnaie. Cette politique est abandonnée en 21 pour la NEP (certain libéralisme). Avec Staline, l’industrialisation s’impose au PCUS comme solution au développement (mais débat entre Boukharine, « paysans, enrichissez-vous ! » et Preobrajenski, accélération de l’industrialisation en favorisant le transfert des « valeurs de production présocialistes »). L’organisation de la planification Priorité (marxiste) au secteur A (comme « armement ») sur le secteur B (comme « bananes ») et hiérarchisation du plan selon 3 niveaux (instances de décision, système ministériel, entreprises) et trois durées => bureaucratisation du système et quantitativisation (pouh c’est moche !) des objectifs définis par la balance matière (mise au point du TES par Leontief). La régulation se fait par les quantités, non par les prix (D solvable structurellement en excédent) : une « économie de pénurie » (Janos Kornaï) se met en place qui associe rationnement, stockage (économie souterraine) et gaspillage (doublons d’I). Les résultats de la planification : croissance extensive puis blocage Les succès sont réels dans les années 30 avec une croissance supérieure à 10 % et une croissance des I de plus de 14 % par an. Mais ceux-ci sont mal gérés et non modernisés et la productivité totale chute (du capital : divisée par 2 entre 51 et 65), la croissance n’est qu’extensive. Les recours à la technologie extérieure des années 60 et 70 ne sont pas optimisés => la régulation planifiée s’épuise progressivement, le marché noir devient la soupape de sécurité de l’économie. Les dysfonctionnements de la planification Chaque firme publique essaye d’obtenir des quotas les plus élevés possibles pour être sûre de remplir les objectifs, faire mieux obligerait à poursuivre les efforts sans avantages. Le système incite à la fraude et à la dissimulation de façon cumulative (l’autorité tient compte de cette sous-estimation systématique, ce qui pénalise les entreprises « honnêtes »). La planification nécessite des calculs extrêmement complexes, difficilement compatibles avec la diversification des besoins. Souvent les plans d’approvisionnement et de production ne sont pas conformes, d’où des pénuries d’une part, des stocks d’autre part. Les objectifs sont souvent exprimés en unités (quantitatives) en dépit du bon sens (caricature du clou) : la tôle est lourde, les entreprises de transport choisissent les trajets les plus longs. L’économie souterraine, partiellement tolérée (20% fin 70s) se développe. Les réformes Allers et retours entre mode socialiste et modes aménagés : NEP Réforme de Liberman ou Kossyguine en 1965 (critères qualitatifs et de rentabilité, primes monétaires pour les travailleurs performants) mais toujours pas de prise en compte de la demande des consommateurs Petites réformes timorées (volonté de la nomenklatura et de la gérontocratie d’Etat de maintenir le statu quo) qui n’empêchent pas le système de se scléroser et le frein de la société La perestroïka : vers la transition Gorbatchev veut mettre en œuvre une réforme de fond sans renoncer au socialisme. La démocratie apparaît. Sur le plan économique, on passe à une économie mixte pour que les consommateurs puissent influer sur l’offre. Le régime de la propriété est modifié par la loi du 6 mars 1990 : naissance d’une propriété « publique » (collectivités locales) et d’une propriété du citoyen individualisée. La bureaucratie est remise en cause mais le Gosplan et la Gosbank (surveillance des crédits bancaires) sont maintenus. La plus grande liberté des entreprises n’est pas accompagnée d’une réforme du système des commandes publiques (80% de la production) ou d’une libération des prix (pas avant avril 91). Échec de la politique : chaos économique à partir de 88, débat sur la restructuration (plan Chataline vs. plan Rijkov, transition douce). Le déficit budgétaire atteint 11% du PNB. De 1990 à 1996, la production recule chaque année, l’inflation se généralise, le marché noir devient la norme, l’opposition se développe. Le putsch du 19 août scelle la fin de l’URSS. Les réformes d’Eltsine ou la transition accélérée vers le marché K. Polanyi, La grande transformation : le marché est construit par l’Etat. Réforme Gaïdar (1992) : les prix sont multipliés par 3,5 ; la part du capital progresse de 30 points entre 92 et 95, le chômage du BIT est de 15 % en 96, l’espérance de vie régresse, la courbe de Gini s’écarte de la diagonale. La plupart des grandes entreprises d’Etat passent dans des mains privées pour une bouchée de pain. Les exportations deviennent essentiellement de matières premières (encore un paradoxe !). La culture du non-paiement engendre la mise en place d’une économie non monétaire (40 % des opérations économiques en 96-97). Les pouvoirs politiques, économiques et sociaux sont bafoués. Solution pour la Russie : créer un Etat de droit qui assure l’équité devant les contrats (système capitaliste : système du risque calculé). En 90 et 91, la P industrielle chute de 30% en Bulgarie, 20% en Pologne. J. Kornaï : « l’embourgeoisement est un processus historique long ». Comment passer à l’économie de marché ? Kornaï insiste sur une opération « vérité des prix » : suppression des prix administrés, développement de la concurrence, ouverture sur l’extérieur ; maîtrise de l’inflation et instauration d’un système fiscal neutre ; création d’une nouvelle classe de propriétaires 2. La planification indicative et incitative Après la guerre s’impose en France et au Japon l’idée que l’intervention étatique est nécessaire pour guider la reconstruction et la modernisation. Les prévisions et orientations du plan créé en France par Monnet sont des images possibles, mais non des objectifs, des instruments de cohérence. P. Massé : « l’esprit du plan, c’est le concert de toutes les forces économiques et sociales de la nation ». Le développement d’outils d’analyse permet de fonder les progrès du Plan. Phase de modernisation et reconstruction (quatre premiers plans) Plan Monnet (46-52) : rétablir les infrastructures pour éviter les goulets d’étranglement ; plan centré sur six secteurs moteurs et l’accès à tous les agents des biens essentiels. La production augmente de 16 % sur la période (objectif de 25 %). Le rationnement disparaît en 49. 2° plan (53-57) : produire mieux (sortie de l’économie de rationnement). Le marché retrouve un rôle plus fort, le plan prend en compte la toute neuve comptabilité nationale. La croissance est de 30 %, la consommation de masse se développe (demande des ménages extrêmement dynamique). Dans l’apogée du fordisme, l’automobile devient une industrie industrialisante (G. Bernis). La contrainte est la pénurie de main-d’œuvre => politiques d’immigration. Plan de stabilisation (57-61) : inflation due à la pression de la demande et à la sous-évaluation du franc depuis 51. En 58, Pinay est à l’origine du nouveau franc => rééquilibrage. 4° plan : plan de développement économique et social, les dépenses publiques doivent progresser 2 fois plus vite que la production globale. La croissance est de 24 % sur 4 ans. Ouverture et compétitivité Le cinquième plan a pour but de réduire les inégalités (70 : SMIC) et d’encourager la concentration économique, de favoriser la recherche (Concorde en 66). Le taux de croissance atteint des records (6 à 6,5 % par an). 6° plan : les objectifs qualitatifs seront facilement atteints (hausse de la part des salaires dans la VA, modernisation des infrastructures) même si le plan est perturbé par le choc pétrolier et l’internationalisation des entreprises et de l’économie. La crise de la planification 7° plan : les planificateurs privilégient les objectifs qualitatifs (société juste et égalitaire). Etablissement de PAP (200 milliards de crédit) pour réduire la contrainte extérieure, stimuler la recherche, l’aménagement du territoire. Ensuite, on privilégie la désinflation et l’intégration européenne, le desserrement de l’ensemble des contraintes économiques. Il existe toujours un commissariat au plan, mais qui est d’abord une instance de concertation ; la planification est le symbole de la combinaison entre marché et Etat, même si l’internationalisation pose la problématique d’une politique à l’échelle régionale. La prospective dans les PDEM Décrire par un effort d’imagination l’état terminal d’une évolution de longue période ≠ prévision. Il s’agit de mettre en place une recherche méthodique appliquée à l’action publique pour assurer la gestion du budget de l’Etat et informer les citoyens => mise en place de programmations.